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26. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Sur l’École française d’Athènes »

Cette idée d’aller rechercher à sa source la connaissance, le goût et l’inspiration la plus sûre de l’antiquité grecque a dû naître dans plusieurs esprits, du jour où le Gouvernement de la Grèce offrait toutes les garanties de sécurité, de civilisation renaissante et d’avenir. […] Une telle école d’art et de langue instituée à Athènes serait avant tout un germe ; utile dans le présent, elle le deviendrait surtout dans l’avenir. […] Si nous n’avons pas à tracer ici de programme à une noble pensée, nous ne prétendons pas non plus en présenter un idéal anticipé ; ce que nous voudrions, ce serait, en remerciant M. de Salvandy de son heureuse initiative, de l’y encourager, si ce mot nous est permis, et de maintenir, pour peu qu’il en fût besoin, l’idée première dans sa libre et large voie d’exécution : ce qui rapetisserait, ce qui réduirait trop cette idée, ce qui la ferait rentrer dans les routines ordinaires, en compromettrait par là même la fécondité et en tuerait l’avenir. […] Il n’y a jamais eu, nous disent de bons témoins, tant de passé, de présent et d’avenir dans un si petit espace.

27. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. Lettres philosophiques adressées à un Berlinois »

Dans les six dernières années de la Restauration, après l’épuisement des générations aux prises dès 1815, après la mauvaise réussite des tentatives violentes de la jeunesse et le triomphe indéfini d’un pouvoir hypocrite et corrupteur, il s’était formé, à la fois par désespoir du présent et par besoin d’espérance lointaine à l’horizon, une école de philosophie politique qui avait entrepris la réforme et l’émancipation du pays au moyen des idées ; c’est-à-dire en répandant toutes sortes de connaissances, d’études et de théories propres à féconder l’avenir. […] Par lui, les grandes phases de l’histoire des nations, les monuments de leurs lois, la série des législateurs et des philosophes, tout ce que le travail continu des siècles a apporté d’indestructibles matériaux à l’édifice du nôtre ; par lui, tout ce fortifiant spectacle n’a cessé de se dérouler aux regards des jeunes intelligences que la vue seule du présent pouvait décourager ou irriter outre mesure : leur devancier à peine de dix ans, l’ardent professeur les a constamment échauffées pour la science et pour l’avenir. […] Le généreux effort de M. de La Mennais l’occupe ensuite ; il en apprécie et en honore la grandeur ; mais c’est du seul côté de l’indépendance et de la raison humaine, qu’il place (bien que le point prochain soit encore indéterminé) le centre de mouvement des forces de l’avenir. […] Cet avenir encourageant de notre patrie et de la société européenne tout entière, il est devant nous ; bien des pièges et des tracasseries encore, bien des platitudes bourgeoises nous en séparent ; mais il n’est plus donné à aucune puissance de nous le voiler.

28. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

D’un jeune provincial infiniment estimable et aimable par sa gravité et son sens de la haute moralité, mais, ces qualités-là, il devait les témoigner peu après, avec une force lyrique et une exaltation tout à fait supérieures, dans un volumineux essai sur l’Avenir de la Science, qui dispense des préliminaires qu’on nous communique aujourd’hui.‌ […] Toute sa préoccupation, c’est d’envisager son avenir.‌ […] Au séminaire il a connu les premières ivresses cérébrales dont est tout soulevé le beau livre qu’il écrivit peu après sur l’Avenir de la Science. […] Renan avait connu une crise de conscience, je crois qu’il faudrait la chercher un peu plus tard, quand il a terminé son essai sur l’Avenir de la Science et qu’après quelques tentatives, il se détermine à se conformer à la conduite dictée par les anciens : « Le philosophe doit sacrifier aux dieux de l’Empire. » Ce que Pascal formulait : « Il faut avoir une pensée de derrière la tête et juger du tout par là, en parlant cependant comme le peuple. » Cet aphorisme constitue le point essentiel du « renanisme » ; c’est à l’adopter que le maître put hésiter, parce qu’il avait l’amour de la vérité et qu’il dut lui en coûter de la taire à demi, comme il fit le plus souvent, dès sa trentième année.

29. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

Rousseau banni adressait à ses protecteurs des odes composées au jour le jour, sans unité d’inspiration, et que n’animait ni l’esprit du siècle nouveau ni celui du siècle passé, en 1729, à l’hôtel de Conti, naissait d’un des serviteurs du prince un poëte qui devait bientôt consacrer aux idées d’avenir, à la philosophie, à la liberté, à la nature, une lyre incomplète, mais neuve et sonore, et que le temps ne brisera pas. […] Ils aspireront à quelque chose de mieux, au simple, au grand, au vrai, et se dessécheront et s’aigriront à l’attendre ; ils voudront le tirer d’eux-mêmes ; ils le demanderont à l’avenir, au passé, et se feront antiques pour se rajeunir ; puis les choses iront toujours, les temps s’accompliront, la société mûrira, et lorsque éclatera la crise, elle les trouvera déjà vieux, usés, presque en cendres ; elle en tirera des étincelles, et achèvera de les dévorer. […] Au prince de Conti succèdent le comte de Vaudreuil et M. de Calonne, puis Robespierre, puis Bonaparte ; et pourtant, au milieu de ces servitudes diverses, Le Brun demeure ce qu’il a été tout d’abord, méprisant les bassesses du temps, vivant d’avenir, effréné de gloire, plein de sa mission de poëte, croyant en son génie, rachetant une action plate par une belle ode, ou se vengeant d’une ode contre son cœur par une épigramme sanglante. […] Il faut voir encore comme en toute occasion le poëte a conscience de lui-même, comme il a foi en sa gloire, et avec quelle sécurité sincère, du milieu de la tourbe qui l’importune, il se fonde sur la justice des âges : Ceux dont le présent est l’idole Ne laissent point de souvenir ; Dans un succès vain et frivole Ils ont usé leur avenir. […] Quoi qu’il en soit, la gloire de Le Brun, dans l’avenir, ne sera pas séparée de celle d’André Chénier.

30. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre V : La religion — Chapitre III : Le problème religieux »

Cette manière de concevoir la religion, qui a été celle des esprits les plus éclairés et les plus élevés, Lessing, Schleiermacher, Benjamin Constant, Mme de Staël, ne laisse pas que de soulever des difficultés considérables, lorsqu’au lieu de l’appliquer au passé on l’applique à l’avenir, et qu’on cherche à se faire une idée de la destinée religieuse de l’humanité. […] Sans doute personne ne peut répondre de l’avenir : il pourrait se faire que la crise protestante à laquelle nous assistons ne soit qu’un des symptômes de la dissolution des croyances, un acheminement au scepticisme, au positivisme, à l’athéisme ; mais il me semble que cela ne peut être solidement soutenu que par ceux qui nient la vérité intrinsèque de toute religion. […] Qui sait s’il n’est pas appelé encore à prendre une troisième forme, et à résoudre le problème religieux de l’avenir par une dernière métamorphose ? […] C’est ce que l’avenir nous apprendra. […] La même transformation pourrait se faire évidemment et plus facilement encore dans le judaïsme, et par là pourrait se concevoir dans l’avenir la réunion de la synagogue et du temps chrétien.

31. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Quel avenir ! […] Ainsi, à chaque page, c’est un coup de tocsin perpétuel ; il ne vit que d’alarmes ; il ne se supporte pas dans le présent ; le présent lui donne des vertiges, et il se précipite tête baissée dans l’avenir. Ce mot d’avenir est magique pour lui et lui fait mirage. […] La faculté de souffrir, de saigner pour tous, et d’espérer, malgré tout, en l’avenir du monde, les sentiments d’humanité, de sociabilité chrétienne, qui y éclatent, sont tels que Lamennais ne craint ici la comparaison avec personne. […] dans l’avenir, sur quelques-unes des questions les plus vivaces, il n’est pas sûr que, des deux, ce soit Lamennais qui passe pour s’être le plus trompé.

32. (1890) L’avenir de la science « II »

Guizot, livre inestimable et qui aura le rare privilège d’être lu de l’avenir, car il peint avec originalité un curieux moment intellectuel. […] Ce n’est donc pas une exagération de dire que la science renferme l’avenir de l’humanité, qu’elle seule peut lui dire le mot de sa destinée et lui enseigner la manière d’atteindre sa fin. […] La révolution de l’avenir sera le triomphe de la morale sur la politique. […] Au contraire, les siècles ébranlés et sans doctrine, comme le nôtre, doivent nécessairement en appeler à l’avenir, puisque le passé n’est plus pour eux qu’une erreur. […] Le p-lus puissant cri qu’une nation ait poussé vers l’avenir, la croyance de la nation juive au Messie, cette croyance, dis-je, naquit et grandit sous l’étreinte de la persécution étrangère.

33. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Il est notoire qu’absorbée par ce devoir filial, toute préoccupation de son propre avenir lui demeure indifférente. […] De Caen à Sedan, comme de La Rochelle à Nîmes, leurs manufactures et leurs collèges forgeaient à la France un avenir de prospérité. […] L’avenir de la France s’annonçait grandiose, quand, intervenant soudain, l’Église catholique, apostolique et romaine, inquiète du danger que courait sa fille chérie en laissant croître à son flanc l’ulcère de l’« hérésie », ne lui permit pas de s’orienter plus longtemps vers cet avenir libérateur, dont elle redoutait à juste titre l’amertume. […] Dans l’avenir le style de Bossuet ne présentera plus qu’un intérêt d’archéologie et de grammaire. […] L’avenir seul nous répondra.‌

34. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

Ne voyant pas ses appétitions se réaliser, le sentiment se trouble, et, tout en persistant vers l’avenir, il arrive à le nier de la bouche et à nier toute chose. Mais lors même qu’il nie ainsi, c’est qu’il aspire encore vers cet avenir entrevu un instant et qui s’est dérobé à sa vue. […] Ainsi, nous trouvions à la fois une confirmation de nos vues sur l’avenir de la société dans l’art actuel, et une explication de cet art même dans l’état de la société. […] Ils ont fini par sentir que la vraie poésie de notre époque est celle qui pousse à l’avenir en peignant les profondes souffrances du présent. […] J’y trouve trois grands traits, trois traits de la poésie véritable, trois signes d’avenir.

35. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

N’osant pas se frayer une route nouvelle et s’avancer résolûment vers l’avenir, elle a repris facilement la vieille voie tracée on elle flaire les pistes des anciens, semblable à un chien qui a perdu son maître. […] Qui sait ce que l’avenir nous réserve ? […] Dans l’avenir préparé à travers les événements qui nous assaillent, quel sera le rôle de la littérature ? […] Il faut être de son temps à tout prix et quand même ; si petite que soit notre lanterne, tournons-la en avant pour éclairer l’avenir ; le passé a eu assez d’étoiles pour n’avoir pas besoin de nos soleils. […] Qui sait ce que l’avenir dévoilera ?

36. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre X »

. — Le patois européen et la langue de l’avenir. […] Il n’est pas possible qu’une langue littérairement aussi vivante ait perdu sa vieille puissance verbale ; il suffira sans doute que l’on proscrive à l’avenir tout mot grec, tout mot anglais, toutes syllabes étrangères à l’idiome, pour que, convaincu par la nécessité, le français retrouve sa virilité, son orgueil et même son insolence. […] C’est un avant-goût de la langue de l’avenir.

37. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Plus de passé, pas encore d’avenir. […] Et l’avenir ! […] C’est, en effet, vers un avenir ultérieur que se dirigent mes pensées, depuis que ma position actuelle est fixée. […] Songez-y, jurer de l’avenir de sa pensée ! […] Or, on n’est pas sûr de ne pas changer de croyance à l’avenir, quelque certitude qu’on ait du présent et du passé.

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