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144. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

» D’Alembert a relevé ce mot et le lui a reproché comme venant d’un trop grand désir de plaire, et de plaire à tous. Même dans ce désir et dans les moyens qu’il lui suggérait, elle restait vraie, elle était sincère. […] Ainsi, jusqu’à la fin, on la verra partagée dans son délire entre le besoin, le désir de mourir pour M. de Mora, et l’autre désir de vivre pour M. de Guibert : « Concevez-vous, mon ami, l’espèce de tourment auquel je suis livrée ?

145. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 312-324

Cet Auteur étoit ennemi de toutes prétention, & n’avoit, dit M. de Buffon *, nul empressement de se faire valoir, nul penchant à parler de soi, nul désir ni apparent ni caché de se mettre au dessus des autres. […] Qu’il se glorifie de mépriser ses loix : victime de ses révoltes, pour peu qu’il rentre en lui-même, il comprendra que ces loix ne mettent un frein aux désirs, que pour les diriger au bien, prévenir les crimes, & éparger les remords.

146. (1898) Inutilité de la calomnie (La Plume) pp. 625-627

Encore, comme le Voyage d’Urien, c’est d’un désir réalisé que M.  […] Retté, en qui se confondent les plus contradictoires désirs ; à M. 

147. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

François Coppée Maître, l’envieux n’a pu satisfaire Sur toi son cruel et lâche désir. […] Ton âme a donc rejoint le somnolent troupeau Des ombres sans désirs, où t’attendait Virgile, Toi qui, né pour le jour d’où le trépas t’exile, Faisais des Voluptés les prêtresses du Beau ! […] Les Olympes toujours ont nos désirs pour jeux !

148. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Une jeune fille, belle, riche, séduisante, mais capricieuse, nommée Lilli, lui donna le désir d’un mariage d’amour et de raison réunis en elle. […] Empare-toi de mon cœur, douce peine du désir d’amour qui vis altéré de la rosée de l’espérance ! […] Ainsi je vais, comme un homme ivre, des désirs à la jouissance, et dans la jouissance je regrette le désir !  […] Sors d’ici, misérable, et ne prononce pas le nom de l’angélique créature, et ne viens pas présenter à ma passion sainte un profane désir ! […] Je suis cependant bienveillante pour les autres hommes ; mais autant je brûle du désir de te regarder, autant l’aspect de cet homme m’inspire une secrète horreur ; et c’est ce qui fait que je le tiens pour un coquin !

149. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Elle savait mon désir de connaître Balzac. […] … « Sa tendresse paternelle augmentait encore ce désir de longévité. […] Ce désir fait le sujet de sa troisième lettre. […] il faudra passer la vie à sentir des désirs non satisfaits, de misérables jalousies, tristes peines ! […] Laure, Laure, mes deux seuls et immenses désirs, être célèbre et être aimé, seront-ils jamais satisfaits ?

150. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Il aima Goethe dès lors, et sentit un vague désir de se donner à lui ; mais il faut l’entendre lui-même : « Je vécus des semaines et des mois, dit-il, absorbé dans ses poésies. […] Déjà, tout en ne disant rien, je m’occupe à m’acquitter avec vous en réfléchissant ici à vos pensées, à votre situation, à vos désirs, au but que vous cherchez, à vos plans d’avenir. […] Vous voyagerez en été, et vous verrez petit à petit ce que vous avez le désir de voir. […] Mon hôtesse me la vantait tellement, qu’il me prit un grand désir de la voir. […] J’avais longtemps éprouvé le plus ardent désir de connaître cette poésie, mais j’avais naturellement hésité à prier Goethe de me la montrer.

151. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Il fallait dès le début nous rendre visible, palpable, ce fait qu’on ne peut posséder l’Amour et l’Or en même temps ; il fallait nous faire voir de nos yeux le conflit intérieur entre le désir de l’Or et la soif de l’Amour ; et il fallait nous montrer la Mort, que ce conflit entraîne inévitablement. […] Et elle faisait, inconsciemment, tout ce qu’elle pouvait faire, car Lohengrin, dans sa théorie mystique du désir de la femme d’étreindre complètement ce qu’elle aime, disparaissait et devenait la légende intéressante du « Chevalier au Cygne », qui se développait derrière le bâton exact du bon chef d’orchestre. […] Mais ce n’est pas le désir qui manque. […] Ce sont ceux qui ont pour unique ambition de réaliser le désir exprimé par Wagner ; ce sont ceux qui ont senti « le penchant à l’aimer et le besoin de le comprendre » et qui, pour le satisfaire, ont étudié l’œuvre, comme elle veut l’être, ils n’ont pas voulu faire ce départ de l’artiste et de l’homme qui est aussi insensé que la séparation de l’âme et du corps » ; ils ont voulu connaître à fond cet artiste qu’« inconsciemment au moins et involontairement » ils aimaient comme homme ; ils ont étudié aussi bien ses écrits théoriques que ses œuvres d’art et aussi ce qui pouvait être connu de sa vie. […] Quant au wagnérisme de nos Wagnériens, j’imagine qu’il est sincère et intelligent ; qu’il ne leur vient point du désir d’être à la mode, mais de l’impérieux appel de leurs âmes d’artistes : j’imagine encore qu’il les porte à voir en Wagner autre chose qu’un harmoniste très habile, un César Franck allemand, sans pareil pour les tours de force : autre chose aussi qu’un auteur de mélodies sensuelles à la façon de Schumann ou de M. 

152. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Le vrai coup primitif, ce n’est pas celui dont parle Spencer et qui est tout mécanique, c’est la douleur, c’est le désir entravé, c’est la vie même de l’être se sentant d’une manière immédiate dans son opposition avec le milieu. […] Darwin semble l’admettre ; car son principe est « le combat universel pour la préservation de la vie. » Spinoza avait dit de même que c’est l’effort de l’être pour se conserver qui est le fond du désir, la source du mouvement universel. […] La jouissance actuelle, comme celle de beaux sons ou de belles couleurs, en tant que complète et considérée en elle-même, ne provoque pas le désir d’autre chose, elle est satisfaite de soi ; est-ce à dire qu’elle soit alors passive et liée à l’inertie ? […] C’est le sentiment de cette diminution, de cette perpétuelle déchéance, où la volupté se trahit elle-même, qui est l’excitant réel du désir toujours renaissant, de la « faim » toujours renaissante. […] L’évolution, l’universel « devenir », que les anciens appelaient l’universel « désir », est donc, selon la doctrine profonde de Platon dans le Banquet, « l’enfant de la Richesse » et non pas seulement de la « Pauvreté ».

153. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Il faut donc montrer le rapport intime qui relie les croyances nécessaires, principalement les principes d’identité et de raison suffisante, aux lois biologiques des réactions motrices et aux lois psychologiques du désir ou du vouloir. […] Toute exertion de force est une assertion ; tout acte, tout désir, tout vouloir, tout mouvement est une affirmation. […] Le désir a toujours une intensité psychique : il suppose donc une énergie que nous mesurons plus ou moins grossièrement. De plus, le désir est accompagné d’un sentiment d’innervation et de motion à l’état naissant, en un mot de motricité. Quand le mouvement commencé s’accroît et s’achève sous la pression du désir même, il y a là deux termes unis par un lien encore plus étroit que ceux dont nous avons parlé tout à l’heure.

154. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Le lecteur sent le goût amer de ce désenchantement effleurer ses lèvres ; une ironie oblique et tacite, une arrière-pensée de déplaisir, comme un immense désir d’autre chose que le réel se glisse en son esprit lentement lassé, sans qu’un aveu soit sorti du livre, sans qu’une page formule le mécompte de l’écrivain et donne au lecteur le droit d’être sûr, la joie de la création et de l’existence, la joie de la perception de la force se ranime sans cesse et s’éteint dans son esprit, comme une flamme menacée, mal entretenue, et qui brûle en pure perte. […] Jetés dans les hasards d’une époque troublée, militaires pour la plupart, homme de cour, de loisirs et de richesse, ils sont préoccupés de cette énigme dernière ; ils cherchent tous une réponse qui comble la contradiction entre leurs désirs et leurs croyances. […] Et en effet, le penchant à ne représenter de l’homme que ses tendances morales, le désir de ne susciter l’approbation que pour ces inclinaisons presque futures et d’ériger en héros des personnages qui trouvent aux problèmes de la destinée ces pauvres solutions, portent le romancier russe, en dépit de son réalisme et de l’étendue de son observation, à laisser de singulières lacunes dans sa description de l’humanité. […] Si l’artiste ou le penseur réalistes, exposés à percevoir tout le réel, ne peuvent mettre leur esprit et leur œuvre en correspondance avec cet immuable non moi, ni s’astreindre à reconnaître la juste nécessité des choses et qu’un péril de l’actuel conditionné par tout le passé, conditionne tout le futur, ils sont, entre leur science et leurs désirs, eu un trouble douloureux. La contrainte de connaître et l’impuissance d’aimer ce qui leur répugne, le désir graduel et l’incapacité de supprimer ces causes d’aversion ou d’en dériver l’esprit, cette alternative de se soumettre, de se renier ou de souffrir sans recours, conduit chez des esprits de cette sorte à une âpre lutte des deux ordres de facultés inversement froissées ; chez Tolstoï, le sentiment triompha de l’intelligence.

155. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

L’aspect des monuments le porte à la réflexion, ranime ses désirs de gloire et réveille aussi sa sensibilité en lui rappelant la multitude des races disparues. […] Ainsi sur tous les points : voilà ce que le Kalender ou l’homme blasé oppose à Aladin, l’homme d’espérance et de désir ; voilà comment se répondent l’un à l’autre les deux âges de la vie. […] Aladin a un vif désir de savoir et de connaître ; la morale a surtout un grand attrait pour son esprit vif et observateur ; il en voudrait posséder la clef : « Ne pourriez-vous pas, dit-il au Kalender, m’apprendre à connaître les hommes ?  […] Je laisse perdre le temps, et ensuite je veux tout forcer : voilà la clef de ma conduite… Mon amour-propre est extrême ; mais dans les petits objets, dans la société, il n’est que sur la défensive, il ne demande qu’à n’être pas blessé, sans désir d’être flatté ; dans les grands, il ne me porterait qu’à la gloire la plus éclatante ; mais le dégoût suivrait de près, et le mépris de mon siècle ne me permettrait pas de mettre longtemps du prix à son approbation… Mon amour-propre s’irrite quelquefois dans le tourbillon du monde : il se tait dans la solitude… Je n’aime point à me montrer à mes amis sous un côté défavorable ; je souffre de les voir malheureux de mon malheur, et je suis convaincu que les sentiments diminuent par la perte des avantages… Il faut donc cacher ses plaies, dissimuler les grandes impuissances de la vie : la pauvreté, les infirmités, les malheurs, les mauvais succès… Il ne faut confier que les malheurs éclatants, qui flattent l’amour-propre de ceux qui les partagent et s’y associent.

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