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595. (1876) Romanciers contemporains

Comme il y aurait, par exemple, à admirer le soin qu’a l’auteur d’approprier le ton du récit au personnage qui le fait sous forme de Mémoires ! […] Ce don merveilleux, qui, parmi tous ceux qui l’admirent, est capable de l’analyser ? […] Et le mari qui les voit sans les entendre, car là il suffit de ne pas entendre (ailleurs ni il ne verra, ni il n’entendra), le mari admire sa femme et son associé : — Comme elle est jolie ! […] Daudet, l’intensité de vie des paysages est telle qu’après les avoir quittés, la lecture finie, on en a la nostalgie, comme si on les avait soi-même admirés. […] On admire une donnée saisissante autant que neuve, et on applaudit au créateur.

596. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Je laisse à d’autres le soin de ne pas trouver cela si ridicule et même d’admirer M.  […] Des trois jeunes Belges, vous êtes celui que je préfère, que j’admire le plus, et ni Candide ni Urbain ne sauraient vous être comparés. » L’entretien continua sur ce ton. […] Pour ma part, j’aime certains poèmes de cet auteur, quoique je ne les admire point. […] Retté d’un des rares poètes que l’on peut admirer, il écrivait : « Nous refusons d’estimer M. de Régnier7. » Scripta manent. […] J’ai admiré longtemps son épopée, par son coté plastique, comme on admire un vivant bas-relief ou quelque fresque tumultueuse.

597. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Pils, par exemple, dont nous avons souvent admiré les spirituelles et solides compositions ; ainsi, autrefois, Charlet et Raffet. […] Dans ce vaste monument de la niaiserie, penché vers l’avenir comme la tour de Pise, et où s’élabore le bonheur du genre humain, il y a un très-honnête homme qui ne veut pas qu’on admire M.  […] Rien n’est plus doux que d’admirer, rien n’est plus désagréable que de critiquer. […] Vous admirez un morceau merveilleusement réussi ; mais tel autre morceau dépare complètement la statue. […] Depuis longtemps les vrais amateurs ont admiré les bustes de M. 

598. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Les artistes en vogue y sont nommés et admirés sans aucune gradation, Boucher au niveau de Rembrandt, et Vanloo aux touches enflammées à côté de Voltaire. […] J’admire ton éclat, mais crains ta violence. […] Les amis de Delille se rejetaient sur quelques morceaux où ils admiraient un grand mérite de difficulté vaincue, l’épisode d’Entelle et de Darès, et en général la description des jeux. […] Rousseau a dit, par une pensée toute semblable, dans une page souvent citée : « La terre, parée des trésors de l’automne, étale une richesse que l’œil admire, mais cette admiration n’est pas touchante ; elle vient plus de la réflexion que du sentiment.

599. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Théocrite »

Il n’est presque aucune de ses idylles qui n’offre des mouvements passionnés, et l’on est forcé d’admirer l’accent de la tendresse là où les objets sont de ceux qu’admettaient si singulièrement les Grecs, qui ne cessent de nous étonner dans l’Alexis de Virgile, et dont la seule idée fuit loin de nous. […] Racine l’admirait à ce titre. […] III Si Racine admirait la Magicienne, La Motte n’en faisait pas de même. […] On ne peut disconvenir en effet que les différences de religion, de climat, d’habitudes sociales, si elles n’ont pas changé le fond de la nature humaine, ont du moins donné à l’amour chez les modernes une tout autre forme que chez les anciens ; et lorsque les peintures que ceux-ci en ont laissées nous apparaissent dans leur nudité énergique et naïve, il y a un certain travail à faire sur soi-même avant de s’y plaire et d’oser admirer.

600. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Aussi, ce qu’il y a à admirer dans ce premier ouvrage de Joseph de Maistre, ce ne sont pas les vérités, ce sont les vues. […] On ne craignait pas l’ascendant de Cagliari sur le monde ; on admirait l’esprit de son représentant. […] Les uns admirèrent cette grandeur de respect pour soi-même, les autres cette politesse. Quant à moi, j’admirai cette force du naturel qui place l’étiquette plus haut que le cœur.

601. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Il me faisait admirer et sourire. […] Mme Émile de Girardin, fille de Mme Gay, qui l’avait élevée pour lui succéder sur deux trônes, l’un de beauté, l’autre d’esprit, avait hérité, de plus, de la bonté qui fait aimer ce qu’on admire. […] On pouvait l’admirer plus ou moins comme poète, mais, si on la connaissait à fond, il était impossible de ne pas l’aimer comme femme. […] Nos amis l’ont admiré ici, et tu sais qu’ils ne me trompent pas !

602. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Ses guerriers le suivent à quelque distance, et admirent sa démarche altière. […] Nos faibles descendants me verront et admireront la haute stature des héros du temps passé, ils se cacheront dans leurs grottes et ne regarderont le ciel qu’en tremblant, car je marcherai dans les nuages et les orages rouleront autour de moi. » « Conduis, fils d’Alpin, conduis le vieillard dans les bois. […] Elle s’arrête ; ils prennent eux-mêmes la harpe, mais ils ne peuvent trouver le son qu’ils admiraient. « Pourquoi, disent-ils, ne nous répond-elle pas ? […] Au milieu des nuages, autour de la table où circulent des coquilles vaporeuses, les héros t’admireront, et les vierges toucheront en ton honneur la harpe de brouillard.

603. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

S’ils le font de bonne foi, et non par peur du mot de Voltaire que « qui ne se plaît pas à Regnard n’est pas digne d’admirer Molière », c’est moi qui ai tort. […] Soit ; je ne suis pas digne d’admirer Molière. Mais si je l’aime, si j’y passe mes meilleures heures, si je ne m’en lasse point, si j’y trouve toute comédie, même celle qui fait rire les plus mélancoliques, que gagnerais-je de plus à être « digne de l’admirer ?  […] Ils n’eurent pas, d’ailleurs, le tort d’admirer médiocrement Molière ; mais ils virent en lui l’auteur de comédies plutôt que la comédie elle-même, et ils crurent, en quittant sa tradition, ne s’affranchir que d’un homme, tandis qu’ils sortaient de la comédie, hors de laquelle il n’y a, pour les plus heureux, que l’oubli après le succès d’un jour.

604. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Quand elle a fait un petit bout, elle est très contente, elle s’admire presque enfantinement, d’avoir fabriqué un morceau de livre. […] Voillemot, pendant qu’il les peignait pour Billaut, était venu nous chercher, mon frère et moi, pour les admirer. […] Et après que tous deux l’ont admiré longuement et secrètement, notre collectionneur fait rentrer le bibelot dans sa boîte, et la boîte dans sa cachette. […] Puis, c’est un enchevêtrement de petites tables, de tabourets, d’une toilette dont des rouleaux de papier de toutes couleurs cachent la glace ; d’un chevalet Bonhomme, sur lequel pose une aquarelle, représentant un coucher de soleil dans le parc, qu’on a admiré, il y a deux ou trois jours ; d’un fauteuil-balançoire viennois ; d’une petite étagère portant à tous les étages, des Bottin, des Dictionnaires, des Almanachs de Gotha.

605. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Connaître une première nature, adorer son éternité, admirer sa toute-puissance, louer sa sagesse, s’abandonner à sa providence, obéir à sa volonté, n’est-ce rien qui nous distingue des bêtes ? […] De là vient que nous admirons dans ses admirables Épîtres une certaine vertu plus qu’humaine qui persuade contre les règles, ou plutôt qui ne persuade pas tant qu’elle captive les entendements ; qui ne flatte pas les oreilles, mais qui porte ses coups droit au cœur.

606. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Et couché mollement sous son feuillage sombre, Quelquefois sous un arbre il se repose à l’ombre,             L’esprit libre de soin ; Il jouit des beautés dont la terre est parée ; Il admire des cieux la campagne azurée, Et son bonheur secret n’a que lui de témoin. […] Le chanoine de Reims n’était pas de l’Académie, mais il en eût été certes depuis longtemps s’il eût résidé dans la capitale ; il était connu pour la beauté de sa plume : on avait fort admiré sa traduction des homélies de saint Jean Chrysostome.

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