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652. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Avant que d’autres voix plus autorisées le fassent, je voudrais rendre un hommage bien dû à un homme d’investigation, de labeur et de conscience, à un érudit galant homme qui s’est exercé dans des branches bien diverses, qui a marqué par des travaux durables dans la géographie ancienne et dans l’histoire naturelle, et qui nous intéresse particulièrement comme l’un de nos devanciers et de nos guides dans l’histoire et la biographie littéraire. […] Mais ce qu’il était surtout, c’était la droiture, l’antique probité, la candeur et la conscience même, une bonhomie éclairée pourtant de finesse ; laborieux jusqu’à la fin et infatigable ; aimant les lettres, aimant la jeunesse et ce qui le chassait peu à peu et allait lui succéder ; prenant intérêt à ces recherches curieuses et innocentes qui dénotent la simplicité du cœur et l’intégrité conservée de l’esprit.

653. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Anselme avait, je l’ai dit, l’âme tendre, la conscience délicate ; ces reproches de son père et ceux qu’il se faisait à lui-même le portèrent à un grand parti : il résolut de quitter le pays ; accompagné d’un seul clerc pour serviteur, il traversa le Mont-Cenis ; épuisé de fatigue et défaillant, on raconte que, pour réparer un peu ses forces, il ne trouvait à manger que la neige du chemin : Un âne portait leur mince bagage ; le serviteur inquiet chercha s’il n’y trouverait pas quelque nourriture, et, contre son attente, il trouva du pain blanc qui leur rendit la vie. […] Sa conscience était inquiète, son esprit un peu timoré ; il n’aurait voulu pour aucun prix manquer au devoir de son ministère.

654. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

Vogt nous dit avec ce ton de mépris bien peu digne d’un savant : « La gent philosophe, qui n’a vu de singes que dans les ménageries et les jardins zoologiques, monte sur ses grands chevaux, et en appelle à l’esprit, à l’âme, à la conscience et à la raison !  […] Notre race commence à reconnaître des sœurs dans les races inférieures ; la conscience humaine franchit la question zoologique et la tranche instinctivement : voilà le grand spectacle que présente l’humanité dans le monde entier.

655. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

. — L’étranger s’étonne de la « combinazione », la blâme sans la comprendre ; elle est à la fois un art de la politesse et le dernier refuge des consciences opprimées. […] , I. 6), et il crée une œuvre sans égale au monde : l’ascension de la conscience des ténèbres à la lumière.

656. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VI : M. Cousin philosophe »

« Le Dieu de la conscience n’est pas un Dieu abstrait, un roi solitaire, relégué par-delà la création sur le trône désert d’une éternité silencieuse et d’une existence absolue qui ressemble au néant même de l’existence ; c’est un Dieu à la fois vrai et réel, un et plusieurs, éternité et temps, espace et nombre, essence et vie, indivisibilité et totalité, principe, fin et milieu, au sommet de l’Être et à son plus humble degré, infini et fini tout ensemble, triple enfin, c’est-à-dire à la fois Dieu, nature et humanité. » Cours de 1828, p. 123. « L’unité en soi, comme cause absolue, contient la puissance de la variété et de la différence. […] Vous trouverez à chaque instant des phrases comme celles-ci : « Tous les moments de l’essence divine passent dans le monde et reviennent dans la conscience de l’homme. » — « Qu’est-ce que Dieu ?

657. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Je ne conçois pas comment l’idée d’être le rival d’une chaudière n’éloigne pas Valmont par le mépris. " Mme De Tourvel n’est nullement représentée comme une dévote stupide, et Stendhal paraît ignorer que la formation d’une conscience religieuse est une cristallisation très complexe et très admirable. […] Pierre Janet a fait une étude clinique de cristallisation pathologique ; on tirerait des deux premiers chapitres de l’Essai sur les données immédiates de la conscience un schème élégant et profond de la cristallisation ; et c’est cette même cristallisation, appliquée à l’ordre même de l’amour qu’étudie en Allemagne avec un pédantisme qui ne doit pas nous faire méconnaître de profonds coups de sonde, l’école de Freud.

658. (1927) Des romantiques à nous

— de confesser, je ne cesserais de prêcher à mes pénitents des deux sexes le contraire de l’opinion reçue et de la vérité apparente sur les difficultés respectives de l’examen de conscience et de l’aveu. […] Mais il s’est connu, il s’est avoué ; et l’indélicatesse de ce qu’il fut parfois, il la compense par la délicatesse de ses examens de conscience morale et même physiologique, déclarés ou enveloppés. […] Ce prédicateur dirigeait aussi les consciences. […] Mais ses partisans eux-mêmes doivent reconnaître que, en pratique, dans l’Etat moderne, cette entière indépendance du pouvoir civil est notamment la garantie la plus nécessaire de la liberté de conscience et de la paix religieuse entre citoyens. […] Lekeu avait conscience de son génie.

659. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Selon une évolution qui n’est pas sans rapport avec celle de Bergson, les théories de Ghil s’emploient à délaisser la chambre de la conscience et à promouvoir ce vitalisme que l’épigraphe de Légendes d’âmes et de sang, empruntée à Zola, portait déjà en germe : « Nous sommes amants de la vie ». […] Or, en ce pot-pourri représentant assez alors et pour des années, l’intelligence, la conscience et l’esprit de la Critique, nous avons relevé les titres de deux Revues dont il n’a pas été parlé encore : le « Décadent », et le « Scapin ». […] Philosophiquement, il n’est ni matérialisme ni spiritualisme — et les deux antinomies se réduisent : éternellement, l’Esprit, la conscience prise de l’Univers, émane de la Matière en évolution. […] Je travaille avec patience et conscience, et crois en notre avenir de poésie rationnelle. » Désinvolte et certainement content, il me répondit par retour de courrier : « Je n’ai pas cru un mot de cette histoire. […] Si, comme le dit encore Camille Mauclair, le Drame multiple que rêvait Mallarmé devait être « la confrontation de l’être humain doué de conscience, avec la nature », la moindre réalisation n’en apparaît.

660. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXI » pp. 323-327

Louis XVIII exilé y apparaît confit dans la conscience béate de son droit divin, y puisant quelques sentiments de dignité sans doute, mais surtout un contentement superbe qui était fait pour affliger les gens sensés de son parti.

661. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Début d’un article sur l’histoire de César »

Par cette longue habitude changée en nature, ils ont réellement acquis quelques-unes des hautes parties de l’emploi, l’amour du grand ou de l’apparence du grand, une confiance qui s’impose, un sang-froid, une tranquillité et une présence d’esprit que rien n’émeut et qui a pu ressembler parfois au génie de l’à-propos, une conscience de leur supériorité sur tout ce qui les entoure et qui se justifie puisqu’elle se fait accepter.

662. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — I »

D’une part, engagée par les sollicitations de votre mémoire, disons mieux, de votre conscience ; de l’autre retenue par les scrupules de votre amour-propre, ou du moins de votre délicatesse, il vous faudra, et j’adopte ici la supposition la plus douce, il vous faudra tout ménager, tout prévoir, conter avec apprêt et réserve, fausser presque à votre insu vos réminiscences, prendre à propos vos rêves pour des souvenirs, en un mot, par un officieux et perpétuel mensonge d’imagination, reconstruire le passé en croyant le reproduire ; à moins toutefois, ce que je ne redoute guère, qu’il ne vous advienne l’orgueilleux caprice de nous confesser voire vie pleine et entière, à la mode de saint Augustin, sinon de Jean-Jacques.

663. (1875) Premiers lundis. Tome III « De l’audience accordée à M. Victor Hugo »

Et d’ailleurs, si le poète avait rappelé au roi qu’en l’état actuel des esprits, une pièce de théâtre, composée avec conscience et venue d’un certain côté littéraire, ne devait produire, par sa chute ou son succès, qu’un résultat bien étranger assurément à toute passion politique, le roi aurait bien pu, sans doute, à demi-voix et avec un sourire, prononcer ce terrible mot de romantisme ; mais il eût été facile de démontrer à sa bienveillante attention, que ces débats sont au fond bien moins frivoles, même sous le rapport politique, qu’on ne pourrait le penser.

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