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1811. (1890) Nouvelles questions de critique

Gaston Paris exprime quand il dit que la poésie du moyen âge « heurte toutes les habitudes dont nous trouvons souvent commode de faire des règles ». […] De même que d’ailleurs l’habitude littéraire émousse le sens philologique, il arrive, il est arrivé fréquemment que le sens littéraire, aussi lui, ne s’avivât point dans les exercices de la philologie. […] Pellissier, pour aimer le joli. » Je n’aime pas ce « vaillamment », qui donne l’idée d’un Chateaubriand plus sincère qu’il ne le fut d’habitude ; et, pour les « fioritures », j’en sais plus d’une, — dirai-je dans les Natchez ? […] J’aimerais mieux, sans doute, par un effet d’une ancienne habitude, que ces vers n’eussent que douze pieds, comme les autres vers, mais je ne puis méconnaître qu’il y ait là quelque chose d’assez original, dans son affectation de simplicité.

1812. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

À peine a-t-il jeté sur une feuille volante, selon son habitude, quelques traits à la mine de plomb ; et c’est d’après celle pâle et maigre esquisse qu’il a reconstitué dans leur splendeur les prestigieuses colorations de ses soleils couchants. […] Quand dans un ornement on nous montre, à côté de roses bleues, des iris rouges et des œillets verts, notre regard, bien que dérangé dans ses habitudes, n’en est pas choqué. […] Autant d’erreurs qui devraient nous sauter aux yeux, si nous n’avions nous-mêmes le regard faussé par l’habitude de la convention. […] « Pour moi, dit Arsène Alexandre dans sa belle étude sur Jean Carriès, pour moi, qui ai longuement et anxieusement interrogé son œuvre, sa vie, sa façon de percevoir les objets extérieurs à travers lui-même, j’ai la conviction que ces choses fantastiques, monstrueuses, admirables, furent filles de ses nuits, rêves qu’engendre la maladie couvée, sensations vagues qui rongent intérieurement, doucement, comme des bouches sans dents, durant les sommeils oppressés, et que l’artiste, avec son habitude de tout tirer de lui, reprend et formule pendant le jour, sans se douter d’où cela vient. » Ces réserves, qu’à chaque instant nous avons dû faire, quand nous avons assisté au périlleux passage de la convention à la fantaisie, montrent combien le terrain est dangereux.

1813. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Ce qui pique Racine au vif et ce qui l’exaspère, ce ne sont point des excommunications dont il a l’habitude ; ce n’est même pas la publicité de cette excommunication générale, ni l’idée que le public lui en fera peut-être l’application : c’est une petite incise, — une épine secrète — qu’on ne remarque pas tout d’abord, et que je vous rappelle donc : Ces qualités (d’un poète de théâtre), qui ne sont pas fort honorables au jugement des honnêtes gens, sont horribles selon les principes de la religion chrétienne. […] Cependant, Saint-Évremond avait, comme d’habitude, dans une lettre à M. de Lionne, donné son avis sur la pièce nouvelle, et, naturellement, son avis était défavorable. […] Cela veut dire que le roi s’y reconnut sans chagrin, et que, dès lors, il y eut donc, entre le roi et Racine, quelque chose de presque intime et confidentiel, quoique inexprimé, qui n’y était pas auparavant…   Mais pourquoi a-t-on pris l’habitude d’appeler Bérénice une élégie divine ? […] Mais Eurydice — contrairement à l’habitude des héroïnes de Corneille dans la moitié de ses tragédies — n’a pas le courage de donner son amant à une autre femme.

1814. (1911) Études pp. 9-261

Et je pris… l’habitude de séparer chaque instant de ma vie, pour une totalité de joie, isolée — pour y concentrer subitement toute une particularité de bonheur297… Voici donc cette âme que nous avons connue si altière et si réservée, exposée à toutes les délices du monde : la voici engagée dans la vie298 ; autour d’elle, emmenés selon le délicat mouvement des Rondes, tournent les biens inépuisables de la terre. […] Gide, au moment où il l’écrit, vient de découvrir d’immenses richesses qu’il ne soupçonnait pas ; par son émerveillement il est distrait ; il pense avec tant de plaisir à tout ce qu’il va pouvoir faire qu’il ne se donne pas entier à sa tâche ; il est partagé entre elle et l’avenir ; et ce qu’il refuse de lui-même à l’œuvre présente, c’est le passé, ce sont des habitudes qui tout naturellement viennent y suppléer.

1815. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Dans la préface qu’il mit au discours de Gémiste Pleton, il conteste l’opinion de son ami Giordani qui avait parlé de ce genre d’exercice comme n’étant profitable que dans l’enfance des littératures ; pour lui il pense, dit-il, que « les livres des Anciens, Grecs ou Latins, non-seulement sur toute autre matière, mais en philosophie, en morale, et en de tels genres dans lesquels les Anciens sont réputés si inférieurs aux modernes, que ces livres, s’ils étaient, moyennant de bonnes traductions, plus généralement répandus qu’ils ne le sont et ne l’ont jamais été, pourraient améliorer beaucoup plus qu’on ne croit les habitudes, les idées, la civilisation des peuples, et à certains égards plus efficacement que les livres modernes. » — Dans la liste des écrits publiées ou inédits de Leopardi nous trouvons, en conséquence, bon nombre de traductions.

1816. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Mais, en somme, c’est par lui que commence la révolte contre les habitudes classiques ; et, à ce titre, il est plus précoce en Angleterre, pays germanique, qu’en France, pays latin.

1817. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

écrit à son tour le père à sa femme le 29 décembre 1770 ; la première représentation de l’Opéra a eu lieu le 26 avec un plein et universel succès, et avec des circonstances qui ne se sont jamais présentées à Milan, à savoir que, contre tous les usages de la première sera, un air de la prima donna a été répété, tandis que d’habitude, à la première représentation, on n’appelle jamais fuora ; et, en second lieu, que presque tous les airs, sauf quelques airs delle vecchine parti , ont été couverts d’extraordinaires applaudissements, suivis des cris : Evviva il maestro !

1818. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

XXI La guerre de la république avec l’Europe en ce moment était plutôt une sorte d’habitude et d’impulsion continuée qu’une guerre d’intérêt ou de passion.

1819. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXXXIXe entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

XXXI Quant aux mœurs des deux peuples combattant par leurs chevaliers, elles sont barbares dans le combat et chrétiennes dans les négociations, et après la victoire, l’honneur que nous croyons une fleur de vertu moderne, y dépasse presque les habitudes des armées de nos temps.

1820. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Theuriet, n’a exprimé avec une sympathie aussi vraie la vie des pauvres foyers, des foyers de tout petits bourgeois, leurs habitudes, leurs soucis, leurs plaisirs, leurs ambitions ; nul ne nous a mieux fait sentir, sous la mesquinerie des détails matériels, qui devient touchante, l’immortelle poésie du coeur.

1821. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Cette construction du roman parfait se fera par une habitude croissante de concevoir et de recréer la vie : elle aura besoin, encore, d’une forme parfaite, dont les dernières œuvres de nos romanciers nous peuvent suggérer l’idée.

1822. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

— C’est par un procédé compliqué, quoiqu’il soit devenu simple par la répétition et l’habitude.

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