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581. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

Le passé, lié tout entier à la cause de la religion, y conservait son empire. […] Il ne plaida qu’une fois, pour défendre son père, gagna sa cause, et renonça au barreau ; il avait alors seize ans. […] Mais l’amour de l’honneur, qui entretient dans les républiques aristocratiques cette violente rivalité des ordres, cause en récompense dans la guerre une généreuse émulation. […] C’est ce que n’ont vu ni les historiens, ni les jurisconsultes ; ils nous expliquent les lois, nous en rappellent l’institution sans en marquer les rapports avec les révolutions politiques ; ainsi ils nous présentent les faits isolés de leurs causes. […] Les hommes, ne pouvant distinguer la cause réellement juste, croyaient juste celle que favorisaient les dieux.

582. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

On vit bien ensemble, quand on vit ensemble depuis la naissance jusqu’à la mort, familièrement, avec les mêmes intérêts, les mêmes occupations et les mêmes plaisirs : tels des soldats avec leurs officiers, en campagne, sous la tente, subordonnés quoique camarades, sans que la familiarité nuise au respect. « Le seigneur les visite souvent dans leurs métairies, cause avec eux de leurs affaires, du soin de leur bétail, prend part à des accidents et à des malheurs qui lui portent aussi préjudice. […] L’absence, à ses yeux, n’a pas d’excuse, même quand elle a pour cause une conversion, et pour motif la pénitence ; on lui a préféré Dieu, c’est une désertion. […] La cause de cette inertie est manifeste ; interrogés sur leur opinion, tous répondent : « Nous sommes de la province, il nous faut attendre pour savoir ce que l’on fait à Paris ». […] » Une preuve sûre que leur absence est la cause du mal, c’est la différence visible du domaine affermé par l’abbé commendataire absent et du domaine surveillé par les religieux présents. « Un voyageur instruit les reconnaît » tout d’abord à l’état des cultures. « S’il rencontre des champs bien environnés de fossés, plantés avec soin et couverts de riches moissons, ces champs, dit-il, appartiennent à des religieux. […] Les trente ou quarante braconniers qu’ils poursuivent aujourd’hui sur leurs terres marcheront demain contre leur château à la tête de l’émeute. — Absence des maîtres, apathie des provinces, mauvais état des cultures, exactions des fermiers, corruption des justices, vexations des capitaineries, oisiveté, dettes et exigences du seigneur, abandon, misère, sauvagerie et hostilité des vassaux, tout cela vient de la même cause et aboutit au même effet.

583. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Le fantôme de l’ennui m’a toujours poursuivie ; c’est par la terreur qu’il me cause que j’aurais été capable de plier devant la tyrannie, si l’exemple de mon père et son sang qui coule dans mes veines ne l’emportaient pas sur cette faiblesse. […] Cette liaison de madame de Staël avec un homme suspect au premier consul fut la véritable cause de son exil. […] Il se faisait des reproches de son dernier livre, comme étant la cause de mon exil ; et, d’une main tremblante, il écrivit, pendant sa fièvre, au premier consul une lettre où il affirmait que je n’étais pour rien dans la publication de ce dernier ouvrage, qu’au contraire, j’avais désiré qu’il ne fût pas imprimé. […] « Il ne faut point rechercher la cause de l’ordre que je vous ai signifié dans le silence que vous avez gardé à l’égard de l’empereur dans votre dernier ouvrage, ce serait une erreur : il ne pouvait pas y trouver une place qui fût digne de lui. […] « La famille de M. de Montmorency, désespérée de son exil, souhaita, comme elle le devait, qu’il s’éloignât de la triste cause de cet exil, et je vis partir cet ami sans savoir si jamais sa présence honorerait encore ma demeure sur cette terre.

584. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

C’est un point lumineux dans ce demi-jour des premières années où tout est confondu, plaisirs, espérances, regrets, et où les souvenirs sont brouillés et incertains, parce qu’aucune pensée ne les a gravés dans la mémoire ; amour charmant qui ne sait pas ce qu’il veut, qui se prend aux yeux bleus d’une fille comme le papillon aux roses du jardin par un instinct de nature, par une attraction dont il ne sait point les causes et dont il n’entrevoit pas la portée ; innocent besoin d’aimer, qui plus tard se changera en un désir intéressé de plaire et de se voir aimé ; passion douce et sans violence, rêve en l’air ; première épreuve d’une sensibilité qui se développera plus tard ou qui plutôt s’éteindra dans des passions plus sérieuses ; petite inquiétude de cœur qui tourmente souvent un jeune écolier, un de ces enfants aux joues roses que vous croyez si insouciant, mais qui déjà éprouve des agitations inconnues, qui étouffe, qui languit, qui se sent monter au front des rougeurs auxquelles la conscience n’a point part. » — La grâce facile où se jouera si souvent la plume de Charles Labitte se dessine déjà dans cette page délicate où je n’ai pas changé un mot. […] Quelle qu’en fût la cause, l’étude passionnée à laquelle se livrait Charles Labitte et d’où il tirait pour nous tant d’agréables productions, lui était à la fois un plaisir et une source de mort. […] Si nous nous trouvons un jour réunis tous à Paris, j’espère te le faire connaître. »— Une telle tristesse était certainement disproportionnée aux causes appréciables ; la science elle-même n’aurait pu trouver de quoi justifier ces pressentiments ; c’était la lassitude de la vie qui parlait en lui. […] Auguste Bernard exige absolument qu’on lui produise, après plus de deux siècles, un acte notarié et un procès-verbal authentique en faveur de ces noms, il peut se flatter d’avoir gain de cause ; mais, faute de ce certificat, auprès de tous ceux qui entendent le mot pour rire, et qui savent encore saisir au vol la voix de la Renommée, cette chose jadis réputée divine et légère, la gloire de Pithou, de Rapin et de Passerat, n’y perdra rien. […] Si Lucrèce nous rend avec une saveur amère les angoisses des mortels, nul aussi n’a peint plus fermement et plus fièrement que lui la majesté sacrée de la nature, le calme et la sérénité du sage ; à ce titre auguste, le pieux Virgile lui-même, en un passage célèbre, le proclame heureux : Félix qui potuit rerum , etc… Quoi qu’il en soit cependant de l’énigme que le poëte nous propose, et si tant est qu’il y ait vraiment énigme dans son œuvre, c’était aux expressions de trouble et de douleur que s’attachait surtout notre ami ; le livre III, où il est traité à fond de l’âme humaine et de la mort, avait attiré particulièrement son attention ; dans son exemplaire, chaque trait saillant des admirables peintures de la fin est surchargé de coups de crayon et de notes marginales, et il s’arrêtait avec réflexion sur cette dernière et fatale pensée, comme devant l’inévitable perspective : « Que nous ayons vécu peu de jours, ou que nous ayons poussé au-delà d’un siècle, une fois morts, nous n’en sommes pas moins morts pour une éternité ; et celui-là ne sera pas couché moins longtemps désormais, qui a terminé sa vie aujourd’hui même, et celui qui est tombé depuis bien des mois et bien des ans : Mors aeterna tamen nihilominus illa manebit ; Nec minus ille diu jam non erit, ex hodierno Lumine qui finem vitaï fecit, et ille Mensibus atque annis qui multis occidit ante. » Notre ami était donc en train d’attacher ses travaux à des sujets et à des noms déjà éprouvés, et les moins périssables de tous sur cette terre fragile ; il voguait à plein courant dans la vie de l’intelligence ; des pensées plus douces de cœur et d’avenir s’y ajoutaient tout bas, lorsque tout d’un coup il fut saisi d’une indisposition violente, sans siège local bien déterminé, et c’est alors, durant une fièvre orageuse, qu’en deux jours, sans que la science et l’amitié consternées pussent se rendre compte ni avoir prévu, sans aucune cause appréciable suffisante, la vie subitement lui fit faute ; et le vendredi 19 septembre 1845, vers six heures du soir, il était mort quand il ne semblait qu’endormi.

585. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Un moment, il cause intelligemment du rôle d’Alceste dans Le Misanthrope, de l’insuffisance de Delaunay, de l’aspect sévère de Geoffroy qui, dit-il, portait la conscience du rôle. […] Mais ce doux empoignement de mes cheveux, avec ce seul mot, quelquefois cela me revient, et d’y penser, ça me rend tout heureux. » Puis on cause de l’état d’âme après la satisfaction amoureuse. […] » — et parle avec émerveillement de Versailles… Lundi 23 septembre On cause d’une excentrique châtelaine des environs de Paris, dont le goût, la passion, l’idée fixe, est le maquerellage, et le maquerellage uniquement par perversion. […] La première fois que je m’en suis aperçu, cela m’a profondément attristé…, cette attention m’a averti que je commençais à être un vieux. » Mardi 3 décembre Aujourd’hui, au dîner des Spartiates, Francis Magnard racontait la petite cause, qui a amené la chute de la colonne Vendôme. […] Pendant la Commune, se trouvant fort désargentée, elle reprochait à son amant d’être la cause de sa misère, et celui-ci chercha, s’ingénia à trouver un moyen de gagner de l’argent.

586. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Il y a des moments où, quand il cause en tête à tête avec ses amis Gassendi et Gabriel Naudé, il a l’air d’aller bien avant et de toucher de bien près, comme il dit, au sanctuaire. […] Il n’en veut qu’un peu plus au Mazarin pour sa belle maison des champs à Cormeilles près Argenteuil, qui a été pillée ; il y a perdu d’un coup de filet deux mille écus, et il compte bien que tôt ou tard le ministre impopulaire paiera pour ce méfait dont il a été cause et pour tant d’autres. […] Talon est un fort homme de bien, de grand jugement, et d’un esprit fort pénétrant, le plus beau sens commun qui ait jamais été dans le Palais, qui a le mieux pris une cause, et qui y a le plus heureusement rencontré, aux conclusions qu’il y a données. […] Talon quelque reconnaissance particulière à cause des conclusions prises dans son ancien procès : mais que j’aime cet éloge : « Le plus beau sens commun qui ait jamais été dans le Palais ! 

587. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

C’est là une grande prédisposition pour l’historien en tant que narrateur et peintre, et, s’il peut joindre à cette faculté première et indispensable une réflexion plus secrète, la recherche des causes, ce sera tant mieux, et il s’élèvera alors à toute la hauteur de sa mission, quoiqu’il y ait toujours un peu à craindre qu’avec cette qualité de plus, avec ce fonds philosophique, le tableau du premier plan ne perde quelque chose de sa sincérité et de sa fraîcheur, et que la représentation des événements qu’on est jaloux d’expliquer ne conserve pas la même netteté involontaire, la même franchise. […] Il recherche jusqu’à un certain point les causes, et surtout il s’enquiert des moyens. […] Ainsi, Froissart ne se paie pas de ce qui contenterait Joinville : il en est, par moments, à vouloir connaître les causes secondes. Un siècle après, Commynes remontera jusqu’aux principes politiques, aux causes premières des événements : voilà la gradation.

588. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de la Mennais (suite et fin.)  »

Si l’on a remarqué avec raison que les grandes crises révolutionnaires et les tempêtes politiques ont pour effet de ramener en foule les naufragés et les vaincus au pied des autels, cela n’est pas moins vrai des intelligences supérieures que l’imagination ou que la sensibilité domine, et qui sont tentées dans ces terribles catastrophes de voir et de discerner comme deux plans et deux sphères, l’inférieure où les lutteurs humains se combattent, la supérieure qui en est comme la transfiguration et où se déroulent dans leur harmonie les causes providentielles. […] Tout est surnaturel dans ce que nous voyons, et les maux comme les remèdes dérivent immédiatement d’un ordre supérieur de causes, aussi élevé qu’impénétrable à la vue de l’homme, dont la sagesse ne fut jamais mieux convaincue de folie. » N’allez pas, à un homme qui prophétise de la sorte, venir parler avec quelque estime de la politique pratique qu’essayèrent en ces années, — qu’essayeront bientôt des ministres patriotiques et sages, les Richelieu, les De Serre, les Decazes, les Gouvion Saint-Cyr, les Dessolle ; allons donc ! […] Tout ce qui me le rappelle de près ou de loin me cause une émotion que je ne suis pas le maître de modérer. » De telles lettres publiées deviennent des pièces biographiques ineffaçables ; une page comme celle du 25 juin représente la pierre angulaire de toute une vie. […] Sa nature n’était pas de celles qui se guérissent par des conditions extérieures ; elle était trop marquée au fond et en elle-même d’un signe de désespoir, et ce désespoir le ressaisissait souvent sans cause : la bile noire reprenait le dessus.

589. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

La médiocrité, non plus, n’est guère propre à faire naître en nous un sentiment d’espèce si délicate ; l’impression qu’elle cause n’a rien que de stérile, et ressemble à de la fatigue ou à de la pitié. […] On le soigna fort à cause des rares talents qu’il produisit de bonne heure, et les jésuites l’avaient déjà entraîné au noviciat lorsqu’un jour (il avait seize ans), les idées de monde l’ayant assailli, il quitta tout pour s’engager en qualité de simple volontaire. […] Après le voyage d’Espagne et de Portugal, et durant la traversée pour la Hollande, M. de Renoncour rencontre inopinément dans le vaisseau ses deux neveux, les fils d’Amulem, frère de Sélima ; et cette gracieuse turquerie, jetée au travers de nos gentilshommes français, ne cause qu’autant de surprise qu’il convient. […] son recours en désespoir de cause au père du marquis, au noble duc, qui reçoit l’affaire comme si elle lui semblait par trop impossible, et l’effleure avec une légèreté de grand ton qui serait à nos yeux le suprême de l’impertinence ; ces traits-là, que l’âge a rendus piquants, ne coûtaient rien à l’abbé Prévost, et n’empruntaient aucune intention de malice sous sa plume indulgente.

590. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Il existe, dans la langue française, sur l’art d’écrire et sur les principes du goût, des traités qui ne laissent rien à désirer9 ; mais il me semble que l’on n’a pas suffisamment analysé les causes morales et politiques, qui modifient l’esprit de la littérature. […] si l’on en excepte quelques amis inaltérables, la plupart de ceux qu’on se rappelle après dix années de révolution, consistent votre cœur, étouffent vos mouvements, en imposent à votre talent même, non par leur supériorité, mais par cette malveillance qui ne cause de la douleur qu’aux âmes douces, et ne fait souffrir que ceux qui ne la méritent pas. […] L’exercice continuel de la toute-puissance des armes finit par inspirer du mépris pour les progrès lents de la persuasion L’enthousiasme qu’inspirent des généraux vainqueurs, est tout à fait indépendant de la justice de la cause qu’ils soutiennent. […] J’entends par philosophie la connaissance générale des causes et des effets dans l’ordre moral ou dans la nature physique, l’indépendance de la raison, l’exercice de la pensée ; enfin, dans la littérature, les ouvrages qui tiennent à la réflexion ou à l’analyse, et qui ne sont pas uniquement le produit de l’imagination, du cœur, ou de l’esprit.

591. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

Le premier roi de l’Europe ne peut être un grand roi s’il ne l’est que de gueux de toutes conditions, et si son royaume tourne en un vaste hôpital de mourants à qui on prend tout en pleine paix609. » Au plus beau temps de Fleury et dans la plus belle région de France, le paysan cache « son vin à cause des aides et son pain à cause de la taille », persuadé « qu’il est un homme perdu si l’on peut se douter qu’il ne meurt pas de faim610 ». […] J’ai plusieurs de mes paroisses où l’on doit trois années de taille ; mais, ce qui va toujours son train, ce sont les contraintes… Les receveurs des tailles et du fisc font chaque année des frais pour la moitié en sus des impositions… Un élu est venu dans le village où est ma maison de campagne, et a dit que cette paroisse devait être fort augmentée à la taille de cette année, qu’il y avait remarqué les paysans plus gras qu’ailleurs, qu’il avait vu sur le pas des portes des plumages de volaille, qu’on y faisait donc bonne chère, qu’on y était bien, etc  Voilà ce qui décourage le paysan, voilà ce qui cause le malheur du royaume. » — « Dans la campagne où je suis, j’entends dire que le mariage et la peuplade y périssent absolument de tous côtés. […] Dans les correspondances manuscrites, je vois les syndics et maires de village estimer la quantité des subsistances locales, tant de boisseaux dans les greniers, tant de gerbes dans les granges, tant de bouches à nourrir, tant de jours jusqu’aux blés d’août, et conclure qu’il s’en faut de deux, trois, quatre mois pour que l’approvisionnement suffise. — Un pareil état des communications et de l’agriculture condamne un pays aux disettes périodiques, et j’ose dire qu’à côté de la petite vérole qui, sur huit morts, en cause une, on trouve alors une maladie endémique aussi régnante, aussi meurtrière, qui est la faim. […] Dans les contrées les plus fertiles, en Limagne par exemple, chaumières et visages, tout annonce644 « la misère et la peine »  « La plupart des paysans sont faibles, exténués, de petite stature. » Presque tous récoltent dans leurs héritages du blé et du vin, mais sont forcés de les vendre pour payer leurs rentes et leurs impositions ; ils ne mangent qu’un pain noir fait de seigle et d’orge, et n’ont pour boisson que de l’eau jetée sur le restant des marcs. « Un Anglais645 qui n’a pas quitté son pays ne peut se figurer l’apparence de la majeure partie des paysannes en France. » Arthur Young, qui cause avec l’une d’entre elles en Champagne, dit que, « même d’assez près, on lui eût donné de soixante à soixante-dix ans, tant elle était courbée, tant sa figure était ridée et durcie par le travail ; elle me dit n’en avoir que vingt-huit ».

592. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Je sais bien qu’au fond ces étonnantes liaisons de phénomènes qu’il nous présente, ces ricochets fantastiques d’effets et de causes, ces leçons de résignation fataliste, cette raillerie de la présomption humaine qui se croit assurée d’elle-même ou des choses, enveloppent une assez forte négation de la Providence : mais la moralité terre à terre dérobe l’audacieuse métaphysique. […] Il se dirige avec aisance à travers le chaos des faits, débrouille, déblaye, noie le détail, fait saillir l’essentiel, lie les effets aux causes, note les conséquences, définit les rôles, analyse les caractères : chaque chapitre est un chef-d’œuvre de lucidité, de rapidité et d’intelligence. […] On lit la guerre de Hollande au chapitre 10, et il faut attendre le chapitre 29 pour connaître la politique commerciale de Colbert, qui fut une des causes principales de la guerre. […] Faire éclater l’absence d’une intelligence divine dans le tissu des événements humains, expliquer les faits par des liaisons mécaniques et fatales, mettre en lumière la puissance des petites causes, la souveraineté du hasard, voilà le dessein de Voltaire.

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