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1153. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Guizot » pp. 201-215

Ni Aubrey, le premier historien de Shakespeare, qui écrivait cinquante ans après la mort de ce grand homme, compris par le public de son temps avec la finesse et la sûreté d’appréciation ordinaires à toutes les foules et à tous les publics ; ni Nathan Drake, qui a fait un livre énorme sur Shakespeare qu’il appelle Shakespeare et son temps (Shakespeare and His Time), un titre, je crois, de la connaissance de Guizot ; ni Guizot enfin, lequel pourtant, je m’imagine, ne doit pas être l’ennemi complet du représentatif dans l’humanité, n’ont pensé comme Emerson et, comme lui, fait également bon marché de la prodigieuse originalité du génie de Shakespeare et de la vie privée de cet homme phénoménal, — à lui seul tout un monde perdu, qui attend encore son Cuvier ! […] Elle pourra continuer de se faire les questions que Guizot s’est lui-même posées, sans pouvoir y répondre, sur ce qui met en branle le génie puissant de Shakespeare et fut ce que Newton appelait, avec une familiarité presque sublime, « le coup de pied de Dieu ». […] Guizot a bien indiqué le mariage probablement troublé de Shakespeare, son éloignement et son abandon de sa femme, le silence qu’il a gardé sur elle, le legs presque injurieux qu’il lui fait, en interligne, dans son testament, comme s’il se la rappelait tout à coup comme on se rappelle une chose oubliée ; mais il ne va pas plus loin, il ne presse pas plus fort ce point douloureux, saignant, misérablement humain et toujours le même dans tous ces grands hommes, petits par là, qu’ils s’appellent Byron, Molière ou même Shakespeare !

1154. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

III Et cette révélation n’est pas la seule de ce livre profond, entrepris contre toutes les idées communes, et qui pourrait s’appeler, au lieu des Plateaux de la balance, le livre des révélations. […] Dans les chapitres de son livre, qui n’a que des chapitres et dont l’unité n’existe que dans la personnalité très particulière de l’auteur, ceux-là qui sont intitulés : La Lumière et la Foule, Les Ténèbres et la Foule, Les Sables mouvants, Les Préjugés, Les Caractères, Les Passions et les Âmes, La Charité intellectuelle, sont de ces choses qu’il est difficile dénommer, parce qu’elles n’ont pas d’analogue en littérature… Le côté que j’oserai appeler le côté divin de cette critique, échappera sans nul doute à ceux qui ont le mépris insolent et bestial du mysticisme de l’auteur. […] Du coup, ce fou d’Hello, comme ils l’appellent peut-être, s’ils ont essayé de lire ses ouvrages, monterait de vingt-cinq crans dans leur estime.

1155. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

La femme, si toutefois il y en a une parmi les concubines qu’on puisse appeler la femme légitime, la femme, l’épouse, que le droit romain avait grandie jusqu’à la Matrone et que le Christianisme seul pouvait grandir davantage, n’existe pas pour la Grèce. […] De là, l’inaptitude à élever les enfants pour cette pauvre chose qu’on appelle encore la femme ! […] Hommes de progrès, disent-ils d’eux-mêmes nonobstant, hommes de progrès que j’appellerais plutôt, moi, des hommes de recul !

1156. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

Tout est donc profondément historique dans cette histoire, que l’auteur appelle une Étude. […] De ces deux êtres auxquels il devait sa couronne, Charles VII, que l’histoire appelle si amèrement « le Bien-Servi », laissa brûler l’une comme sorcière, et mettre en jugement l’autre comme concussionnaire et comme empoisonneur. […] L’histoire est si impersonnelle, qu’au strict point de vue de la connaissance historique elle redoute beaucoup plus les grandes personnalités qu’elle ne les appelle.

1157. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes et la société au temps d’Auguste » pp. 293-307

Il n’est pas non plus ce qu’on appelle un philosophe, et je lui en fais mon compliment ; mais il ne nous en donne pas moins, avec un laisser-aller charmant, toute une philosophie de l’histoire. […] Le dilettante, le raisonneur, le psychologue, comme Blaze de Bury s’appelle, le chercheur du vrai humain plus que du vrai historique, n’a pas craint d’aller, qui sait ? […] Il n’a ni la raideur ni la morgue classiques, il ne tient pas puérilement à la couleur locale et à ce que les pédants appellent, avec des airs suprêmes : la convenance dans le langage.

1158. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

C’est que ces deux livres nous transmettent la lumière inattendue qui vient de frapper l’un des faits de l’Histoire moderne qui semblait le plus devoir se passer de lumière, l’événement classique, à force d’être fameux, qu’on pouvait appeler le grand lieu commun de la rhétorique de l’Histoire. […] On peut l’affirmer avec sécurité, tout le temps qu’il n’y aura pas pour l’éternelle et péremptoire instruction des générations un Mémorial de Yuste comme il y a un Mémorial de Sainte-Hélène (et il paraît que cette grande confession à la Postérité qui tente les âmes les plus fortes, en fait de grands hommes, et qui avait aussi tenté Charles-Quint, n’existe plus), on n’aura le mot des questions que soulève ce mystère à demi voilé qui s’appelle le Charles-Quint de Yuste dans l’histoire, qu’en le demandant à l’Espagne, après l’avoir demandé à lui-même, car lui seul, il ne répond pas ! […] Personne plus que lui n’appelle et ne commande l’induction et le raisonnement dans l’histoire.

1159. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Si M. de Meaux avait vécu au xvie  siècle, il aurait été de ceux-là qu’on appelait « les politiques », dans ce temps. […] La politique domine le Catholicisme dans son livre et il appelle cela le sentiment de l’Histoire… Mais ce n’est que le sentiment de l’Histoire comme il la comprend. […] Assurément, cette conclusion ne peut pas étonner de la part d’un homme que j’ai appelé, au commencement de ce chapitre, plus politique que catholique, et qui, à travers tous les faits de son livre, n’est occupé qu’à chercher la tolérance, imperceptible encore, comme on cherche une aiguille dans une botte de foin… Avec Henri IV, il l’a trouvée, et il s’en régale.

1160. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVI. Buffon »

Flourens et qui se complètent et s’appellent. […] Flourens cite un mot de cette Mme de Pompadour que Voltaire le familier avait bien raison d’appeler Pompadourette, qui rime a grisette, et qui dit bien le ton de fille de cette femme-là : « Vous êtes un joli garçon, monsieur de Buffon, on ne vous voit jamais !  […] Flourens, qui voudrait couvrir de sa tête tout entière, comme on couvre de sa poitrine celui qu’on aime, les erreurs de Buffon, ces erreurs qui sont souvent grandioses, — « et j’aime mieux, à tout prendre, une conjecture qui élève mon esprit qu’un fait exact qui le laisse à terre… J’appellerai toujours grande la pensée qui me fait penser. »« C’est là le génie de Buffon, ajoute-t-il encore, et le secret de son pouvoir, c’est qu’il a une force qui se communique, c’est qu’il ose et qu’il inspire à son lecteur quelque chose de sa hardiesse. » Et pourtant, est-ce que les paroles de M. 

1161. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Roger de Beauvoir. Colombes et Couleuvres. »

Le chagrin tardif m’est venu surprendre Comme un oiseleur sûr de ses filets… Vous étiez trop loin pour pouvoir m’entendre Quand au fort du deuil je vous appelais ! […] M. de Beauvoir, tout en gardant l’individualité de sa touche, cette individualité qui fait qu’un homme est le Corrége en traitant les mêmes sujets que Raphaël, est aussi varié dans le choix de ses sujets que peut l’être un poète lyrique, un de ces poètes qu’un philosophe allemand, poète lui-même, et même plus poète que philosophe (Schelling), appelle « les abeilles intelligentes de l’Infini ». […] Le christianisme ému et qui s’abat tant de fois dans son livre sur la pensée du poète devenue plus sérieuse et plus triste, et qui a été flagellé aussi comme le Sauveur, pourrait donner à M. de Beauvoir ce qui lui manque encore, ce christianisme plus écouté, plus accepté, plus appelé surtout !

1162. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Honoré de Balzac » pp. 1-15

C’est à ces misères (il faut bien enfin, quoi qu’il en coûte, appeler les choses par leur nom), c’est à ces misères que la Revue des Deux-Mondes, dans ses feuilles, a réservé la place d’honneur. […] Ses ouvrages retouchés avec acharnement, ses pages incessamment remaniées, ses textes intercalés dans les textes et son style qu’on appelle surchargé, en témoignent. […] De ce grand génie multiface qu’on appelle Balzac, il n’a vu presque qu’une facette.

1163. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

Isolé comme un chrétien dans ces temps d’épreuve pour les vrais serviteurs de Dieu, il n’est pas, comme Diderot, le centre d’une légion (le diable s’appelle parfois légion) de philosophes qui le regardent comme leur Ordonnateur en chef. […] Brucker débordait, il en est un, et c’est le plus oublié peut-être, qui s’appelle un Secret et qui en est trop un. […] C’est là qu’il fut réellement le Diderot chrétien, comme nous nous obstinons à l’appeler.

1164. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Une langue synthétique, comme l’appelle M.  […] Schlegel appelle le caractère analytique des langues. […] Ils sont accroupis, mais prêts à dévorer quiconque s’approcherait du seuil, sans être appelé. […] C’est ce qu’on appelle le discort. […] Il appelle Charlemagne ; le son du cor qu’il fait vibrer retentit jusqu’à Saint-Jean-Pied-de-Port.

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