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1224. (1921) Esquisses critiques. Première série

L’artificieux violoniste s’amuse à jouer faux — et pour se contredire une fois de plus, c’est d’un vers parfaitement régulier et toujours exact, du moins en apparence, qu’il tire cette musique déconcertante. * *    * On a dit, de Laforgue, je crois, qu’il nous avait initiés au charme certain du vers faux. […] Bataille, au rebours, étudie des sentiments faux dans un cadre réel. […] Bataille, les sentiments étaient faux. […] Dans un ordre différent, si on leur demande : — Qu’est-ce que ces situations fausses et ces sentiments sans vérité ?

1225. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Je supplie ces personnes-là d’être bien persuadées que, lorsqu’il m’arrive d’accentuer le blâme, c’est que je songe aux amis égarés en ce moment par de faux et déplorables maîtres. […] Que de faux succès s’évanouiraient alors ! […] Cette poésie ne va pas jusqu’à l’âme ; les nerfs seulement en sont atteints et agacés ; elle nous cause des inquiétudes dans le cerveau, comme une fausse position des inquiétudes dans les jambes. […] » Voilà, sous de fausses apparences de raison, une doctrine fort commode en vérité — et qui n’a pas le sens commun. […] On ne réfléchit pas que, pour conquérir l’expression exacte, celle qui s’ajustera sans faux plis à la pensée et en fera valoir jusqu’aux plus secrètes nuances, il faut une pénétration, une sûreté d’esprit, tout à fait supérieures.

1226. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

« Rome, vraiment nous savons très bien qu’avec la duperie d’une fausse indulgence, tu livras au malheur le baronnage (les barons) de France, et la gent de Paris. Même le bon roi Louis par toi fut occis ; car par une fausse prédication tu l’éloignas du pays. […] « Rome, tant est grande ta forfaiture, que tu méprises Dieu et ses saints : tant ton règne est mauvais, Rome fausse et trompeuse. […] « Rome, avec faux appeaux, tu tends tes filets, et tu manges maints mauvais morceaux. […] Les romans historiques, mélangés de faux et de vrai, sans fiction surnaturelle, offriraient un intérêt de plus.

1227. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Mais je ne puis admettre que Flaubert y affirme son amour du faux et du clinquant : il me semble évident qu’il n’y a là qu’une amère, douloureuse et cinglante ironie. […] Dans Bouvard et Pécuchet, Flaubert raille cette fausse notion de la science, non la science elle-même. […] Il est l’amoureux naïf et gauche de la fille du marchand, Élodie Blaise, avec qui il échange des aveux dans le ton de Saint-Preux et de Julie d’Étanges, près des Champs-Élysées, à la chaumière de la Belle Lilloise, dont le jardin contient de fausses ruines et de faux tombeaux, pour charmer les amants de la vérité, disciples de Jean-Jacques. […] Elle sent le faux. […] Francis Jammes se rattache en quelque mesure à l’école symboliste, par la finesse des sensations, la subtilité de certains rapprochements d’images ou d’idées, et aussi par la pratique du vers libre ou du vers faux, délicieusement faux exprès, comme a dit Verlaine à propos de Tristan Corbière.

1228. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Au loin dans la prairie Le sifflement des faux court sur l’herbe qui crie. […] C’est du raffinement, non plus dans la nature et dans la vérité, mais dans le faux. […] n’est-il pas absurde de supposer qu’une poésie digne de ce nom pût avoir sa source dans des sentiments si bas et si faux ? […] Ce qu’on reproche aux vers trop nombreux que vous avez consacrés à déplorer ces malheurs, ce n’est pas de partir d’un sentiment faux, c’est de n’être que des lieux communs. […] Au lieu de l’énergique et directe satire que nous étions en droit d’attendre de sa vieille muse indignée, il nous a fabriqué une pièce bizarre, aussi faible d’exécution que fausse et sophistique par le sentiment qui l’a dictée.

1229. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Je me suis refusé un contraste, c’est vrai ; mais un contraste facile, un contraste voulu et faux. […] Si la couleur n’est pas une, si les détails détonnent, si les mœurs ne dérivent pas de la religion et les faits des passions, si les caractères ne sont pas suivis, si les costumes ne sont pas appropriés aux usages et les architectures au climat, s’il n’y a pas, en un mot, harmonie, je suis dans le faux.

1230. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Méconnaissant donc tout à fait le rôle de plus en plus difficile des hommes sincères de 89, ne voyant dès lors dans l’opposition patriotique et les Constituants qu’amis et ennemis du peuple en présence, et persuadée que là aussi on n’avait rien à emporter que de haute lutte, son point de départ, pour sa conduite politique active, fut une grave erreur de fait, une fausse vue de la situation. […] Mais on remarquera, aux précautions qu’elle prend, combien, l’injustice une fois construite et si promptement d’ordinaire, il est pénible ensuite, par un reste de fausse honte, d’en redescendre79.

1231. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Le sang bouillonne à la seule idée qu’il fut possible de consacrer légalement à la fin du dix-huitième siècle les abominables fruits de l’abominable féodalité… La caste des nobles est véritablement un peuple à part, mais un faux peuple qui, ne pouvant, faute d’organes utiles, exister par lui-même, s’attache à une nation réelle, comme ces tumeurs végétales qui ne peuvent vivre que de la sève des plantes qu’elles fatiguent et dessèchent. » — Ils sucent tout, il n’y a rien que pour eux. « Toutes les branches du pouvoir exécutif sont tombées dans la caste qui fournit (déjà) l’église, la robe et l’épée. […] Par suite le diplôme est nul ; à Bourges on l’obtient en six mois ; si le jeune homme finit par savoir la loi, c’est plus tard par l’usage et la pratique  Des lois et institutions étrangères, nulle connaissance, à peine une notion vague ou fausse.

1232. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Le silence et l’abstention m’étaient d’autant plus commandés, que je passais alors (ce qui était faux) pour avoir conclu avec Ledru-Rollin un traité secret d’action commune pour nous partager le gouvernement de la république sous le titre de deux consuls, l’un de l’extérieur, l’autre de l’intérieur, s’entendant ensemble pour administrer les ressorts de l’État. […] Ledru-Rollin, chef des journalistes radicaux, et ayant, malgré ses amis, reconnu en lui des facultés de parole et des puissances de conception très-grandes avec des intentions non déguisées contre le socialisme subversif, notre ennemi commun, j’avais conçu pour lui une secrète estime, et je n’étais pas loin d’espérer que le concours d’un homme aussi bien doué ne pût être, sous une forme ou sous une autre, très-utile à la république ; depuis, il suivit légèrement une émeute sans portée qu’il devait répudier courageusement ou conduire ; il se réfugia en Angleterre par une fausse porte, mais il parut de ce jour-là se retirer de la politique, et il vécut en mort de ses souvenirs, de ses regrets et peut-être de son mépris pour les vivants.

1233. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

pense au faux éclat dont nous éblouissent les honneurs, les richesses et les plaisirs qu’on croit les plus propres à nous rendre heureux. […] Une illusion perfide te persuadera, sous mille faux prétextes, que c’est à la fragilité de ton cœur que tu dois attribuer ce malheur

1234. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Vérité de la passion : lutte contre le faux idéalisme. […] Autour de ces deux personnages, Burrhus, un honnête homme, dans une situation fausse, assez souple pour être vivant, et un coquin, Narcisse, bas, plat, intrigant, qui joue de son maître à merveille en semblant lui obéir.

1235. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Notre royauté était à demi espagnole triste époque où, en expiation d’une mauvaise politique, l’emphase castillane et le faux bel esprit de l’école de Gongora ont gâté tous les écrits de la fin du seizième siècle et du commencement du dix-septième. […] Le soin de la propriété n’est d’obligation que là où la langue a des règles fixes, et où les mots étant comme des touches qui rendent des sons distincts, l’impropriété dans le langage blesse comme une note fausse dans la musique.

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