. — A ce régime, le désir, la volonté, la pensée s’en vont ; il faut que l’homme devienne imbécile ou fou. […] Pensez à tant d’hommes qui, après une éducation libérale, resserrés dans un métier ou dans des affaires, gardent, comme un élancement continu, les grands désirs et les nobles rêves de l’adolescence. […] Elles s’écrient et tendent les bras avec un douloureux désir vers les enchantements de l’éblouissante féerie ; Quelques-uns, à tout prix, ont voulu la saisir et se sont précipités. […] Aujourd’hui, nous vivons en Europe sous la pression et sous les menaces d’un empire plus redoutable que celui de Napoléon 1er ou de Charles-Quint, et il n’est pas un Français qui ne regarde avec espoir ou désir du côté de l’Autriche et de la Russie. […] Maintenant, sans désir, sans volonté, je me laisse emporter au gré du courant, sans me soucier trop où il me portera. » D’autres épreuves plus dures allaient l’assombrir encore.
On voit par exemple dans le rôle de Gros-René : « Croyez-vous que ce ne soit pas le désir qu’elle a d’avoir un jeune homme qui la travaille ? […] Or chez Monsieur Jourdain, l’ambition, la vanité, la galanterie même n’ont qu’une forme, à savoir le désir de passer pour gentilhomme. […] Sans doute, mais il faut cependant surveiller ses paroles, ses écritures et ses manières, en s’exposant par-là à devenir maniéré, et le mérite est de s’exposer à cela dans le désir de n’être pas un butor. […] Ajoutez à cela, chez un homme qui a pris un parti pris d’indulgence et d’approbation, le désir, presque légitime, de ne pas passer pour dupe et de montrer quelquefois qu’il ne l’est point. […] Leur fond est la curiosité, la vanité et le désir éperdu d’être quelqu’un dont on cite le nom dans les cercles et les ruelles, avec l’ambition d’avoir elles-mêmes un jour une ruelle et de présider à un bureau d’esprit.
Singulier moment, et d’une sensibilité si artificielle que même l’animalisme du désir s’y faisait joli et rieur ! […] Charles Alexandre était venu de sa province, possédé par cet unique désir : voir Lamartine. « Lamartine ! […] Encore ici, le poète exprime ce qui tressaille, inexprimable, dans des milliers de créatures tourmentées de confus désirs. […] Parlant de son désir de pêcher, quand il était tout petit, il s’exalte : « Un goujon pris par moi ! […] La première et la plus importante a été le désir de donner à l’œuvre littéraire un appareil scientifique.
Les paysans avaient perçu sous forme d’égalité, de liberté et de fraternité leur âpre désir de posséder en propriétaires le sol qu’ils cultivaient en mercenaires. […] Ses lettres de jeunesse prouvent, en effet, que s’il eût tracé le dessin d’une politique suivant ses désirs, les illusions modernes eussent eu, à vingt ans, ses préférences. […] C’est ce même désir qui fait l’union de notre groupe, de tempéraments si disparates. […] Toutes ces forces jadis si intactes, si libres, si personnelles, aujourd’hui si mutilées, si meurtries, si enchaînées, tressaillent encore du désir de sentir la vie affluer en elles pour la donner. […] J’ai la certitude qu’il se rendait à la fin un compte trop exact de l’avortement de tous ses désirs.
À la longue, et sous l’empreinte incessante des siècles, le corps flegmatique, repu de grosse nourriture et de boissons fortes, s’est rouillé ; les nerfs sont devenus moins excitables, les muscles moins alertes, les désirs moins voisins de l’action, la vie plus terne et plus lente, l’âme plus endurcie et plus indifférente aux chocs corporels ; la boue, la pluie, la neige, l’abondance des spectacles déplaisants et mornes, le manque des vifs et délicats chatouillements sensibles maintiennent l’homme dans une attitude militante. […] Nous avons trop suivi les imaginations et les désirs de nos propres cœurs. […] Donne-moi l’empire sur mes penchants, et une parfaite haine du péché, et un amour de toi au-dessus de tous les désirs de ce monde. […] Selon l’usage des ouvriers anglais, il aimait à sonner les cloches ; devenu puritain, il trouva l’amusement profane et s’abstint ; pourtant, entraîné par son désir, il montait encore au clocher et regardait sonner. « Mais bientôt après je me mis à penser : Et si une des cloches tombait ? […] Elle était bâtie de perles et de pierres précieuses, et aussi les rues étaient pavées d’or, tellement que par l’éclat naturel de la cité, et à cause de la splendeur que les rayons du soleil y faisaient en se réfléchissant, Chrétien tomba malade de désir.
Ainsi, tout allait au gré de ses désirs, et sans doute, lorsqu’il jetait ses regards sur le passé, il était bien excusable de se livrer à quelques illusions pour l’avenir. […] M. de Villebois, ravi de l’enthousiasme de son protégé dont il ignorait cependant les brillantes rêveries, résolut de satisfaire ses désirs en le présentant à Catherine. […] Cependant, chaque jour, je priais Dieu pour vous, et je lui demandais de vous revoir avant de mourir. — Bonne Marie, je n’ai pas fait fortune, mais j’ai toujours eu le désir de vous faire du bien […] Après tous ces récits, Marie Talbot témoigna le désir d’apprendre à son tour ce que son maître avait fait dans ses voyages.
Seulement, pourquoi était-elle un frein, sinon parce qu’elle donnait satisfaction aux légitimes désirs de bonheur et d’égalité qui sont dans l’âme de tous, des femmes comme des hommes ? […] Tu serviras l’homme, lui disait-il ; tu n’auras pas de liberté ; tu détourneras tes regards de ton propre cœur, tu feras abnégation de tes idées, comme de tes désirs, comme de tes instincts ; l’homme fera la loi, et tu t’y assujettiras ; ton père te choisira un époux, et tu suivras ton époux ; ton époux sera ton maître, tu lui obéiras. […] Donc, si les Lovelaces du jour rencontraient Thérèse avec cinq sous, Thérèse jeune, belle, et digne de leurs désirs, ils pourraient bien voir sa misère et chercher à en profiter, mais assurément ils ne verraient pas Dieu à côté d’elle. […] L’homme aime la femme, et voici que la femme n’accepte plus la souffrance : donc l’amour va bouleverser cette société qui s’oppose au désir de bonheur qu’a la femme.
* * * — J’ai gardé pour cette femme, à peine entrevue, je ne sais quel désir vague, et qui parfois me revient sur une note douce, et tendre. […] Passe une lorette, riante et bouffant de la jupe, les yeux de son métier sous le voile qui joue sur le rose de son teint, une torsade d’or dans les cheveux, comme si elle les avait noués avec sa ceinture : elle sent le musc, le désir et la nuit. […] * * * — Paul et Virginie : c’est la première communion du désir. […] Ce qui me paraît dominer chez l’acteur, ce n’est pas le désir d’avoir un beau rôle, c’est d’empêcher un camarade de l’avoir.
Le désir est leur unique sujet. […] Bataille étudie l’instinct, ou plutôt une seule forme de l’instinct — le désir. […] À vrai dire, bien peu de chose : quelque faute contre l’amour — le désir de vivre : noblement sans en posséder les moyens — un peu d’inconstance, un peu d’intrigue ; rien de plus. […] Indiscrétion, ce désir commun de complaire à tout le monde. […] Leur amabilité, leur bonhomie, leur complaisance, ce désir quelles ont de plaire, sont des attraits.
Louis XIII a été l’esclave de Richelieu, et s’il lui est arrivé de songer à secouer le joug, ce désir chez lui ne s’est jamais élevé jusqu’à la volonté ; mais si faible qu’il fût, il n’avait pas renoncé à l’exercice de son intelligence, et il se dédommageait avec ses favoris de l’autorité despotique du cardinal. […] Elle s’interdit comme insensés, comme criminels, tous les désirs qui dépassent le cercle de la famille. […] Sous sa rudesse militaire, il cache un cœur excellent ; et prêt à sacrifier sa vie pour Noëmi, récompensé, encouragé chaque jour par un sourire de bonheur, il ne lui arrive jamais de se demander s’il comprend, s’il contente tous les désirs de sa femme. […] Et qu’on ne prenne pas cette déclaration pour un jeu de mots, pour une fantaisie de langage ; qu’on ne croie pas que nous opposons le roi au royaume avec le seul désir de faire à M. […] Agnès se rend aux conseils de Guillaume, et s’enfuit avec le désir et l’espérance d’être arrêtée dans sa fuite.
Actuellement, cependant, c’est l’habit qui fait le moine, l’habit qui fait l’homme du monde, l’artiste, le prêtre, l’ouvrier, le paysan, l’homme moderne dans sa variété, avec les passions, les désirs, les joies ; les souffrances particulières à ses conditions sociales. […] « Quant à lui personnellement, il doit se contempler et s’admirer à pied et à cheval ; tous ses désirs, ses pensées, tous les événements de sa vie doivent lui être merveilles et prodiges à raconter. […] Or, au contraire, la société apparaît avec de grandes divisions ou professions qui font l’homme et lui donnent une physionomie plus saillante encore que celle qui lui est faite par ses instincts naturels ; les principales passions de homme s’attachent à sa profession sociale, elle exerce une pression sur ses idées, ses désirs, son but, ses actions. […] Cette préface est bruyante, et ce qui perd ces esprits-là c’est ce désir comique de prendre la lune avec leurs mains, cet étourdissement de mots, cette aspiration des serviteurs de l’alexandrin à faire une révolution par l’alexandrin ; ces images, ces bavardages que représenterait une même pelletée de terre qu’on remue incessamment pour faire croire qu’il y en a mille. […] Et je crois que s’ils étaient tous moins tourmentés de ces désirs d’être éloquents, lyriques, de s’habiller en rois de théâtre et de rendre leurs gestes sculpturals ; je crois que s’ils étaient, en écrivant leurs livres, comme à l’heure où l’on est seul avec soi-même, après qu’une maîtresse est partie, qu’un ami est mort, qu’on a reçu un affront, qu’un enfant vous a souri, ou qu’on craint un malheur ; s’ils pouvaient ressentir assez profondément en ces moments-là, pour s’en ressouvenir, ils réveilleraient les mêmes sentiments simples chez les autres, qui les ont éprouvés sans songer à poser devant eux-mêmes.
Sans impatience, dans le désir sincère de compter un poète national de plus ? […] n’ayant nul désir de se solliciter aux grandes inspirations là plutôt qu’ailleurs, il s’était aventuré sur la foi de sa Muse, et voilà que toute cette hésitation finit par un éclat de tonnerre. […] B. exprime admirablement ce vague désir de voyages, et ce combat quelquefois douloureux de l’imagination et de la raison, l’une rêvant les courses lointaines et les aventures, l’autre nous conseillant de rester au logis. […] Mille soins, et surtout la vague inquiétude Qui fait que l’homme craint son désir accompli. […] J’en sais qui, placés entre les deux besoins que j’ai caractérisés tout à l’heure, et les deux tâches qui y répondent, ne sachant laquelle prendre, se consument à lutter entre les traditions de leurs études et les tentations de la littérature facile et inutile, entre de bons instincts et des désirs indéfinissables.