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1761. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Franceschi, devenu titulaire du 8e hussards, prit une part active aux opérations de la campagne de 1805. […] Franceschi est envoyé à Naples, où le prince Joseph était devenu roi. […] Je ne crois rien m’exagérer, mais ce récit naturel, qui d’une part nous montre des populations exaspérées, fanatisées, sauvages, des chefs et des gouverneurs timides et obligés de hurler avec la populace, de peur de la voir se déchaîner ; qui, d’autre part, nous fait entrevoir des âmes humaines comme il s’en rencontre partout, des cœurs pétris d’un meilleur limon et qui s’attendrissent au spectacle des peines et des souffrances de leurs semblables ; ce récit, sans y viser, a quelque chose de pathétique et de tout à fait virgilien : « Au coucher de la lune, l’obscurité devint profonde ; les guérillas perdirent toute trace de chemin et nous surveillèrent de plus près. […] Ce malheureux ami, mes camarades, tendaient leurs mains vers moi à travers la grille et m’adressaient leurs vœux pour le succès de mon voyage. » Après le départ du capitaine de Saint-Joseph, c’est l’aide de camp Bernard qui devient le narrateur et qui adresse à son camarade la relation des derniers mois de cette triste captivité.

1762. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite et fin.) »

Songer à lui substituer l’abbé Raynal, vieux, fatigué, moins grand que célèbre, dès longtemps retiré de la scène, qu’une dernière affaire, un dernier conflit allait achever de ruiner et d’user, et qui enfin n’était pas membre de cette Assemblée devenue souveraine ! […] Voltaire, Montesquieu, Rousseau, Mably sont morts avant d’avoir vu fructifier les germes qu’ils avaient semés dans les esprits : vous vivez, vous qui avez avec eux préparé les voies de la liberté ; et, comme dans ces associations ingénieuses où les vieillards qui survivent héritent de toute la fortune de leurs confrères morts, on se plaisait à voir accumuler sur votre tête le tribut de reconnaissance et d’hommages que l’on ne peut plus offrir qu’à leur cendre… » L’abbé Raynal, devenu homme de génie à l’ancienneté, en héritant successivement des morts, et par le mouvement naturel de la tontine des réputations, un homme de génie par survivance, c’était bien cela ! […] Barnave, après le retour de Varennes, ne tarda pas à s’ouvrir à Malouet comme avait fait autrefois Mirabeau : Malouet, par position comme par caractère, devenait naturellement le confesseur des repentis. […] A cette nouvelle, le ministre devient furieux et part pour Anvers, « pour mettre ordre, disait-il, aux entreprises de M. 

1763. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

Un autre poète évêque, Pontus de Tyard, est devenu le sujet d’un prix proposé par l’Académie de Mâcon et décerné à un écrit fort développé et fort circonstancié de M.  […] Émile Chasles, dans une thèse sur la Comédie en France au xvie siècle (1862), a rendu plus de justice qu’on ne l’avait fait encore à l’effort tenté par quelques poètes de la Pléiade pour instituer une comédie qui ne fût plus celle des carrefours et qui tendait à devenir la comédie des honnêtes gens. […] C’est alors que, sur le déclin du moyen âge, un poème qui ne semblait point destiné d’abord à la grande fortune qu’il eut depuis, le Roman de la Rose, causa, parmi les esprits cultivés, une vive distraction, et apporta dans le courant des idées poétiques une perturbation étrange ; ce qui n’était d’abord qu’un accident devint (comme cela s’est vu souvent en France) l’occasion d’un entraînement général, d’une véritable révolution dans le goût. […] Après tout, le livret de Du Bellay a amorcé la voie qui, agrandie avec le temps et aplanie, et le génie de la France s’en mêlant, est devenue la route royale de Louis XIV.

1764. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Déjà sans doute les choses se gâtaient : « Des esprits rudes, remarque-t-il, pourvus de robustes organes, sont entrés tout à coup dans la littérature, et ce sont eux qui en pèsent les fleurs. » La controverse, il le remarque aussi, devenait hideuse dans les journaux ; mais l’aménité n’avait pas fui de partout, et il y avait toujours les belles-lettres. […] Mais dans le beau et le sublime, et dans tout ce qui y participe en quelque sorte que ce soit, on sort des temps, on ne dépend d’aucun, et, dans quelque siècle qu’on vive, on peut être parfait, seulement avec plus de peine en certains temps que dans d’autres. » Il devint un admirable juge du style et du goût français, mais avec des hauteurs du côté de l’antique qui dominaient et déroutaient un peu les perspectives les plus rapprochées de son siècle. […] Je le sens, quand je songe surtout que votre malheur peut, à chaque instant, devenir le mien. […] J’ajoutais, en terminant, quelques conseils de détail relatifs à une future réimpression ; ils deviennent inutiles à reproduire, le vœu que j’exprimais ayant été surabondamment rempli. — (Voir encore sur M. 

1765. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Cependant le besoin de connaître les langues des Evangiles et de la Bible devenait plus pressant : et mettant à exécution des résolutions prises depuis assez longtemps, l’université de Paris donnait cent écus à Grégoire Tifernas en 1457 pour enseigner le grec avec la rhétorique. […] Charles VIII, Louis XII avaient donné quelques marques de bonne volonté aux promoteurs des études antiques ; Louis XII avait fait de Lascaris un ambassadeur ; ce fut sous son règne que l’hellénisme entra à la cour avec Budé, devenu secrétaire du roi. […] Le fait est considérable, et ce premier apport de l’Espagne ne pouvait être passé sous silence : car Amadis ne fut pas seulement au temps de François Ier et de Henri II le code des belles manières et de l’honneur mondain, il ranima le roman idéaliste, et devint le point de départ d’une évolution qui nous conduit, par d’Urfé et Mlle de Scudéry, jusqu’à George Sand et à Feuillet. […] Biographie : Mellin de Saint-Gelais (1487-1558), fils du poète Octovian de Saint-Gelais, évêque d’Angoulème, fut très bien instruit en langues, sciences, armes, arts libéraux, étudia le droit aux universités de Poitiers, Bologne, Padoue, entra dans les ordres en 1524, et devint aumônier du dauphin.

1766. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Un nez démesuré ; de grands yeux qui devaient être beaux, mais à fleur de tête ; pas déjoués : deux profils collés ; une bouche vilaine, soulevée par les dents obliques ; en somme, un nez et deux yeux, et presque rien avec ; une laideur puissante, fascinatrice si l’on veut, qui devait s’illuminer et devenir superbe dans les moments de passion ou dans l’ivresse des batailles. […] Il revient à Paris, entre à l’Académie royale, qui était une sorte d’École militaire, et commence à aller dans le monde, à l’hôtel de Condé et à l’hôtel de Rambouillet, où il rencontre une foule de jolies personnes et notamment cette touchante Marthe du Vigean dont il devient quelque peu amoureux. […] Quand on doit faire ce travail pour un certain nombre de régiments ou de groupes plus considérables et lier entre elles et subordonner les unes aux autres des évolutions déjà si complexes en elles-mêmes, le calcul devient étrangement difficile. […] Et c’est par là que le rôle de l’homme de guerre devient d’une incomparable grandeur.

1767. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Ne sait-on pas, au reste, que la tentative a échoué sans retour, et qu’il n’est personne, aujourd’hui, qui s’illusionne encore sur les promesses de ce démontage anatomique de l’âme humaine, dont les individualistes outranciers ont cordialement assumé l’ardue tâche, dans l’espoir manifeste qu’elle aboutirait au triomphe du moi, devenu la formule suprême de vérité. […] Bourget voulut qu’il devînt un auteur célèbre, et sa faute est humaine. […] France ait un penchant pour le casuel — entendez pour ce qui tente, — et qu’il devienne significatif, dès que l’on s’en rapporte à la physionomie de son œuvre, pour se le représenter, de le voir s’écarter en un sens de l’idée qu’il donne succinctement de lui-même, — nous le voulons bien. […] Non que ce dernier ait explicitement prétendu être plus qu’un dilettante ; mais, si sa pensée s’en flatte à son insu, il ne devient que plus malaisé de voir comment son style, qui est voué à l’art, seconde cette illusion.

1768. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Desmoulins se fit recevoir avocat : avocat sans causes, il se trouvait naturellement disponible à la veille de 89, et tout prêt à devenir agitateur, pamphlétaire et journaliste. […] L’oncle friand… Mais ceci devient par trop vif. […] Ici, sous air de raillerie et de parodie, il devient sérieusement éloquent et décidément courageux. […] On sait ce qu’ils devinrent.

1769. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

On y a joint le recueil des petits écrits ou pamphlets sortis de sa plume dans les premières années de la Révolution, et qui étaient devenus presque introuvables. […] Ce puissant excitateur de hautes pensées politiques va devenir une de nos connaissances particulières, et, peu s’en faut, l’un de nos amis. […] Marié depuis l’âge de trente-deux ans (1786), il était devenu père de famille à son tour. […] Dans un ordre plus important encore que l’ordre littéraire, M. de Maistre témoigne de ces humilités sincères qui deviennent touchantes de la part d’un esprit aussi hautement doué et aussi élevé : Je ne sais, écrivait-il peu d’années avant sa mort, ce que c’est que la vie d’un coquin, je ne l’ai jamais été ; mais celle d’un honnête homme est abominable.

1770. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

« Quand la puissance secrète qui anime l’univers forma le globe que l’homme habite, elle imprima aux êtres qui le composent des propriétés essentielles qui devinrent la règle de leurs mouvements individuels, le lien de leurs rapports réciproques… » C’est ainsi que s’exprime ce Génie, qui n’est pas un de ceux des Mille et Une Nuits. […] L’histoire entière des peuples est présentée comme un vaste quiproquo et une fausse route prolongée qui ne doit se rectifier que lorsque les hommes seront éclairés et sages ; et comme le néophyte, effrayé de ce spectacle universel d’erreurs, se met à désespérer de nouveau et à se lamenter, le Génie le rassure une seconde fois et lui démontre que ce règne de la sagesse et de la raison va enfin venir ; que, par la loi de la sensibilité, l’homme tend aussi invinciblement à se rendre heureux que le feu à monter, que la pierre à graviter, que l’eau à se niveler ; qu’à force d’expérience, il s’éclairera ; qu’à force d’erreurs, il se redressera ; qu’il deviendra sage et bon, parce qu’il est de son intérêt de l’être ; que tout sera fait quand on comprendra que la morale est une science physique, etc. […] De ces tracasseries de plus d’un genre qui menaçaient de devenir une persécution, Volney conclut que les États-Unis n’étaient pas un lieu privilégié de paix, et il s’en revint en France en 1798. […] Dureau de La Malle, et il y avait fait mettre cette inscription philosophique, qui semblait protester à demi contre ces honneurs que pourtant il ne répudiait pas : en 1802 le voyageur volney devenu sénateur, peu confiant dans la fortune, a bâti cette petite maison plus grande que ses désirs.

1771. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Amédée Thierry l’a presque vu, — et puis son œil s’est refermé, — quand il nous a dit, toujours en se tenant dans les rapprochements biographiques qui sont si maigres : « Il devint homme sur les bords du Danube. […] Si donc ils retrempèrent le monde, s’ils le régénérèrent, et s’ils devinrent, selon l’expression de l’écrivain goth, une fabrique de nations, ce ne fut ni par la pureté acérée de leurs mœurs, ni par la fierté de leur caractère. […] De l’expiation sur une échelle énorme sont sorties les nations païennes pour devenir des nations chrétiennes ; et quand les nations chrétiennes, à leur tour, auront sombré dans tous les vices, elles n’auront, pour se relever et se refaire, rien de meilleur, de plus puissant et de plus beau. […] Ferrari, passent pour le moment sur le ventre aux idées de l’abbé du Bos et de Montesquieu, qui se relèveront et le rendront à qui les foule ; seulement, ses idées une fois jetées parterre, qu’on me fasse le plaisir de me dire ce que deviendra le très honorable M. 

1772. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

que deviendront alors tant d’histoires qu’on intitule philosophiques, si ce jugement est véritable ? […] Son âme, à moitié échappée de son corps, devient presque visible sur son visage. […] Les défauts du modèle devinrent plus remarquables dans ses copistes ; et sa réputation s’en affaiblit. […] À peine avait-il fait entendre sa voix, que ce temple environné de crêpes semblait devenir plus sombre. […] Mais la victoire va devenir plus terrible pour le duc d’Enghien que le combat.

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