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495. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

C’est ce qui établit entre l’image mnémonique du plaisir et la réalité du plaisir une différence, et cette différence est appréciable pour la conscience par son caractère même de discontinuité, de contraste : elle enveloppe un sentiment de contrariété, parce que le réel résiste à notre désir et ne s’y adapte plus. […] Dans la mémoire comme ailleurs, nous admettons un élément irréductible au pur mécanisme et au pur intellectualisme, et cet élément est toujours le même : le désir, inséparable du sentir. […] Supposons, avec Pascal, un homme devenu machine en tout un homme dont les sens seraient entièrement fermés aux impressions nouvelles, dont la conscience même serait close à tout état nouveau, idée, image, sentiment ou désir, « les séries d’états de conscience et de souvenirs auxquelles cet homme serait réduit finiraient à la longue, dit Th.

496. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

L’association des idées ou images a besoin d’un moteur, qui est toujours un intérêt pris à quelque chose, un désir, une volonté attachée à quelque fin. […] Hugo, en est aussi le plus subjectif, le plus « impressionniste », celui qui nous offre les sentiments les plus raffinés, les plus délicats, des désirs mêlés à du rêve, des gaîtés qui se fondent en tris-fesses, des tristesses qui s’achèvent en sourires. […] A dix ans, « déjà tourmenté du désir de sortir de lui-même, de s’incarner en d’autres êtres dans une manie commençante d’observation, d’annotation humaine, sa grande distraction pendant ses promenades était de choisir un passant, de le suivre à travers Lyon, au cours de ses flâneries et de ses affaires pour essayer de s’identifier à sa vie. » (Daudet, Trente Ans de Paris ; Revue bleue, p. 242, 25 février 1888.)

497. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Sur le visage presque imberbe, toutes les lignes sont fermes et précises comme sur un bronze ciselé avec insistance ; la peau recouvre d’une pâleur fauve des muscles secs, accoutumés à se manifester par un frémissement sauvage dans le désir ou dans la colère ; le nez droit et rigide, le menton osseux et étroit, les lèvres sinueuses, mais énergiquement serrées, exprimant la volonté téméraire ; et le regard est pareil ù une belle épée, dans l’ombre d’une chevelure épaisse, lourde et presque violette comme les grappes de raisin embrasées par le soleil sur le sarment le plus vivace. […] L’amitié avec la nature peut vivre autant que nous, mais elle n’a qu’une saison pour commencer : celle de la première jeunesse, l’heure matinale, où le cœur, doué d’une puissance de désir et d’émotion qui ne sera jamais plus grande, n’est encore pris à rien et peut se prendre à tout, parce que les tendresses qui l’occuperont ne sont pas encore nées. À ce moment, il est si plein du désir d’aimer qu’il aime les choses, et qu’elles s’animent pour lui, et l’entendent, et lui parlent.

498. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Ne voit-on pas dès lors que ce désir du mieux est précisément la force qui crée, qui réalise et qui épuise les principes, l’un après l’autre ? […] Mais encore : d’où vient ce désir de perfection, cette soif éternelle de l’absolu chez l’homme que la réalité relative étreint de toutes parts ? Je sais qu’on a expliqué ce désir par un Créateur et que, réciproquement, on a voulu prouver par lui l’existence du Créateur.

499. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Mais il reste alors, et c’est le plus grave, qu’entre le désir de ne pas nommer les hommes d’une classe supérieure et le désir de ne pas nommer les hommes de la classe obscure, l’électeur des démocraties nomme des déclassés. […] Du désir qu’a l’homme faible que tous les hommes soient aussi faibles que lui. […] On peut consacrer un nombre d’heures considérable à un objet dont personne n’a le besoin ni le désir. […] Il était, en 1830 comme en 1800, attiré vers toutes choses par le désir de comprendre tout. […] Il a aimé savoir le secret des hommes, et dans ce désir il entrait au moins comme un goût de l’humanité.

500. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Hugues Le Roux, j’ai émis le désir de lui voir écrire un roman développé, ce que nous appelons : un livre. […] L’étude prolongée du cadavre humain avait donné au sculpteur le désir de représenter l’animal vivant. […] Alors j’avais imaginé un enfantin subterfuge, une folie d’amoureux, pour faire prendre patience à mon désir. […] Un désir fou me vint de sauter dans le train, d’aller la voir. […] tu n’as pas un sourire pour elle, pas un désir ne s’élève en tes sens pour son beau corps ?

501. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Il allait, comme les poètes lyriques, suivant obstinément son désir et criant sa folie par les rues : Des vers ! […] Elle se déroule, toujours pareille, avec la mort au bout. » Et ailleurs : « J’éprouve chaque jour, en me rasant, un désir immodéré de me couper la gorge. » Ailleurs encore : « Ai-je perdu la raison ? […] Un grand désir de vie éternelle se cachait sous cette adoration de la mort. […] Georges Dalmeyda vient de traduire avec la plus élégante minutie, prouvent que, sur certaines folies du désir humain, tout est dit et l’on vient trop tard20. […] À connaître ainsi les motifs, les mobiles qui nous font mouvoir, on perd le désir de les mettre en branle… Mais M. 

502. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Chacun de nous, se tournant vers lui-même, se sent évidemment libre de suivre son goût, son désir ou son caprice, et de ne pas penser aux autres hommes. […] Pour résister à la résistance, pour nous maintenir dans le droit chemin quand le désir, la passion ou l’intérêt nous en détournent, nous devons nécessairement nous donner à nous-mêmes des raisons. Même si nous avons opposé au désir illicite un autre désir, celui-ci, suscité par la volonté, n’a pu surgir qu’à l’appel d’une idée. […] De tout temps la femme a dû inspirer à l’homme une inclination distincte du désir, qui y restait cependant contiguë et comme soudée, participant à la fois du sentiment et de la sensation. […] Disons que le problème qui a inspiré de l’intérêt est une représentation doublée d’une émotion, et que l’émotion, étant à la fois la curiosité, le désir et la joie anticipée de résoudre un problème déterminé, est unique comme la représentation.

503. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Edmond Scherer m’a paru représenter assez exactement cette catégorie d’esprits qui s’en allèrent au fil de l’eau, tourmentés du désir de le remonter. […] La jeune femme a eu tous les bons exemples sous les yeux ; en outre, elle est d’un sang pâle qui ne la tourmente d’aucun désir. […] Bourget soit d’instinct un moraliste, qu’il ait à un haut degré, pour lui-même et pour les autres, le goût du bien et le désir du progrès, on n’en saurait douter. […] Au fond, ce qu’il y a peut-être de plus grand dans l’âme humaine, c’est le désir, et ce qui fait peut-être toute la noblesse des religions, c’est qu’elles sont l’expression du plus large désir de l’infini et de l’éternité. […] faut-il en vouloir aux pauvres hommes si, ayant le désir du Bien, ils sont impuissants à le réaliser ?

504. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Émile Augier » pp. 317-321

Publiciste plein de verve, et homme politique encore plus zélé qu’ambitieux, il ne se considérait dans les lettres proprement dites que comme un amateur, et son désir, son effort, dans les derniers temps, et quand des loisirs lui furent imposés par les circonstances, c’eût été de conquérir, en perfectionnant un de ses anciens livres, ce rang d’auteur durable dont il sentait tout le prix.

505. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVI » pp. 147-152

Si le ministre de l’instruction publique consultait ses désirs et ses craintes, il n’accorderait rien, pas même la faculté de laisser faire des bacheliers venus d’autre part que des colléges de l’Université.

506. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Comtesse Merlin. Souvenirs d’un créole. »

Née à la Havane dans cet opulent climat qui plus tard lui faisait paraître l’Andalousie si chétive, et où les mouches volantes seraient seules des clartés suffisantes de la nuit, la jeune Mercedès Jaruco, élevée d’abord et très gâtée chez sa grand-mère, puis mise au couvent où elle ne peut tenir et d’où elle s’échappe un matin, puis auprès d’une tante de chez laquelle elle s’échapperait non moins volontiers, nous apparaît dans sa beauté native, sachant lire à peine, souvent sans bas, un peu sauvage, ne s’arrêtant jamais entre un désir et son but, courant à cheval et tombant, grimpant à l’arbre et s’évanouissant au toucher d’une couleuvre, bonne pour les nègres, dévouée au premier regard pour ce qui souffre ; on se plaît à admirer une enfance si franche et si comblée des plus riches dons, racontée avec finesse et goût par la femme du monde.

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