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454. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Eugène Pelletan » pp. 203-217

Il en a fait un homme politique, un de ces cuisiniers de révolutions et de gouvernements impossibles, qui empoisonnent la France depuis près d’un siècle… Le journalisme, qui, si l’on n’y prend garde, donne de si mauvaises habitudes à la pensée, a donné à Pelletan tous les défauts qui sautent aux yeux dans son nouveau livre : l’inconsistance, la frivolité, les passions de parti et leurs faux jugements et leurs injustices, et surtout cette terrible et misérable faculté de se monter la tête, de suer à froid, comme disait Beaumarchais, en parlant des avocats, ces journalistes du bec comme les journalistes sont les avocats de la plume, et de se faire illusion à soi-même pour mieux faire illusion aux autres. […] Ils trompent mieux que s’ils étaient tout à fait faux.

455. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

Le vicomte Decourchant ou de Courchamp était le propre type de la fausse marquise de Créqui, de la marquise qu’il avait inventée… s’il l’avait inventée ! […] Les préoccupations modernes et ce que j’ose appeler la fausse indulgence de ce temps, cette espèce d’étendue qui peut voir tout, mais qui ne doit pas accepter tout, ont, sinon fêlé, au moins rayé cette glace de Venise dans laquelle devrait nous apparaître Madame de Créqui, cette femme qui avait mis à tremper un esprit à la La Rochefoucauld dans les eaux attendrissantes et vivifiantes des pensées chrétiennes, probablement pour qu’il ne se pétrifiât pas de douleur, de misanthropie et de mépris !

456. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

Il a une notion fausse et folle de la force humaine. […] Vera, qui est certainement, en France, le plus distingué, le plus savant et le plus net de tous, ne s’est pas inscrit en faux une seule fois contre les idées et ces tentatives de son maître.

457. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

Déjà les femmes simplement et solidement littéraires ne pleuvent pas dans l’histoire ; mais les femmes poètes… dites-moi, pour que je les ramasse, où il est tombé de ces étoiles filantes, qui ont brillé et se sont évanouies, de ces astres faux qui semblaient se détacher du ciel pour venir à nous et qu’on n’a jamais pu retrouver ? […] On eût dit que le poète des Méditations avait senti sous le faux de ces tristes volumes d’églogues et de romances une sœur à lui et à de Musset, son cadet superbe, — une Cendrillon de leur poésie, de leur poésie déjà négligée aussi, à tous les deux !

458. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Ch. Bataille et M. E. Rasetti » pp. 281-294

Elle est plus fine que les alouettes… Les grands succès vrais, — car il y a les grands succès faux, comme celui des Misérables, tenant à des circonstances extérieures au livre, — les grands succès vrais sont toujours des impressions fraîches. […] Ils appartiennent tous les deux à cette École de la peinture, fausse même en peinture, en littérature, exécrable, que l’on appelle le Réalisme, et que la littérature enivrée, ces derniers temps, d’art plastique, n’a pas eu le cœur de renvoyer aux ateliers d’où elle est sortie pour venir insolemment se planter chez nous !

459. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Ernest Feydeau »

Destinés à paraître dans un journal sous cette forme de roman-feuilleton qui peut se permettre tant de hors d’œuvre et de bavardages, les romans actuels de Feydeau sont tout aussi victimes de la forme qu’ils ont revêtue que des idées fausses et des facultés décroissantes de leur auteur. […] … Que cette littérature de feuilleton fût restée modestement au bas de ces journaux que le vent de chaque jour emporte vers ces cabinets où s’en allait le Sonnet d’Oronte, la Critique n’aurait point à en parler… Mais, après le succès fait par les portières de loge ou de salon, que l’auteur nous donne comme des œuvres cette littérature de feuilleton, aussi éphémère que les articles de mode de madame de Renneville, la Critique a vraiment le droit de s’instruire en faux contre tant d’aplomb, et de dire à ces trois volumes : « Vous ne passerez pas ! 

460. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

On ne descend pas du troisième ciel dans la guinguette sans y faire un faux pas. […] Mais la peinture en est chargée de couleurs mélodramatiques fausses, parce que le mélodrame n’a rien de commun avec la nature. […] « Pour résumer en terminant ce qui peut être résumé et traduit en résultats positifs dans tout ce que nous venons d’indiquer, nous nous bornerons à constater qu’en dix-neuf ans, Jean Valjean, l’inoffensif émondeur de Faverolles, le redoutable galérien de Toulon, était devenu capable, grâce à la manière dont le bagne l’avait façonné, de deux espèces de mauvaises actions : premièrement, d’une mauvaise action rapide, irréfléchie, pleine d’étourdissement, toute d’instinct, sorte de représailles pour le mal souffert ; deuxièmement, d’une mauvaise action grave, sérieuse, débattue en conscience et méditée avec les idées fausses que peut donner un pareil malheur. […] Parce que tout homme trouve en lui le discernement prompt et sûr qui fait admettre ou rejeter une pensée fausse, surtout en matière sociale, et que tout homme porte en lui le goût qui fait discerner le propre et le sale dans la langue comme dans la nature. […] Charras, mâcher et remâcher cette journée, revanche des vaincus au jeu des batailles, et nous disons : Il est plus beau d’accepter une défaite et de s’en relever, que de se révolter sans cesse contre la triste vérité, surtout devant sa capitale conquise, son empereur à Sainte-Hélène, son pays rançonné, et de soutenir au monde qu’on a marché de victoire en victoire, de Madrid à Toulon, de Moscou au Rhin, de Leipsik à Mayence, de Waterloo à Paris, à la suite d’un homme infaillible qui n’a pas fait un faux pas dans sa vie.

461. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

à la misère imméritée et quelquefois très méritée des classes inférieures, négligées, oubliées, suspectes, souvent coupables, à la misère de la partie souffrante de la société ; idéal faux, qui, en se présentant à ces misères déplorables, imméritées ou méritées, de l’humanité manuellement laborieuse, présente à ses yeux la société comme une marâtre sans entrailles, qu’il faut haïr et logiquement détruire de fond en comble pour faire place à la société de Dieu. […] Jamais on ne me voit avec des habits chamarrés d’or et de pierreries ; je laisse ce faux éclat aux âmes mal organisées. […] Le faux idéal devient facilement féroce. […] « Le livre que le lecteur a sous les yeux en ce moment, c’est d’un bout à l’autre, dans son ensemble et dans ses détails, quelles que soient les intermittences, les exceptions ou les défaillances, la marche du mal au bien, de l’injuste au juste, du faux au vrai, de la nuit au jour, de l’appétit à la conscience, de la pourriture à la vie, de la bestialité au devoir, de l’enfer au ciel, du néant à Dieu. […] Chaque révolution est un pas vers le vrai ; si elle veut en faire dix, elle tombe dans la fausse utopie et dans l’impossible.

462. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

Rousseau, artisans, inventeurs d’admirables procédés dans les perfectionnements de leurs métiers spéciaux, leur esprit cependant, faute de mouvement et d’espace dans leur vie et dans leurs idées, se fausse souvent sur tout le reste. N’avez-vous pas remarqué que toutes les idées fausses, tous les rêves incohérents, toutes les utopies absurdes en politique, en constitutions sociales de ces trente dernières années, sont sorties de la tête d’un de ces hommes sédentaires, concentrés dans la contemplation exclusive d’une profession ou d’une occupation unique, manquant d’air dans la poitrine, de mouvement dans les pieds, d’espace dans les yeux, d’universalité dans le point de vue ! […] À cette heure où, d’un ciel poli comme une glace, Sur l’horizon doré la lune au plein contour De son disque rougi réverbère un faux jour, Je vois à sa lueur, d’assises en assises, Monter du noir Liban les cimes indécises, D’où l’étoile, émergeant des bords jusqu’au milieu, Semble un cygne baigné dans les jardins de Dieu. […] L’œil, trompé par l’aspect au faux jour des étoiles, Croit que, si le navire, ouvrant ici ses voiles, Cinglait sur l’élément où la gazelle a fui, Ces flots pétrifiés s’amolliraient sous lui, Et donneraient aux mâts courbés sur leurs sillages Des lames du désert les sublimes tangages ! […] « L’œil n’est qu’un faux cristal voilé d’une paupière « Qu’un éclair éblouit, qu’aveugle une poussière ; « L’oreille, qu’un tympan sur un nerf étendu, « Que frappe un son charnel par l’esprit entendu ; « La bouche, qu’un conduit par où le ver de terre « De la terre et de l’eau vit ou se désaltère ; « La main, qu’un muscle adroit, doué d’un tact subtil ; « Mais quand il ne tient pas, ce muscle, que sait-il ?

463. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

Ceci est le paradoxe le plus faux qui ait jamais germé sous le soleil. […] Ils ont à eux une façon d’idiome hiératique que le vulgaire n’entend pas ; c’est un patois hiéroglyphique qu’il faut étudier longtemps avant de le comprendre ; je sais que ces formules particulières servent souvent à voiler bien des opinions fausses, bien des découvertes insensées, bien des théories absurdes, mais je sais aussi qu’elles recouvrent parfois de merveilleuses histoires, pleines de féeries, pleines d’aventures magiques arrivées entre des astres, entre des métaux, entre ces mille atomes qui nous entourent et que nous ne soupçonnons pas. […] Nul ne dit mot ; l’angoisse serre les cœurs, car un faux mouvement, un signe mal interprété peut faire voler en éclats le colosse de fer rouge qui pèse peut-être quarante mille livres. […] on s’égare dans la recherche, on entre dans la nuit, on suit de fausses routes, et l’on se bat en partisan avec la mauvaise devise : « Chacun pour soi et Dieu pour tous. » Tiraillée par vingt côtés différents, la pauvre Vérité se sauve à toutes jambes et rentre dans son puits ; et tous, nous pleurons son absence ! […] Délaissé par ses maîtres pour qui la littérature ne fut qu’un moyen et jamais un but, l’art littéraire a fait fausse route ; il est revenu aux vieux errements du passé.

464. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 490-491

La Philosophie, qui se vante si hautement d’être la dépositaire des vraies lumieres, auroit dû rejeter un systême si faux en lui-même, & si propre à dégrader l’humanité.

465. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 517-518

« Né, dit-il, avec un esprit vif, élevé, entreprenant, une conception facile, une mémoire sûre, un génie subtil & délié, beaucoup de facilité à s’exprimer, un cœur faux & dissimulé, une ambition sans bornes, il se donna tout entier à l’étude, en sorte qu’il devint bon Grammairien, meilleur Rhétoricien, excellent Humaniste.

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