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936. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

J’ai trouvé de fréquents exemples de cette loi dans le genre des Balanes, parmi les variétés intermédiaires entre des variétés mieux tranchées. […] Ici, comme partout, j’ai contre moi le désavantage de ne pouvoir citer, parmi le grand nombre de faits analogues que j’ai pu recueillir, qu’un ou deux exemples de transitions dans les habitudes ou la structure des espèces étroitement alliées dans un même genre, et d’habitudes diverses, soit constantes, soit accidentelles, dans la même espèce. […] Dans les plaines de la Plata, où ne croît pas un seul arbre, vit un Pic (Colaptes campestris) qui a, comme les autres, deux doigts dirigés en avant et deux en arrière, la langue allongée et pointue, et les pennes caudales aiguës et roides, bien que pourtant un peu moins roides que chez le type du genre. […] Le Colaptes de la Plata est donc bien un Pic par tous les caractères essentiels de son organisation, et, jusqu’à une époque encore toute récente, on l’a toujours classé dans le même genre que les autres. […] Robin, le savant professeur d’histologie à la Faculté de médecine de Paris, ont établi récemment que l’appareil observé chez les Raies est également producteur d’électricité, et que désormais ce genre entier doit être compris dans le nombre des poissons électriques.

937. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

Entre ce genre prohibé et le genre officiellement admis, il en était un troisième toléré genre grivois, leste, c’était le mot consacré. […] Maintenant, il ne s’agit plus d’un genre spécial, mais du genre littéraire tout entier ; son diapason est la licence romans, pièces de théâtre, poésies, chroniques l’adoptent comme un accordeur de pianos se soumet au la officiel. […] Sans plus de gêne, il nous décrit ces pièces d’artillerie d’un nouveau genre braquées devant une chandelle que l’un des concurrents doit éteindre par la vigueur du souffle souterrain. […] Zola, la plus forte plume du groupe, s’est signalé entre tous dans ce genre, et, au train dont il va, il dépassera bientôt toute limite. […] Les auteurs ont accouru à tous les genres romans d’histoire, d’aventures, de passions, de sentiments, de mœurs, de crime, ont été constamment faits, refaits et réédités à satiété.

938. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Ce genre de supposition, en ne le forçant pas, a son avantage : c’est comme pour un tableau que l’on comprend mieux quand on s’en éloigne à différents points de vue, ou quand on le fait déplacer, monter, baisser peu à peu, jusqu’à ce qu’on ait atteint la vraie, la profonde perspective. […] Dans cette langue préférée, elle nous envoyait un petit chef-d’œuvre, où les teintes du Nord venaient, sans confusion, enrichir, étendre le genre des La Fayette et des Souza. […] Eugène de Rothelin est certes un tableau de moindre dimension et, si l’on veut, de moindre portée que Delphine ; mais c’est un chef-d’œuvre en son genre et dans sa mesure. […] Le style de ce charmant livre est au total excellent, eu égard au genre peu sévère ; il a le nombre, le rhythme, la vivacité du tour, un perpétuel et parfait sentiment de la phrase française. […] Aujourd’hui qu’elle s’est jetée dans la dévotion mystique, elle fait des prophéties, c’est encore du roman, mais d’un genre tout opposé… » Il finissait et concluait du même ton : « L’Évangile en main, j’oserai lui dire que nous aurons toujours des pauvres au milieu de nous, ne fût-ce que de pauvres têtes. » L’anonyme du Journal de Paris se permit de trouver ce jeu de mots final plus digne de Potier ou de Brunet, que d’un chrétien sérieusement pénétré de l’Évangile.

939. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Quoique historien et moraliste, il n’est enchaîné ni aux lois du genre historique, ni à la forme des traités de morale. […] Dans quel ordre d’idées Plutarque n’at-il pas, soit exprimé quelque vérité durable et féconde, soit recueilli quelque fait d’où sortira, sous la plume d’un autre écrivain une vérité de ce genre ? […] Quel était-il donc, pour oser se faire ainsi le terme de comparaison de tout ce qui avait vécu avant lui, pour contrôler par sa propre sagesse la sagesse ancienne, et moderne, et peser le genre humain à son poids ? […] Méthode attrayante, mêlée de tous les genres et de tous les tons ; le dogmatique arrêté à temps, coupé par des récits et de piquantes confidences sur lui-même, jamais pédantesque, même aux endroits où Montaigne paraît être le plus sérieusement de l’opinion qu’il professe la causerie jamais vaine ; l’auteur remplaçant à propos par un discours serré le laisser-aller du causeur ; tous les genres de style agréablement mêlés, depuis le plus relevé jusqu’au plus familier, sans attendre que le relevé ait trop tendu l’esprit du lecteur, ni que le familier l’ait relâché, toutes les formes du discours appelant toutes les ressources de la langue.

940. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Cela ne veut pas dire que la littérature, en tâchant avant tout d’exciter ce plaisir particulier qu’on appelle le plaisir esthétique, néglige ou dédaigne les données fournies par la réalité et les résultats acquis par le savoir humain ; elle est obligée d’en tenir compte, et suivant les temps, les genres littéraires, les goûts des individus, elle fait une part plus ou moins large au vrai et au vraisemblable. […] Ce péril se fait déjà sentir dans les ouvrages essentiellement scientifiques ; mais il est plus sensible et plus grave encore dans les genres d’écrits qui sont mitoyens entre la littérature et la science, tels que l’histoire et la philosophie. […] L’appréciation des œuvres littéraires ou artistiques, qui est affaire de goût personnel, varie et ne peut cesser de varier d’un individu à un autre ; mais ce qui est affaire de science, pure question de fait, je veux dire l’analyse des caractères qui distinguent un ouvrage, le relevé des rapports qui l’unissent aux choses du même temps, voire même la connaissance des causes qui font varier d’une époque à l’autre le genre de beauté à la mode, tout cela s’élève lentement au-dessus de la discussion. […] Les romans de Jules Verne sont les modèles du genre. […] Au commencement de notre siècle, dans la pauvreté pseudo-classique du premier Empire, il pleut des poèmes du même genre : pluie d’hiver, triste, froide, monotone.

941. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

Oui, je le crois, et d’autant plus aisément, que j’ai moi-même, selon mes moyens, tenté quelquefois des explications de ce genre. […] On sent qu’au-dessous d’eux devaient fourmiller, dans ce siècle d’autorité, d’horribles cuistres, des Caritidès en tous genres. […] Tout cela est bien triste… Au reste, je me plains ici, bien moins de la forme même du genre dramatique que des horribles inconvénients de la représentation. […] Clotilde est une curieuse variété de ce genre. […] C’est moins un viveur qu’un amoureux perpétuel, et du genre sentimental, convaincu, « emballé ».

942. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

VI C’est un grand malheur que les premiers éditeurs d’Horace, au commencement de l’imprimerie, aient divisé ses œuvres par genres, odes, épodes, satires, épîtres, au lieu de les diviser par dates, car il ne les écrivit pas par genres, mais par dates : aujourd’hui une ode, demain une épître, le jour suivant une épode, puis une satire, puis un billet en vers, selon qu’il était en veine d’amour, de morale, de malice, de philosophie ou d’amitié. […] » D’autres odes de ce genre ne sont qu’une légère caresse en vers à quelque charmante enfant qui a attiré en passant ses regards ; telle est ce sourire poétique à la jeune Chloé. […] On conçoit qu’une seule ode de ce genre, répandue à Rome dans sa première fleur, ait attiré sur ce jeune inconnu l’amour de toutes les Lydies et l’enthousiasme de tous les Calaïs de Rome. […] C’est ce décousu de la conversation en vers qui est le caractère et la grâce de ce genre de composition. […] Mais si vous êtes seulement un homme de bon sens et de goût exquis, un amateur des délicatesses de l’esprit et des grâces de la poésie ; si vous ne sentez plus dans votre cœur ou si votre nature tempérée n’a jamais senti les brûlures sacrées ni les stigmates toujours saignants des fortes passions : amour, dévouement, religion, soif de l’infini ; si une félicité facile et constante vous a servi à souhait dans les différents âges de votre vie ; si vous avez passé l’âge des tempêtes, l’équinoxe de cette vie ; si vous êtes détrompé des hommes et de leurs vains efforts pour se retourner sur leur lit de chimères ; si vous avez vu dix révolutions et cent batailles soulever pendant soixante ans la poussière des places publiques et des champs de mort sans rien changer dans le sort des peuples que le nom de leur servitude et de leurs déceptions ; si vous avez vu les prétendus sages de la veille déclarés fous le lendemain, et les philosophies et les systèmes qui avaient fanatisé les pères devenir la dérision de leurs fils ; si la pensée humaine, toujours active et toujours trompée, vous a attristé d’abord par ce perpétuel enfantement du néant ; si, après avoir pleuré sur ce tonneau retentissant des Danaïdes qu’on appelle Vérité, vous avez fini par en rire ; si, sans chercher plus longtemps cette impénétrable moquerie du destin qui pousse le genre humain à tâtons de la vie à la mort, vous avez pris le parti de douter de tout, de laisser son secret à la Providence, qui, décidément, ne veut le dire à aucun mortel, à aucun peuple et à aucun siècle ; si vous vous laissez glisser ainsi sur la pente, comme l’eau de l’Anio qui glisse en gazouillant sous le verger d’Horace ; si vous n’avez ni femme ni enfant qui doublent et qui perpétuent pour vous les soucis de la vie ; si votre cœur, un peu rétréci par cet égoïsme qui se replie uniquement sur lui-même, a besoin d’amusement plus que de sentiment ; si vous possédez cet Hoc erat in votis , ce vœu d’Horace, un joli domaine aux champs pour l’été, une maison chaude l’hiver, tapissée de bons vieux livres ( nunc veterum libri ) ; si votre fortune est suffisante pour votre bien-être borné ; si vous avez pour amis quelques amis puissants, amis eux-mêmes des maîtres du monde, avec lesquels vous soupez gaiement en regardant combattre Pompée et mourir Cicéron pour cette vertu que Brutus appelle un vain nom en mourant lui-même ; enfin, si vous n’avez pas grand souci des dieux, et si les étoiles vous semblent trop haut pour élever vos courtes mains vers les choses célestes ; oh !

943. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Chacun restait libre de suivre son génie particulier, et de se porter vers les genres qui l’attiraient ; mais ce génie devait se régler sur l’image qu’ils s’étaient faite du génie de la nation ; ces genres devaient s’accommoder des convenances générales au nom desquelles Malherbe avait condamné presque tous ses devanciers. […] Là, les compagnies littéraires tiraient leur nom, soit d’une localité, soit d’un genre d’études particulières, soit du caprice des fondateurs. […] Vaugelas parle de courtisans, hommes et femmes, qui, ayant rencontré la locution à présent, dans un livre d’ailleurs très élégant, en quittèrent soudain la lecture, « comme faisant par là un mauvais jugement de l’auteur66. » Il y a cent anecdotes du même genre. […] Parmi ses nombreux ouvrages, celui qui porte le plus la marque de son caractère, et qui lui est le plus propre, c’est le traité des Moyens de conserver la paix avec les hommes ; chef-d’œuvre, dit Voltaire, auquel on ne trouve rien d’égal en ce genre dans l’antiquité. […] En aucun ouvrage du même genre on n’a poussé plus loin l’art de s’approprier, ni mieux connu le chemin de toutes les intelligences saines, ni enseigné en termes plus exacts des notions plus précises et plus accessibles à tous.

944. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Essayons de caractériser cette double nature de Wagner, absolument unique en son genre […] Parsifal, ému d’un nouveau genre d’émotion, brise son arc en deux et le jette par terre. […] Elle érige en principe la nécessité de faire coopérer tous les arts à l’éclosion d’un genre suprême, le drame musical. […] C’est un nouveau genre qu’elle crée, le plus élevé selon elle. Par son originalité même, ce genre est justiciable des lois de développement.

945. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

La comédie elle-même, quoique d’un genre de littérature aussi inférieure au drame héroïque, épique ou religieux, que le ridicule est inférieur à l’enthousiasme et que le rire est inférieur aux larmes ; la comédie a son origine dans le ciel indien : une sorte de divinité bouffonne et boiteuse, toute semblable au Vulcain de l’Olympe grec, nommée Hanoumun, a pour père le dieu des tempêtes. […] IX Par une métaphore qui doit être bien naturelle à l’homme, puisqu’elle se retrouve dans les langues modernes comme dans cette langue primitive, les littérateurs indiens donnent aux différentes impressions morales produites par les genres divers de leur poésie, le nom de goût ou saveur ; ils y ajoutent l’assimilation des différents genres de littérature aux différentes teintes de couleurs qui affectent diversement les yeux. […] Ainsi, par une analogie aussi morale que physique entre les impressions de l’œil et les impressions de l’esprit, analogie tout à fait conforme à l’harmonie que la nature a établie entre nos différents sens, et entre ces différents sens et notre âme, il y a dans cette littérature une gamme de style, comme une gamme de couleurs, et comme une gamme de sons ; en sorte que les genres de style adoptés par tel ou tel écrivain peuvent se caractériser d’un mot, en style bleu, style rouge, style rose, style jaune, style gris, comme nous caractérisons nous-mêmes, par une analogie d’une autre espèce, nos genres de style, en style élevé, style bas, style brûlant, style tempéré, tant l’esprit humain a besoin d’images pour se faire comprendre. […] L’Inde admet également, dans la classification de ses genres de style, l’analogie empruntée aux saveurs qui flattent ou blessent le palais : ainsi, dans les écrivains indiens de cette époque, le sucre est le symbole de la douceur ; l’amertume du sel est celui de la colère.

946. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Pour être sérieusement traité, ce genre exige beaucoup d’érudition unie à beaucoup d’imagination, et trop souvent l’une porte préjudice à l’autre. […] C’est un genre, je le veux bien et Tous les genres sont bons, hors le genre ennuyeux, mais je ne pense pas qu’on puisse opposer Edgar Poe à Hoffmann, comme l’a fait M.  […] Pour transporter un pareil genre en France il fallait, au contraire, faire preuve d’un goût exquis, dont une plume féminine était peut-être seule capable. […] C’était un nouveau genre qu’il inventait, et qu’on pouvait placer à côté de la comédie bourgeoise de La Chaussée ou de Diderot. […] L’imitation étrangère devait produire en France un nouveau genre dramatique.

947. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

On dit volontiers du mal de la rhétorique, et à moi-même cela a pu m’arriver quelquefois : pourtant dans ces genres officiels et où la cérémonie entre pour quelque chose, dans ces sujets que l’on ne choisit pas et que l’on ne va point chercher par goût, mais qui sont échus par le sort et imposés avec les devoirs d’une charge, il y a un art, une méthode et des procédés de composition qui soutiennent et qui ne sont nullement à dédaigner ; si on peut les dénoncer et les blâmer par instants en les voyant trop paraître, on souffre encore plus lorsqu’ils sont absents et qu’au lieu d’un orateur on n’a plus devant soi qu’un narrateur inégal, à la merci de son sujet, avec tous les hasards de la superfluité ou de la sécheresse. […] En d’autres temps Vicq d’Azyr avait montré plus d’un genre de courage : il avait fait preuve du courage du médecin en combattant hardiment l’épizootie de 1774 et en se plongeant, pour les purger, dans les foyers d’infection ; il avait fait preuve de courage civil lors de la fondation de la Société royale, en tenant tête de si bonne grâce aux attaques et aux assauts de la Faculté irritée : mais ici, dans un état social sans garanties et où toutes les passions sauvages étaient déchaînées, il se trouva faible et sans défense devant un nouveau genre de périls.

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