/ 3414
1845. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

* Voulez-vous savoir ce que sont devenus les libéraux hargneux qui faisaient la vie si dure au gouvernement d’hier ? […] Assurément, à en juger par quelques-unes de ses notes, il ne lui était pas défendu de devenir un écrivain ; mais il ne l’eût été que malgré lui. […] Il les semait, œufs ou graines, dans un liquide fermentescible approprié, où les œufs en quelques heures devenaient des populations, et les graines des végétations innombrables. […] Comment lui dire, sans l’effrayer, qu’après quarante-huit heures nous ne sommes plus en sûreté à Paris, et qu’à peine arrivés il nous faut reprendre la route de notre lieu de retraite, devenu un lieu de refuge ? […] Mascart est devenu depuis professeur à la Faculté des sciences et au Collège de France, et membre de l’Institut.

1846. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVIII » pp. 266-276

Balzac a dit que les trente mille livres de rente de l’abbé de Tiron (au xvie  siècle) avaient fait faire bien des mauvais sonnets et envoyé bien des pauvres poëtes à l’hôpital ; on peut à plus forte raison appliquer la même parole aujourd’hui : des poussées de jeunes gens qui n’ont qu’une ambition ardente et nulle vocation spéciale se jettent dans les Lettres comme dans une carrière où l’or se ramasse pêle-mêle avec la gloire : ils confondent d’abord l’âpre soif du lucre et du plaisir avec l’étincelle sacrée et l’on sait ce que devient celle-ci. […] Quant au sujet de Port-Royal, il est décidément devenu de mode à Paris, depuis le temps où nous entendions ici même45 un cours qui nous en entretenait les premiers.

1847. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

Becq de Fouquières, jeune officier, avait conçu cette idée d’homme de goût et d’érudit dans le temps où, « un André Chénier à la main, il trompait les longues oisivetés de la vie militaire » ; devenu libre, il s’est empressé de se mettre à l’œuvre, et, d’abord, de se pourvoir de tous les instruments indispensables à l’exécution, parmi lesquels il faut compter au premier rang une connaissance des plus fines de la langue grecque. […] En même temps qu’il a été si soigneux de rattacher à chaque page, à chaque vers, tout ce qui s’y rapporte directement ou indirectement chez les Anciens ou même chez les modernes, le nouvel éditeur ne tire point trop son auteur du côté des textes et des commentaires, et il ne prétend point le ranger au nombre des poëtes purement d’art et d’étude ; il relève avec un soin pareil, il sent avec une vivacité égale et il nous montre le côté tout moderne en lui, et comme quoi il vit et ne cesse d’être présent, de tendre une main cordiale et chaude aux générations de l’avenir : « Chénier, remarque-t-il très justement, ne se fait l’imitateur des Anciens que pour devenir leur rival. » À Homère, à Théocrite, à Virgile, à Horace, il essaye de dérober la langue riche et pleine d’images, la diction poétique, la forme, de la concilier avec la suavité d’un Racine, et quand il en est suffisamment maître, c’est uniquement pour y verser et ses vrais sentiments à lui, et les sentiments et les pensées et les espérances du siècle éclairé qui aspire à un plus grand affranchissement des hommes.

1848. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

L’amour de Diderot pour mademoiselle Voland fut un de ces amours de l’été de la vie, profonds, mûris, irrémédiables, et qui ne demanderaient que des obstacles pour devenir orageux. […] Ce qu’Horace disait à un ami qui était devenu amoureux de son esclave : “Il est beau, il est adroit, il a des mœurs, de l’esprit, des connaissances, c’est un enfant parfait de tous points ; mais je vous en préviens, il est un peu fuyard…” ».

1849. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

C’est surtout en combinant, en développant des idées abstraites, en portant son esprit chaque jour au-delà du terme de la veille, que la conscience de son existence morale devient un sentiment heureux et vif ; et quand une sorte de lassitude succéderait à cette exertion de soi-même, ce serait aux plaisirs simples, au sommeil de la pensée, au repos enfin, mais non aux peines du cœur, que la fatigue du travail nous livrerait. […] Il faut une grande puissance de caractère pour se déterminer aux premiers essais, mais les succès qu’ils assurent deviennent une sorte d’habitude, qui amortit lentement les peines de l’âme.

1850. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIV. Moralistes à succès : Dumas, Bourget, Prévost » pp. 170-180

Bourget : « Il n’a jamais eu plus de talent. » Il est admirable comme les reporters sont, tout coup, devenus connaisseurs. […] (Ici, d’ailleurs, le reproche réfuté tout à l’heure deviendrait fondé : que vous ne nous montrez que des exceptions.)

1851. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 8-23

On dira peut-être que l’amour sur la Scène tragique, conduisant aux malheurs, aux crimes, & aux remords, cesse d’être dangereux, & devient un principe fécond pour développer avec succès les différentes impressions dont l’ame humaine est susceptible. […] Par quels moyens Racine devint-il un si excellent Poëte ?

1852. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre quatrième. L’aperception et son influence sur la liaison des idées »

Nous avons vu que Spencer admet une association spontanée de chaque état de conscience avec la classe, l’ordre, le genre, la variété des états de conscience antérieurs et semblables ; cette association est un acte de pensée qui ne peut jamais manquer dans un être doué de cerveau ; elle enveloppe la reconnaissance même de chaque état de conscience : c’est grâce à elle que les changements intérieurs, au lieu d’être une pure succession de changements sans lien, deviennent une combinaison de changements organisés et conscients de leurs rapports. […] Ainsi, dans une de ses expériences, les images suivantes se présentèrent : un arc, une flèche, une personne tirant de l’arc et n’ayant que les mains visibles, un vol de flèches occupant complètement l’œil de la vision (contiguïté), des étoiles tombantes, de gros flocons de neige (ressemblance), une terre couverte d’un linceul de neige (contiguïté), une matinée de printemps avec un brillant soleil (contiguïté et contraste), une corbeille de tulipes, disparition de toutes les tulipes à l’exception d’une seule ; cette tulipe unique, de simple, devient double ; ses pétales tombent rapidement, il ne reste que le pistil, le pistil grossit, etc.

1853. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et l’abbé Desfontaines. » pp. 59-72

Mais, dès ce moment, on peut dire qu’il devint célèbre. […] La cruelle aventure de Bicêtre, où l’abbé Desfontaines fut mis en 1725, devint surtout la source de son extrême animosité contre M. de Voltaire, qui le servit bien alors, qui courut à Fontainebleau où la cour se trouvoit, qui employa tout le crédit qu’il avoit à celle de M. le duc, qui réussit enfin à procurer & son élargissement & la discontinuation d’un procès où il s’agissoit de la vie.

1854. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre sixième. »

Vers charmant qui méritait de devenir proverbe, comme l’est devenu le dernier vers : Aide-toi, le ciel t’aidera.

1855. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres » pp. 395-408

D’un autre côté les gens du métier deviennent plus circonspects lorsqu’ils sentent qu’ils ont affaire avec des hommes éclairez. […] Tout italien devient donc un peintre pour les tableaux d’un peintre étranger.

1856. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Dupont-White »

Avec cette notion de l’État, rabaissée jusqu’au chien même de Thémistocle, que devenait le de Maistre possible que notre critique avait cru entrevoir à travers les indécisions, les confusions et les ténèbres d’un livre dont nous avions noté avec espérance quelques éclairs ? […] Est-ce l’État résistant par un Cromwell ou un Bonaparte, ou l’État devenu le valet des utopies en vogue, des expédients transitoires, des passions armées et triomphantes aujourd’hui, mais qui seront vaincues demain ?

/ 3414