/ 3385
1113. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

Quoique neutres en religion, les Romains sanctionnaient ainsi fort souvent des pénalités portées pour des délits religieux. […] L’expérience de tant de conflits l’avait rendu fort prudent dans ses rapports avec un peuple intraitable, qui se vengeait de ses maîtres en les obligeant à user envers lui de rigueurs odieuses. […] C’était un personnage fort connu 1139 ; il avait été arrêté à la suite d’une émeute accompagnée de meurtre 1140. […] Cette circonstance, que l’on ne trouve que dans Jean, est la plus forte preuve de la valeur historique du quatrième évangile.

1114. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Ainsi l’univers, délivré tout à l’heure de la causalité, de l’ordre, du but, est pris maintenant dans la nécessité plus forte et sans soudure d’une continuité cyclique. […] Nous vomirions d’horreur si l’on nous présentait dans un large plat, mêlés à du vin, à du bouillon, à du café, les divers aliments, depuis les viandes jusqu’aux fruits, qui doivent former notre repas successif ; l’horreur serait aussi forte si l’on nous faisait voir l’amalgame répugnant des vérités contradictoires qui sont logées dans notre esprit ». […] Il constate, implacable : « Les fantaisies de Lycurgue coûtèrent à Sparte son intelligence ; les hommes y furent beaux comme des chevaux de course et les femmes y marchaient nues drapées de leur seule stupidité ; l’Athènes des courtisanes et de la liberté de l’amour a donné au monde moderne sa conscience intellectuelle. » Ce redoutable destructeur des apparences, seules divinités adorées par la tourbe, cet amoureux de l’unique réalité, l’individu, a bien conscience d’être un monstre fort haïssable non seulement pour la foule, mais aussi pour les « âniers innocents qui accompagnent mais ne guident pas la caravane ». […] La préciosité — qui a d’ailleurs des apparences fort diverses — c’est le souci exclusif de l’écriture, du petit détail souriant ou pittoresque, de la mouche au coin de l’œil, du rouge et du blanc dont on corrige les couleurs de la nature.

1115. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

Tout le reste, division de discours, preuves triomphantes & naturelles, érudition choisie, pensées neuves & sublimes, figures hardies, raisonnemens forts & suivis, pathétique admirable, diction élégante & correcte, lui sembloit étranger. […] Ce grand homme, admirateur passionné de la vraie éloquence forte, animée, don si rare de la nature & le plus puissant ressort du cœur humain, fut indigné du systême nouveau : il écrivit promptement pour réfuter d’aussi singulières idées. […] Un religieux en usoit de la forte : il déclamoit supérieurement, & prévenoit avec ingénuité ses auditeurs, leur déclaroit qu’il ne pouvoit mieux faire, que de leur donner les sermons des prédicateurs les plus vantés. […] Personne n’étoit plus propre que lui à battre en ruine les systêmes des esprits forts ou des hérétiques : aussi fut-il employé pour la conversion des huguenots.

1116. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Il avait, en effet, deux paroisses, comme l’âne de Buridan avait les deux bottes de foin qui l’embarrassaient, et il allait de l’une à l’autre, — de sa paroisse de Sutton à sa paroisse de Stillington, — monté sur une haridelle efflanquée comme la jument de la Mort dans l’Apocalypse, et sur les côtes de laquelle ses jambes d’araignée, comme il les appelle, faisaient fort harmonieusement bien. « J’ai quatre-vingts ans au physique », disait-il alors, avec la fierté d’une âme qui s’est toujours senti vingt-cinq ans. […] Et, comme le Rabelais des Forts et des Gais, il est là tout ce qu’il peut être, et tout ce qu’il peut être est… d’une beauté supérieure et d’une originalité inimitable. […] s’il fut jamais un homme, au contraire, qui s’éloignât par tous ses instincts révoltés de la philosophie du xviiie  siècle, ce fut Sterne, cet esprit tout âme, qui n’eut peut-être de génie qu’à force d’avoir de cette âme qu’on niait si fort dans son temps ; ce fut cette délicate sensitive humaine, dont la racine trempait dans cette idée de Dieu qui fait pousser leurs plus belles fleurs aux plus beaux génies ! […] Une jatte de lait, une chemise blanche et une conscience pure… » Il a la savoureuse et forte sagesse de ceux que l’Évangile a calmés, et c’est à son génie et à ses œuvres bien plus qu’aux meilleurs des vins de la terre, qu’on pourrait donner ce doux nom de larmes du Christ, que les hommes, consolés de tout par une jouissance, ont donné à quelques gouttes d’éther parfumées de soleil !

1117. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

Dieu, seule Volonté et seule Vérité, nous tient dans sa large main qu’il entr’ouvre ou referme suivant son infini caprice, et nous sommes sous son talon comme l’insecte du chemin, à la merci du plus fort. […] Telle nous apparaît, fort réduite et condensée, la conception catholique. […] Nous posons cette question : Est-il possible à un artiste de réaliser une œuvre forte avec des matériaux avariés ?… J’entends par œuvre forte, une œuvre qui vit ; j’appelle matériaux avariés, des sentiments faux et des idées abolies.

1118. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

(les fortes tentatives de Taine et de Sorel pour fixer la psychologie de l’époque révolutionnaire appartiennent à la psychologie comme celles de Balzac et de Stendhal pour fixer celle de l’époque où ils vivaient, et toute la psychologie bien faite d’une époque apporte une lumière sur la nature générale de l’homme.) — Joignez-y même (vous ne serez pas au bout, mais vous atteindrez au moins un chiffre consacré) comme une septième lignée la plus ancienne, la plus obscure, la moins écrite, et, dans les temps modernes, la source vraie des autres : tout l’ordre religieux qui cristallise dans l’église catholique autour de la confession auriculaire et qui pousse encore au XIXe siècle, de Lamennais à l’abbé Bremond, de vigoureux rameaux. […] Delacroix a écrit un livre fort intelligent, mais la richesse psychologique de Stendhal est telle qu’arrivé à la fin de ce livre on le voudrait au moins doublé pour qu’il répondît à son titre. […] L’art, la critique, à plus forte raison la critique esthétique générale, exigent cette préoccupation. […] À la cristallisation, je suis enclin à substituer la polarisation… etc. " il y a pourtant cette différence que la cristallisation est une idée fort claire parce qu’elle ne veut être qu’une métaphore, tandis que la polarisation de M. 

1119. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIII. Des éloges ou panégyriques adressés à Louis XIV. Jugement sur ce prince. »

Si on louait ainsi des hommes célèbres qui n’étaient plus, et dont quelques-uns même avaient vécu dans la pauvreté et dans l’exil, à plus forte raison devait-on louer Louis XIV, et vivant, et prince, et conquérant, et absolu. […] C’est à elle que Louis XIV dut les principales qualités de son âme ; cette droiture, ennemie de la dissimulation, et qui ne sut presque jamais s’abaisser à un déguisement ; cet amour de la gloire qui, en élevant ses sentiments, lui donnait de la dignité à ses propres yeux, et lui faisait toujours sentir le besoin de s’estimer ; cette application qui, dans sa jeunesse même, fut toujours prête à immoler le plaisir au travail ; cette volonté qui savait donner une impulsion forte à toutes les volontés, et qui entraînait tout ; cette dignité du commandement qui, sans qu’on sache trop pourquoi, met tant de distance entre un homme et un homme, et au lieu d’une obéissance raisonnée, produit une obéissance d’instinct, vingt fois plus forte que celle de réflexion ; ce désir de supériorité qu’il étendait de lui à sa nation, parce qu’il regardait sa nation comme partie de lui-même, et qui le portait à tout perfectionner ; le goût des arts et des lettres, parce que les lettres et les arts servaient, pour ainsi dire, de décoration à tout cet édifice de grandeur ; enfin, la constance et la fermeté intrépide dans le malheur, qui, ne pouvant diriger les événements, en triomphait du moins, et prouva à l’Europe qu’il avait dans son âme une partie de la grandeur qu’on avait cru jusqu’alors n’être qu’autour de lui. […] Celui d’un prince qui, placé dans une époque où sa nation était capable de grandes choses, sut profiter des circonstances sans les faire naître, qui, avec des défauts, déploya néanmoins toute la vigueur du gouvernement, qui, suppléant par le caractère au génie, sut rassembler autour de lui les forces de son siècle et les diriger, ce qui est une autre espèce de génie dans les rois ; qui enfin, donna un grand mouvement et aux choses et aux hommes, et laissa après lui une trace forte et profonde.

1120. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Jouffroy.] » pp. 532-533

J’ai donné au tome Ier de mes Portraits littéraires un article fort étudié sur M.  […] Aussi, tandis que les deux prêtres se réjouissaient fort naturellement de ce que je regardais comme le plus grand de malheurs, me dérobai-je à eux le plus tôt que je pus, pour aller pleurer en liberté sur la montagne ce grand désastre.

1121. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « VII » pp. 25-29

Une actrice fort secondaire, une madame Halley, a réussi inopinément dans le personnage voluptueux et passionné de Tullie. […] C'est pur, délicat, poétique et tout à fait touchant, fort au-dessus de ce qu’on est convenu d’appeler distingué en pareil genre.

1122. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIV » pp. 294-298

Campenon, sujet fort mince et fort maigre en vérité ; il a fallu, de part et d’autre, se jeter sur les lieux communs, et les prétextes mêmes n’abondaient pas, tant M.

1123. (1874) Premiers lundis. Tome I « Le vicomte d’Arlincourt : L’étrangère »

Il est vrai qu’il a vu, le matin, en passant près du fort de Karency, les croisées du donjon où vit la malheureuse Agnès de Méranie, épouse répudiée de Philippe Auguste, et qu’il soupire depuis ce temps sur Agnès, car il a conçu ses souffrances. Dès le lendemain donc il se rend à Karency, et s’introduit dans le château pour y voir la princesse ; mais, avide qu’il est de sensations fortes, il n’est point assez ému en la voyant ; il semble pressentir que celle qu’il a vue n’est qu’une fausse Agnès.

1124. (1875) Premiers lundis. Tome III « Lafon-Labatut : Poésies »

Celui-ci avait eu, il paraît, une vie fort errante et orageuse : après avoir un instant brillé à Paris dans la jeunesse dorée du temps, il s’était engagé, avait fait la guerre et couru le monde, puis s’était marié à Messine ; là, un jour, regrettant la patrie et songeant aux moyens d’y revenir, il lui tomba entre les mains un des volumes des Troubadours, dans la préface duquel M.  […] Ses progrès rapides promettaient un artiste de talent, lorsqu’une ophthalmie cruelle vint l’arrêter au plus fort de son travail, au plus beau de son rêve.

/ 3385