« Mercredi. » Cependant ces ennuis, ces amertumes avaient tout d’un coup cessé. […] Je me soumets non sans chagrin, mais du moins sans humeur à ne point vous voir ; mais je ne veux pas cesser de compter sur votre dévouement, comme vous comptez, j’espère, sur le mien.
Or, depuis 1819, ce qu’on pourrait appeler l’école poétique française n’a pas cessé de marcher et de produire : son développement non interrompu se partage assez bien en trois moments distincts ; on y compte déjà trois générations et comme trois rangées de poëtes. […] Un aimable esprit qui donnait dans un autre abus, Émile Deschamps, pendant ce temps-là, n’avait pas de cesse qu’il n’eût remis sur de meilleures rimes les ballades de Moncrif.
Gresset vieillissant tournait sans cesse autour du Vert-Vert ; il en avait repris, développé, enjolivé les deux derniers chants ; une partie nouvelle qui s’appelait l’Ouvroir fut par lui récitée à la famille royale dans un voyage qu’il fit à Paris en 1774. […] Malgré tout, on revient toujours à se poser à son sujet cette question délicate, embarrassante : Comment se fait-il que, lorsqu’on a eu du goût, on cesse tout d’un coup d’en avoir ?
Cette fatalité en effet existe, elle est écrite désormais dans nos entrailles, dans la trame même et la substance entière de notre être, dans tout ce qui en ressort d’habitudes violentes, sans cesse irritées, qui sont devenues leur propre aiguillon, et qui n’ont plus qu’à se réveiller d’elles-mêmes. […] Au moment où elle se croyait remise en possession, la voilà jouée sous main par les lus daveugles mouvements ; et il ne lui reste alors d’autre ressource, pour se venger des tours qu’on lui joue chez elle et des affronts journaliers qu’elle subit, que de s’en railler et de se railler de tout, avec légèreté et bonne grâce, s’il se peut, avec un sourire d’ironie universelle : triste rôle, qui fut celui que l’histoire attribue à ce Gaston d’Orléans, à la fois spectateur, complice et fin railleur de toutes les intrigues qui se brisaient et se renouaient sans cesse autour de lui.
On se reprend, on se remet avec vivacité à s’aimer, mais c’est une reprise ; or, dans la carrière de l’amitié comme dans le chemin de la vertu, on rétrograde à l’instant que l’on cesse d’avancer : c’est Mme Roland elle-même qui a dit cela. […] Henriette accourut pour la sauver ; elle voulait changer d’habits avec elle et rester prisonnière en sa place : « Mais on te tuerait, ma bonne Henriette, » lui répétait sans cesse la noble victime, et elle ne consentit jamais.
Tandis que la postérité acceptait, avec des acclamations unanimes, la gloire des Corneille, des Molière, des Racine, des La Fontaine, on discutait sans cesse, on revisait avec une singulière rigueur les titres de Boileau au génie poétique ; et il n’a guère tenu à Fontenelle, à d’Alembert, à Helvétius, à Condillac, à Marmontel, et par instants à Voltaire lui-même, que cette grande renommée classique ne fût entamée. […] Alors les arts, au lieu de vivre et de cohabiter au sein de la même sphère et d’être ramenés sans cesse au centre commun de leurs rayons, se tenaient isolés chacun à son extrémité et n’agissaient qu’à la surface.
La théorie développée dans ce curieux opuscule a laissé des traces dans l’Esprit des Lois, mais des traces éparses et confuses, recouvertes sans cesse par un système différent, dont le fond est cette idée chère à Montesquieu que de la construction de la machine législative dépend la destinée des peuples, et qu’un rouage ôté ou placé à propos sauve ou perd tout : or qu’y a-t-il de plus contraire au fatalisme politique que la superstition sociologique, la foi aux artifices constitutionnels ? […] De nos jours, cependant, la réputation de Montesquieu décline : ou plutôt il reste un nom, il cesse d’être un maître.
On pourrait faire la même observation, en l’accentuant, au sujet de certaines com positions d’un jeune maître à l’inspiration noble et sans cesse variée, M. […] Encore, si l’unité formelle de l’ensemble est malaisée à saisir, on y découvre sans peine une unité générale d’impression, l’unité parfaite du style, avec une certaine atmosphère morale qui ne cesse de prêter sa couleur à toute l’œuvre.
Il a l’air de redouter son succès ; il se repent presque ; je dis mal ; non, il ne se repent pas ; mais il devient le sage accompli ; il se fait le conseiller, le modérateur de ses compagnons de lutte, si bien que les esprits superficiels cessèrent de le comprendre, et peu s’en fallut qu’il ne fût aussi appelé traître à son jour. […] Une voix est en nous, que seules les bonnes et grandes âmes savent entendre, et cette voix nous crie sans cesse : « La vérité et le bien sont la fin de ta vie ; sacrifie tout le reste à ce but » ; et quand, suivant l’appel de cette sirène intérieure, qui dit avoir les promesses de vie, nous sommes arrivés au terme où devrait être la récompense, ah !
Un cercle immense et sans cesse grandissant s’ouvre ainsi devant quiconque veut connaître tous les tenants et aboutissants (qu’on me passe cette expression familière) de la littérature française. […] Sous le règne de Louis XIV, il suffit qu’un petit-fils du grand roi monte sur le trône de Madrid pour qu’il n’y ait plus de Pyrénées en matière littéraire ; car, aussitôt, l’Espagne, qui depuis un tiers de siècle avait à peu près cessé d’inspirer la France, redevient avec Le Sage un sujet de peintures à la mode.
Cette expérience, sans cesse répétée, nous a donné nos premières leçons. […] Quoiqu’il n’y paraisse guère, la recherche intrépide tend sans cesse à donner une base plus ferme à toute vraie religion.
Lutte obscure et sourde que chaque génération recommence contre l’invisible ennemie sans cesse anéantie, sans cesse renaissante.