On croit entendre dans ces passages le poète romain Lucrèce ou quelque austère épicurien de l’ancienne Rome, déplorant mélancoliquement, du haut de sa morne sagesse, les erreurs des humains égarés hors de la voie31. […] S’il entend, il vous dit bientôt de bonne foi : Que ne fais-tu quelque chose ? […] Des personnes qui l’ont approché dans ses dernières années (et le nombre en est petit) me le peignent immobile, renfermé, pratiquant plus que jamais cette opiniâtre passion de se taire : « Je ne vois plus, disait-il, je n’entends plus, je ne me souviens plus, je ne parle plus ; je suis devenu entièrement négatif. » Il s’arrêtait quelquefois au milieu d’une phrase commencée, et disait : « Je ne trouve plus le mot, il se cache dans quelque coin obscur. » Il revenait pourtant encore avec quelque plaisir sur ses anciens jours, et y rectifiait quelques points de récit qui appartiennent à l’histoire. […] Robespierre était son cauchemar et son délire dans ses dernières années, et on l’a entendu répéter : « Éloignez de moi cet infâme !
Il faudrait seulement s’entendre bien sur le degré et le mode de signification qui caractérise la valeur littéraire d’une œuvre. […] Par ces mots, encore une fois, nous n’entendons pas une initiative absolue, une invention qui serait une création de rien ; mais nous entendons une synthèse nouvelle de données préexistantes, semblable à une combinaison d’images dans le kaléidoscope qui révélerait des formes inattendues. […] Brodie Junes et moi, dit Darwin, avons été des amis intimes pendant trente ans, et nous ne nous sommes jamais complètement entendus que sur un seul sujet, et, cette fois, nous nous sommes regardés fixement, pensant que l’un de nous devait être fort malade. » 36.
Le vice-chancelier devant lequel le Dr Pusey fut cité, refusa d’entendre sa défense. […] Contre un tel mépris de la justice, une protestation parut dans le British Magazine, et une adresse de deux cent trente membres de l’Université non résidants à Oxford fut envoyée au vice-chancelier, qui refusa de la recevoir comme il avait refusé d’entendre Pusey. […] Seulement, parmi les plus empreintes de cet esprit aveugle et obstiné qui rencontre je ne sais quelle étrange grandeur dans la force de sa stupidité même, car il se compose du respect du passé et de foi religieuse, c’est-à-dire, en somme, du meilleur ciment qu’aient les peuples, nous signalerons une brochure qui parut en 1837 et dans laquelle se retrouvaient, à notre époque étonnée de les entendre, les accents ressuscités du fanatisme anglican des plus mauvais jours. […] … Après l’intérêt sacré de la conscience, — le plus haut intérêt pour les peuples comme pour les individus, — on peut parler de l’intérêt politique à une nation qui entend la puissance et qui n’a pas dit le dernier mot de ses destinées.
George Sand, dont le talent vieillissant a pris des fanons de plus en plus tombants, a voulu — dans l’ordre des idées, bien entendu ! […] J’en ai reconnu que j’avais entendues plusieurs fois dans plusieurs maisons… Oui ! […] — mais assez joli pour le fils d’une maman pareille (je parle du talent bien entendu), et arrivé à l’Académie où il est encore un des plus élégants de l’endroit, Octave Feuillet, qui aurait pu donner, avant qu’il fût inventé, une idée du vélocipède, a filé jusque-là, tranquillement et sans rien accrocher, sur les roulettes de la Fortune, et il continue de filer comme il a commencé. […] Afin de gagner quelques sous de plus et d’entendre les applaudissements de leurs deux oreilles, les romanciers actuels, — la plupart, — presque tous !
Il ordonne et pratique le « retour à la nature », — l’expression est de lui — revendication que sous un sens plus actuel et plus large, nous entendons formuler à nouveau de nos jours. […] Il ne comprend pas que la physique et la métaphysique — cette dernière, véritable et organique, j’entends — ne sont en rien dissociées par les découvertes scientifiques, qu’elles ne sont au fond qu’une seule et même chose entrevue de deux points différents, se rattachant, comme l’univers entier, au principe d’unité, au principe moniste dont nous avons parlé. […] Il est semblable à celui qui, lassé d’entendre sans cesse chanter sur tous les tons les plus fades la beauté précieuse et délicate, la beauté suprême de la fleur, déclarerait brutalement que, pour lui, la beauté réside toute entière dans l’écorce rugueuse. […] J’entends par là qu’il se contente trop souvent d’un réalisme de superficie, qu’il n’atteint pas la réalité dans sa racine, dans l’être de son être, que celle qu’il nous présente n’est pas toujours assez large pour être vraie, assez profonde pour être universelle.
Ceux qui passent n’entendent pas sa voix. […] Il est convenu et entendu que les filles de ferme n’ont ni l’accent ni la correction de phrase d’une Parisienne. […] Ma fenêtre est ouverte, et je me plais à entendre le roulement du tonnerre et à voir la lumière des éclairs. […] Vous avez eu mieux que l’occasion de la voir, le temps de l’étudier, en plusieurs exemplaires, puisqu’il est entendu qu’avant d’atteindre sa première année, un enfant de riches change deux ou trois fois de nourrice, pour le moins.
Bacon est infiniment difficile à entendre. […] Par génie, on entend l’aptitude naturelle à une fonction. […] Gaston Paris a entendu à l’Académie prononcer : postequam, poste-tonique. Et cependant, disait-il, on entendra très bien : La post’s’est trompée. […] Y entendre malice. — Bertier.
Qu’on ne cherche point dans ces Traductions une exactitude littérale ; elles sont plus libres que fidelles ; mais elles prouvent que le Traducteur entendoit aussi bien le Grec & le Latin que sa propre Langue.
Bénédict n’est pas amoureux de Mlle Louise, bien qu’il se soit mis cela dans la tête depuis deux ou trois jours, et qu’il ait déjà essayé de le lui faire entendre. — Mais ce n’est pas un récit que je veux faire. […] J’aurais mieux aimé incomparablement entendre ce que se seraient dit l’un à l’autre, tout éveillés et en proie à leurs seules émotions naturelles, les deux amants durant cette nuit de périls, d’angoisses et de délices peut-être.
Chacun a admiré en lui cette audace et cette puissance de tout fouiller et de tout peindre, d’égaler sa voix qui gourmande au mugissement de la clameur publique, de monter son harmonie sifflante au diapason des barricades ou de l’émeute, de manière à être entendu. […] Quel bonheur ineffable et quelle volupté D’être un rayon vivant de la divinité ; De voir du haut du ciel et de ses voûtes rondes Reluire sous ses pieds la poussière des mondes, D’entendre à chaque instant de leurs brillants réveils Chanter comme un oiseau des milliers de soleils !
Bien que dans ses Souvenirs de Jeunesse, et dans cette foule d’anecdotes et de nouvelles publiées, il n’ait cessé de puiser à la source secrète et d’y introduire le lecteur, on peut assurer que, si on ne l’a pas entendu causer, on ne le connaît, on ne l’apprécie comme conteur qu’à demi. […] Ce qu’il avait entrepris et déjà exécuté de travaux et d’articles pour le nouveau Dictionnaire historique de la langue française ne saurait être apprécié en ce moment que de ceux qui en ont entendu la lecture ; ce qui est bien certain, c’est qu’il gardait, jusque dans des sujets en apparence voués au technique et à une sorte de sécheresse, toute la grâce et la fertilité de ses développements ; il n’avait pas seulement la science de la philologie, il en avait surtout la muse192.
C’est le public qui entend la calomnie, c’est la société intime qui peut seule juger de la vérité. […] L’homme calomnié répond par ses actions à l’univers ; il peut dire : Ma vie est un témoin qu’il faut entendre aussi.