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350. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

Il l’a fait pour ce fond de croyance, de mythologies et de légendes sur lequel a poussé et s’est détachée l’immense fleur noire et de couleur de sang de la poésie d’Eschyle, de ce tragique religieux, idéal et terrible ! […] Quand l’auteur des Deux Masques va, par exemple, chercher l’Histoire, — dont il a besoin pour montrer jusqu’où plongent les racines du génie d’Eschyle et faire le lumineux décompte de ce qui est de la personnalité et de la race, — et qu’à travers l’antique Hérodote, et plus haut et plus loin qu’Hérodote, il va la chercher, cette fuyante histoire, jusque dans les derniers éloignements et les derniers effacements du passé, il la saisit et l’amène sous le regard par la force de la couleur, et il la pousse sur nous, pour ainsi dire, vainqueur des âges et des lointains !

351. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

Le destin d’Augier — partout où vous le supposiez dans l’histoire littéraire — serait d’être toujours le caméléon de quelqu’un ; mais le caméléon malade, qui ne prend que la moitié de la couleur qu’il emprunte, et qui la dissout et la ternit en nous la renvoyant. […] Louis Bouilhet a moins dégradé, moins émoussé qu’Augier la couleur de son modèle volontaire ou involontaire.

352. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

Théophile Gautier ne ferait pas, s’il pouvait saigner, ni personne de cette école qui voudrait dorer l’or et blanchir le lis, et qui laisserait tout ce vermillon couler avec faste, tandis que le poète, en M. de Châtillon, a la pudeur d’essuyer sa blessure et ne tache plus les choses qu’il touche que du rose d’un sang épuisé, qui fait bien plus de mal à voir que s’il était couleur de pourpre ! […] Auguste de Châtillon n’était pas de l’école des Matériels qui font feu de toutes pierres et de toutes couleurs dans la poésie contemporaine, orfèvres qui croient que des bijoux consolent de tout, comme leur honnête parent, M. 

353. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

On voit tout ce qui peut surprendre, Des hommes de toutes couleurs, Des oiseaux qui se laissent prendre Avec la main comme des fleurs ! Ce sont là des vers pris aussi avec la main, comme les fleurs auxquelles ils ressemblent, tant ils sont faciles, d’une couleur exquise, d’un tour heureux et naturel.

354. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

Le sien et le leur manquent également de transparence, de couleurs fondues et de souffles dans la lumière ; et voilà comme tous trois ils portent jusque sur leur style, qui est pourtant le meilleur d’eux-mêmes, la peine d’avoir méprisé l’idéal. […] Un portrait photographié (couleur moderne), et qu’on ne peut se pendre au cou comme les médaillons d’autrefois, beaucoup plus commodes, mais qui n’étaient pas à si bon marché, est remis à la mère de Mlle Henriette par un polisson de frère, envieux et sot, mais qui pour le moment fait ce qu’il doit faire : de là l’intrigue découverte et le malheur de Mlle Gérard !

355. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Bachelier »

Il n’y a ni couleur ni composition, ni expression, ni dessin dans votre tableau.

356. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Aved »

Je voudrais que vous vissiez avec quelle vérité de couleur et quelle simplicité cela est fait.

357. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Deshays » p. 101

Il y a de la poésie dans la composition, et de la force dans la couleur.

358. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

Il en sortit comme une flamme, parce qu’il avait délayé ses couleurs sur sa palette avec des larmes et avec du feu. […] Telle est évidemment, selon nous, la pensée du tableau : c’est un hymne, c’est un Évohé, c’est un cantique peint en formes et en couleurs sur la toile ! […] Que me font le dessin et la couleur si vous ne me faites pas penser et sentir ? Un rayon de soleil sur la plaque du photographe dessine mieux encore que votre crayon, et un arc-en-ciel a plus de couleurs que vos palettes. […] Car c’est véritablement pour moi celui dont le crayon se rapproche le plus de la plume, le plus pensif et le plus senti, avec Scheffer, de tous ceux qui ont écrit leur âme avec des formes et des couleurs sur une toile.

359. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Un certain Cimmino, de Naples, avait fait inscrire sur sa poitrine ces paroles plus simples, mais qui ont couleur de sincérité : « Je ne suis qu’un pauvre malheureux. » — Dans leurs vers, souvent très touchants, le même sentiment de mélancolie est exprimé : Ô mère, comme je regrette, heure par heure, Tout ce lait que vous m’avez donné ! […] Nous ne nions pas que la littérature de décadence n’ait parfois sa beauté propre, beauté de forme et de couleur. […] Il faut aussi que tu n’ailles point Choisir tes mots sans quelque méprise : Rien de plus cher que la chanson grise Où l’indécis au précis se joint… Car nous voulons la nuance encor, Pas la couleur, rien que la nuance ! […] la nuance seule fiance Le rêve au rêve et la flûte au cor… Paul Verlaine semble oublier que la musique, au moyen, des tonalités, des rythmes et du mouvement, détermine d’une façon marquée et précise, autant que le pourrait faire une couleur et pas seulement une simple nuance, le caractère général du morceau. […] Et c’est par une illusion d’optique intérieure qu’un décadent se croit raffiné quand il préfère à la lumière et aux couleurs de la vie qui s’épanouit la « phosphorescence de la pourriture ».

360. (1926) L’esprit contre la raison

Un tel éloge, méritent de le partager, les meilleurs d’aujourd’hui qui ne se sont souciés ni des secours de la forme ni des faciles séductions des couleurs. L’œil d’un Picasso, aigu à percer les nuages commodes, déchire les voiles des brouillards trop doux pour éclairer d’une lumière inexorable les mystères cachés derrière chaque objet, chaque forme, chaque couleur. […] C’est, en plein ciel, un récit aux couleurs plus persuasives, plus périlleuses que le chant légendaire des sirènes. […] La poésie qui nous délivre des symboles plante la liberté elle-même et son ascension laisse très loin derrière, très bas sous elle, les sons, les couleurs qui l’expriment. […] Crevel allègue aussi les exemples de l’orchidée d’Oscar Wilde et du mauve couleur de la décomposition barrésienne (à l’exception du boulon de Picabia qui doit autant à la paronomase boulon/bouton qu’à la période mécanomorphe) dans l’article des Cahiers du mois de juin 1926, Pour la simple honnêteté, repris dans L’Esprit contre la raison et autres écrits surréalistes, éd. cit. p. 35.

361. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

Ce n’est point en trempant sa plume dans la couleur vénitienne, c’est avec la seule correction du dessin français et l’espèce de réflexion raisonnable qui s’y mêle, qu’il a exposé cette suite de tableaux. […] On aurait voulu dans l’Histoire de Bretagne plus de couleur et d’imagination populaire, plus de souffle poétique et de vie, — cette vie dont on a depuis tant abusé. […] Dans l’épilogue qui termine le chant VIe et que je veux citer pour exemple du ton, l’auteur se représente comme ayant passé la nuit à méditer sur ces astres sans nombre et sur tout ce qu’ils soulèvent de mystères, jusqu’au moment où l’aube naissante les fait déjà pâlir et quand, à côté de lui, l’insecte s’éveille au premier rayon du soleil : Ainsi m’abandonnant à ces graves pensées, J’oubliais les clartés dans les Cieux effacées : Vénus avait pâli devant l’astre du jour Dont la terre en silence attendait le retour ; Avide explorateur durant la nuit obscure, J’assistais au réveil de toute la nature : L’horizon s’enflammait, le calice des fleurs Exhalait ses parfums, revêtait ses couleurs ; Deux insectes posés sur la coupe charmante S’enivraient de plaisir, et leur aile brillante Par ses doux battements renvoyait tous les feux De ce soleil nouveau qui se levait pour eux ; Et je disais : « Devant le Créateur des mondes « Rien n’est grand, n’est petit sous ces voûtes profondes, « Et dans cet univers, dans cette immensité « Où s’abîme l’esprit et l’œil épouvanté, « Des astres éternels à l’insecte éphémère « Tout n’est qu’attraction, feu, merveille, mystère. » Ce sont là des vers français qui me font l’effet de ce qu’étaient les bons vers latins du chancelier de L’Hôpital et de ces doctes hommes politiques du xvie  siècle s’occupant, se délassant avec gravité encore, dans leur maison des champs, comme faisait M. 

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