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357. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

C’était là une arrière-pensée poignante que toute l’amabilité délicate et ingénieuse de la mère74 ne put assoupir dans l’âme du jeune précepteur. […] Cousin, était précédé d’une introduction dans laquelle Farcy éclaircissait avec sagacité et exposait avec précision divers points délicats de psychologie. […] Ce jugement est assez favorable pour que je m’en honore, et il est à la fois assez sévère pour que j’ose le reproduire ici : « Dans le premier ouvrage (dans Joseph Delorme), dit-il, c’était une âme flétrie par des études trop positives et par les habitudes des sens qui emportent un jeune homme timide, pauvre, et en même temps délicat et instruit ; car ces hommes ne pouvant se plaire à une liaison continuée où on ne leur rapporte en échange qu’un esprit vulgaire et une âme façonnée à l’image de cet esprit, ennuyés et ennuyeux auprès de telles femmes, et d’ailleurs ne pouvant plaire plus haut ni par leur audace ni par des talents encore cachés, cherchent le plaisir d’une heure qui amène le dégoût de soi-même. […] Deux poëtes généreux et délicats, dont l’un avait connu Farcy et dont l’autre l’avait vu seulement, MM. 

358. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Ce livre, j’ai la conscience de l’avoir fait austère et chaste, sans que jamais la page échappée à la nature délicate et brûlante de mon sujet, apporte autre chose à l’esprit de mon lecteur qu’une méditation triste. […] Ce projet de roman qui devait se passer dans le grand monde, dans le monde le plus quintessencié, et dont nous rassemblions lentement et minutieusement les éléments délicats et fugaces, je l’abandonnais après la mort de mon frère, convaincu de l’impossibilité de le réussir tout seul… puis je le reprenais… et ce sera le premier roman que je veux publier. […] D’aventures, il est bien entendu que je n’en ai nul besoin ; mais les impressions de petite fille et de toute petite fille, mais des détails sur l’éveil simultané de l’intelligence et de la coquetterie, mais des confidences sur l’être nouveau créé chez l’adolescente par la première communion, mais des aveux sur les perversions de la musique, mais des épanchements sur les sensations d’une jeune fille, les premières fois qu’elle va dans le monde, mais des analyses d’un sentiment dans de l’amour qui s’ignore, mais le dévoilement d’émotions délicates et de pudeurs raffinées, enfin, toute l’inconnue féminilité du tréfonds de la femme, que les maris et même les amants passent leur vie à ignorer… voilà ce que je demande. […] Non, le romancier, qui a le désir de se survivre, continuera à s’efforcer de mettre dans sa prose de la poésie, continuera à vouloir un rythme et une cadence pour ses périodes, continuera à rechercher l’image peinte, continuera à courir après l’épithète rare, continuera, selon la rédaction d’un délicat styliste de ce siècle, à combiner dans une expression le trop et l’assez, continuera à ne pas se refuser un tour pouvant faire de la peine aux ombres de MM. 

359. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

On aurait dit de jolies et délicates choses, passant lentement de l’ombre dans la lumière, avec un éveil graduel et successif de leurs plus petits détails. […] Il est étrange, ce Rollinat, avec son air de petit paysan maladif, sa délicate figure tiraillée, et le perpétuel secouement nerveux de ses cheveux noirs. […] Il y avait aussi beaucoup de femmes russes, de femmes allemandes, de femmes anglaises, de pieuses et fidèles lectrices venant rendre hommage au grand et délicat romancier. […] Ici la blague aimable des jeunes femmes, m’a donné le surnom de Délicat.

360. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lemoyne, André (1822-1907) »

Théophile Gautier Les vers d’André Lemoyne, d’un sentiment si tendre, d’une exécution si délicate et si artiste.

361. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 142-143

Il a surtout une tournure de pensées, vive, naturelle, & délicate ; sa versification est douce, harmonieuse, & facile ; sa poésie, pleine d’images & d’agrémens ; sa morale est utile, sans être austere ; un peu trop voluptueuse, sans être cependant libertine ; philosophique, sans être hardie ni indécente.

362. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

Doué d’une organisation délicate qui lui donnait l’éveil et le qui-vive sur quantité de points du dedans, enclin à s’écouter et à se sentir vivre, il commença de bonne heure à noter les états successifs et, pour ainsi parler, les variations atmosphériques de son âme ; il se rendit compte de lui à lui-même. […] Mais ces subtilités sont celles d’une nature élevée, délicate ; ces tourments sont d’une noble espèce, et l’humanité a de tout temps estimé ceux qui y furent sujets et qui se sont montrés capables de ces belles croix. […] Quand on l’a bien lu, il naît, selon l’esprit et les dispositions qu’on y apporte, une foule de réflexions sur les problèmes les plus importants et les plus déliés de notre condition humaine ; mais la nature si délicate de ces problèmes fait qu’il vaut mieux que chacun tire sa leçon comme il l’entend, et boive l’eau de la source à sa manière.

363. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Il est toujours délicat de toucher aux convictions de quelqu’un. […] II Aurélie est une nouvelle qui débute d’une manière agréable et délicate. […] Ma conclusion bien sincère sur l’ensemble du talent de M. de Pontmartin, et malgré toutes ces critiques auxquelles je me suis vu forcé, ayant à combattre avec lui pied à pied et me trouvant réduit à la défensive, est qu’il y a de la distinction, de l’élégance, que c’est un homme d’esprit et d’un esprit délicat, auquel il n’a manqué qu’une meilleure école, et plus de fermeté dans le jugement et dans le caractère, pour sortir de la morale de convention et pour atteindre à la vraie mesure humaine, sans laquelle il n’est pas de grand goût, de goût véritable.

364. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Pour des catholiques purement politiques tels que le maréchal de Matignon et Montaigne, la position devenait délicate et difficile. […] C’est nous aujourd’hui qui sommes plus délicats et plus sévères. […] Il suffisait, en ces meilleurs moments, de l’appeler un noble cœur, et qui avait des sentiments délicats.

365. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Question de goût, puisqu’il s’agit d’apprécier, non plus seulement de constater, et question singulièrement délicate ! […] La tâche, même ainsi bornée, est encore assez délicate, et ce n’est pas trop de plusieurs méthodes, qui se corrigent et se complètent l’une l’autre, pour mesurer, peser, jauger, par une série de calculs approximatifs, ces produits si complexes de l’esprit humain. […] Les questions de frontière sont toujours délicates et litigieuses.

366. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Quelle femme, délicate et fière, ne préférerait le naufrage à ce brutal sauvetage ? […] On entend un langage ému, on retrouve des sentiments délicats et tendres. […] Alexandre Dumas ne s’était montré si délicat et si ferme, si cordial et si chaleureux.

367. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Si délicate et si tendre, un rien porte sur son cœur et réveille ses émotions. […] Comme ce vent du midi, qui souffle et abat les dernières feuilles, est amené ici par une harmonie délicate et sensible ! […] Bérenger, dans l’estimable et intéressante Notice qu’il a placée en tête des présents volumes, n’ait point abordé et discuté ce point délicat pour le fixer avec précision ; c’est là une lacune fâcheuse dans un travail qui pourrait autrement passer pour définitif.

368. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Jamais ni jeu, ni ris élevés, ni disputes, ni propos de religion ou de gouvernement ; beaucoup d’esprit et fort orné, des nouvelles anciennes et modernes, des nouvelles de galanteries, et toutefois sans ouvrir la porte à la médisance ; tout y était délicat, léger, mesuré, et formait les conversations qu’elle sut soutenir par son esprit, et par tout ce qu’elle savait de faits de tout âge. […] La Fare, le délicat voluptueux, disait d’elle : Je n’ai point vu cette Ninon dans sa beauté ; mais, à l’âge de cinquante ans et même jusqu’au-delà de soixante, elle a eu des amants qui l’ont fort aimée, et les plus honnêtes gens de France pour amis. […] Et c’est ainsi qu’ils se donnaient, par l’esprit du moins et par une louange délicate, leurs derniers plaisirs.

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