On ne trouva pas son mérite digne de sa réputation : son premier discours, qui était contre les libertins, et qu’il avait, dit M. de Meaux, assez mal amené à l’évangile du jour, parut faible : on loua sa piété et sa modestie, sa voix douce, son geste réglé, jusqu’à lui accorder, contre l’avis de quelques-uns, la grâce de l’élocution : on trouva de la politesse dans son discours, des termes choisis et de l’onction : il fut très bien écouté, et le roi et la Cour en furent édifiés. […] Tant de discours amoureux, tant de descriptions galantes, une femme qui ouvre la scène par une tendresse déclarée et qui soutient ce sentiment jusqu’au bout, et le reste du même genre, lui fit dire que cet ouvrage était indigne non seulement d’un évêque, mais d’un prêtre et d’un chrétien… Voilà ce que M. de Meaux pensa de ce roman dès le commencement ; car ce fut là d’abord le caractère de ce livre à Paris et à la Cour, et on ne se le demandait que sous ce nom : le roman de M. de Cambray. » Et le dimanche 14 mars de la même année : Il paraît une nouvelle critique de Télémaque, meilleure que la précédente, où le style, le dessein et la suite de l’ouvrage, tout enfin est assez bien repris, et dont on ignore l’auteur. […] Bon nombre d’archevêques et de prélats de cour eussent été d’avis, et pour aller plus vite et pour ne se brouiller avec personne, de ne s’occuper dans cette réunion que des affaires temporelles du Clergé, de ses comptes et de son budget, comme nous dirions. […] Chacun remarqua qu’en donnant la communion à Mme la duchesse de Bourgogne, le 6 mai 1703, « M. de Meaux n’était pas ferme sur ses pieds, et qu’il ne devrait plus faire de pareilles actions publiques. » Le jour de l’Assomption (15 août de la même année), en voulant assister à une procession de la Cour, il donna un spectacle qui affligea ses amis, et Madame, cette Madame mère du Régent, que nous connaissons tous, ne se faisait faute de lui dire tout haut le long du chemin durant la cérémonie : « Courage, monsieur de Meaux ! […] Bossuet voulut, à cet âge, faire aussi des vers, et cela va sans dire, des vers religieux ; il s’appliqua à traduire en vers français quelques-uns des psaumes ; il s’en remettait pour la révision à l’abbé Genest, un des abbés de la Cour naissante de Sceaux, auteur d’une tragédie sacrée, un assez pauvre poète et, je pense, un mince critique ; mais Bossuet, qui traduisait ces psaumes par esprit de pénitence, les lui soumettait avec une égale humilité.
Dans les comptes de la cour, on trouve, à la date de 1664, la mention du payement de cette pension par quartiers : « À Dominique Locatelli et Dominique Biancolelli, musiciens (sic) italiens, tant pour eux que pour les autres comédiens, pour leurs appointements pendant le quartier de janvier… 3 750 liv. […] Les dépenses assez modestes des divertissements qu’ils donnaient à la cour prouvent que, d’ordinaire, ils étaient simplement appelés à y jouer leurs canevas, sans grand appareil. […] Diamantine lui raconte que ce gentilhomme feint de n’être qu’un paysan et qu’il lui fait la cour. […] J’y règne avec éclat sur la scène comique ; Arlequin sous le masque y cache Dominique Qui réforme en riant et le peuple et la cour. […] Tout le monde a dans la mémoire la réflexion par laquelle Molière termine la préface du Tartuffe : « Huit jours après que ma comédie eut été défendue, on représenta devant la cour une pièce intitulée Scaramouche ermite, et le roi, en sortant, dit au grand prince que je veux dire (Condé) : “Je voudrais bien savoir pourquoi les gens qui se scandalisent si fort de la comédie de Molière ne disent mot de celle de Scaramouche” ; à quoi le prince répondit : “La raison de cela, c’est que la comédie de Scaramouche joue le ciel et la religion, dont ces messieurs-là ne se soucient point ; mais celle de Molière les joue eux-mêmes : c’est ce qu’ils ne peuvent souffrir.” » Les situations de Scaramouche ermite étaient d’une extrême indécence.
Le lendemain des Barricades, la reine, le jeune roi et Mazarin avec la Cour une fois enfuis de Paris (janvier 1649), que va faire le coadjuteur, tribun du peuple, maître du pavé, ayant pour allié d’un côté le Parlement, cette machine peu commode à conduire, et de l’autre ceux des princes du sang et des grands du royaume (les Bouillon, les Conti, les Longueville) qui se sont engagés dans la faction avec des vues toutes personnelles ? […] On se méfiait de lui à la Cour, et ce soupçon par suite le provoquait à justifier derechef cette méfiance. […] Il était trop aisé d’en tirer parti contre lui à la Cour et de le présenter comme traître et relaps, au moment même où il ne faisait qu’employer les moyens à son usage pour un but caché qui valait mieux. […] Il s’y décida toutefois, et fut un des principaux négociateurs de la rentrée de la Cour dans Paris. […] Ce grand frondeur qui, dans sa jeunesse, avait cherché vainement à tenir la balance entre les partis, entre Monsieur, le Parlement et la Cour, et qui, à défaut de balance, avait pris l’épée, et même contre M. le Prince, en était venu dans sa vieillesse à cet arbitrage innocent.
Pris comme drapeau par la garde nationale, la Fayette marquait le vent à la multitude, il ne le dirigeait pas : ce n’était, aux yeux de M. de Talleyrand, qu’un Pétion de cour, très habile dans le manège d’une popularité amphibie, mais livrant la cour au peuple par complaisance, et le peuple à ses discordes par faiblesse. […] Les hommes du dernier ministère de Louis XVI avaient envoyé à Londres M. de Chauvelin, jeune et ardent révolutionnaire, fils d’un favori de cour, dont le seul titre était sa défection à la cour. […] Nous avons entendu nous-même ce récit, à la fois pastoral et romain, du temps des proscriptions, de la bouche de cette belle matrone française, devenue, après la restauration, ambassadrice de France auprès d’une grande cour de famille. […] Le nom, le ton, l’élégance de son ministre des affaires étrangères, donnaient à son campement militaire et consulaire aux Tuileries l’apparence d’une cour. […] Lisez, dans les Mémoires de madame de Staël alors à Berlin, la lugubre matinée où la cour de Prusse se souleva d’abord d’incrédulité, puis d’indignation contenue contre ce coup de foudre.
Un homme de mérite me paraît jouer en cette occasion le rôle d’Achille à la cour de Scyros ; heureux quand il peut trouver un Ulysse assez habile pour l’en tirer ; mais où sont les Ulysses ? […] Aristote finit par être mécontent d’Alexandre ; et Platon à la cour de Denys se reprochait d’avoir été essuyer dans sa vieillesse les caprices d’un jeune tyran. En vain un autre philosophe, flatteur de ce même Denys, cherchait à s’excuser d’habiter la cour, en disant que les médecins devaient aller chez les malades. […] Se trouve-t-il dans cette nécessité très rare de faire sa cour que des motifs puissants et louables peuvent imposer quelquefois ? […] Diogène ne lui reprochait point de vivre avec les hommes, mais de faire sa cour à un tyran.
Le pédantisme déjà suranné de ces recherches et de ces gentillesses d’impression fait bien pendant à ce qu’on raconte du costume de Sully lorsqu’il reparut un jour, avec ses habits à la vieille mode, en pleine cour de Louis XIII. […] Il avait dessein d’aller faire sa cour au roi de Navarre ce jour-là, et il s’était couché la veille de bonne heure. […] Quatre ans après, à Nérac, pendant que la Cour huguenote est là comme dans son petit Paris et dans son lieu de délices, la guerre continuant aux alentours, Rosny qui veut s’y mêler, et qui voit que le roi de Navarre a défendu de sortir de la ville à cheval, se remettra à ce premier métier de fantassin et ira, parmi les vignes et les haies, faire le coup d’arquebuse avec les plus simples soldats. […] L’année suivante, à Nérac, il continue dans le même train : « La Cour y fut un temps fort douce et plaisante ; car on n’y parlait que d’amour et des plaisirs et passe-temps qui en dépendent, auxquels vous participiez autant que vous pouviez, ayant une maîtresse comme les autres. » Une maîtresse avouée, c’est-à-dire une dame de ses pensées. […] Mais ce dernier le rappelle par lettres ; il lui remet en mémoire les vrais principes d’un homme de cœur ; il lui dit en le revoyant et en l’embrassant : « Mon ami, souvenez-vous de la principale partie d’un grand courage et d’un homme de bien, c’est de se rendre inviolable en sa foi et en sa parole, et que je ne manquerai jamais à la mienne. » Et il l’engage à aller à la cour de France pour y observer prudemment toutes choses et y découvrir le dessein des adversaires, sous air de se rallier à eux et de s’en rapprocher ; car Rosny a des frères ou des neveux qui sont alors des plus avant dans la faveur de Henri III.
Son arrivée fut un événement ; la Cour et la ville la fêtèrent à l’envi ; elle était la lionne du moment, le sujet de conversation à la mode ; elle faisait concurrence au célèbre Wilkes dont le procès se jugeait dans le même temps. […] … » Dutens, enfin, qui seul ne serait peut-être pas une autorité suffisante en matière de grâce et de goût, mais qui en est une en fait de sérieux, nous dit : « De toutes les femmes de la Cour les plus distinguées par l’esprit et les agréments, Mme la comtesse de Boufflers était certainement la plus remarquable : aucune n’avait plus d’amis et n’avait eu moins d’ennemis, parce qu’elle unissait à tous les dons de la nature et à la culture de l’esprit une simplicité aimable, des grâces charmantes, une bonté et une sensibilité qui la portaient à s’oublier sans cesse, pour ne s’occuper que des biens ou des maux de tous ceux qui l’entouraient. […] Sans le vouloir, elle passe à la Cour, a la ville, chez l’étranger, et dans la République des Lettres pour une des premières femmes de sa nation et de son siècle. […] Elle était au mieux avec la nouvelle Cour, celle de Marie-Antoinette. Un jour que cette Cour était au château de La Muette, la duchesse de Polignac à qui Mme de Boufflers avait dit obligeamment de vouloir bien disposer, le cas échéant, de sa maison d’Auteuil, crut pouvoir profiter de l’offre ; mais la comtesse Amélie eut un caprice, et sa belle-mère, pour ne pas la contrarier, fut obligée de se dédire ; elle se permit donc de refuser très-poliment ce qu’elle avait offert de bonne grâce, et elle termina sa lettre d’excuse par les vers suivants : Tout, ce que vous voyez conspire à vos désirs : Vos jours toujours sereins coulent dans les plaisirs ; La Cour en est pour vous l’inépuisable source, Ou si quelque chagrin en interrompt la course.
Le duc de Savoie ne se portait pas de gaieté de cœur à une telle guerre ; bien des fois la Cour de Turin avait essayé d’avoir raison de ces petites tribus croyantes et n’y avait pas réussi. […] Je ne songe au monde qu’à m’en bien acquitter, pour mériter avec quelque justice cette manque de votre estime. » Catinat se rendit aussitôt à Turin pour se renseigner et se concerter avec la Cour. […] J’omets l’entier détail de ces négociations, où l’on voit Catinat toujours un peu en retard sur sa Cour, et plus disposé à restreindre qu’à étendre le sens ou la lettre de ses instructions : c’était sa nature d’esprit. […] Enfin il était bridé par les ordres de la Cour. […] Depuis la bataille, je me conduis sur les lumières de la Cour, et mon mérite ne pourra être que dans l’exécution.
Le théâtre tragique du xviie siècle, disait-on, est un théâtre artificiel, froide imitation de l’antiquité, et qui recouvre d’un vernis de cour et d’une pompe de convention les fables et les histoires d’un autre âge. […] Non sans doute, son goût naturel et pur sait bien que ce n’est pas dans la poésie de cour que Boileau est lui-même, que c’est dans la solide poésie bourgeoise, la poésie de la raison et de la conscience : là l’influence de la cour est nulle. J’accorderai que Racine a pu devoir une partie de sa noblesse, de son goût exquis et délicat, et sa connaissance des passions au commerce de la cour ; mais franchement la Champmeslé lui en avait appris bien plus sur les mystères du cœur que le spectacle plus ou moins intime des galanteries de Versailles. […] Que Louis XIV et sa cour aient pu avoir quelque action heureuse sur le goût, je ne me refuse pas à l’admettre. […] Boileau n’est pas, comme on l’a cru, un poëte de cour ou un poëte académique : c’est un poëte vrai, plus fort qu’élégant, plus mâle que délicat, c’est une raison vivante, un cœur sans molle tendresse, mais plein d’ardeur pour la vertu, c’est une âme d’honnête homme.
M. de Caumartin avait charge du Roi de tenir les sceaux pendant la durée des Grands-Jours : c’était un magistrat poli, de cour, ami de Retz qui lui rend bon témoignage, et fort lié avec les gens d’esprit de ce temps-là. […] La Cour a loué sa politesse, et les dames les plus spirituelles ont trouvé ses lettres ingénieuses et délicates. […] Même avant la publication des Mémoires sur les Grands-Jours, il suffisait d’avoir lu le délicieux et complaisant portrait pour bien saisir dans son vrai jour cet Atticus de l’épiscopat français sous Louis XIV, élégant, disert, d’un silence encore plus ingénieux parfois que ses discours, qui n’est ni pour les jésuites, ni pour les jansénistes, ni contre ; qui n’est ni une créature de la Cour, ni trop dissipé au monde, ni voué à la pénitence ; honnête homme avant tout, excellent chrétien pourtant, tolérant prélat, résidant et exemplaire, charitable aux protestants persécutés, modérant sur leur tête les rigueurs de Bâville, et trouvant encore des intervalles de loisir pour les divertissements floraux de son Académie de Nîmes ; doux produit du Comtat, chez qui tout est d’accord, même son nom (il s’appelait Esprit Fléchier) ; un Balzac en style, mais un Balzac châtié, mesuré et spirituel, un Godeau plus jeune, mais avec une galanterie plus décente, une tête plus saine et sans engagement de parti ; une sorte de Fontenelle non égoïste et encore chrétien ; enfin un bel-esprit tout à fait sage, aimable et sensible, déjà un peu rêveur. […] Nau, d’humeur justicière, et tant d’autres sur le compte desquels le doux railleur Fléchier ne laissera pas de nous égayer ; et puis il y a, de l’autre bord, M. de Caumartin, c’est-à-dire l’homme de cour, de société, l’honnête homme sans préjugé de robe, le juge qui incline le plus qu’il peut à la douceur.
L’étude de l’antiquité et la vie de cour sont comme les deux portes par où un air frais et vivifiant arrive à notre littérature. […] D’autre part, le roi, les princes ont leur cour, somptueuse et polie ; il leur faut des poètes pour l’orner ; mais, avec le luxe brutal et la lourde sensualité du moyen âge, ils ont rejeté aussi le pédantisme grimaçant de la « rhétorique ». […] Marot, poète de cour, est un protestant de la première heure. […] La morale reparaît comme l’objet supérieur de la Réforme religieuse : Marot, trop protestant pour rester à la cour, est trop peu moral pour vivre à Genève.
Ce cardinal, dont la grande ame étoit flattée de faire la fortune de tous ceux qui s’attachoient à lui, n’oublia pas l’abbé d’Aubignac, qui sçut lui faire assidument sa cour, & plaire à son élève. […] La nécessité de faire sa cour au cardinal de Richelieu, passionné pour le théâtre, l’avoit obligé d’étudier à fond les loix du dramatique. […] Son Artamène ou le grand Cyrus, & principalement sa Clélie, ne sont que le tableau de ce qui se passoit à la cour de France. […] Elle a vêcu jusqu’à quatre-vingt quinze ans, favorisée de plusieurs graces de la cour, reçue de toutes les académies dont son sexe ne l’excluoit point, considérée des plus beaux génies de l’Europe, avec lesquels elle étoit en commerce de lettres.