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648. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

voilà, pour le théâtre, les deux noms culminants du monde moderne ; accorder la supériorité à l’un des deux, ce serait convenir de l’infériorité de l’autre. […] Je conviens que ces moyens ont quelque chose qui rabaisse l’esprit du lecteur tout en l’amusant, et qu’un homme d’une grande âme, relégué par le malheur dans la solitude de ses tristes pensées, ne se nourrira pas de Molière comme des beaux morceaux de Shakespeare ; mais, s’il consent à lire, il pourra lire tout, et s’il peut jouir encore, il jouira pleinement de cet art accompli qui lui fait admirer la justesse et les perfections de l’esprit humain. […] On sait que ce pied-plat, digne qu’on le confonde, Par de sales emplois s’est poussé dans le monde, Et que par eux son sort, de splendeur revêtu, Fait gronder le mérite et rougir la vertu ; Quelques titres honteux qu’en tous lieux on lui donne Son misérable honneur ne voit pour lui personne : Nommez-le fourbe, infâme, et scélérat maudit, Tout le monde en convient, et nul n’y contredit. […] Mais ma femme, toujours égale et libre dans la sienne, me laisse impitoyablement dans mes peines ; et, occupée seulement du désir de plaire en général, sans avoir de dessein particulier, elle rit de ma faiblesse. » Tous les traits de ce tableau conviennent à Célimène, comme ceux du passage précédent convenaient au Misanthrope. […] Convenons pourtant que l’invention comique n’est pas forte, et qu’elle ne suffirait pas aujourd’hui.

649. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Si le loup veut montrer qu’on le persécute, il cite l’histoire de sa race, et raconte les moeurs du village, les proclamations du château, les contes de la chaumière, les noms spéciaux, pittoresques qui peignent son entourage et ne conviennent qu’à cet entourage. […] Elle pouvait convenir à l’origine de la fable, au temps de la poésie gnômique. […] Elle convient à un autre aussi bien qu’au loup. […] Et quel brave petit dieu joyeux que Mercure, sachant les moeurs des gens, ayant le mot pour rire : « Tu as assez crié pour boire. » Du reste, il est moral justement de la façon qui convient à un dieu des voleurs. « Tu as dorénavant de quoi te faire riche ; sois homme de bien. » Mais surtout quel luxe, quelle profusion de détails, quelle insistance dans la prière, quelle surabondance de l’imagination qui déborde et se répand de tous côtés et noie le récit, troublée, emportée, ruisselante !

650. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

Cela convenait moins qu’à personne à un homme qui avait fui son pays pour fuir la persécution d’une autre race de persécuteurs d’opinions ! […] Nul éloge moral ne peut lui convenir, car tous supposent des rapports avec les hommes, et il n’en a point. […] L’éloignement avec un titre honorable était ce qui convenait au roi de Sardaigne pour son illustre embarras ; mais la nécessité de complaire à la cour de Russie, qui se plaignait de l’excès d’activité théologique du comte de Maistre, exigeait son rappel à Turin. […] C’était l’otium cum dignitate, le loisir honorifique du vieil âge ; rien ne convenait moins au fond à un esprit qui ne vieillissait pas et à une ambition de pouvoir que la piété même ne pouvait totalement amortir.

651. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIIe entretien » pp. 87-159

Il est convenu en effet, dans tous les siècles et chez tous les peuples, que le poème épique se compose non seulement de ce qui est dans la nature, mais de ce qui est au-dessus de la nature, ou du surnaturel, de ce que les critiques appellent le merveilleux. […] VII Nous convenons néanmoins, avec ceux qui signalent en ce moment une certaine stérilité momentanée dans le génie littéraire de l’Europe moderne, qu’en effet ce génie semble non pas décroître, mais se reposer comme d’une trop énergique production d’hommes et d’œuvres, depuis la mort de Goethe, de Schiller, de Klopstock en Allemagne, et depuis la mort de Byron, de Walter Scott, de Fox, de Pitt, de Canning, de Sheridan, de Peel en Angleterre. […] La complaisance et la flatterie répondraient en vain : Non ; l’impartialité en convient. […] Cela dit, nous convenons avec eux que le plus grand nombre de nos écrivains et de nos poètes, dans ce que nous appelons avec raison notre grand siècle, ont été aussi peu Français qu’on peut l’être en France.

652. (1739) Vie de Molière

L’ouvrage de l’infortuné rival de La Serre fut imprimé très-mal à propos, puisqu’il ne convenait qu’à l’édition du Molière. […] Il voulut jouer dans le tragique, mais il n’y réussit pas ; il avait une volubilité dans la voix, et une espèce de hoquet, qui ne pouvait convenir au genre sérieux, mais qui rendait son jeu comique plus plaisant. […] On convient qu’il avait tort de vouloir justifier la tarte à la crème, et quelques autres bassesses de style qui lui étaient échappées ; mais ses ennemis avaient plus grand tort de saisir ces petits défauts pour condamner un bon ouvrage. […] Il faut encore convenir que Molière, tout admirable qu’il est dans son genre, n’a ni des intrigues assez attachantes, ni des dénouements assez heureux, tant l’art dramatique est difficile.

653. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Si la parole n’est pas nécessaire pour former les idées, ceux qui ont suivi la formation successive des idées chez les enfants conviendront du moins qu’elle est bien utile dans ce travail intérieur. […] Les choses étaient donc merveilleusement disposées pour l’omnipotence de Bonaparte : la situation convenait à son génie, comme son génie à la situation. […] L’empereur qui convient, au commencement de la note, que le bavardage des journaux peut être utile, leur demande, à la fin, de la discrétion. […] Cependant il faut convenir qu’il a fait cette année trois choses dignes d’un enfant enragé : je veux parler de sa conduite à l’égard de la Toscane, du pape et de l’Espagne. […] Son esprit a quelque chose de rêveur et d’indéterminé qui convient à la poésie.

654. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Toutes les images conviennent parfaitement à la pensée ; l’analogie est fidèlement respectée. […] Cependant le professeur si justement applaudi, dont les leçons, recueillies par deux mille auditeurs, ont nourri notre jeunesse de méditations sérieuses, n’a pas trouvé sans effort, sans tâtonnement, la voie qui lui convenait, la voie qui pouvait seule lui convenir. […] Toutefois, il convient d’assigner des limites précises au premier de ces deux récits. […] Michelet convient-il à l’histoire ? […] La donnée primitive ainsi élargie convient parfaitement à la scène, et M. 

655. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Tous deux se perdirent par une indiscrétion et pour avoir eu l’esprit plus satirique qu’il ne convenait ; leur fortune militaire fut brisée, et ils en furent l’un et l’autre pour un long exil, auquel Bussy ne put jamais se faire, tandis que Saint-Évremond porta jusqu’au bout le sien avec constance, dédaignant même à la fin d’en revenir quand il ne tenait qu’à lui. […] Il y avait là, convenons-en, de quoi faire, enrager un gentilhomme de bonne race et lui faire manger son cœur ; et c’est en effet à quoi Bussy passa le reste de sa vie.

656. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Cette grâce fut le prix de son sincère amour pour la vérité et de la bonne foi avec laquelle, sans songer à se parer de ses vaines recherches, il consentait à perdre la peine qu’il avait prise et à convenir de son ignorance plutôt que de consacrer ses erreurs aux yeux des autres sous le beau nom de philosophie. […] Son air, son ton, son geste, causaient dans l’assemblée une extraordinaire fermentation ; le peuple en fut saisi jusqu’à l’enthousiasme, les ministres en furent irrités jusqu’à la fureur ; mais à peine étaient-ils écoutés. — L’homme populaire et ferme, en prêchant une morale divine, entraînait tout : tout annonçait une révolution ; il n’avait qu’à dire un mot, et ses ennemis n’étaient plus. — Mais celui qui venait détruire la sanguinaire intolérance n’avait garde de l’imiter, il n’employa que les voies qui convenaient aux choses qu’il avait à dire et aux fonctions dont il était chargé ; et le peuple, dont toutes les passions sont des fureurs en devint moins zélé et négligea de le défendre en voyant qu’il ne voulait point attaquer.

657. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Guizot ; on s’est trompé, je n’y pensais pas. » Mais il fallait y penser : dans un gouvernement constitutionnel ce n’est pas là un élément indifférent, et dont il convienne à un ministre qui aspire à être dirigeant de ne tenir aucun compte. […] Son style d’abord n’avait pas tout le fil, j’en conviens ; c’est sur le marbre de la tribune qu’il l’a aiguisé, et maintenant sa langue écrite diffère peu, pour le tranchant et pour l’incisif, de sa langue parlée.

658. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Il n’y aurait pour cela qu’à partir de quelques principes généraux et convenus, à se montrer rigide et inexorable pour tout ce qui s’écarte de nos mœurs, de notre état de société et de civilisation, à faire la leçon d’un bout à l’autre, à condamner au nom d’un symbole whig ou d’un catéchisme libéral tout ce qui s’écarte de la droite ligne, une fois tirée : on arriverait ainsi à un effet certain et à une unité de conclusion qui séduit et satisfait toujours à première vue les lecteurs superficiels et les esprits tout d’une pièce. […] Il faut convenir que, sur ce chapitre délicat, elle ne s’abaisse point aux menteries de son sexe et qu’elle y met la franchise d’un gentilhomme.

659. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Sans entrer ici (ce qui me conviendrait moins qu’à personne) dans aucune des questions controversées entre les savants et les théologiens des diverses communions et en me gardant pour vingt raisons excellentes d’aller m’y heurter, il est bien clair à mes yeux, comme aux yeux de tout le monde, que puisqu’il y a quatre Évangiles canoniques et non pas un seul, il y a des différences, au moins apparentes, entre ces Évangiles également reçus, et il a été de tout temps réputé utile de s’en rendre compte pour se former une idée plus exacte, plus suivie et mieux ordonnée, de la vie et de la prédication de Jésus. […] Ceux qui ont transmis les paroles du maître, à commencer par saint Matthieu le publicain, l’apôtre de la onzième heure, n’étaient pas des écrivains de profession ; il convenait même au rôle qu’ils remplissaient qu’ils ne le fussent pas, qu’ils n’eussent rien de la rhétorique ni de l’art des Grecs.

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