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1276. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Il faut probablement attribuer en partie ce fait à la singularité de la situation et à la nécessité de mettre en harmonie tant de conditions, de sentiments, d’intérêts divers, enveloppés pour quelques heures dans un sort commun et dans une même atmosphère surnaturelle. […] Le roi fut, en conséquence, regardé par eux comme ennemi des nobles et indigne de les gouverner, étant, disaient-ils, uniquement dévoué aux intérêts du peuple et du clergé, qui faisaient, en ce temps, cause commune contre l’oppression des grands seigneurs. […] Soit que la ballade ait précédé ou non la tragédie de Shakspeare, il est très-probable que l’auteur de la ballade et le poëte dramatique ont puisé dans une source commune, et que ce n’est pas sans quelque autorité que Shakspeare, dans son dénouement, s’est écarté des chroniques qui donnent la victoire à Cordélia. […] Il serait assez difficile, dans les deux suppositions, de se rendre compte du personnage de Quickly, si l’on ne supposait que c’est une autre Quickly un nom que Shakspeare a trouvé bon de rendre commun à toutes les entremetteuses. […] En effet, c’est un défaut insupportable de chercher des épigrammes quand il faut peindre la sensibilité chez ses personnages ; il est ridicule de montrer ainsi l’auteur quand le héros seul doit paraître au naturel mais ce défaut puéril était bien plus commun du temps de Corneille que du nôtre.

1277. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Le texte y est noyé dans un fatras de réflexions communes, dans un verbiage froid, entortillé, moins fleuri que précieux. […] stériles selon l’opinion commune ; mais selon moi très-fertiles en mauvaises choses. […] Tout dépend, pour le commun des hommes, des premières impressions qu’ils ont reçues dans leur jeunesse. […] Il fut libre à chaque corps de prendre le théologien qu’il voudroit, pour soutenir sa cause commune. […] Ces religieuses avoient pour principes, que ce n’étoit pas être pauvre, & accomplir le vœu de pauvreté, que d’être riche en commun.

1278. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

À la commune voix veut-on qu’il se réduise ? […] La gaieté comique n’a rien de commun avec le rire amer et moqueur, ou l’ironie. […] De même la peinture des mœurs contemporaines dans la comédie nouvelle, n’est qu’un élément romain, français, anglais ou allemand, qui, n’appartenant pas au fond commun de la nature humaine, ne reste pour la postérité qu’un objet de curiosité historique. […] Ce genre, le plus commun de tous, doit-il être complètement méprisé ?

1279. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

En nous parlant de cette Révolution dont il adorait les principes et dont il admirait les hommes, combien de fois il lui arrivait de s’écrier avec lord Ormond dans Cromwell : Triste et commun effet des troubles domestiques ! […] c’est que vos Consolations ne soient pas aussi recherchées du commun des lecteurs que les infortunes si touchantes du pauvre Joseph, qui pourtant ont mis tant et si fort la critique en émoi. […] L’éloge qui restera commun aux deux volumes, c’est de nous offrir un genre de poésie absolument nouveau en France, la haute poésie des choses communes de la vie.

1280. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Nous le voyons pour les opinions profanes : adhérer à la doctrine commune n’est pas le premier mouvement. […] C’est d’abord un naturel qui diffère du naturel commun à tous les écrivains du dix-septième siècle, par la facilité qui le rend plus aimable. […] C’est par cette raison, entre autres, qu’il est inférieur, dans le sermon, à Bossuet et à Bourdaloue, malgré des passages très brillants et d’heureux changements au patron commun. […] Ce mérite de discrétion est commun à tout l’ouvrage.

1281. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

bonne terre, prends-moi, toi qui es la mère commune, l’unique source de la vie ! […] La vie auparavant réelle et commune, c’est le rocher d’Aaron, rocher aride, qui fatigue le regard ; il y a pourtant un point où l’on peut, en frappant, faire jaillir une source fraîche, douce à la vue et aux membres, espoir de tout un peuple : il faut frapper à et ce point, non à côté ; il faut sentir le frisson de l’eau vive à travers la pierre dure et ingrate. […] Par l’histoire il se fait une épuration ne laissant subsister que les caractères esthétiques et grandioses ; les objets les plus infimes se trouvent dépouillés de ce qu’il y a de trivial, de commun, de vulgaire, de grossier et de surajouté par l’usage journalier : il ne reste en notre esprit, des objets replacés ainsi dans le temps passé, qu’une image simple, l’expression du sentiment primitif qui les a faits ; et ce qui est simple et profond n’a rien de vil. […] Nous pouvons le constater mieux que jamais aujourd’hui, où notre littérature est alimentée en grande partie par des souffrants, des demi-détraqués, aboutissant parfois à la folie, mais qui ont un point commun avec l’éternelle réalité : le déchirement de la douleur (Shelley, Edgard Poë, Baudelaire, Gérard de Nerval, Sénancourt, peut-être Tolstoï).

1282. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Bien plus, les accords de leur lyrisme fondamental éveillent les idées belles et générales, communes à tous les hommes, du souffle sûr des justes images. […] Il devrait y avoir un autre cas, où l’on n’aurait rien de commun avec les bavards ni les efféminés. […] Mon choix personnel, dicté par mon plaisir et mes goûts, irait surtout à Baudelaire, souvent à Lamartine ou à Vigny ; mon vote est pour Victor Hugo. — Je lui en veux de son gongorisme, de sa brutalité quelquefois maladroite ; je me permets ds penser sa politique au-dessous de la sottise la plus consommée, et je déplore chez lui certains de ces côtés communs que Taine a seuls voulu envisager à l’exclusion des autres ; mais des poèmes comme Booz endormi, les Chevaliers Errants et le Satyre, comme l’Hymne à Pégase dans les Chansons des Rues et des Bois , comme l’Élégie funèbre de Gautier, de telles pièces — choisies entre mille — contiennent un souffle, une vision, une force poétiques dont aucun auteur du xixe  siècle n’a doté les lettres françaises. — Hugo — le père Hugo — est un arbre immense, et les autres poètes sont autour de lui comme des fleurs. […] Être soi, en orpaillant à son gré des pensées communes, c’est la seule ambition permise et réalisable.

1283. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

« La nature bien vue, disait Largillière, nous peut seule donner ces lumières originales qui distinguent un homme du commun… Les principes ne sont faits que pour vous mettre vis-à-vis de la nature12. » Soit, mais qu’appelez-vous nature bien vue ? […] « Bref, le mot aux contours bien arrêtés, le mot brutal, qui emmagasine ce qu’il y a de stable, de commun et par conséquent d’impersonnel dans les impressions de l’humanité, écrase ou tout au moins recouvre les impressions délicates et fugitives de notre conscience individuelle35. » Sitôt qu’on pénètre à l’intérieur de la réalité vivante, l’expression, quelque creusée qu’elle soit, se brise sous la poussée de l’idée, et sa plus intime finesse se change en marbre qui s’effrite. […] Plus un mot se présente commun, moins il s’adapte à un sentiment particulier ; sa précision varie en raison inverse de sa généralité. […] Il est nécessaire qu’elle coïncide en un point avec l’être universel, qu’elle soit une parcelle d’une réalité commune à tous.

1284. (1905) Promenades philosophiques. Première série

On aime, dans les vieilles images, à les voir inclinés sur une tête de mort : malgré que dans ces temps rudes les crânes gisants fussent sans doute assez communs, il ne faut trouver là qu’un symbole, mais assez terrible. […] Suprématie difficile à exercer, car le commun des hommes, dont l’esprit est d’un statisme invétéré, ne demande qu’à croire, là où il s’agit, au contraire, d’apprendre, de discuter, et de douter. […] Aussi les coupables, ce ne sont pas les ouvriers de Brest ou de Toulon, ni le commun des socialistes d’aujourd’hui. […] On le verra paraître dans ces objets communs, d’une utilité toute pratique, et qui sont cependant, en même temps que très bien adaptés à leur fin, revêtus de beauté. […] Stendhal, qui ne savait pas écrire, vaut autant que lui, littérairement, et Balzac, au jugement commun, vaut davantage.

1285. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

Plus d’un serf put dire au baron : Monseigneur, je vous ai trouvé un verre d’eau dans le désert ; je vous ai couvert de mon corps au siège d’Antioche ou de Jérusalem… » Du mouvement aveugle et désordonné de la croisade va sortir bientôt le mouvement régulier et fécond de l’affranchissement des communes.

1286. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

Cela intriguait fort notre philosophe, qui aimait beaucoup madame Legendre, et osait la railler de ce petit faible assez commun même chez les honnêtes femmes.

1287. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

S’emparant de l’idée d’unité qui lui est commune avec son contradicteur, il lui explique à quelles conditions l’unité est produite, bien qu’incomplètement, dans le passé catholique, et il en conclut à quelles conditions elle devra se constituer pleinement dans l’avenir saint-simonien.

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