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39. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Voix intérieures » (1837) »

Il faut qu’il sache se maintenir, au-dessus du tumulte, inébranlable, austère et bienveillant ; indulgent quelquefois, chose difficile, impartial toujours, chose plus difficile encore ; qu’il ait dans le cœur cette sympathique intelligence des révolutions qui implique le dédain de l’émeute, ce grave respect du peuple qui s’allie au mépris de la foule ; que son esprit ne concède rien aux petites colères ni petites vanités ; que son éloge comme son blâme prenne souvent à rebours, tantôt l’esprit de cour, tantôt l’esprit de faction.

40. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

Il s’est voué au sonnet, cette forme difficile, que Boileau avait presque interdite à force de l’exalter, et il y excelle. […] Il est difficile, dit-on vulgairement, de faire entrer Paris dans une bouteille. […] Il a comparé très joliment cette opération difficile de mettre dans un sonnet un peu plus qu’il ne peut tenir, et sans pourtant le faire craquer, à cette difficulté de toilette bien connue des dames et qui consiste à passer une robe juste et collante.

41. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Quatrième faculté d’une Université. Faculté de théologie » pp. 511-518

On pourrait dicter aux étudiants des explications des passages de l’Écriture les plus difficiles. […] Enfin le professeur d’histoire ecclésiastique se proposerait de montrer l’origine et les progrès successifs de la hiérarchie ecclésiastique, je ne dirai pas l’origine et les progrès successifs, mais au moins le développement de ses dogmes, tâche difficile, mais consommée dans le profond ouvrage de Bingham108, ministre anglican. […] Au demeurant, je supplie Sa Majesté Impériale de considérer qu’il ne faut point de prêtres, ou qu’il faut de bons prêtres, c’est-à-dire instruits, édifiants et paisibles ; que s’il est difficile de se passer de prêtres partout où il y a une religion, il est aisé de les avoir paisibles s’ils sont stipendiés par l’État, et menacés, à la moindre faute, d’être chassés de leurs postes, privés de leurs fonctions et de leurs honoraires et jetés dans l’indigence.

42. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 9, des obstacles qui retardent le progrès des jeunes artisans » pp. 93-109

Les poëtes dont l’apprentissage n’est pas aussi difficile que celui des peintres, se rendent toujours capables de remplir leur destinée. […] S’il n’est point de travail si pénible et si difficile, qu’ils ne s’y portent avec ardeur, c’est à condition que ce travail ne durera point long-temps. […] Comme la mécanique de notre poësie, si difficile pour ceux qui ne veulent faire que des vers excellens, est facile pour ceux qui se contentent d’en faire de médiocres, il est parmi nous bien plus de mauvais poëtes, que de mauvais peintres.

43. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

De race phocéenne et de pays profondément catholique, il bénéficie, dans son talent, de son pays et de sa race, et peut-être, pour cette raison, serait-il difficile à qui ne serait pas de la même terre que lui, — à moi, par exemple, chouette grise de l’Ouest et goéland rauque d’une mer verte, — de préciser avec exactitude à quels endroits du poème en question expire la poésie que M.  […] Mistral tient un tel espace, il a besoin d’un tel champ pour se déployer dans sa magnificence ou dans son charme, un peu farouches tous les deux ; ses bas-reliefs fourmillent de tels détails, que de tous les poètes, difficiles à citer dans un chapitre de la nature de celui-ci, il est peut-être le plus difficile.

44. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

a remarqué un des écrivains de l’école de Franklin24, une des passions que l’homme a le moins et qu’il est le plus difficile de développer en lui, c’est la passion de son bien-être. » Franklin fit tout pour l’inoculer à ses compatriotes, pour leur faire prendre goût à ces premiers arts utiles et pour améliorer la vie. […] Vers l’âge de vingt-quatre ans, il conçut le projet hardi et difficile de parvenir à la perfection morale, et, pour y atteindre, il s’y prit comme un physicien habile qui, moyennant des procédés très simples et de justes mesures qu’il combine, obtient souvent de très grands résultats. […] Il nous est difficile de ne pas sourire en voyant cet art de vertu, ainsi dressé par lui pour son usage individuel, et en l’entendant nous dire que de plus, à cette même époque, il avait conçu le plan de former, parmi les hommes de toutes les nations, un parti uni pour la vertu. […] La pauvreté prive souvent un homme de tout ressort et de toute vertu : il est difficile à un sac vide de se tenir debout. […] Si digne d’estime qu’il fût parmi les siens, il eût pourtant été difficile de deviner en lui, à cette date, celui dont lord Chatham un jour, pour le venger d’une injure, parlera si magnifiquement à la Chambre des lords, comme d’un homme « qui faisait honneur non seulement à la nation anglaise, mais à la nature humaine ».

45. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

Rien n’est plus aisé que d’admettre en théorie la vérité de la concurrence vitale universelle ; mais rien n’est plus difficile, du moins l’ai-je ainsi trouvé à l’expérience, que de garder constamment cette loi présente à l’esprit. […] Mais chacun sait, parmi ceux qui l’ont essayé, combien il est difficile d’obtenir de la semence de quelques grains de Blé, ou d’autres plantes semblables, dans un jardin : en pareil cas, j’ai chaque fois perdu les graines que j’avais semées seules. […] Je dois ajouter que les heureux effets de croisements fréquents et les effets fâcheux des fécondations entre individus proches parents jouent aussi leur rôle en pareil cas ; mais je ne veux pas m’étendre ici sur cette difficile question. […] — Un corollaire de la plus haute importance peut se déduire des remarques précédentes : c’est que la structure de chaque être organisé est dans une dépendance nécessaire, bien que souvent très difficile à découvrir, de la structure des autres êtres organisés qui lui font concurrence pour la nourriture ou la résidence, qui lui servent de proie ou contre lesquels il doit se défendre. […] C’est ce qui achèverait de nous convaincre de notre ignorance, à l’égard des relations mutuelles des êtres organisés, conviction aussi nécessaire que difficile à acquérir.

46. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXI » pp. 323-327

Ces derniers livres sont d’une lecture difficile, toute spéciale, toute destinée aux gens du métier ; la France n’a plus rien à envier aux travaux des Allemands en ce genre. […] Ces deux cent cinquante pages qui composent la vie d’Abélard suffisent pour classer le livre de M. de Rémusat, quand même le reste serait aussi difficile à étudier qu’un traité de géométrie ou d’algèbre, et que la scolastique elle-même.

47. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Augier, Émile (1820-1889) »

Vous êtes poète, j’ai voulu surtout marquer votre place, à ce titre, dans la grande littérature, honorer en vous cette constance qui vous porte à chercher les succès difficiles, et vous inviter à marcher résolument dans ce véritable domaine de l’art, que les auteurs comme le public semblent tentés d’abandonner : non que je porte à la comédie en vers une préférence académique et que je lui croie plus de dignité qu’à la comédie en prose ; une grande comédie en prose est assurément une œuvre très littéraire, surtout si elle est l’œuvre d’un seul auteur ; mais la comédie en vers a cet avantage d’une langue particulière qui parle à la mémoire, et d’un art choisi, précis, délicat, et d’autant plus difficile que les esprits auxquels il s’adresse sont plus cultivés.

48. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Nous avons obtenu pour cette étude difficile et si intéressante la collaboration régulière de M.  […] C’était un essai bien difficile, le plus difficile certes qu’on pût tenter. […] Si je voulais épiloguer sur cette démonstration un peu bien sommaire, il ne me serait pas difficile d’expliquer à M.  […] Les artistes ont exécuté vaillamment cette partition difficile, qui, pour en donner une idée sommaire, semble se rapporter à la tradition musicale de Gluck et de Spontini. […] L’auteur, au contraire, a voulu donner à la fois l’impression de l’homme énergique et intraitable qui sut réaliser victorieusement l’œuvre de Bayreuth, et du poète incomparable à qui nous devons Tristan et Parsifal Le difficile était de fondre en une seule physionomie ces traits si différents et pourtant si réels de la figure du maître : M. de Egusquiza y a évidemment réussi en perfection.

49. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre premier. L’idée force du monde extérieur »

. — Est-il plus difficile de concevoir une autre conscience, un autre moi, qu’un objet en général, un non-moi. — Rôle du facteur social dans l’idée des autres moi. […] Nous n’avons qu’à continuer ainsi : quand nous arrivons au groupe des sensations, émotions et appétitions qui nous constituent, il ne nous est pas difficile de concevoir autre chose que notre moi, comme nous concevons autre chose que la couleur, ou le son, ou l’odeur. […] D’après notre précédente analyse, il n’est pas plus difficile, et peut-être même il est plus facile de concevoir une autre conscience qu’un objet matériel quelconque.

50. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Joseph de Maistre »

Et d’autant qu’aucune caractérisation ne creusera désormais d’une seule ligne l’empreinte maintenant creusée dans tous les esprits par cette physionomie d’écrivain, aussi facile à reconnaître et aussi difficile à déguiser que la figure de Louis XIV. […] ne s’en est si bien tiré dans une circonstance si difficile ! […] Tout cela, facile à prévoir, n’est donc pas pour nous comparable à l’impression que doit causer le ton d’un livre écrit par un esprit qui passait pour violent, — ce qui n’était peut-être pas une calomnie, — et qui a résolu incroyablement le difficile problème, en littérature et en société, de tout dire en respectant tout et de toujours le dire de manière à entrer le plus dans ceux à qui on le dit !

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