Ce n’était pas l’impression d’un beau pays frappé de mort et condamné par le soleil à demeurer stérile ; ce n’était plus le squelette osseux de Boghari, effrayant, bizarre, mais bien construit : c’était une grande chose sans forme, presque sans couleur, le rien, le vide et comme un oubli du bon Dieu ; des lignes fuyantes, des ondulations indécises ; derrière, au-delà, partout, la même couverture d’un vert pâle étendue sur la terre ; çà et là des taches plus grises, ou plus vertes, ou plus jaunes ; d’un côté, les Seba’Rous (les sept Pitons) à peine éclairées par un pâle soleil couchant ; de l’autre, les hautes montagnes du Tell encore plus effacées dans les brumes incolores ; et là-dessus, un ciel balayé, brouillé, soucieux, plein de pâleurs fades, d’où le soleil se retirait sans pompe et comme avec de froids sourires. […] Puis tout à coup, sur un terrain plus rude et franchement stérile, sur un sol pierreux où croissent le romarin et l’absinthe et où s’agite et rampe tout un peuple de lézards, de scorpions et de vipères, il entend les alouettes, et des alouettes de France, et des rouges-gorges aussi, ces « autres chanteurs d’automne, qui leur répondent du haut des amandiers sans feuilles ». […] Ainsi il a fait à El-Aghouat, ainsi à Aïn-Mahdy : et du haut de cette station dominante, promenant partout le regard, pensant aussi aux luttes sanglantes dont ces villes ignorées furent le théâtre, à ces sièges qu’elles soutinrent, et aux scènes humaines émouvantes qui durent se passer autour de ces murailles, il dira : « De ma terrasse, en m’accoudant sur un mur crénelé qui fait partie du rempart, j’embrasse une grande moitié de l’oasis et toute la plaine, depuis le sud où le ciel enflammé vibre sous la réverbération lointaine du désert, jusqu’au Nord-Ouest où la plaine aride, brûlée, couleur de cendre chaude, se relève insensiblement vers les montages. Ces vues de haut me plaisent toujours, et toujours j’ai rêvé de grandes figures dans une action simple, exposées sur le ciel et dominant un vaste pays. […] On se demande, en la voyant commencer à ses pieds, puis s’étendre, s’enfoncer vers le Sud, vers l’Est, vers l’Ouest, sans route tracée, sans inflexion, quel peut être ce pays silencieux, revêtu d’un ton douteux qui semble la couleur du vide ; d’où personne ne vient, où personne ne s’en va, et qui se termine par une raie si droite et si nette sur le ciel ; — l’ignorât-on, on sent qu’il ne finit pas là et que ce n’est, pour ainsi dire, que l’entrée de la haute mer… — J’ai devant moi le commencement de cette énigme.
En un mot, la prose a été le langage de la raison, la poésie a été le langage de l’enthousiasme ou de l’homme élevé par l’impression, la passion, la pensée, à sa plus haute puissance de sentir et d’exprimer. […] XI Mais la mer, soit que nous voguions sur ses lames, soit que nous contemplions sa surface du haut des falaises, a mille fois plus de poésie que la terre et les montagnes. […] On lui fit poursuivre ses études philosophiques et théologiques dans les hautes écoles de Paris. […] La jeunesse de Fénelon fit échouer l’ambition de son oncle : un autre ecclésiastique de haute naissance obtint les suffrages. […] Il pouvait aspirer, sous les auspices de M. de Harlay, aux plus hautes et aux plus célèbres dignités de l’Église ; il leur préféra l’amitié stérile alors de Bossuet.
Le musicien, s’il a une idée un peu haute, dévide les syllogismes d’une inexpressive argumentation sonore, et un maître glorieux comme Wagner écrit le dialogue de Wotan et Fricka dans la Walkyrie ; s’il regarde plus bas, il trempe son art en pleine matière et s’efforce d’imiter convenablement l’eau qui coule, ou le tonnerre qui gronde, ou la tempête qui rugit, quand ce n’est pas le tintamarre grossier d’une fête à Montmartre. […] Malgré l’intrusion de personnages abstraits sous leurs noms abstraits, je voudrais presque assimiler ces vers à un symbole ; j’y appliquerais volontiers une réflexion semblable à celles que me suggérait plus haut la structure d’une cathédrale, — sans vouloir autrement comparer. […] Et c’est encore la suggestion dont je parlais plus haut ; l’idée, acquérant ainsi l’aspect d’une chose inconnue puisque le lecteur ne la vit jamais auparavant environnée de ces similitudes rayonnantes, semble naître à la vie par un effort de son esprit. […] En ses lignes amples et fondues il est toujours significatif mais corrige par sa paix réginale le pessimisme des scènes qu’il enveloppe ; la pensée du Poète y apparaît mieux en sa simplicité, mais non plus désolée ; comme les hautes montagnes silencieuses dont la base repose dans les lacs de la brume, une radieuse sérénité grandit de sa mélancolie. […] J’écrivais plus haut : l’emblème est l’image conventionnelle d’une idée.
Ce qu’il glorifie et ce qu’il consacre, c’est une des plus hautes vertus de la Grèce antique, le droit sacré des Suppliants, la religion du foyer. […] C’est cette inviolabilité du malheur opposée aux revendications de la force qu’Eschyle met en scène dans les Suppliantes ; c’est elle qu’il offre en exemple à la Grèce, dans une légende mémorable rattachée à ses plus hautes origines. […] Ne souffre pas que, suppliante, je sois arrachée du pied de ces statues divines, entraînée comme une cavale, saisie par mes bandelettes bigarrées, tirée par mes voiles. » — Une image bucolique semble évoquer leur mère commune dans sa métamorphose douloureuse : — « Regarde-moi, je suis là, suppliante, exilée, errante, comme la vache poursuivie par le loup sur un haut rocher. […] Du haut de la colline où il est monté, Danaos aperçoit une barque sinistre qui vogue vers le rivage à force de rames. […] faites des vœux moins hauts. » — « Que signifie ce conseil ?
Pour mettre sa sensibilité plus à son aise, par un singulier et subtil accommodement il supposait que c’était d’un autre que lui qu’il parlait : C’est d’un moi que je parle, et non pas de moi ; car, loin des hommes, au pied des hautes montagnes, au bruit d’une onde monotone qui ne présente d’autre idée que la marche égale du temps, et sans autre aspect qu’une longue solitude, une retraite silencieuse que bordent déjà les ombres d’une éternelle nuit, je n’ai plus de rapport avec ce ministre naguère emporté par les événements, agité par les passions du monde, et sans cesse aux prises avec l’injustice ; je n’ai plus de rapport avec lui que par les émotions d’une âme sensible… Il revient à chaque instant, avec des cris de David ou de Job, sur cette calamité, qui véritablement n’était pas si grande qu’il le supposait : Quelquefois seulement, au pied de ces montagnes où l’ingratitude particulière des représentants des Communes m’a relégué, et dans les moments où j’entends les vents furieux s’efforcer d’ébranler mon asile, et renverser les arbres dont il est environné, il m’arrive alors peut-être de dire comme le roi Lear : « Blow, winds, … Soufflez, vents impétueux ! […] L’État se fût-il abîmé après eux, et en partie par eux, croyez-le bien, ils n’ont jamais fait aucune faute ; ils n’ont pas un reproche à se faire, et, la main sur le cœur et la tête haute devant Dieu, ils le jureraient. […] il me semble que ce n’est pas là tout à fait la doctrine de l’Évangile ; il me semble que l’apôtre et, depuis lui, saint Augustin, Bossuet et tous les grands chrétiens, ont noté précisément cette gloire et cette superbe de l’esprit comme un des périls les plus raffinés et les plus à craindre pour les hautes âmes. […] Son illustre fille, Mme de Staël, s’est chargée depuis d’imprimer aux pensées politiques de son père un cachet de précision et d’à-propos, et de leur prêter une expression d’éclat, en composant ses Considérations sur la Révolution française, qui eurent un si grand succès dans la haute société en 1818, et qui présentèrent une théorie spécieuse à la politique de la Restauration. […] Comme écrivain, il s’était beaucoup formé par l’usage, et il était arrivé à se faire un style : style singulier, fin, abstrait, qui se grave peu dans la mémoire et ne se peint jamais dans l’imagination, mais qui atteint pourtant à l’expression rare de quelques hautes vérités.
Un tel art aurait au plus haut point le défaut inhérent à tous les arts, qui est de se montrer infiniment plus étroit que la nature. […] La vie est d’autant plus insaisissable (par l’analyse abstraite qu’elle est plus individualisée ; or, c’est l’individualité à son plus haut degré qui est l’objet préféré du poète, du romancier, de l’artiste. […] La science embryonnaire ne voyait de merveilles que dans les choses placées bien haut hors de notre portée ; la science actuelle, tout au contraire, trouve le merveilleux à chaque pas, en toute chose. […] L’art est ainsi une condensation de la réalité ; il nous montre toujours la machine humaine sous une plus haute pression. […] Le personnage le plus universellement sympathique est celui qui vit de la vie une et éternelle des êtres, celui qui s’appuie, sur le vieux fond humain et, se soulevant sur cette base immuable, s’élève aux pensées les plus hautes, que l’humanité atteint seulement en ses heures d’enthousiasme et d’héroïsme.
Ici l’épreuve de Volnys était de la plus haute importance. […] Un jour il atteindra la haute fortune de sir Robert Peel : il sera prié de composer un cabinet. […] ne m’a-t-il placé si haut que pour éloigner de moi toutes les sympathies ? […] Ludovic Vitet, une haute estime ; nous admirons sa patience curieuse, son savoir, son adresse. […] Puisqu’il les a corrigés, sans doute il les estime plus haut qu’il ne dit.
Ce père, en un mot, avait le sentiment des hautes études. […] On avait de lui la plus haute idée. […] » L’estime de Carrel fut très haute dès qu’il se mit à l’apprécier ; il essaya même de faire de lui un rédacteur politique et de premiers-Paris. […] » En s’appliquant à l’exposé de ces hautes questions primordiales, M. […] Il a vécu avec Socrate, Phidias, Sophocle, Euripide, Thucydide, Aristophane, et il n’a pas été indigne de cette haute société.
C’était une maisonnette toute semblable à celles que j’ai décrites plus haut comme la demeure ordinaire des gentilshommes peu opulents de la Savoie. […] La tête, quoique naturellement forte, paraissait ainsi plus grosse encore que nature ; son front large et haut sortait plus ample de ce nuage de frisure et de poudre. […] Du haut de ses rochers il a le regard de l’aigle ; il voit plus loin que le vulgaire, mais il ne voit pas toujours vrai. […] Quant à moi, j’admirai cette force du naturel qui place l’étiquette plus haut que le cœur. […] Il continue à prophétiser, sans se troubler des contradictions qu’une si haute prétention de confident et de commentateur de la Providence fait encourir à son don de prévision.
Ce jardin, quoique un peu plus grand, est tout à fait semblable aux petits parterres encaissés de hauts murs, qui sont attenants à chaque cellule de chartreux dans les vastes chartreuses d’Italie ou de France. […] C’était une de ces figures semi-joviales et semi-sérieuses, comme il y en a tant parmi les membres les plus irréprochables du haut clergé séculier en Italie. […] Il portait le front haut comme le verbe ; son geste, majestueux et presque héroïque, accompagnait toutes ses paroles, comme s’il eût voulu les sculpter indélébilement dans la mémoire de ses auditeurs. […] Un mendiant vint huit jours après raconter à Ginevra qu’il l’avait vu se jeter volontairement dans la mer du haut d’un écueil du rivage. […] Il s’était, en effet, précipité de désespoir du haut d’un rocher dans la mer, et le pèlerin auteur de cette rumeur n’avait pas menti ; mais il s’était repenti de mourir sans que sa mort fût au moins utile à sa maîtresse, quoique infidèle, et il avait regagné la rive à la nage.
Si vous voulez tenir haut les esprits, élevez les modèles ; ne mettez pas l’habileté avant le génie, et préférez l’art sévère à l’art complaisant. […] Sévère seulement du haut de sa chaire, et, comme il arrive, d’autant plus timide dans la conduite, celui qui avait supprimé les degrés dans les fautes, et pour qui tout était crime, consentait à sacrer l’abbé Dubois. […] Cependant quelques honnêtes gens qu’il a peut-être méconnus, se plaignent aussi, quoique moins haut. […] Avec quelle finesse de jugement, comparant Pascal et Bossuet, il fait des distinctions jusque dans leur gloire commune, la plus haute où se soient élevés, dans les choses de l’esprit, des hommes mortels ! […] Penser tout cela était du bonheur, le dire tout haut était témérité.
Si un haut degré d’intelligence peut se rencontrer avec une tendance à la folie ou au crime, jamais cette tendance, disent la plupart des criminalistes, ne s’accorde avec le « sentiment affectif normal ». […] Mais ceci a-t-il empêché Victor Hugo, par exemple, de joindre au culte de la rime riche et rare, de la forme achevée, celui des grandes idées et des hauts sentiments ? […] Rousseau pousse l’infatuation de son moi jusqu’à la folie : nous en avons vu plus haut un exemple. […] Il est même des littératures, nous l’avons vu plus haut, qui prennent pour objectif de nous faire sympathiser avec les insociables, avec les déséquilibrés, les névropathes, les fous, les délinquants. […] Beau dessein, dont nous avons vu plus haut le côté légitime, mais contre lequel se re tourne l’exécution même des romans naturalistes.