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923. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Ils ôtèrent à ma mère une adresse de marchand qu’elle avait conservée, un bâton de cire à cacheter qu’ils trouvèrent chez ma tante, et à moi ils me prirent un Sacré-Cœur de Jésus et une prière pour la France. […] Ce Sacré-Cœur de Jésus et cette prière pour la France se tiennent plus étroitement qu’il ne semble, et il fallait peut-être avoir toute la foi à l’un pour pouvoir à ce moment prier pour l’autre. On a dit quelquefois que Mme la duchesse d’Angoulême avait une rancune contre la France, et qu’en rentrant en 1814 et en 1815 elle marqua involontairement cette disposition dans quelques-unes de ses paroles ; car, pour des actes, il serait impossible d’en trouver un seul à lui reprocher. […] Sortie de France, à Vienne, puis à Mittau où on la marie à son cousin, partout, dans les exils divers où la ballotta la fortune, elle est la même : la vie du Temple est là comme dans le fond de son oratoire, pour dominer chacune de ses journées et lui en dicter l’emploi.

924. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Le fait est que, durant les trois années d’un état précaire pour la France et presque déshonorant pour la civilisation d’un grand peuple, les mêmes hommes, après le premier étourdissement passé, ont assez pris leur parti, qu’ils ont assez bien vécu et n’ont pas trop désespéré, et que depuis qu’il y a un établissement régulier, il leur semble qu’on ne puisse plus vivre : c’est que cet établissement s’est fait sans eux, c’est que ce régime n’est plus le leur ; on supporte encore la chute, non pas le remplacement. Le grand malheur des révolutions fréquentes et périodiques auxquelles notre France s’est vue sujette depuis quarante ans, a été de faire de vastes coupes réglées dans les générations qui formaient la tête de la société, de les déposséder presque en masse du pouvoir en un seul jour, et de donner aux générations survenantes le caractère d’une conquête et d’une invasion. L’Empire tombe en 1814 et en 1815 ; les serviteurs de l’Empire, à peu d’exceptions près, sont jetés de côté à l’instant, et la face de la France gouvernante est renouvelée. […] Si la France en possède deux ou trois, qu’elle en garde les bustes, en attendant les statues.

925. (1903) Zola pp. 3-31

Aussi fut-il comme repoussé avec impatience par tout ce que la France comptait d’esprits élevés, délicats ou tout simplement lettrés. […] M. Anatole France fut le plus dur, comme étant, de tous, le plus délicat, le plus délié, le plus subtil, et tout au moins, aussi lettré que tous les autres. […] Enfin, une manie particulièrement française était délicieusement chatouillée dans les romans de Zola, le goût d’entendre dire du mal de la France. […] On ne peut aller trop loin, en France, dans l’expression du mépris à l’égard du peuple français.

926. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Une histoire de l’art littéraire en France depuis 1800 jusqu’à 1860 est à peu près faite dans un livre comme celui-ci. […] Voilà, dans ses grands traits, tout l’esprit de littérature classique en France de 1550 à 1800. […] La France s’ennuie !  […] Fond et forme, la poésie philosophique était créée en France. […] En 1845 il fut nommé pair de France.

927. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Joseph de Maistre »

Deplace avait un sens droit, une instruction ecclésiastique et théologique fort étendue ; il savait avec précision l’état des esprits et des opinions en France sur ces matières ardentes ; il pouvait donner de bons renseignements à l’éloquent étranger, et tempérer sa fougue là où elle aurait trop choqué, même les amis : motos componere fluctus. […] Je n’ignore pas l’espèce de monarchie qu’on accorde en France à Bossuet, mais c’est une raison de l’attaquer plus fortement. […] Or il est très-certain que vous avez fait en France une douzaine d’apothéoses au moyen desquelles il n’y a plus moyen de raisonner.

928. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

Entrée des domestiques avec les plateaux De toutes les nations lettrées la France est la moins comique et la moins poétique159. — La poésie française réduit tout ce qui est grand dans la nature aux proportions de mets d’apparat servis sur des plats de cristal160. […] La nation du persiflage par excellence (la France) est en même temps celle qui, pour l’humour et le comique poétique, est la moins comparable à la sérieuse Angleterre. […] La France est le pays qui de tout temps a eu le moins de superstition et de poésie.

929. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre IV »

Une fois cette digue emportée, il n’y a plus de digue, et l’inondation roule sur toute la France comme sur une plaine unie  En pareil cas, chez les autres peuples, des obstacles se sont rencontrés : il y avait des lieux élevés, des centres de refuges, quelques vieilles enceintes où, dans l’effarement universel, une partie de la population trouvait des abris  Ici le premier choc achève d’en emporter les derniers restes, et, dans ces vingt-six millions d’hommes dispersés, chacun est seul. […] Et voilà, dans la France dissoute, les deux seuls pouvoirs debout sur les débris du reste. […] Voyages en France, I, 240, 263.

930. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

D’autre part, à lire Voltaire, on saisit bien l’ensemble des guerres, ou l’ensemble de l’administration financière : mais les rapports de ces parties entre elles, l’action et la réaction réciproques de la politique extérieure, de la politique intérieure, des guerres, de l’administration, de la vie de la cour, comment la situation de la France à chaque année du règne et le développement ultérieur de chaque partie de l’histoire dépendent du développement antérieur de toutes les parties, comment tout vient de tout et aboutit à tout, voilà ce qu’on ignore. Quand on lit l’histoire des guerres, on ne voit que des généraux et des soldats : il n’y a pas autre chose en France : quand on lit l’administration, il n’y a que des bureaux, des commis et des ministres ; la France, semble-t-il, est seule dans le monde et sans voisins.

931. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

Il chante la paix rendue à la France, l’ordre restauré avec la monarchie, la haine de la guerre religieuse et civile : choses qui lui tiennent au cœur, mais à tout le monde avec lui. […] C’est une grande affaire pour lui que de placer un repos : il estimait son écolier Maynard « l’homme de France qui savait le mieux faire les vers », parce que Maynard lui avait l’ait sentir la nécessité d’une pause après le troisième vers dans les strophes de six. […] Il exprimait le besoin de paix, d’ordre, de discipline, qui était celui de toute la France.

932. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVII. Le Retour du Christ. Appel aux femmes ! »

Il souhaite que le monde les entende et qu’elles fassent coup, non seulement en France, mais en Europe. […] Lord Byron, qui a cravaché les bas-bleus dans une comédie de leur nom, prétendait que sa femme, qui était un bas-bleu, savait les mathématiques… Mais de ces temps-là à ces temps-ci, la tendance des femmes vers le bas-bleuisme, ce ridicule transcendant de l’histoire des mœurs contemporaines, s’est généralisée et précisée d’une façon si effroyable, qu’on ne trouvera bientôt plus de femmes en France, on n’y trouvera que des bacheliers. […] Cette doctrine américaine, qui a déjà un pied en France, si elle n’en a pas deux, serait-elle la doctrine du bas-bleu convulsif qui a écrit l’Appel aux femmes ?

933. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »

que dirait-il, le grand poète, s’il vivait à cette heure du siècle et s’il apprenait tout à coup qu’en France, ce pays de convenance et de goût, il est livré dans une de ses plus belles œuvres aux faiseurs de flonflons, et, comme il les appelait : aux violonneurs ! […] Il n’est pas heureux en France, depuis quelques années… On l’a mis en chansons… mais avant d’être la proie des musiciens (il n’aimait pas la musique, et peut-être était-ce là un pressentiment de ce qui devait lui arriver !), Byron avait déjà baissé dans l’opinion publique de France.

934. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Guizot »

Mais, dans son épouvante de l’absolu en toutes choses, il adressé, au bout et en face, saint Louis et saint Vincent de Paul, additionnant, pour faire quatre grands hommes chrétiens, natifs de France, saint Louis et saint Vincent de Paul, qui sont plus que de grands chrétiens, puisqu’ils sont des saints, et Calvin et Duplessis-Mornay, qui ne furent jamais des grands hommes. […] Mais là où le Catholicisme a triomphé, comme en France, le Protestantisme n’a point disparu ; là où le Protestantisme a vaincu, comme en Angleterre, le Catholicisme a survécu. […] Pour ma part, il est dans notre histoire de France deux grandeurs auxquelles je défends à toute plume qui n’est pas catholique de toucher, et c’est précisément ce saint Louis sur lequel Guizot vient de mettre sans façon sa main protestante, et Jeanne d’Arc !

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