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667. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XI. Mme Marie-Alexandre Dumas. Les Dauphines littéraires »

Les Dauphines littéraires12 I Un singulier phénomène, digne d’être décrit et classé par les moralistes de ce temps, c’est celui d’une Société, démocratique par envie, qui n’a pas mis du tout, comme elle s’en vante, l’aristocratie par terre, mais qui s’est seulement contentée de la transposer ; C’est convenu et c’est entendu. […] III Car c’est une sainte, à ce qu’il paraît, que Mme Marie-Alexandre Dumas ; une sainte de prétention, sinon d’humilité… J’ai entendu raconter que la Grâce un jour l’avait touchée ; à Jérusalem, je crois, — une bonne place pour l’effet dramatique, chose indispensable pour des Dumas !  […] Jusque-là tout était parfait, — un peu ardent peut-être, — mais enfin…, bien, et, catholique comme je le suis, je n’aurais été qu’édifié de cette conduite et je n’en aurais parlé que discrètement et pour l’édification des âmes, si la trop crâne dévote qui avait effarouché les Pères de la Terre-Sainte ne s’était pas avisée de publier le livre que je vous annonce ; livre qui tient tout à la fois des Mémoires et du Roman, et dans lequel, Mme Marie-Alexandre Dumas, nous parle d’elle-même sans guimpe ni voile, et de son couvent et de sa cellule et de ses communions, comme de choses officielles et connues, que tout le monde doit savoir, sans explication préalable, et si ce livre n’avait pas la portée voulue d’une prédication mauvaise à entendre, et compromettante pour qui la fait… Certes, je ne veux pas ici nier la pureté d’intention, ni même la ferveur d’âme de l’auteur d’Au lit de mort, mais je dis que, même après la péripétie de la conversion, on n’a peut-être point dans cette dramatique famille Dumas, une idée bien nette de la sainteté !

668. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Louis Wihl »

Un des jours de sa lente agonie, il entendit quelqu’un s’approcher du lit où le clouait la douleur. […] Ce que le Ranz de l’enfant des Alpes produit, pour qui l’entend, d’ennui, de langueur ardente et de besoin, jusqu’au mourir, de revoir la patrie, Louis Wihl l’éprouve dans Les Hirondelles pour un pays qu’il n’a pas vu, mais qu’en sa qualité de poète il a mieux fait que de voir, puisqu’il l’a rêvé. […] Tout fils qu’il est, comme nous, de cette pénétrante et éparpillante civilisation  qui tend de plus en plus à se substituer à toutes les patries, et qui éteindra un de ces jours jusqu’aux sons du cor de l’enfant des Alpes, l’auteur des Hirondelles a entendu, dans sa pensée, ce Ranz, qui n’était pas ailleurs, des montagnes de la Judée muette, et il en a mis l’écho dans des vers capables de donner le mal du pays aux âmes lâches qui ne l’éprouvent plus.

669. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Meurice » pp. 231-241

Mais des Chevaliers de l’Esprit, il n’y en a eu que dans la tête de Meurice, que voilà obligé de nous apprendre ce qu’il entend par là dans l’introduction de son livre ; et, ce qu’il entend, le croiriez-vous ? […] Césara donc, Césara, cet idéal de grandeur et de génie, dont le romancier n’entend pas nous faire voir la faiblesse, mais la force, n’est plus qu’un homme qui a vautré son cœur dans un concubinage vulgaire.

670. (1868) Curiosités esthétiques « III. Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » pp. 199-209

Il est entendu et reconnu que la peinture de M.  […] Dans la seconde Odalisque, cette recherche est excessive, et, malgré leur multiplicité, ils sont tous doués d’une distinction particulière. — Il est entendu aussi que M.  […] Nous avons entendu maintes fois de jeunes artistes se plaindre du bourgeois, et le représenter comme l’ennemi de toute chose grande et belle. — Il y a là une idée fausse qu’il est temps de relever.

671. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Mais alors nous nous trompons, nous bégayons, nous ne nous entendons pas nous-mêmes. […] Entendons-nous bien. […] En vérité, dans le système de l’intérêt bien entendu, il faut une grande science pour être honnête homme. […] Chacun l’entend comme il lui plaît, parce que chacun est juge de ce qui lui plaît. […] Si j’entends mal mon intérêt, j’en suis puni par le regret, non par le remords.

672. (1927) André Gide pp. 8-126

Bien entendu, André Walter est un jeune homme de lettres. […] Bien entendu, M.  […] L’essentiel est de lire, c’est entendu. […] On croirait entendre M.  […] Si c’est la cause de l’ignorance qu’entend plaider M. 

673. (1904) Zangwill pp. 7-90

Séailles sent beaucoup plus vivement que moi combien ces expressions sont inconvénientes ; pour moi elles me paraissent tout simplement insupportables ; libertaire impénitent, j’y trouve, j’y entends toute une résonance de respect religieux ; encore avons-nous pris un exemple minimum ; et dans cet exemple minimum, il y a des expressions désastreuses, comme une chaire trop haute, et d’où l’on descend ; évidemment le journaliste veut donner au Peuple l’idée que la chaire de M.  […] Les prêtres aussi, les petits prêtres, en ce sens, n’occupaient aucune situation dans l’État, n’avaient aucun pouvoir dans l’État ; les prêtres aussi étaient assez maltraités par leurs supérieurs et ne déterminaient aucuns événements ; les prêtres aussi étaient les plus mal rétribués des fonctionnaires, et nul ne les entendait ; et quand ils ne seront plus des fonctionnaires mal rétribués d’État, ils seront des fonctionnaires mal rétribués d’Église ; et nul ne les entendra ; ils poursuivent modestement leur prédication de la vie future ; par situation, par métier, par humilité chrétienne ils n’ont ni vanité ni orgueil, ni présomption ni cupidité de la domination ; un curé de campagne est un petit seigneur ; l’exercice du ministère ecclésiastique est essentiellement un exercice d’humilité chrétienne. […] Pourtant ces prêtres administrent Dieu même ; examinons si ces universitaires, si ces historiens modernes, à leur tour, plus ou moins inconsciemment, ne remplaceraient pas les prêtres et ne suppléeraient pas Dieu ; ma proposition est exactement la suivante, que les méthodes scientifiques modernes, importées, transportées telles que dans le domaine de l’histoire, demandent, si on les entend exactement, et dans toute leur extrême rigueur, des qualités qui ne sont point les qualités de l’homme. […] « C’est entendu ; mais vous ne nous avez pas expliqué comment on peut parler de réelle existence sans conscience. […] Par lui nous voyons les gestes, nous entendons l’accent, nous sentons les mille détails imperceptibles et fuyants que nulle biographie, nulle anatomie, nulle sténographie ne saurait rendre, et nous touchons l’infiniment petit qui est au fond de toute sensation ; mais par lui, en même temps, nous saisissons les caractères, nous concevons les situations, nous devinons les facultés primitives ou maîtresses qui constituent ou transforment les races et les âges, et nous embrassons l’infiniment grand qui enveloppe tout objet.

674. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

Allez donc défendre la presse à la tribune quand tous les pères de famille qui vous entendent ont fait chez eux la chasse aux journaux pendant toute la matinée ! […] — Entendons-nous ; vous savez très bien que ce n’est pas au point de vue littéraire qu’on peut vous attaquer. […] J’entendis : Napoléon, par la grâce de Dieu… salut… l’an mil huit cent cinquante-neuf… motifs… condamne… militaire… peine de mort. […] Rien de plus saisissant que ces notes d’un mort qui entend, qui voit jusqu’au moment où l’usage veut qu’on lui ferme les yeux. […] Il me serra la main, sortit, et j’entendis son cabriolet qui s’en allait sur la route humide.

675. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Je voyais l’histoire de la nature et n’entendais point parler de son auteur. […] Biré, par hasard, a-t-il craint que nous n’eussions pas entendu sa première insinuation ? […] c’est ce que j’entends encore moins. […] Flaubert de s’entendre toujours appeler l’auteur de Madame Bovary. […] Renan ne veuille que nous entendions désormais quelque chose d’entièrement différent de ce que nous étions accoutumés d’entendre.

676. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Scherer ne pouvait s’entendre avec l’homme au « pourpoint rose » et au « gilet rouge ». […] Mais ils n’ont rien voulu entendre. […] Deschanel, le premier tiers voit et entend ; le second tiers, pressé dans les corridors, entend sans voir ; l’autre tiers s’en va désespéré, sans avoir vu ni entendu ». […] On croit les entendre ronfler. […] Il a mis spontanément par écrit ce qu’il voyait, ce qu’il entendait.

677. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

J’entendis Satan causant avec Lucifer. […] Molière la lut, essaya ; mais il finit par avouer qu’il n’y entendait rien. […] En général, dans ses pièces, la partie théâtrale est bien entendue. […] Le bruit de cette tragédie parvint aux oreilles de Richelieu qui fut curieux de l’entendre et manda l’acteur au Palais-Cardinal. […] L’ouvrage fut livré à la troupe de Molière, dont les acteurs, excellents pour le genre comique, n’entendaient rien à la tragédie.

678. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Mais mon système n’est pas ce que vous entendez, je crois, par « vers libre ». […] Car aucun poète, j’entends aucun poète lyrique, ne saurait être apprécié par quelqu’un qui ne sait pas la langue de ce poète. […] Le flou succède au lapidaire et… nous n’y entendons plus rien ! […] On n’est pas loin de s’entendre sur les lois fondamentales ; on y obéit d’instinct. […] La Prose — j’entends la prose « écrite », la prose littéraire — c’est précisément ce vers sans rime ni mesure classique dont vous me parlez.

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