Trop peu compétent pour mon compte en matière si éparse et si mobile, je ne ferai que courir, relevant quelques points à peine et en hâte d’arriver à son dernier succès, mais heureux au moins si j’ai montré que le propre de la critique est de n’être point prude, qu’elle aime et va querir partout les choses de l’esprit, qu’elle tient à honneur de s’en informer et d’en jouir. […] Scribe donnait seul son premier opéra-comique, la Chambre à coucher ; mais, de ce côté, la suite ne répondit pas aussitôt à cet heureux début. […] Homme heureux, il a compris de bonne heure que ce n’était plus le temps de l’élévation ni de la grande gloire, et il s’est mis à le dire sous toutes les formes les plus agréables, les plus flattées. […] On dira, et on l’a dit, qu’il n’y a rien de littéraire dans le genre, qu’il ne saurait y avoir rien de sérieusement vrai dans une comédie qui s’entremêle de roulades et se couronne par le couplet convenu, par le flon-flon militaire ou sentimental : Du haut des cieux, ta demeure dernière, Mon colonel, tu dois être content68… Ou encore : Que j’suis heureux ! […] Il ne faut peut-être pas lui en faire trop d’honneur : il y a un certain degré de fécondité heureuse qui ne permet pas de s’inquiéter des critiques et des aiguillons du dehors.
On entend assez ce que je veux dire, et c’est fort heureux qu’on l’entende sans autre explication, car le romanesque n’est pas chose commode à définir. […] Ce sont rêves de jeune fille très pure : je suis heureux et un peu fier de m’y être plu. […] Octave Feuillet : le Roman d’un jeune homme pauvre, l’Histoire de Sibylle et plus récemment, par un heureux retour à la manière de ses débuts, le Journal d’une femme ? […] Octave Feuillet avance dans son œuvre, on dirait que, subissant indirectement, malgré lui et comme par contre-coup, l’influence de l’école naturaliste, il a été pris d’un besoin croissant d’être vrai (ce qui est bien), de frapper fort (ce qui est moins heureux), et aussi, par un mouvement contraire et en manière de protestation, d’un besoin d’être moral (ce qui lui a moins réussi). […] Et c’est fort heureux pour lui qu’il ne prouve pas sa thèse : ses personnages ne la démentent, en effet, que parce qu’ils sont encore très suffisamment vrais et vivants.
Mademoiselle Gagny place en ville dans des maisons recommandables les plus âgées de ces filles, les aidant de ses conseils et les rappelant à elle quand elles ne sont pas heureuses. […] Plus de cent vieillards attendent leur tour d’admission dans l’asile ; vos deux mille francs vont faire des heureux et prouver à M. l’abbé Carton l’intérêt que vous prenez à ses nobles efforts. […] Dans un de ces sauvetages, Édouard tombe sur une chaîne, s’enfonce deux côtes, s’évanouit presque ; un heureux hasard lui permet de prendre pied. […] Ce monde existe, et l’on y est très heureux. […] Dès qu’elle put gagner quelques sous, ce fut pour les rapporter, tout heureuse et toute fière, à sa mère adoptive, afin qu’ils fussent employés à soulager les petites sœurs qui étaient venues prendre place comme elle au foyer de la bonne nourrice.
Rien ne rend plus heureux que d’avoir l’esprit persuadé et le cœur touché : cela est bon pour tous les temps. Ceux mêmes qui ne sont pas assez heureux pour croire comme ils doivent, se soumettent à la religion établie : ils savent que ce qui s’appelle préjugé tient un grand rang dans le monde, et qu’il faut le respecter. […] Elle veut qu’elle aussi, pour être heureuse, elle apprenne à penser sainement, à penser différemment du peuple sur ce qui s’appelle morale et bonheur de la vie : « J’appelle peuple, ajoute-t-elle, tout ce qui pense bassement et communément : la Cour en est remplie. » Ces réflexions philosophiques, qui, plus tard, passeront aisément à la déclamation et à l’excès, percent déjà à l’état d’analyse très distincte chez Mme de Lambert. […] Pour nous, qui sommes moins susceptibles, et que ces nouveautés d’il y a cent ans effleurent à peine et certainement ne scandalisent plus, nous reconnaîtrons que son style est tout rempli de mots très heureux, d’une acception nette et vive. […] » Elle n’est pas toujours aussi heureuse dans la nouveauté des expressions, et la recherche s’y fait plus d’une fois sentir.
» — Le Discours de Rivarol, qui obtint le prix, a de l’éclat, de l’élévation, nombre d’aperçus justes et fins exprimés en images heureuses. […] Mais, dans le monde, l’esprit est toujours improvisateur ; il ne demande ni délai ni rendez-vous pour dire un mot heureux. […] Ses amis (car il en eut) assurent qu’en s’emparant ainsi du sceptre, il n’en était nullement orgueilleux au fond : « Ne se considérant que comme une combinaison heureuse de la nature, convaincu qu’il devait bien plus à son organisation qu’à l’étude ou au travail, il ne s’estimait que comme un métal plus rare et plus fin. » C’était sa manière de modestie. […] Que si Locke et Condillac « manquaient également tous deux du secret de l’expression, de cet heureux pouvoir des mots qui sillonne si profondément l’attention des hommes en ébranlant leur imagination, leur saura-t-on gré de cette impuissance ? […] Ils ont cru cependant, ces philosophes, que définir les hommes, c’était plus que les réunir ; que les émanciper, c’était plus que les gouverner, et qu’enfin les soulever, c’était plus que les rendre heureux.
Ce mariage d’amour et de poésie fut d’ailleurs des moins heureux. […] » Ce simple mot devint le signal de l’applaudissement universel, et, à partir de là, tout le discours de Marmontel fut pris comme un persiflage, et tourné contre le nouvel élu : « L’homme de lettres que vous remplacez, — pacifique, — indulgent, — modeste, — ou du moins attentif à ne pas rendre pénible aux autres l’opinion qu’il avait de lui-même, — s’était annoncé par des talents heureux… » À chacun de ces mots flatteurs pour le défunt, on interrompait Marmontel, qui devenait malin à son tour, plus malin encore sans doute qu’il n’avait pensé l’être, et qui, par ses pauses marquées, se laissait très bien interrompre. […] La Harpe nous est représenté à dîner chez un riche banquier, un peu avant le dessert ; il est dans cette disposition heureuse de cœur et d’estomac qui porte à l’indulgence : rien de ce qu’il aimait n’avait manqué au repas ; il était réconcilié avec les hommes ; il aurait trouvé de l’esprit à Saint-Ange, du jugement à Mercier, de la décence à Rétif, de la douceur de caractère à Blin de Sainmore ; enfin, il aurait accordé du talent à d’autres qu’à lui, quand tout à coup il se lève de table et disparaît : Après une assez longue absence, la maîtresse de la maison le fait chercher : on ne le trouve point. […] La duchesse de Grammont, présente au dîner, prend la parole : « Pour çà (dit-elle), nous sommes bien heureuses, nous autres femmes, de n’être pour rien dans les révolutions. […] quel est donc l’heureux mortel qui aura cette prérogative ?
Il y détonnait par la vivacité, l’entrain, la verve, l’inconséquence heureuse, et, dans des sujets souvent désagréables, par de l’agrément. […] D’ailleurs, quand Galilée eût été de taille de Socrate, lequel pourtant fit tuer un coq, quand il eût fait de l’antagonisme contre l’Église jusqu’à la ciguë, la découverte dont il était si heureux et si vain n’ébranlait en rien la lettre de la Bible, qui reste solide et entière. […] — ce livre ne devait pas seulement être une vengeance de l’auteur, mais de nous tous qui nous sommes heurtés aux mêmes drôles triomphants et aux mêmes imbéciles heureux. […] Je l’ai dit, ce que j’y ai trouvé, c’est un philanthrope, un attendri, un coryza philosophique, un mélange heureux de Cabet et de Garnier-Pagès. […] Ils ont des jours où ils rencontrent juste, par le fait d’un organisme heureux : Chasles, sensible comme il l’était à la beauté littéraire, a eu de ces jours où il l’a bien vue et bien analysée, et où il nous l’a montrée resplendissante… Mais, devenu utilitaire sur son déclin, philanthrope, prédicateur, charitable, larmoyant et quaker, — car il est tout cela, et, chose plaisante !
Qu’il ait trop multiplié peut-être, ou laissé parfois tomber avec négligence les accents de sa voix musicale ; qu’il ait porté depuis sur trop de sujets les plus divers sa seconde vue trop rapide ou trop distraite, il n’importe : la langue et l’esprit français n’oublieront jamais quelques-uns des premiers et des grands dons que cet heureux génie leur a faits. […] Quoi qu’il en soit, avant ces épreuves trop violentes qu’impriment aux plus nobles caractères nos révolutions si rapides et nos fantaisies sociales trop réitérées, combien avaient été souvent heureuses les hardiesses d’imagination de ce talent jeune et libre, alors qu’on le voyait, comme il l’a dit lui-même : Jeter le vers d’airain qui bouillonne et qui fume Dans le rhythme profond, moule mystérieux D’où sort la strophe ouvrant ses ailes dans les cieux. […] Olavidez, jeune magistrat de la ville de Lima dans le Pérou, avait occupé Paris de ses luttes contre l’Inquisition dans les deux mondes, de ses disgrâces et des efforts heureux de son active industrie. […] « Jamais, s’écrie-t-il, je n’ai senti comme aujourd’hui mon abandon, ma solitude, mon lamentable manque d’amour. » Un art plus heureux du poëte, c’est de ne point s’arrêter aux seules grandeurs de la matière, tout étonnantes qu’elles soient, mais de remonter à la pensée divine. […] Ces chants et d’autres encore pouvaient paraître d’heureux échos d’une harmonie connue, des reflets d’enthousiasme dont l’ardeur même atteste plutôt l’émotion du souvenir que la soudaine création du génie.
Augier a cité un mot heureux de M. de Chateaubriand, disant-de M. de Salvandy qu’il avait de la fougue dans la modération. […] Augier, qui l’avait trop peu connu, s’est fait l’interprète heureux et fidèlement inspiré.
Malgré tous ces petits affronts, nos légitimistes d’ici sont enchantés, heureuses gens ! […] C'est le pli de rose sous l’oreiller du trop heureux. — Il ne s’est pas délivré à Paris plus de quatre-vingts passeports pour les fidèles qui allaient visiter leur Stuart.
Les bonnes plaisanteries, les tours heureux, les pensées courageuses, les expressions énergiques qu’on trouve sur-tout dans celle qu’il a intitulée Mon dernier mot, prouvent qu’il a un talent marqué pour ce genre de Poésie, & nous l’invitons à le cultiver. […] Cet heureux accord lui procureroit le suffrage d’un plus grand nombre de Lecteurs, & contribueroit plus efficacement au triomphe du goût & à l’amour des vrais principes.
La suite d’Helche, qui jadis servait cette princesse, passa depuis des jours heureux auprès de Kriemhilt. […] Je me réjouis de tout ce qui arrive d’heureux à ces guerriers. […] Qu’elle soit toujours heureuse, ainsi que son époux Etzel ! […] « Comment pourriez-vous vivre plus heureux qu’ici ? […] « Quand la reine apprit que ses frères viendraient dans ce pays, elle en fut toute heureuse.