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421. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

Ce fut sa destinée, à cet homme qui avait réellement du génie, mais pour qui le génie fut toujours une force perdue, de mériter dix gloires pour une, et toutes ces dix, de les manquer ! […] Malechance de facultés énormes, destinée inouïe et providentiellement incompréhensible, — si tant d’infortune ne fut pas plutôt la faute des hommes !

422. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

Ils appartenaient à ces idées…, mais ils appartenaient aussi, et par leur destinée et par les premières observations de la vie pensante, qui forment, pièce à pièce, la mosaïque intérieure de notre génie, à ce peuple dont ils avaient à traduire les sentiments, le langage et les inspirations ! […] » Mais il s’agit ici de génie, et non pas de destinée.

423. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

En vain l’a-t-il fait aussi, comme Christian, victime de l’absence d’éducation morale, cette plaie du siècle, et le ramène-t-il à l’ordre et à la vraie destinée par le sentiment paternel, comme il y a ramené Christian par l’amour ; en vain la scène du verre de champagne accepté, qui l’introduit dans le roman, est-elle charmante et attendrie, ce personnage de Chambornay nuit plus qu’il ne sert au développement du livre, et, avec le talent mâle, sobre et qui se ménage si peu de l’auteur, avec ce talent qui sait revenir si courageusement sur lui-même pour s’opérer de ses propres mains, on est étonné qu’il n’ait pas sacrifié et remplacé cette figure selon nous malvenue à travers toutes les autres qui le sontsi bien. […] Peut-être Francis Wey est-il destiné aux œuvres sans horizon, mais non sans lumière, aux œuvres qui n’embrassent pas, mais qui percent.

424. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Arthur de Gravillon »

Il est certain qu’il y a là une destinée, et, s’il y a une destinée, — Dieu sait ce qu’il fait !

425. (1868) Curiosités esthétiques « VIII. Quelques caricaturistes étrangers » pp. 421-436

Pourtant il a, même à cette époque, fait de grandes lithographies très-importantes, entre autres des courses de taureaux pleines de foule et de fourmillement, planches admirables, vastes tableaux en miniature, — preuves nouvelles à l’appui de cette loi singulière qui préside à la destinée des grands artistes, et qui veut que, la vie se gouvernant à l’inverse de l’intelligence, ils gagnent d’un côté ce qu’ils perdent de l’autre, et qu’ils aillent ainsi, suivant une jeunesse progressive, se renforçant, se ragaillardissant, et croissant en audace jusqu’au bord de la tombe. […] Je voudrais que l’on créât un néologisme, que l’on fabriquât un mot destiné à flétrir ce genre de poncif, le poncif dans l’allure et la conduite, qui s’introduit dans la vie des artistes comme dans leurs œuvres.

426. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

. — Pour quelles destinées ? […] — de toute destinée ! […] La destinée en décida autrement. […] Il manquera sa destinée pour avoir eu des facultés supérieures à son milieu. […] de destinée.

427. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Son style, plein de pompe et d’harmonie, manque de nuances, de sensibilité et de douceur, tandis que celui de Bernardin de Saint-Pierre, simple comme la nature, semble destiné à la peindre dans sa grâce et dans sa sublimité. […] Rousseau, auquel on l’a souvent comparé, peut-être parce qu’il fut son ami et que leurs destinées furent presque semblables. […] Telles furent les destinées de ces deux grands écrivains. […] Voilà comment je touchai de près à la destinée de ce philosophe et de ce poëte. […] Mais enfin, de tant d’hommes que nous voyons si occupés dans ces plaines, de tant d’autres qui vont chercher la fortune aux Indes, ou qui, sans sortir de chez eux, jouissent en repos, en Europe, des travaux de ceux-ci, il n’y en a aucun qui ne soit destiné à perdre un jour ce qu’il chérit le plus, grandeurs, fortune, femme, enfants, amis.

428. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 2-5

Qu’on suppose que Rabelais ait voulu s’envelopper, pour ne point paroître attaquer si directement ce qui aiguisoit son humeur satirique : étoit-ce d’un tissu de pensées triviales, de propos obscènes, d’expressions basses, qu’il devoit former le voile destiné à cacher ses allégories ?

429. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VI. Voltaire historien. »

Il lui est arrivé en histoire ce qui lui arrive toujours en poésie : c’est qu’en déclamant contre la religion, ses plus belles pages sont des pages chrétiennes, témoin ce portrait de saint Louis : « Louis IX, dit-il, paraissait un prince destiné à réformer l’Europe, si elle avait pu l’être, à rendre la France triomphante et policée, et à être en tout le modèle des hommes.

430. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Challe  » pp. 141-142

C’est que le choix du moment est vicieux ; il fallait prendre celui où cette femme altière déterminée à tromper l’orgueil romain qui la destinait à orner un triomphe, se découvre la gorge, sourit au serpent, mais de ce souris dédaigneux qui retombe sur le vainqueur auquel elle va échapper et se fait mordre le sein.

431. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier »

On dirait que dans sa destinée prodigue, dans cette vocation mobile qui aime à s’épandre hors du centre, il se reflète quelque chose de la destinée de sa province elle-même, si tard réunie. […] Je ne sais quelle fatalité de destinée ou quel tourbillon romanesque, du Peintre de Saltzbourg à Jean Sbogar, le jeta toujours par les précipices ou sur les lisières, à droite ou à gauche de ces grandes lignes où convergent en définitive les seules et vraies figures du poëme humain comme de l’histoire. […] quand on est destiné à écrire cette phrase-là, ou celles encore de la magique danse des castagnettes dans Inès de las Sierras, on éprouve trop de dédommagement secret à décrire même ses erreurs, même ses désespoirs, pour ne pas devoir leur échapper bientôt et leur survivre. […] … » Idylle et catastrophe, une vive et brillante promesse interceptée, son imagination avait pris de bonne heure ce tour dans le sentiment de sa propre destinée et dans l’expérience des malheurs particuliers, réels, auxquels il est temps de venir.

432. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

« Ce rossignol qui sanglote si mélodieusement, peut-être sur la perte de ses petits ou de la chère compagne de son nid, remplit l’air, le ciel et la vallée de notes si attendries et si tronquées par ses soupirs qu’il semble accompagner toute la nuit mes propres lamentations et me remémorer ma dure destinée !  […] Les familles ont leur destinée comme les nations ; heureuses celles qui commencent ou finissent par des consanguinités même traditionnelles avec les poètes ! […] Mais les livres ont leur destinée et leurs retours de fortune comme les hommes ; la postérité a ses engouements comme le temps : elle fait mourir et revivre pour un moment les philosophes, les historiens, les poètes ; elle ensevelit les uns dans ses dédains, elle exhume les autres par ses engouements. […] « Et elle me répond : “Elle est bientôt accomplie ta destinée, et les vingt ou trente années qu’elle peut tarder encore te paraissent beaucoup et ne sont rien comparées à l’éternité qui nous attend ! […] Leur génie, c’est leur sensibilité ; il leur a suffi de sentir profondément, d’aimer divinement pour devenir des puissances de sentiment ; un clin d’œil a fait leur destinée.

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