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12. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « Introduction »

Le point de vue était radicalement changé. […] La conception nouvelle est en voie de transformer la vie toute entière de l’homme, dont la situation dans l’ensemble du monde doit changer radicalement. […] L’univers est tel aujourd’hui qu’il était il y a cinq ou dix siècles : c’est l’homme qui a changé, au moins dans sa pensée, sinon, pour le présent, dans sa vie.‌ […] Bien que pour l’immense majorité, la vie individuelle n’existe pas ou à peine, que la vie religieuse n’ait pas changé, et que la vie sociale ne soit encore qu’un espoir, il n’en est pas moins vrai qu’un esprit nouveau a déterminé l’évolution des cinq derniers siècles, ayant pour caractéristique première la rentrée de l’homme dans l’ordre naturel.

13. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Le sens de ce proverbe est celui-ci : celui qui change d’opinion a tort ; celui qui reçoit les leçons de la vie et qui en profite pour rectifier ou modifier sa pensée est un grand coupable. […] Celui qui n’a pas changé n’a pas vécu, puisqu’il n’a rien appris. […] N’insistons pas : changer, c’est vivre ; vivre, c’est changer. […] Bien entendu que cette théorie du changement s’applique à l’esprit, mais non au cœur ; que le changement doit être désintéressé et non vénal ; que tout changement qui consiste à abandonner une cause vaincue parce qu’elle est vaincue est une lâcheté ; que tout changement qui consiste à s’allier à une cause victorieuse parce qu’elle est victorieuse est une abjection de caractère ; que changer par ambition, c’est une suspicion légitime de vice ; que changer par cupidité de fortune, est une vénalité du cœur qui déshonore la vérité même ; que changer d’amis quand la fortune les trahit, est une versatilité d’affection qui prouve la courtisanerie de l’âme. […] Molé : « Dites à M. de Lamartine de ma part que j’accepte en la regrettant sa démission, mais que cela ne changera rien à mes sentiments à son égard, et que je le prie de venir me voir comme avant la révolution. » C’est M. 

14. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Préface »

S’il n’y a pas quelque chose qui ne change pas, comment apprécier la valeur de ce qui change ? Et si le changement est nécessaire, comment distinguer ce qui change de ce qui reste éternellement vrai ?

15. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

— Il est à remarquer aussi que les espèces de genres distincts et de classes différentes ne paraissent pas avoir changé avec la même vitesse, ni s’être modifiées au même degré. […] Il n’est donc en aucune façon surprenant qu’une espèce garde parfois la même forme beaucoup plus longtemps que d’autres, ou que, venant à changer, elle change moins. […] De même, ils changent plus ou moins vite et se modifient plus ou moins profondément. […] — L’un des faits les plus étonnants que la paléontologie ait constaté, c’est que les formes de la vie changent presque simultanément dans le monde entier. […] D’où il suit qu’après de longs intervalles de temps les habitants du monde entier semblent avoir changé partout simultanément.

16. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Je suis donc changé ? […] Le cours de mes idées a changé avec autant de rapidité que si j’avais fermé un volume pour en ouvrir un autre. Je n’ai plus vu que des bergers, des mages, de pauvres petits enfants égorgés et un berceau duquel est sortie une législation qui devait changer la face du monde. […] Que le canon chasse devant lui des populations entières, qu’il les extermine, ce n’est que le moyen qui a changé, mais non la chose. […] Ces lettres de Russie, jointes à celles d’Orient et à quelques-unes d’Afrique, mériteraient de trouver un éditeur ami, homme de goût et de discrétion, ne s’arrêtant qu’aux vraies bienséances, qui choisirait, ne retrancherait que le nécessaire, qui surtout ne changerait rien et restituerait à peine quelques mots pour la correction.

17. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

Sans doute il se laissa plus d’une fois séduire à des inductions pressenties plutôt que trouvées ; plus d’une fois sa perspicacité ingénieuse donna le change à son intelligence exigeante ; et, portant en lui tant de ressources avec tant de besoins, il jugea souvent plus commode d’inventer que de découvrir. […] Nous verrons par la faute de qui, après s’être ouverte sous de si heureux auspices, elle dégénéra si violemment ; de quelle manière elle changea la France en république, et comment, sur les débris de celle-ci, elle éleva l’empire. […] Que la fièvre inflammatoire, je le suppose, n’eût pas saisi Mirabeau, qu’une tuile un coup de sang eût tué Robespierre, qu’une balle eût atteint Bonaparte, la face des choses n’aurait-elle pas changé ? […] Si le nez de Cléopâtre eût été plus court, la face de la terre eût été changée. » Gardons-nous toutefois d’exagérer : en n’appréciant que les forces morales et les circonstances historiques, M. 

18. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 14, comment il se peut faire que les causes physiques aïent part à la destinée des siecles illustres. Du pouvoir de l’air sur le corps humain » pp. 237-251

Ces émanations cependant ne peuvent varier sans changer la temperature de l’air et sans alterer quelque chose de ses qualitez. […] Elle suffit pour changer l’état d’une maladie ou d’une blessure. […] Il en est d’autres dont il change absolument l’humeur. […] Comme nous changeons d’air en voïageant, à peu près comme nous en changerions si l’air du païs où nous vivons s’altéroit, l’air d’une contrée nous ôte une partie de notre appetit ordinaire, et l’air d’une autre contrée l’augmente.

19. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXII » pp. 286-290

Cette lettre ne change rien à ce que nous avons dit, elle prouve seulement qu’on n’a pas consulté M. de Chateaubriand pour disposer cette publication par feuilletons. […] Delloye… Rien depuis n’a été changé ni ne sera changé, avec mon approbation, aux clauses de ce contrat.

20. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre I. De l’intensité des états psychologiques »

Si la grâce préfère les courbes aux lignes brisées, c’est que la ligne courbe change de direction à tout moment, mais que chaque direction nouvelle était indiquée dans celle qui la précédait. […] Analyser cette impression, et vous n’y trouverez point autre chose que le sentiment d’une contraction musculaire qui gagne en surface ou change de nature, la tension devenant pression, fatigue, douleur. […] Ce qui le prouve bien, c’est que le changement n’est pas continu dans la sensation comme dans sa cause extérieure, c’est que la lumière peut croître ou diminuer pendant un certain temps sans que l’éclairage de notre surface blanche nous paraisse changer : il ne paraîtra changer, en effet, que lorsque l’accroissement ou la diminution de la lumière extérieure suffiront à la création d’une qualité nouvelle. […] En effet, si la cause extensive varie d’une manière continue, la sensation colorée change d’une manière discontinue, passant d’une nuance à une autre nuance. […] Il ne s’agit pas ici, en effet, de mesurer la sensation, mais seulement de déterminer le moment précis où un accroissement d’excitation la fait changer.

21. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Même en de pareilles conditions il ne saurait rester dans cet état d’équilibre ; il doit changer et avec lui la littérature qui en fait partie. […] A ne considérer qu’un individu, l’obligation ou il est de changer avec le temps n’est pas moins évidente. […] La continuité dégoûte en tout. » Mme de Sévigné fait la même remarque, quand elle écrit191 : « Ce que vous dites des arbres qui changent est admirable ; la persévérance de ceux de Provence est triste et ennuyeuse ; il vaut mieux reverdir que d’être toujours vert. […] Peut-être faut-il croire que, si nous éprouvons un si tyrannique appétit de changement, c’est que tout change à tout instant en nous et autour de nous. […] Ils prirent à témoin de leur joie éphémère Un ciel toujours voilé qui change à tout moment Et des astres sans nom que leur propre lumière Dévore incessamment.

22. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 36, de la rime » pp. 340-346

Mais comme elles ne se sont polies que long-temps après s’être formées en un corps politique ; comme les usages nationaux étoient déja établis et même fortifiez par le long-temps qu’ils avoient duré, quand ces nations se sont cultivées par une étude judicieuse de la langue grecque et de la langue latine ; on a bien poli et rectifié ces usages, mais il n’a pas été possible de les changer entierement. […] Ainsi les poëtes excellens qui ont travaillé en France et dans les païs voisins ont bien pu embellir, ils ont bien pu enjoliver, qu’on me pardonne ce mot, la poësie moderne ; mais il ne leur a pas été impossible de changer sa premiere conformation qui avoit son fondement dans la nature et dans le génie des langues modernes. Les tentatives que des poëtes sçavans ont faites en France de temps en temps pour changer les regles de notre poësie, et pour introduire l’usage des vers mesurez à la maniere de ceux des grecs et des romains, n’ont pas réussi.

23. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Le temps peut changer les devoirs, il ne change pas les préférences. […] Est-ce lui ou vous qui avez changé, nous dira-t-on, pour que ces antipathies devinssent des tendresses ? […] Cette vie ne change-t-elle pas constamment le point de vue de l’homme et l’aspect des choses ? […] Changer en mal, c’est faiblesse ; changer en bien, c’est vertu. Béranger changea d’abord en mal, selon nous ; puis il changea en bien ; et c’est de ce dernier changement que nous parlons ici.

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