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1878. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

Des gardes du tabac ayant fait une descente chez son curé, il les poursuivit à cheval si rudement qu’ils se sauvèrent à grand’peine en guéant la Durance, et là-dessus « il écrivit pour demander la révocation de tous les chefs, assurant que sans cela tous les employés des aides iraient dans le Rhône ou dans la mer ; il y en eut de révoqués, et le directeur du tripot vint lui-même lui faire satisfaction ». […] Les ministres écrivent aux intendants pour savoir si les gentilshommes de leur province « aiment à rester chez eux » et s’ils « refusent de venir rendre leurs devoirs au roi ». […] Jamais conducteurs d’hommes n’ont tellement désappris l’art de conduire les hommes, art qui consiste à marcher sur la même route, mais en tête, et à guider leur travail en y prenant part  Notre Anglais, témoin oculaire et compétent, écrit encore : « Un grand seigneur eût-il des millions de revenu, vous êtes sûr de trouver ses terres en friches. […] Ne faisant rien pour la terre, comment feraient-ils quelque chose pour les hommes   Sans doute, de temps en temps, surtout quand les fermages ne rentrent pas, le régisseur écrit, allègue la misère du fermier. […] Chateaubriand, Mémoires, I, 14, 15, 29, 76, 80, 125. — Lucas de Montigny, Mémoires de Mirabeau, I, 160. — Comptes rendus de la société du Berry : Bourges en 1753 et 1754, d’après un journal à la main (aux Archives nationales), écrit par un des parlementaires exilés, 273.

1879. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

C’est que ce petit volume est le souvenir écrit, le souvenir qui fixe et qui fait revivre le passé. […] C’est cette pureté inaltérable qui a permis à une femme d’écrire les Souvenirs de cette femme. […] Ses Mémoires d’outre-tombe, qu’il écrivait alors, avaient une page pour un parti, un revers de page pour l’autre : livre-Janus qui louche à force de vouloir regarder trop d’horizons à la fois. […] Le matin du jour de sa mort, elle m’écrivit encore les pressentiments de son agonie. […] Ces applaudissements, au reste, étaient fortifiés par le grandiose de cette pièce sacrée, écrite dans la haute langue de Racine par l’écrivain du Génie du Christianisme.

1880. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

J’aime ce titre donné à des fragments de mémoires : Histoire de ma jeunesse ; il me semble que ce n’est guère qu’ainsi et dans cette mesure que chacun devrait écrire les siens. […] Et Arago de son côté repassant sur ses souvenirs : Au moment où j’écris ces lignes, dit-il, vieux et infirme, avec des jambes qui peuvent à peine me soutenir, ma pensée se reporte involontairement sur cette époque de ma vie où, jeune et vigoureux, je résistais aux plus grandes fatigues et marchais jour et nuit dans les contrées montagneuses qui séparent les royaumes de Valence et de Catalogne du royaume d’Aragon, pour aller rétablir nos signaux géodésiques que les ouragans avaient renversés. […] J’assistais, le lundi 20 décembre 1852, à la séance de l’Institut dans laquelle on lut la biographie de Gay-Lussac, la dernière qu’ait écrite ou dictée M.  […] Dans la biographie de Thomas Young, une des meilleures qu’il ait écrites, il arrive à une conclusion des plus judicieuses et des plus fines, lorsque, pour refuser à l’illustre docteur la gloire d’avoir découvert la vraie théorie des hiéroglyphes égyptiens et la maintenir à Champollion, il s’appuie de l’exemple de ce même Young et lui maintient contre Hooke l’honneur d’avoir découvert ce qu’on appelle en optique les interférences, se servant d’un raisonnement analogue dans les deux cas pour le couronner à la fois et pour le réduire. […] Je ne veux pas abuser du droit que j’ai de n’aborder les écrits de M. 

1881. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Il n’apprit point le latin. » Ce qui ne veut pas dire que Bailly n’en ait appris plus tard ce qui lui était nécessaire pour comprendre les livres de science écrits en cette langue, et pour choisir à ses divers ouvrages des épigraphes bien appropriées ; mais il manqua d’un premier fonds classique régulier et sévère, et ce défaut, qui qualifie en général son époque, contribua à donner ou à laisser quelque mollesse à sa manière, d’ailleurs agréable et pure. […] Sa vocation prononcée et de plus en plus manifeste, était d’exposer les découvertes d’autrui et d’écrire l’histoire des inventeurs. […] Bailly semble avoir pris un peu de Galiani avant d’écrire. […] Voltaire, qui se sentait ainsi conduit et promené d’hypothèse en hypothèse, résistait en plaisantant ; il avait dès l’abord écrit à Bailly : J’étais toujours persuadé que le pays des belles nuits était le seul où l’astronomie avait pu naître ; l’idée que notre pauvre globe avait été autrefois plus chaud qu’il n’est, et qu’il s’était refroidi par degrés, me faisait peu d’impression. […] Mais en même temps on voit que dans les séances publiques des diverses académies où il avait à parler, que ce fut à l’Académie des inscriptions ou dans celle des sciences, et même quand il s’agissait de la chronologie des Indiens, ses discours écrits et prononcés avec grâce se faisaient écouter avec plaisir.

1882. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Enfin, au nombre des ouvrages de toutes sortes qu’il laissait couler chaque année de sa plume facile, il eut la bonne idée, un jour, d’écrire ses mémoires, et s’il les écrivit de ce style médiocre et, pour tout dire, un peu plat, qui était le sien, il y mit tout son naturel aussi, sa naïveté d’impressions, sa curiosité, la variété de ses goûts et de ses humeurs. […] Ces pages sont assurément les meilleures qu’il ait écrites, et il ne faudrait pas juger par là du reste. […] Un mémoire écrit de sa main, et qui se trouve aux Manuscrits de la Bibliothèque impériale24, nous en apprend davantage. […] J’ai sous les yeux tout un prodigieux amas de ses écrits, et quelques-uns en volumes magnifiques, le tout recueilli avec un zèle d’amateur à la fois malicieux et pieux, par les soins de M. 

1883. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

Il écrivait à l’abbé Fleury dès 1695 : « Son naturel le porte ardemment à tout le détail le plus vétilleux sur les arts et l’agriculture même. » Quinze et dix-sept ans plus tard (1712), il pensait et disait encore la même chose, et cette fois au sujet de la religion : « Il a besoin d’acquérir, si je ne me trompe, une certaine application suivie et constante, pour embrasser, toute une matière, pour en accorder toutes les parties, pour approfondir chaque point principal ; autrement cette lumière, qui est grande, ne ferait que flotter au gré du vent. […] Il faut du nerf dans l’esprit, et une autorité efficace… » Fénelon écrivait cela au duc de Chevreuse, quinze jours avant la mort du prince qui était dans sa trentième année ; c’est un dernier mot, et qui revient à dire que le duc de Bourgogne a besoin de coup d’œil, de dominer sa matière, de ne pas s’y perdre et s’y noyer. […] Il n’est pas moins clair que le duc de Bourgogne cherchait, étudiait toujours, et n’avait rien trouvé de précis, n’avait rien de positivement arrêté ; que ses intentions étaient droites, pures, chrétiennes, tournées tout entières au bonheur et au soulagement des peuples, mais qu’avec tant d’instruction et le désir continuel d’en acquérir encore, il manquait de lumières supérieures, de génie politique, de ce génie qui tient surtout au caractère et à la conduite, à la décision de vue dans les crises, bien plus qu’aux règlements écrits et aux procédés mécaniques de constitution. […] Ce qu’il écrit à ce sujet est remarquable : « Par un préjugé que la vanité des gens de Lettres met en vogue disait-il, on s’imagine qu’un des premiers soins qui doivent occuper un roi, c’est de peupler ses États de savants. […] Il lui écrit le mot biblique : « Combattez et soyez vaillant. » Mais ne l’est pas qui veut.

1884. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Molé, au début de son discours, a parlé avec modestie, avec émotion, des jours de son enfance et des enseignements littéraires réguliers qui, a-t-il dit, lui ont manqué. « Vous, les maîtres de l’art d’écrire et de la parole, la chaîne des temps n’a pas été interrompue pour vous ; avant d’exceller vous-mêmes, vous avez appris. Ceux qui vous ont précédés dans la carrière y ont dirigé vos premiers pas… Vous ne sentez peut-être pas assez vous-mêmes tout le prix de ces biens que vous avez reçus ; croyez-en celui qui les regrettera jusque dans sa vieillesse, et dont l’enfance sans protection, sans guide, n’eut de leçons que celles du malheur. » — On s’étonnait un jour devant M. d’Andilly que son très-jeune frère, le docteur Arnauld, au sortir des écoles, eût pu produire en français un livre aussi bien écrit que celui de la Fréquente Communion. […] Beaucoup de gens aujourd’hui vous parlent à l’oreille de cet ouvrage et l’incriminent sur ouï-dire ; la plupart seraient fort étonnés, s’ils le lisaient, d’y trouver un écrit tout de forme métaphysique et de déduction abstraite, d’un dogmatisme ingénieux, mais assez difficile et obscur. […] La seconde édition des Essais de Morale et de Politique (1809) contenait de plus une Vie de Mathieu Molé, où se mêlent avec convenance, à une manière nette et tout à fait saine, quelques traits d’imagination et de sentiment : « Pendant que Troie était en flammes, écrit l’auteur en commençant, peu de gens ont imité le pieux Énée ; pour moi, moins heureux que lui, je n’ai pu sauver mon père, mais je ne me suis jamais séparé de mes dieux domestiques. » Les dernières pages offrent quelque chose de méditatif, une sorte de reflet détourné, mais sensible, du jeune contemporain de René : « Au terme de sa carrière, dit-il de son grand-aïeul, on ne vit point se réveiller en lui ces regrets si ordinaires aux vieillards. […] Les Souvenirs entièrement écrits de M.

1885. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Il ne voit rien de plus élevé ni de plus rempli de fureur et de sublime que les vers de Duché, ce qui ne l’empêche pas d’écrire à propos de M. de Monchesnay : « Je ne connois que lui (M. de Monchesnay !) présentement (1716), qui sache faire des vers marqués au bon coin. » Au même moment, il traite l’auteur du Diable boiteux comme un faquin du plus bas étage : « L’auteur, écrit-il, ne pouvoit mieux faire que s’associer avec des danseurs de corde : son génie est dans sa véritable sphère. » Réfugié à Bruxelles en 1724, il prie son ami l’abbé d’Olivet de lui envoyer un paquet de tragédies ; en voici la liste : elle serait plus complète et plus piquante, si Rotrou ne s’y trouvait pas : Venceslas, de Rotrou ; Cléopâtre, de La Chapelle ; Géta, de Péchantré ; Andronic, Tiridate, de Campistron ; Polyxène, Manlius, Thésée, de La Fosse ; Absalon, de Duché. […] Pour écrire avec génie, il faut penser avec génie ; pour bien écrire, il suffit d’une certaine dose de sens, d’imagination et de goût. […] Quelques-uns de ses vers religieux (en les supposant écrits depuis cette date fatale) semblent même s’inspirer du sentiment énergique qu’il a de sa propre innocence : « Mais de ces langues diffamantes Dieu saura venger l’innocent, etc. », et plusieurs semblables endroits.

1886. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Dumas, dans une notice qu’il a écrite sur Millevoye, nous apprend lui-même qu’il eut à le ramener d’une admiration un peu excessive pour Florian à des modèles plus sérieux et plus solides. […] Un rayon de soleil l’appelait, et il partait soudain pour une promenade de cheval ; il écrivait ses vers au retour de là, ou en rentrant de quelque déjeuner folâtre. […] C’est alors que les beautés attrayantes, volages, passaient et repassaient plus souvent devant ses yeux : Elles me disaient : « Compose De plus gracieux écrits, Dont le baiser, dont la rose, Soient le sujet et le prix. » A cette voix adorée Je ne pus me refuser, Et de ma lyre effleurée Le chant n’eut que la durée De la rose ou du baiser. Dans le Poëte mourant, admirable soupir, qui est toute son histoire, les pressentiments vont à la certitude et l’on dirait qu’il a écrit cette pièce d’adieux, à la veille suprême, comme Gilbert et André Chénier : Compagnons dispersés de mon triste voyage, Ô mes amis, ô vous qui me fûtes si chers ! […] Puisque j’ai eu occasion de nommer Parny et que probablement j’y reviendrai peu, qu’on me permette d’ajouter une note écrite sur lui en toute sincérité dans un livret de Pensées : « Le grand tort, le malheur de Parny est d’avoir fait son poëme de la Guerre des Dieux : il subit par là le sort de Piron à cause de son ode, de Laclos pour son roman, de Louvet jusque dans sa renommée politique pour son Faublas, le sort auquel Voltaire n’échappe, pour sa Pucelle, qu’à la faveur de ses cent autres volumes où elle se noie, le sort qu’un immortel chansonnier encourrait pour sa part, s’il avait multiplié le nombre de certains couplets sans aveu.

1887. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

Il écrit comme pour lui seul ; l’effet qu’il doit produire ne l’a jamais occupé. […] Il y a dans le poëme du Camoens, dont l’esprit est le même que celui des ouvrages écrits en espagnol, une fiction d’une rare beauté, l’apparition du fantôme qui défend l’entrée de la mer des Indes. […] L’affectation est de tous les défauts des caractères et des écrits celui qui tarit de la manière la plus irréparable la source de tout bien, car elle blase sur la vérité même dont elle imite l’accent. […] Pétrarque cependant, et quelques poètes célèbres qui ont écrit dans le même genre, méritent d’être lus, par le charme de leur langue harmonieuse : elle rappelle quelques-uns des effets de la musique céleste dont elle est si souvent accompagnée. […] L’émulation philosophique peut se communiquer des pays étrangers en Italie, et produire quelques écrits supérieurs ; mais la nature des gouvernements et des préjugés qui les dirigent, s’oppose à ce que cette émulation soit nationale ; elle ne peut avoir son mobile dans les institutions du pays.

1888. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

Que je me repentirais néanmoins de cet écrit, si venant se briser, comme tant d’autres, contre la puissance terrible des passions, il ajoutait seulement à la certitude que croient avoir les âmes froides de la facilité qu’on doit trouver à vaincre les sentiments qui troublent la vie ! […] En composant cet ouvrage, où je poursuis les passions comme destructives du bonheur, où j’ai cru présenter des ressources pour vivre sans le secours de leur impulsion, c’est moi-même aussi que j’ai voulu persuader ; j’ai écrit pour me retrouver, à travers tant de peines, pour dégager mes facultés de l’esclavage des sentiments, pour m’élever jusques à une sorte d’abstraction qui me permit d’observer la douleur en mon âme, d’examiner dans mes propres impressions les mouvements de la nature morale, et de généraliser ce que la pensée me donnait d’expérience. […] Cette commotion produit plus en un jour que tous les écrits et les combinaisons politiques ; l’homme lutte contre sa nature, en voulant donner à l’esprit seul la grande influence sur la destinée humaine. […] Dans un écrit, publié il y a deux ans, dans un écrit honoré du suffrage qui pouvait le plus enorgueillir, cité par M. 

1889. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Les précieuses écrivaient des lettres ; la phrase de Mme de Montausier, ou de Mme de Sablé, ou de Mme de Maure, est encore un peu compassée, cérémonieuse, à longue queue : cependant avec elles, et surtout avec Voiture, qui a laissé échapper de délicieux billets, on sent que l’on marche vers l’excellent style, sans relief et sans couleur, mais d’un trait si juste et si fin, que Bussy et Mme de la Fayette emploieront. […] Son rôle a donc été fort analogue à celui de Malherbe : en face de la strophe oratoire préparée par celui-ci, il a construit la période éloquente, et Boileau avait le droit d’écrire : « On peut dire que personne n’a jamais mieux su sa langue que lui, et n’a mieux entendu la propriété des mots et la juste mesure des périodes. » Et vraiment, quand on lit certaines pages de Balzac, dans le Socrate chrétien par exemple, on sent que la forme de Bossuet est trouvée. […] Il a très bien compris, et très bien dit — et dit à Scudéry même, — que le Cid est beau, en dépit des règles, et que l’objet de la poésie est le plaisir par la beauté ; il a très finement écrit — et à Corneille même — sur la prétendue vérité historique de Cinna. […] Voilà pourquoi il écrit en français, non pas en latin : le bon sens n’est pas le privilège des savants qui, au contraire, sont souvent en ces matières plus aveuglés que les autres par un faux respect des anciens. […] Arnauld reconnaît chez Descartes un dessein « de soutenir la cause de Dieu contre les libertins », et il écrit avec Nicole la Logique de Port-Royal.

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