Shakspeare, comme Michel-Ange, semble avoir été créé pour résoudre ce problème étrange dont le simple énoncé paraît absurde : — rester toujours dans la nature, tout en en sortant quelquefois. — Shakspeare exagère les proportions, mais il maintient les rapports. […] Il l’a déjà dit ailleurs, le drame comme il le sent, le drame comme il voudrait le voir créer par un homme de génie, le drame selon le dix-neuvième siècle, ce n’est pas la tragi-comédie hautaine, démesurée, espagnole et sublime de Corneille ; ce n’est pas la tragédie abstraite, amoureuse, idéale et divinement élégiaque de Racine ; ce n’est pas la comédie profonde, sagace, pénétrante, mais trop impitoyablement ironique, de Molière ; ce n’est pas la tragédie à intention philosophique de Voltaire ; ce n’est pas la comédie à action révolutionnaire de Beaumarchais ; ce n’est pas plus que tout cela, mais c’est tout cela à la fois ; ou, pour mieux dire, ce n’est rien de tout cela. […] À l’homme qui créera ce drame il faudra deux qualités : conscience et génie.
Ces pseudopodes sont des organes véritables, et par conséquent des mécanismes ; mais ce sont des organes temporaires, créés pour la circonstance, et qui manifestent déjà, semble-t-il, un rudiment de choix. […] Son rôle est de créer. […] J’ai essayé jadis de montrer que, si la première est l’inverse de la seconde, si la conscience est de l’action qui sans cesse se crée et s’enrichit tandis que la matière est de l’action qui se défait ou qui s’use, ni la matière ni la conscience ne s’expliquent par elles-mêmes. […] La mère qui regarde son enfant est joyeuse, parce qu’elle a conscience de l’avoir créé, physiquement et moralement. […] Chez l’homme seulement, chez les meilleurs d’entre nous surtout, le mouvement vital se poursuit sans obstacle, lançant à travers cette œuvre d’art qu’est le corps humain, et qu’il a créée au passage, le courant indéfiniment créateur de la vie morale.
Il n’y a création qu’au sens chimique où l’on dit qu’avec de l’oxygène et de l’hydrogène est créée de l’eau. […] L’enfant crée de la sorte une foule d’idées ; il a du génie ; chaque mère en est sûre, et elle a raison. (Par la suite, il multiplie les idées qu’il a créées par celles que ses antécesseurs : parents, maîtres, livres, lui repassent toutes faites.) Seulement, nous ne savons aucun gré à l’homme qui crée des idées déjà frappées et mises en circulation. […] Le génie est d’avoir l’idée : celle-ci crée d’elle-même le seul vêtement qui lui soit propre.
Il n’y a création qu’au sens chimique où l’on dit qu’avec de l’oxygène et de l’hydrogène est créée de l’eau. […] L’enfant crée de la sorte une foule d’idées ; il a du génie ; chaque mère en est sûre, et elle a raison. (Par la suite, il multiplie les idées qu’il a créées par celles que ses antécesseurs : parents, maîtres, livres, lui repassent toutes faites.) Seulement, nous ne savons aucun gré l’homme qui crée des idées déjà frappées et mises en circulation. […] Le génie est d’avoir l’idée : celle-ci crée d’elle-même le seul vêtement qui lui soit propre.
Toutefois, si sincère que soit leur désir du mieux, si abondante qu’apparaisse leur fantaisie, ils ne sont pas parvenus à se débarrasser entièrement de la tradition, à renouveler totalement leur art, à créer en un mot un style moderne. […] C’est à Victor Horta, l’architecte belge, que revient l’honneur d’avoir accompli la révolution décisive, d’avoir créé, sans conteste, une architecture nouvelle. […] Ainsi les verrières, les tentures, les tapis, les étoffes, les meubles, sont exécutés d’après ses plans, et non seulement il crée, par exemple, une table de salle à manger, mais encore tous les accessoires du service destiné à la garnir. […] Ayant créé un style moderne, il ne s’est pas borné à en reproduire la formule dans chacune de ses œuvres. […] La façon dont Horta a compris l’art décoratif lui crée une place bien à part dans l’ensemble des novateurs qui lui ont de nos jours imprimé un nouvel élan.
Faguet, se remettre à chicaner, philosopher, appeler à son aide science et philosophie pour aboutir à cette explication : Taine a changé de manière parce qu’il avait en lui la vocation de ce changement. « Il possédait en germe (certains passages de ses œuvres antérieures en font foi) un cerveau visuel et sensoriel, et ce mécanisme n’a fonctionné que lorsque l’objectif s’est trouvé braqué sur un milieu inhabituel, … les Pyrénées. » Ce qui veut dire que, si Taine s’est créé un style plastique, c’est qu’il avait des dispositions au style plastique. […] Nous n’avons jamais prétendu qu’on peut se créer une faculté par un simple acte de volonté. […] Ce que nous soutenons, c’est que certains écrivains se sont créé ou ont modifié leur style par cela seul qu’ils l’ont voulu, et c’est une naïveté de prétendre que, s’ils y sont parvenus, c’est qu’ils avaient les moyens intellectuels d’y parvenir.
Eugène Lintilhac Charles VII chez ses grands vassaux ; Kean et Caligula (qui fit créer le verbe caliguler dans le sens de se dépenser beaucoup et de n’amuser guère), pour ne citer que les plus fameux de ces drames innombrables bâclés par Dumas père, avec une si remarquable entente de la scène, qu’une demi-douzaine d’entre eux supportent encore fort bien l’épreuve de la représentation, en dépit de l’improvisation du style, laquelle reste sensible même à la représentation. […] Pour un coup de maître, il a créé dès son premier essai le drame historique et populaire : Henri III et sa cour. […] Il a créé le drame populaire de cape et d’épée par un chef-d’œuvre en son genre, la Tour de Nesle, qui est bien à lui, malgré la collaboration de Gaillardet, et que M. […] Enfin il a créé le drame moderne avec Antony, où s’incarnent, d’une part, le plébéien révolté contre les contrats et les hiérarchies sociales, de l’autre, la femme de la société nouvelle, unissant sa propre révolte à celle de l’homme qui la désire passionnément et par-dessus tout comme le bien suprême, le plus défendu par cela même et le plus attaqué.
Chateaubriand a créé un style du génie romantique, comme Louis XIV a créé un style de la royauté. […] Il est le père du roman d’analyse, créé sans mère, cela se voit. […] Aux Germains de se créer une littérature conforme à leur propre antiquité ! […] L’art classique, au théâtre et dans la poésie, c’est-à-dire dans les genres qui dépendent de la sensibilité d’une époque, conserve, reproduit, ne crée plus ou crée au compte-gouttes et avec une mauvaise conscience. […] Plus précisément, il a créé des partis.
C’est l’âge de la vue partielle, de l’exactitude, de la précision, de la distinction ; on ne crée plus, on analyse. […] Créer aujourd’hui ces grandes unités religieuses, ces grandes agglomérations d’âmes en une même doctrine qui s’appelle les religions, ces ordres militaires du Moyen Âge, où tant d’individualités nulles en elles-mêmes se fondaient en vue d’une même œuvre, serait maintenant impossible. […] L’analyse ne sait pas créer. […] elle créait plus que la nôtre, grâce à sa grossièreté même. […] Un germe est posé, renfermant, en puissance, sans distinction, tout ce que l’être sera un jour ; le germe se développe, les formes se constituent dans leurs proportions régulières, ce qui était en puissance devient un acte ; mais rien ne se crée, rien ne s’ajoute.
« L’Instinct de faiblesse », le sentiment de sa faiblesse, voilà ce qui crée en l’homme le besoin de religion ; et ce besoin crée son organe ; et tant que le besoin subsiste l’organe dure. […] Elle a créé des sentiments nouveaux qui sont antihumains au premier chef. […] Et ces peuples, ce sont eux, pourtant, qui ont créé la civilisation. […] Créer le surhumain c’est le devoir présent, comme, du reste, éternel, de l’humanité. […] Je crois bien qu’en définitive elles ont plutôt été utiles ; mais ce n’est pas à ce point de vue que j’avais à me placer. » L’artiste crée du beau, le savant découvre du vrai, la politique crée du bien public.
Le rêve atteint en un moment, épuise aussitôt la jouissance : il dispose de l’infini, mais il faut qu’il crée incessamment des infinis nouveaux. […] Un préjugé créé par les philosophes faisait le christianisme barbare, absurde, ridicule ; il n’y avait que des petits esprits, des imbéciles pour y croire. Il fallait créer un préjugé contraire, rassurer l’amour-propre du Français, affranchir les classes éclairées de la peur du ridicule attaché à la religion, la leur représenter respectable, décente et belle. […] Chateaubriand est incapable de créer une âme qui ne soit pas la sienne. […] On a imprimé en 1842 un recueil de ses Pensées et Correspondance : c’est d’un esprit fin, chercheur, de cet esprit qui empêche un homme de rien créer et qui souvent fatigue le lecteur, parfois aussi l’illumine.
Le critique, comme le philosophe, crée des valeurs. […] La lumière discontinue a créé l’œil, comme la goutte d’eau crée un trou dans le granit. […] C’est la lumière qui a créé l’œil, comme, à nos maisons, elle a créé les fenêtres. […] Elle ne crée pas le monde, elle le juge. […] Songez qu’il a créé des manières de dire telles que « Faire sensation » !