Entre les parents de mon père, bourgeois sévères et conservateurs, et la famille de ma mère, composée surtout d’artistes dramatiques, à la gloire tapageuse, il ne pouvait guère exister de sympathie ; il régnait même, il faut l’avouer, parmi les femmes, une franche aversion, qui ne s’est d’ailleurs jamais démentie. […] Je lisais d’un bout à l’autre, par exemple, les Contes de Charles Nodier, illustrés par le même artiste, et l’un d’eux surtout, peut-être parce qu’il se passe dans un couvent, me fit une impression très vive. […] Elle avait une âme romanesque et éprouvait une respectueuse et naïve admiration pour l’art et pour les artistes. […] Ce jour-là, mon père et ma mère dînaient toujours chez une belle et joyeuse dame que l’on avait surnommée : La Présidente, et qui savait retenir autour d’elle tous les artistes illustres de l’époque. […] Cependant, pour nous faire comprendre la grande musique, ou peut-être simplement, parce que nous étions, là, en famille, on nous conduisait souvent au Théâtre-Italien, où chantaient tous les merveilleux artistes d’alors : Gulia Grisi, Frezzolini, Borghi-Mamo, Mario, etc.
A quelle distance de la nature, où tout est force, action, instinct vital, tendance à s’accroître, nous trouvons-nous avec toutes nos supériorités d’« idéalistes », de parleurs et d’artistes, égarés que nous sommes dans des chemins pitoyables, où l’air est étouffant, loin de la grande route de l’existence, de la franche et large route où le pur animal humain socialisé s’avance hardiment ! […] Chose curieuse, c’est un artiste — et un artiste non latin — qui me semble avoir incarné avec le plus de profondeur, bien qu’assurément sans le vouloir, la vision de l’Aine latine contemporaine. […] Sur ce front, à la fois morbide, attirant, fatigué, inquiet, résigné, notre destin est inscrit par la main d’un artiste que l’on croirait visionnaire et capable de fixer l’invisible. […] D’une part le petit peuple hellénique, riche de ses traditions, saturé d’art, de philosophie et de littérature, justement fier de son passé intellectuel, peuple d’élite en qui se concentraient des siècles d’affinement et de culture et où pullulaient les intellectuels, les artistes, les sophistes, les professeurs, les danseurs, les savants, les comédiens, les philosophes, mais vide de ses énergies, pauvre en hommes d’action, en caractères et en consciences, incapable de résistance, à bout de forces organiques, désormais impuissant. […] Confusion extrêmement fâcheuse, créatrice de jugements illusoires… On se laisse prendre à des apparences, on s’émerveille au spectacle, réellement merveilleux, offert par une élite de penseurs, d’écrivains, d’artistes, d’orateurs, de dilettantes surintellectuels et hypersensibles.
Un autre défaut auquel les artistes remédient instinctivement quand ils ont du goût, c’est la brièveté des jambes, si accentuée dans les photographies de femmes nues. […] La notion de l’art est même assez nette, pour les artistes et pour l’élite ; l’idée d’art est fort bien dégagée. […] Moment unique : les poètes anglais ne sont presque jamais des artistes, et c’est l’inverse en Italie, où l’art verbal recouvre si peu de vraie poésie. […] Par tempérament ce dernier est plutôt froid, mais chaque fois que des artistes parisiens entrent en contact avec lui la glace ne tarde à se rompre et la soirée finit par une ovation. […] Le Subconscient chez les artistes, les savants et les écrivains, par le Dr Paul Chabaneix.
C’est un nouveau venu, un parvenu dans le vrai monde ; vous voyez en lui un plébéien, puissant penseur, infatigable ouvrier et grand artiste, que les mœurs du temps ont introduit dans un souper de viveurs à la mode. […] Diderot le pousse à bout jusque dans l’emphase larmoyante ou furibonde, par des exclamations, des apostrophes, des attendrissements, des violences, des indignations, des enthousiasmes, des tirades à grand orchestre, où la fougue de sa cervelle trouve une issue et un emploi En revanche, parmi tant d’écrivains supérieurs, il est le seul qui soit un véritable artiste, un créateur d’âmes, un esprit en qui les objets, les événements et les personnages naissent et s’organisent d’eux-mêmes, par leurs seules forces, en vertu de leurs affinités naturelles, involontairement, sans intervention étrangère, de façon à vivre pour eux-mêmes et par eux-mêmes, à l’abri des calculs et en dehors des combinaisons de l’auteur.
Le détail de son style est d’un artiste : il a le sentiment de la puissance de la sobriété : il serre l’idée dans l’image, courte, franche, saisissante : c’est un maître de l’expression nerveuse et chaude. […] Commynes n’est pas un artiste : il écrit convenablement, rien de plus.
Ceci est une erreur, parce que c’est habituer les jeunes esprits à considérer en effet tout grand artiste comme un homme détenteur et de la beauté et de la vérité morales, et alors cela les porte à se laisser aller à toutes les suggestions des livres de ce grand homme qu’ils liront. Il faut savoir dire — et je le dirais devant des jeunes gens comme je le dis devant vous — qu’il n’y a pas de rapports nécessaires entre l’art et la morale, qu’un très grand artiste peut avoir mené une vie qui n’est pas du tout exemplaire, et qu’il faut bien se garder de confondre ces deux points de vue.
En poésie on peut lancer et perdre bien des flèches : il suffit pour l’honneur de l’artiste que quelques-unes donnent en plein dans le but et fassent résonner tout l’arbre prophétique, le chêne de Dodone, en s’y enfonçant.
On a reproché quelquefois à Montesquieu les historiettes dont il égaye encore plus qu’il ne les appuie ses graves sujets ; mais il savait, l’habile homme et le grand artiste, que même en telle matière il est souvent vrai de dire que le conte fait passer la morale avec lui.
Quel est encore pour l’artiste, pour l’amateur pénétré, l’idéal le plus enviable ?
Dans une Introduction, l’auteur raconte somment, en un château assez voisin de Paris, chez le duc de…, qui, par ambition, s’est fait partisan très avancé des idées nouvelles, une société nombreuse, composée de militaires, de députés, d’artistes, de journalistes, se met à discuter un soir le grand sujet à la mode, à savoir si la source du progrès est dans la vie publique et sociale, ou s’il la faut chercher au foyer domestique.
Un ouvrage qui n’est pas écrit avec philosophie, classe son auteur parmi les artistes, mais non parmi les penseurs.
Quand le renard s’approche du corbeau, pour lui voler son fromage, il débute en papelard, pieusement et avec précaution, en suivant les généalogies ; il lui nomme « son bon père, dom Rohart, qui si bien chantoit » : il loue sa voix qui est si claire et si épurge. » « Au mieux du monde chantissiez, si vous vous gardissiez des noix. » Renard est un Scapin, un artiste en inventions, non pas un simple gourmand ; il aime la fourberie pour elle-même ; il jouit de sa supériorité, il prolonge la moquerie ; quand Tibert le chat par son conseil s’est pendu à la corde de la cloche en voulant sonner, il développe l’ironie, il la goûte et la savoure ; il a l’air de s’impatienter contre le pauvre sot qu’il a pris au lacs, l’appelle orgueilleux, se plaint de ce que l’autre ne lui répond pas, qu’il veut monter aux nues, et aller retrouver les saints.