Cette croyance implique le souvenir dont la nature a été examinée sous le titre de la mémoire ; ensuite une extension dans l’avenir des faits passés : on l’étudiera ci-après. […] Voilà l’idée de demain à laquelle succède un autre demain, et un nombre indéfini de ces « demains » compose l’idée complexe de l’avenir.
Je songe douloureusement au passé, au présent, et doucement à l’avenir. Quel vif et pur sentiment de foi à l’immortalité dans ce mot : doucement à l’avenir !
Je vais partir du vieux monde pour le nouveau, et je me figure que je sens quelque chose de pareil à ce qu’on éprouve quand on est près de passer de ce monde à l’autre : chagrin au départ ; crainte du passage ; espérance de l’avenir. […] Sa perspicacité, d’assez bonne heure, dut l’éclairer sur l’avenir inévitable ; mais il n’en continua pas moins jusqu’au bout, et avec une patience inébranlable, de tenir pied et de tirer parti des moindres circonstances qui pouvaient procurer l’accord et donner jour à l’arrangement.
» L’abbé Barthélemy devait avoir, au fond du cœur, moins de facilité à bien augurer de l’avenir : c’est lui qui avait écrit dans une lettre de Callimédon à Anacharsis, en parlant des préjugés et des superstitions populaires : « Mon cher Anacharsis, quand on dit qu’un siècle est éclairé, cela signifie qu’on trouve plus de lumières dans certaines villes que dans d’autres, et que, dans les premières, la principale classe des citoyens est plus instruite qu’elle ne l’était autrefois. » Quant à la multitude, sans excepter, disait-il, celle d’Athènes, il la croyait peu corrigible et peu perfectible, et il ajoutait avec découragement : « N’en doutez pas, les hommes ont deux passions favorites que la philosophie ne détruira jamais : celle de l’erreur et celle de l’esclavage. » Tout en pensant ainsi, il n’avait nulle misanthropie d’ailleurs, et n’était point porté à se noircir la nature humaine : « En général, disait-il, les hommes ont moins de méchanceté que de faiblesse et d’inconstance. » Les événements de la Révolution vinrent coup sur coup contrister son cœur, et détruire l’édifice si bien assis de sa fortune. […] Nous en sommes au point de ne devoir songer ni au passé ni à l’avenir, et à peine au moment présent.
Il ignore ou feint d’ignorer que ce pouvoir de choisir avec plus ou moins de bonheur la direction favorable aux actes, est lui-même déterminé par le degré de convergence des forces léguées par l’hérédité, qu’un individu, un peuple, un groupe social quelconque doivent à leur passé, en même temps qu’aux circonstances du milieu, la possibilité d’adopter pour leur avenir l’orientation qui convient et que les mêmes causes assument seules le crime d’un mauvais choix. […] Il importe donc, on le voit, pour évaluer les chances d’avenir d’un groupe social, de ne pas tenir compte seulement de son état de civilisation avancée ou rudimentaire.
Exception encore pour Victor Hugo, dont la Légende des Siècles, malgré les faiblesses dans l’unité, montre ce souci également, — chez ce génie divinateur si plein d’intermittents souffles d’avenir qu’il ne sut formuler. […] le présent et le plus de l’avenir.
Le sentiment de l’avenir repose d’ordinaire dans le passé ; s’il est vrai que le passé nous échappe, nous ne pouvons pas en tirer des documents pour l’avenir.
… Et quant à la Postérité, elle qui demande des opinions à Sainte-Beuve, elle a au moins l’opinion de ce grand moraliste sur la Postérité, lorsqu’il disait en pleine Académie, que la morale de Mme Sand serait, avant peu, toute la religion de l’avenir ! […] Vous avez tous cru — même vous, Monsieur Sainte-Beuve, qui voulez que mes opinions en morale soient la religion de l’avenir, — que j’étais un écrivain d’ordre philosophique, ayant des idées sociales à faire triompher, écrivant des romans comme Rousseau pour prêcher et enseigner quelque chose ; espérant arriver à soulever par l’imagination, cette grande force, tous les sentiments de la vie contre la Loi et l’Opinion, — ces choses mal faites.
Néanmoins vous avez fait de si belles réflexions sur la timidité, que j’ai sujet d’espérer que, puisque vous connaissez si bien les dangers, vous pourrez un jour les craindre, et qu’enfin vous ferez le plaisir à vos amis de vous conserver mieux à l’avenir. […] « Il semble que la naissance de cet enfant porta bonheur à ses parents. » « Condé se couvrit de gloire. » Mlle de Bourbon « portait en elle toutes les semences d’un avenir orageux. » — « Arborer l’étendard de la révolte31. » Est-ce là cet écrivain si ferme, dont le style sain sauvait les faiblesses ?
Ainsi en guerre à fois avec le passé et avec l’avenir, Jean-Jacques se refuse à toute solidarité et se dresse unique sur sa stérilité orgueilleuse. […] Il a « l’ambition d’un homme impatient avec l’indécision d’un homme qui flaire le vent » ; il « flatte l’avenir en allant plus vite que le pas même des factions. » Eh bien ! […] Les autres nous feront voir le romantisme en travail de bouleverser les idées sur le passé, le présent et l’avenir des sociétés humaines. […] C’est le mal de l’avenir, mal aigu, sans sommeil, qui, à chaque heure, vous dit sur votre chevet comme au petit Capet : dors-tu ? […] Ce qui nous tue, ce n’est pas la faiblesse de notre pensée ; c’est le poids de l’avenir à supporter dans le vide du présent.
— L'État, journal quotidien, par Charles Didier, paraît : c’est pauvre et creux et sans avenir… — Une chose piquante !
La veille encore, à cinq heures du soir, cet ami de quarante ans était assis à mon coin du feu, causant, non sans quelque ombre de tristesse, de toutes ces choses qui nous étaient communes et chères, idées d’art et de philosophie sociale, souvenirs du passé, perspectives un peu sombres et voilées de l’avenir.