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1026. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Faust, le véritable Satan des cours, s’empare de celui de Marguerite ; Marguerite, brillante et pure comme l’étoile du matin, l’aime avec passion. […] Béranger, que j’ai beaucoup connu et aimé dans nos derniers jours, était, selon moi, mille fois supérieur comme homme à ce qu’il était comme poète. Il faut aimer le pauvre peuple, mais non flatter ses caprices. […] Je vis alors avec joie quelle influence on reconnaissait à Goethe sur la nouvelle vie de la littérature française ; les jeunes poètes le vénèrent et l’aiment comme leur chef spirituel. […] » Quant à moi, qui n’aime ni le faux, ni l’excès, ni certains drames de Victor Hugo, j’avoue que j’ai lu avec attendrissement et intérêt le roman bizarre, mais neuf, de Notre-Dame de Paris.

1027. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Je n’aimais pas Napoléon, mais je me souviens que mon estime pour Chateaubriand tomba devant le grossier mensonge du pape traîné par les cheveux à Fontainebleau par les mains sacriléges de l’empereur. […] Non, car je n’étais pas membre de la coalition qui avait amené cette journée mortelle à la monarchie de 1830, que je n’aimais pas, mais que je ne voulais pas prendre sur moi de démolir : j’étais Français, voilà tout. […] Il est évident qu’elle se sentait à charge, qu’elle voulait éviter à son tour la contrainte et l’humiliation d’un changement si pénible en l’homme qu’elle avait aimé, et que le voile de l’absence et de la distance pouvait excuser aux yeux de leurs amis communs. […] Charles X ne l’aimait pas et ne songeait point à le rappeler à la tête des affaires, où il le croyait dangereux. […] Il est doux, mais puéril comme un enfant qui conte ses fables à sa mère ; on l’aime, mais on ne le croit pas.

1028. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Il aime cette femme si indigne d’un sentiment sérieux et profond, au point de donner sa démission pour rester près d’elle, quand son régiment part pour le Mexique. […] Elle l’admire et elle le redoute ; elle a peur lui et elle l’aime. […] Il sait que son fils aime madame Lecoutellier, née de Valtaneuse ; il sait aussi que la veuve convoite ardemment le château qui lui permettrait de reprendre ce nom patricien. […] N’ayant plus de dot à lui apporter, Francine s’est couverte d’un masque d’avare pour repousser d’elle celui qu’elle aimait. […] Si la marquise aimait d’Estrigaud, on concevrait qu’il lui jouât cette scène de haute comédie : l’amour voit trouble et ne raisonne pas.

1029. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Il m’est arrivé (j’aime à m’accuser de mes fautes), il m’est arrivé d’en causer avec mon pauvre ami Moréas, et Moréas me disait : « Il n’y a pas un poème de La Fontaine qui ne soit très beau !  […] Est-il quelque chemin plus court pour être aimé ? […] Il est vrai, vous m’aimiez pendant votre jeune âge : Aujourd’hui j’en demande un nouveau témoignage…. […] me répond mon vieil ami, je n’aime pas à recevoir des coups, des coups de pied, des coups de poing et des nasardes, je n’aime point…, etc. […] Il faut les dire à ce qu’on aime.

1030. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Je vous l’ai souvent dit, je n’aime point les nouveaux établissements ; il vaudrait mieux soutenir les anciens. […] Rien ne m’est plus cher que mes enfants de Saint-Cyr : j’en aime tout jusqu’à leur poussière. […] Ce que vous sentez là-dessus est encore matière de sacrifice ; il faut, que votre esprit devienne aussi simple que votre cœur… Employez votre esprit non à multiplier vos dégoûts, mais à les vaincre, mais à les cacher en attendant qu’ils soient vaincus, mais à vous faire aimer les plaisirs de votre état. […] « Nous aimons à parler de nous-même, a-t-elle remarqué, dussions-nous parler contre. » Et elle ne parlait pas contre. […] Respectées de tous, peu aimées de Louis XV qui les trouvait (cela est assez naturel) trop hautes et trop dignes, et de qui on a recueilli une parole défavorable qui n’est peut-être pas juste, elles disparaissent dans la continuité de leurs devoirs et dans l’uniformité de leur vie.

1031. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Les poètes italiens étaient lus dans la famille, et il aimait même à croire que cette famille de son grand-père était originaire d’Italie. […] Là, dans mon centre, j’aime infiniment mieux entendre parler un autre que de parler moi-même ; volontiers je tombe dans le silence du bonheur, et, si je parle, ce n’est que pour payer mon billet d’entrée. […] Au fond, quand il s’abandonne à les goûts et à ses instincts dans les arts, Beyle me paraît ressembler fort au président de Brosses : il aime le tendre, le léger, le gracieux, le facile dans le divin, le Cimarosa, le Rossini, ce par quoi Mozart est à ses yeux le La Fontaine de la musique. […] Il aime en tout à être d’un avis imprévu ; il ne supporte le convenu en rien. […] Il nous reproche d’aimer dans les arts à recevoir les opinions toutes faites, les recettes commodes, et à les garder longtemps même après que l’utilité d’un jour en est passée76.

1032. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Il se représente dès l’abord comme l’organe de la société polie, de ses dégoûts et de ses révoltes contre les œuvres du temps, où tout ce qu’elle aime et ce qu’elle honore est sacrifié et insulté : « Même dans la bourgeoisie, ajoute-t-il, dans ces milieux un peu inférieurs qui n’ont pas toujours montré autant de sagacité et de prévoyance, la littérature est suspecte et discréditée comme le contraire de ce raisonnable et substantiel esprit de conduite nécessaire à qui veut prendre la vie du côté positif et productif. […] Je ne mettrai pas d’insistance à me défendre, car c’est bien moi qui représente cette neutralité que j’aimerais aussi entendre appeler tantôt impartialité, et tantôt curiosité d’intelligence et d’observation. […] Elle aime le frère de son intime amie Laurence, Jules Daruel, un gentil sujet, qui vient d’autant plus régulièrement visiter sa sœur qu’il ne la trouve jamais sans Aurélie. […] On lui apprend le secret et l’embarras de son existence ; et quant au mariage avec Jules Daruel qui l’aime, qu’elle aime, et à qui elle serait heureuse d’apporter, dans les épreuves de la vie, les trésors de son cœur et de ses affections, on lui signifie nettement qu’il y faut renoncer : « Vous voulez être, lui dit M.  […] tu voudrais que ton ami d’enfance, que ce pauvre comte d’Ermancey, qui t’aime depuis cinquante ans, fût cause qu’on pût dire un jour quelque chose d’offensant pour un d’Auberive ?

1033. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

On veut donc qu’elle n’ait, de sa vie, aimé personne, et l’on met un prix extrême à le prouver. […] Je m’en suis tirée en Dauphine un peu novice, mais cela n’a pas mal fait… » J’aime à observer ce premier développement d’une nature pure, honnête et droite ; c’est, quoi qu’il arrive, un premier fonds inestimable. […] je suis reçue à Strasbourg comme si j’étais une enfant aimée, qui revient chez elle. […] Un autre jour, à propos d’une curée aux flambeaux, spectacle que (par parenthèse) elle n’aime pas du tout, les chiens acharnés lui rappelleront ce morceau de Jézabel qu’une de ses sœurs déclamait à ravir. […] Louis XV aimait beaucoup cette jeune belle-fille qui lui arrivait avec toute sa naïveté et sa fraîcheur, et il fut constamment bien pour elle, quoiqu’il la traitât toujours un peu en enfant.

1034. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

La Fontaine eût dit volontiers comme Henriette J’aime à vivre aisément, et dans tout ce qu’on dit Il faut se trop peiner pour avoir de l’esprit. […] Je me trouve fort bien, ma mère, d’être bête, Et j’aime mieux n’avoir que de communs propos Que de me tourmenter à dire de beaux mots. […] Or, La Fontaine est assez poëte pour commander à la mesure, et il aime trop le vrai pour être solennel à contre-temps. — De métaphores, peu ou point, si ce n’est les figures du langage rustique ; partout l’expression naturelle et primitive. […] Il a aimé le rythme vrai, comme tout à l’heure le style vrai ; il a été artiste jusqu’au fond, dans la versification, comme dans le dictionnaire ; il n’a songé qu’à rendre son idée sensible, et il a eu raison, car c’est la meilleure moitié de l’art. […] J’aime mieux cependant considérer dans cette table le mélange des mètres, remarquer les graves alexandrins employés à représenter les événements et les idées graves, puis deux petits vers au milieu d’une longue période choisis pour peindre un petit animal.

1035. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Fouché, qui ne l’aimait pas et qui voulait lui nuire, trouva moyen de l’impliquer dans une affaire, et le fit mettre au Temple. […] Jugeant la noblesse avec indifférence, sans l’envier, sans l’aimer ni la haïr, il se mit à la servir très activement durant ces premières années de la Restauration. […] En l’écoutant, il était aisé de voir qu’il aimait l’esprit avant tout ; c’est encore ce qu’il aimait le mieux dans le monde. […] Par penchant et par habitude, il était encore plus homme de presse qu’il ne l’avait été de consultation et de cabinet : « Comme écrivain, disait-il, entre m’adresser au public ou à un souverain, fût-il dix fois plus élevé que la colonne de la place Vendôme, je n’hésiterai jamais à préférer le public ; c’est lui qui est notre véritable maître. » En laissant dans l’ombre les côtés faibles et ce qui n’est pas du domaine du souvenir, et à le considérer dans son ensemble et sa forme d’esprit, je le trouve ainsi défini par moi-même dans une note écrite il n’y a pas moins de quinze ans : Fiévée, publiciste, moraliste, observateur, écrivain froid, aiguisé et mordant, très distingué ; une Pauline de Meulan en homme (moins la valeur morale) ; sans fraîcheur d’imagination, mais avec une sorte de grâce quelquefois à force d’esprit fin ; — de ces hommes secondaires qui ont de l’influence, conseillers nés mêlés à bien des choses, à trop de choses, meilleurs que leur réputation, échappant au mal trop grand et à la corruption extrême par l’amour de l’indépendance, une certaine modération relative de désirs, et de la paresse ; — travaillant aux journaux plutôt par goût que par besoin, aimant à avoir action sur l’opinion, même sans qu’on le sache ; — Machiavels modérés, dignes de ce nom pourtant par leur vue froide, ferme et fine ; assez libéraux dans leurs résultats plutôt que généreux dans leurs principes ; — sentant à merveille la société moderne, l’éducation moderne par la société, non par les livres ; n’ayant rien des anciens, ni les études classiques, ni le goût de la forme, de la beauté dans le style, ni la morale grandiose, ni le souci de la gloire, rien de cela, mais l’entente des choses, la vue nette, précise, positive, l’observation sensée, utile et piquante, le tour d’idées spirituel et applicable ; non l’amour du vrai, mais une certaine justesse et un plaisir à voir les choses comme elles sont et à en faire part ; un coup d’œil prompt et sûr à saisir en toute conjoncture la mesure du possible ; une facilité désintéressée à entrer dans l’esprit d’une situation et à en indiquer les inconvénients et les ressources ; gens précieux, avec qui tout gouvernement devrait aimer causer ou correspondre pour entendre leur avis après ou avant chaque crise. […] Il aime ces titres un peu piquants et même un peu pointus, il en met même à de simples entrefilets.

1036. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Clavier, et en jetant les yeux autour de lui : « Il me semble que tout ce que j’aime est ici » ; et il demande en mariage la fille aînée de son ami, laquelle était encore dans la première jeunesse. […] Si Dieu m’a créé bourru, bourru je dois vivre et mourir… Les gens d’esprit sont souvent très singuliers ; ils croient connaître le cœur humain mieux que d’autres, et, parce qu’ils ont fait du grec avec le père et qu’ils ne sont pas tout à fait aussi vieux que lui, ils croient que c’est une raison pour être aimés de la fille, d’une toute jeune fille, et cela sans faire de frais, sans rien retrancher à leur humeur, à leur procédé rude, à leur extérieur inculte, et en se conduisant, dès le lendemain de leurs noces, comme de vieux maris. […] J’en conclus seulement que Courier n’évitait pas les vers quand ils se présentaient dans sa prose, et qu’il les recherchait plutôt ; cela lui rendait le style plus alerte et plus sautant : Il aimait mieux, en écrivant, le pas des tirailleurs de Vincennes, que la marche plus uniforme et plus suivie de la ligne, — de la phrase française ordinaire. […] Dans le dialogue original et vif qu’on supposerait de l’un à l’autre, ils ne seraient d’accord que sur le Jupiter Olympien et contre Napoléon ; tous deux hommes d’humeur et ne voyant qu’un côté des choses ; mais Quatremère de Quincy plus élevé, et, au nom même de l’art antique et de la religion du goût, faisant honte à Courier de sa popularité politique, de mettre ainsi un talent d’Athénien au service des gens de La Minerve, et d’avoir pu dire sérieusement, dans une lettre adressée au Drapeau blanc : « Le peuple m’aime ; et savez-vous, monsieur, ce que vaut cette amitié ? […] Les vrais amateurs, aujourd’hui, et désormais, je le pense, aimeront mieux Courier dans ses lettres que dans ses pamphlets ; je le goûte plus, pour mon compte, quand il est de la famille de Brunck ou d’Horace que quand il veut se rattacher à celle de Swift ou de Franklin.

1037. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

. — Et qui n’aimerait, écrivait le chevalier d’Aydie à Mme Du Deffand, qui n’aimerait pas cet homme, ce bonhomme, ce grand homme, original dans ses ouvrages, dans son caractère, dans ses manières, et toujours ou digne d’admiration ou adorable ? […] Bien loin en cela de Jean-Jacques, il voulait que chacun, après l’avoir lu, eût « de nouvelles raisons pour aimer ses devoirs, son prince, sa patrie, ses lois » ; et pourtant il ne s’est nulle part inquiété du résultat de la comparaison qu’il présentait aux imaginations de ses compatriotes. […] Quant à des oracles, ceux qui les aiment peuvent les y chercher. […] Montesquieu, dans le monde, ne se laissait pas aller aux coteries qui devenaient impérieuses ; on a retenu sur lui les jugements de Mme Geoffrin et de la duchesse de Chaulnes, c’est-à-dire de deux femmes qui aimaient assez à tirer parti de ceux qu’elles voyaient et à en jouer à leur gré. […] » Montesquieu a répondu à toutes deux, quand il a dit dans ses Pensées : « J’aime les maisons où je puis me tirer d’affaire avec mon esprit de tous les jours. » Voilà pour la duchesse de Chaulnes.

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