Les principaux éléments lui eussent manqué pour représenter les caractères et pour juger l’organisation de la société contemporaine. […] Il reste, et il veut plaire : il s’évertue gauchement, lourdement, sans aisance, comme ses contemporains l’ont remarqué ; il a la mauvaise grâce d’un homme fier, qui fait effort pour plaire et manifeste si sensiblement son intime humiliation qu’il en perd tout le bénéfice. […] Mais, dans les pages qui suivent, le voilà qui veut tout brouiller : il se plaint de la pauvreté de la langue, il regrette l’épuration à laquelle Malherbe, Vaugelas et leurs contemporains ont procédé ; il regrette le court, nerveux et pittoresque langage du xvie siècle.
Ferdinand Fabre quelque chose de très particulier : ses personnages, qui sont des prêtres ou des paysans primitifs ; le théâtre de l’action, un âpre canton des Cévennes, une petite ville ecclésiastique à deux cents lieues d’ici ; sa manière enfin, qui rappelle celle de Balzac et dont s’est déshabitué le roman contemporain. […] Il n’est pas bien étonnant que le roman contemporain ait abordé si tard l’étude du prêtre et qu’un seul de nos romanciers ait poussé cette étude un peu loin. […] Pour moi, je ne serais pas étonné que l’œuvre candide, sévère et un peu fruste de ce Balzac du clergé catholique et des paysans primitifs restât comme un des monuments les plus originaux du roman contemporain.
Bien que leurs imitateurs leur aient quelque peu nui, la postérité, qui a commencé pour eux, a confirmé le jugement de leurs contemporains ; leur renommée est maintenant solidement établie, et nul critique ne s’aviserait d’effacer leurs noms de la liste des grands poètes. […] Craints et gâtés par leurs contemporains, l’Anglais et le Russe, tour à tour méfiants et téméraires, ont imposé leur génie et régné comme des despotes pleins de mépris pour leurs sujets. […] Peignez les vices, les faiblesses, les passions des hommes, on vous accusera de vouloir pervertir vos contemporains.
Les mêmes contemporains qui le détournaient d’écrire le Siècle de Louis XIV, lui commandèrent de faire ce procès au passé, par les mêmes principes au nom desquels on avait mis à la raison Aristote, puis Homère. […] C’est l’histoire fondée sur les deux sources d’information les plus sûres, la vérité par le témoignage des contemporains éclairés, et, où manque la vérité, la vraisemblance. Par malheur, la vraisemblance est trop souvent pour Voltaire ce qui ressemble au vrai, tel qu’il le veut, et « les contemporains éclairés » sont les hommes qui ont été en leur temps de mauvais chrétiens.
Un mot d’un contemporain, homme instruit, qui vivait loin des salons parisiens, nous dit quel jugement en portaient tous les esprits restés libres dans cette servitude de la négation universelle. […] Il transportait les contemporains loin de leur pays, de leur temps, de leurs derniers souvenirs, d’eux-mêmes ; René les y ramena. […] Quel rang tiendra-t-il dans l’histoire des luttes politiques de la France contemporaine ?
Ils sont certainement nos modèles à beaucoup d’égards, ils ont des beautés que nous sentons parfaitement ; mais ils en ont beaucoup plus qui nous échappent, que leurs contemporains savaient apprécier, et sur lesquelles leurs admirateurs modernes se récrient sans aucune connaissance de cause. Un philosophe, homme de goût, rira donc souvent des admirateurs, sans respecter moins réellement l’objet de leur admiration, soit par les beautés qu’il y voit réellement, soit par celles qu’il y suppose d’après le témoignage unanime des contemporains. […] Si nous savons que Cicéron a mieux parlé latin que les autres auteurs, c’est parce que toute l’antiquité l’a dit ; nous en jugeons sur la parole de ses contemporains et non d’après des nuances que nous ne pouvons sentir.
Le Matérialisme contemporain a épaissi une terre toujours dure à percer. […] Si les esprits contemporains n’étaient pas troublés et rompus jusqu’à l’axe même, il suffirait, sur Eugénie de Guérin, de cette page où l’écrivain oublie jusqu’à la langue qu’il emploie et se sert des mots comme d’un doigt pour montrer les choses. […] « Quand les hommes de génie, a dit un poëte allemand contemporain, ne souffrent pas pour l’humanité, ils souffrent pour leur propre grandeur, pour leur horreur du vulgaire et leur grande manière d’être. » Il était donc tout simple que Guérin souffrit.
Nous substituons tout naturellement au voyage que nous ferions le voyage de toute autre personne, puis un mouvement ininterrompu quelconque qui en serait contemporain. J’appelle « contemporains » deux flux qui sont pour ma conscience un ou deux indifféremment, ma conscience les percevant ensemble comme un écoulement unique s’il lui plaît de donner un acte indivisé d’attention, les distinguant au contraire tout du long si elle préfère partager son attention entre eux, faisant même l’un et l’autre à la fois si elle décide de partager son attention et pourtant de ne pas la couper en deux. […] Des simultanéités qui jalonnent la continuité des mouvements on est toujours prêt à remonter aux mouvements eux-mêmes, et par eux à la durée intérieure qui en est contemporaine, substituant ainsi à une série de simultanéités dans l’instant, que l’on compte mais qui ne sont plus du temps, la simultanéité de flux qui nous ramène à la durée interne, à la durée réelle.
Le plus rare génie est toujours en rapport avec les lumières de ses contemporains, et l’on doit calculer, à peu près, de combien la pensée d’un homme peut dépasser les connaissances de son temps. […] Il décrit tout, parce que tout intéressait encore ses contemporains.
Outre qu’on a le plaisir, çà et là, de faire d’agréables découvertes et qui reposent, on voit se dégager peu à peu la physionomie d’un poète intéressant qui n’est pas du tout de Paris et qui n’est presque pas d’aujourd’hui, mais qui semble être venu d’Italie et dater de la Renaissance ; qui n’a subi que très peu l’influence des poètes contemporains et qui, par bien des points et par ses qualités aussi bien que par ses défauts, est comme en dehors et à part du mouvement poétique de notre temps. […] A Paris, il eût apparemment subi des influences contemporaines.
II Voici la contemporaine de Jeanne d’Arc, l’excellente Christine de Pisan, si digne, si naïve, si pleine de vertu et de prud’homie, qui, raide comme un personnage de vitrail, s’applique, avec le grand sérieux des bonnes âmes du moyen âge, gauchement et gravement, à enserrer la langue balbutiante de son siècle dans la forme du style cicéronien comme dans un heaume lourd et trop large. […] Et ce n’est ni par une finesse ni par un éclat extraordinaire, ni par la perfection plastique que votre style se recommande, mais par des qualités qui semblent encore tenir de la bonté et lui être parentes ; car il est ample, aisé, généreux, et nul mot ne semble mieux fait pour le caractériser que ce mot des anciens : lactea ubertas, « une abondance de lait », un ruissellement copieux et bienfaisant de mamelle nourricière, ô douce Io du roman contemporain !
Pourtant je le vois comme un Grec un peu amolli, plus près d’Alcibiade que de Socrate, pour qui il a été maintes fois injuste (après d’autres), et plutôt encore comme un Grec d’arrière-saison, contemporain de Théocrite, jouissant de ses dieux sans y croire, mais sans les nier publiquement ; et moins comme un Athénien que comme un Grec des îles, plein de science et de douceur, traînant sa tunique dénouée dans les bosquets de lauriers-roses… Mais ce méridional est un méridional blond. […] Je laisse le critique littéraire (très classique, ainsi qu’il sied à un Marseillais), l’observateur des mœurs contemporaines, le politique militant, le peintre de portraits (voyez ceux de Gambetta, de Rouher, de Lepère, de M.