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1358. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1852 » pp. 13-28

Il a emménagé avec lui une jeune femme, pas précisément jolie, et qui de temps en temps se dérobe et se cache dans un joli mouvement contourné pour prendre une prise de tabac, mais une jeune femme qui a de paresseuses poses de chatte dans sa bergère au coin de la cheminée, un petit bagout spirituel, une grâce de gentille bourgeoise d’un autre siècle : toute cette douce et tranquille séduction cachant une hystérie très prononcée, qui la fait, presque tous les mois, à un quantième, où elle dit, aller chez elle pour donner son linge à la blanchisseuse, disparaître deux ou trois jours avec un des attablés ordinaires de son amant, — après quoi, elle rentre au bercail et le ménage reprend comme si de rien n’était. […] * * * — Les grands hommes sont des médailles, que Dieu frappe au coin de leur siècle.

1359. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

De-là cette exclamation : « Peut-on prétendre sérieusement que l’auteur du Siècle de Louis XIV n’est pas François ? […] Ces comminges étoient les remarques sur le siècle de Louis XIV ; remarques dénuées la plupart de raisons de vraisemblance, & dignes d’un auteur aguerri contre les aventures humiliantes.

1360. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre III. Besoin d’institutions nouvelles » pp. 67-85

Dans de certaines contrées de l’Asie ou de l’Afrique, des colonnes tronquées s’élèvent au milieu de vastes déserts qui furent jadis des villes florissantes, et attestent encore aujourd’hui la puissance des vastes empires qui, depuis tant de siècles, ont cessé de régner : nous ne souffrirons point que de pareils débris continuent de peser sur la terre de la patrie, pour nous retracer une civilisation qui n’est plus, pour nous rappeler des souvenirs qui semblent nous importuner. […] Ils nièrent, contre l’attestation de tous nos monuments historiques, que notre nation, si grande et si noble depuis tant de siècles, eût des libertés avant 1789.

1361. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XX. Mme Gustave Haller »

Tentant peut-être pour la plume, malgré son impureté, qui a écrit Lélia, un pareil roman aurait pu être essayé par Mme Sand, cette tête hermaphrodite, prise pour une tête d’homme par un siècle lâche et myope, et qui croyait, en se regardant, que la femme peut tout ce que l’homme peut. […] En tant qu’il faille se rattacher à son siècle par une sottise, voilà celle par laquelle Mme Gustave Haller se rattache au sien ; car la sottise à la mode au xixe  siècle où tout meurt, usé et fini dans tous les ordres de faits et d’idées, c’est de croire béatement à l’avenir.

1362. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXI. Mme André Léo »

Quoique la malheureuse ait volontairement dérogé, quoiqu’elle se soit prostituée aux idées de son siècle, elle n’est cependant pas pour rien la petite-fille du maréchal de Saxe, fût-ce, comme dirait Saint-Simon, par le mauvais côté de la courte-pointe. […] Dans un temps où la poésie du siècle était l’adultère, il fallut les adultères de toute sa vie et son existence de bohème (délicieusement affolante au regard des esprits d’alors) pour qu’on pardonnât à Mme Sand ne n’être pas, en réalité, aussi voyou qu’elle se vantait d’être.

1363. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXV. Mme Clarisse Bader »

Au siècle dernier, on a parlé de Mme Ferrand, qui aurait aidé Condillac dans son Traité des sensations. […] L’imagination, ce singe de l’intelligence, a dit Schiller, — ce qui n’est pas mal pour un Allemand, — l’imagination, qui est la première des facultés de la femme et d’un misérable siècle, chez qui la Raison est épouvantablement affaiblie, doit entraîner la femme, quand elle veut être littéraire, vers le roman dans lequel, d’ailleurs, elle cherche toujours un peu une place pour ses souvenirs et un miroir pour sa personne… D’un autre côté, par cela seul que le Roman est la forme la plus populaire des formes littéraires de ce temps, il rapporte du succès à plus bas prix… et l’Histoire, la sévère, l’Histoire, la désintéressée, n’a pas ces avantages… Il faut se croire très homme pour l’aborder.

1364. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’ancien Régime et la Révolution »

Mais, quelle que soit leur valeur absolue, Tocqueville, illusion ou réalité, est-il le Machiavel ou le Montesquieu de notre siècle ? […] Ce sont eux, — puisqu’il faut interroger le tombeau de la France ancienne, comme dit Tocqueville, et le tombeau de la France, c’est son histoire, — ce sont eux qui ont créé une révolution permanente forcée en oubliant ce qu’ils étaient, en donnant l’exemple des mauvaises mœurs, en altérant dans sa pureté la notion de la famille chrétienne, — le seul fondement des sociétés modernes, quels que soient leur forme et leur nom, — en nous dévêtant de nos institutions, en brisant les corporations (l’œuvre de Saint-Louis sanctionnée par les siècles), les corporations d’états, c’est-à-dire le peuple qui travaille et qui prie, et en le jetant, bohème et affamé, à la liberté vague, au hasard et à la préoccupation du jour le jour !

1365. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « L’idolâtrie au théâtre »

Si cet incroyable mouvement continue, avant un siècle il n’y aura plus dans le monde que des comédiens ! […] Elle devait pousser, après beaucoup de siècles, il est vrai, dans le cerveau des nations chrétiennes, et nous devions la réaliser avec cette légèreté charmante « qui ne voit pas grand mal à ça », comme nous avons le droit de le dire, tant notre vieillesse, ainsi qu’on le sait, a le cœur pur !

1366. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Joubert » pp. 185-199

— de ce siècle de vautrerie et de ribauderies, où le porc appesanti des soupers de Louis XV et du baron d’Holbach devient le sanglier d’Érymanthe de la Révolution française. […] IV Disons-le, voilà sa faiblesse, voilà par où il défaillait, ce Joubert-Platon, dont le génie discret et silencieux passa, dans l’air retentissant du siècle de Napoléon, comme ces images de femmes d’Herculanum dont il a parlé et dont il a dit : « qu’elles se coulent sans bruit dans « les airs, à peine enveloppées d’un corps ».

1367. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

En sortant d’une étude si consommée des faits, Lerminier, son œuvre achevée, s’est mis à conclure, les yeux sur son siècle, et sa conclusion, qui va du monde ancien au monde moderne, atteint le monde moderne et lui montre cruellement ses fautes. […] Si nous nous préoccupions beaucoup de la chimère de ce siècle, de cette liberté dont il est si follement épris, nous citerions encore Lerminier : « La liberté antique — dit-il — était le triomphe de la forme sur le fond des choses humaines.

1368. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexandre de Humboldt »

Alexandre de Humboldt est, de consentement universel, au xixe  siècle, l’un des premiers hommes de ce siècle qui a encore quarante ans à vivre, et que dis-je ? […] Dans son Asie centrale, dans son Voyage aux régions équinoxiales, dans son Atlas géographique et physique et son Examen critique de l’histoire de la géographie du nouveau continent aux xve et xvie  siècles, dans ses Vues des Cordillières et ses Plantes équinoxiales, dans son Essai politique sur Cuba et son Tableau de la Nature, etc., même dans ses ouvrages d’observation particulièrement botanique, il ne fut jamais qu’un voyageur, parlant passionnément de ses voyages, et à ce point qu’on peut se demander ce qu’il aurait eu à nous dire s’il n’avait pas voyagé, et pensé s’il n’avait pas vu ?

1369. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIV. Alexandre de Humboldt »

Alexandre de Humboldt est, de consentement universel » au dix-neuvième siècle, l’un des premiers hommes de ce siècle qui a encore quarante ans à vivre, et que dis-je ? […] Dans son Asie centrale, dans son Voyage aux régions équinoxiales, dans son Atlas géographique et physique, et son Examen critique de l’histoire de la géographie du Nouveau continent aux quinzième et seizième siècles, dans ses Vues des Cordillières et ses Plantes équinoxales, dans son Essai politique sur Cuba et son Tableau de la nature, etc., même dans ses ouvrages d’observation particulièrement botanique, il ne fut jamais qu’un voyageur, parlant passionnément de ses voyages, et à ce point qu’on peut se demander ce qu’il aurait eu à nous dire, s’il n’avait pas voyagé, et pensé, s’il n’avait pas vu ?

1370. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Edgar Quinet »

Je suis des yeux cette immortelle vie qui s’enferme un moment, des siècles, des myriades de siècles, dans une forme, pour briser cette forme.

1371. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

Cet art était né dans les plus beaux siècles de la Grèce, et convenait à l’imagination ardente et légère d’un peuple que le sentiment et la pensée frappaient rapidement, et dont la langue féconde et facile semblait courir au-devant des idées. […] Un homme qui faisait le sort du monde, une cour où l’on se rendait de toutes les extrémités de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie, les caprices d’un tyran qui pouvaient faire trembler cent nations, une servitude même qui avait quelque chose d’auguste, parce qu’elle était partagée par l’univers ; enfin la grandeur romaine qui respirait de toutes parts, même à travers les ruines de la liberté, tout ce spectacle, au moins dans les premiers siècles de l’empire, agitait fortement les esprits et les âmes.

1372. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Pendant des siècles, des séries de générations françaises ont eu à vivre sur l’idée qu’elles appartenaient à la race invincible. […] La mode, oui ; mais une mode a quelque raison d’être en dehors du simple caprice, et une mode qui a duré des siècles. […] Depuis deux mille ans, de siècle en siècle, la coutume s’est transmise. […] Dès ses premiers ouvrages, il apparut comme un très pieux humaniste qui ne sacrifie pas les siècles au lendemain. […] Peut-être n’a-t-on pas oublié cette aventure, qui date d’un quart de siècle à peine.

1373. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « VI » pp. 22-24

M. de Vigny a une pièce à lui dédiée : Contre la pente du siècle.

1374. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mauclair, Camille (1872-1945) »

[Portraits du prochain siècle (1894).]

1375. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mockel, Albert (1866-1945) »

[Portraits du prochain siècle (1894).]

1376. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Trarieux, Gabriel (1870-1940) »

Écoutez Pygmalion racontant comment sa Daphné (la Galatée antique) est devenue femme : … C’était un soir, dans la cité… Une cité lointaine en des montagnes bleues Où les maisons sont des palais… C’était un soir… J’avais sculpté dans le carrare une statue Pour le temple du dieu Soleil — si merveilleuse Que le peuple venu pour la voir s’était mis À deux genoux, ainsi qu’on fait pour les déesses, Puis, en silence, était sorti… Et j’étais seul… [Le Siècle (21 mars 1898).]

1377. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre premier. De l’Écriture et de son excellence. »

Or, il est certain qu’on trouve dans l’Écriture : L’origine du monde et l’annonce de sa fin ; La base des sciences humaines ; Les préceptes politiques depuis le gouvernement du père de famille jusqu’au despotisme ; depuis l’âge pastoral jusqu’au siècle de corruption ; Les préceptes moraux applicables à la prospérité et à l’infortune, aux rangs les plus élevés, comme aux rangs les plus humbles de la vie ; Enfin, toutes les sortes de styles ; styles qui, formant un corps unique de cent morceaux divers, n’ont toutefois aucune ressemblance avec les styles des hommes.

1378. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Dumont le Romain  » pp. 115-116

La figure symbolique de la ville est simple, bien drapée, bien noble, d’un beau caractère, bien disposée ; mais elle est du siècle de Jules Caesar ou de Julien.

1379. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Le plus séduisant, le plus naïf et le plus sincère des chansonniers de tous nos siècles chantants, Désaugiers, introduisit Béranger dans cette académie des couplets de table. […] On croit y voir ressusciter Collé, un siècle après sa mort, pour fustiger légèrement l’Empire et la gloire avec une barbe de plume qui chatouille, mais qui ne fouette pas jusqu’au sang. […] Cet enfant était roi de l’ancien régime, vous l’auriez fait roi du nouveau siècle. […] Vous auriez été vous-même moins populaire pendant trois jours, mais plus approuvé pendant un siècle. […] L’histoire, qui se répète avec tant de monotonie de siècle en siècle, lui faisait peur. « Si elle allait se répéter encore après nous ? 

1380. (1823) Racine et Shakspeare « Préface » pp. 5-7

En continuant à suivre les errements du siècle de Louis XIV, nous n’eussions été, à tout jamais, que de pâles imitateurs.

1381. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Brizeux, Auguste (1803-1858) »

Ce qui le préserve parfois de cette peste du siècle, et ce qui, par moments, le rend enchanteur, c’est la puissance d’artiste consommé qui lui fait tout à coup retrouver son cœur sous les vapeurs noires de son esprit.

1382. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Corbière, Tristan (1845-1875) »

[Portraits du prochain siècle (1894).]

1383. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dujardin, Édouard (1861-1949) »

[Portraits du prochain siècle (1894).]

1384. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — X — Xanrof, Léon (1867-1953) »

. — Xanrof excelle dans la scie d’atelier ; rien de plus drôle que sa Devanture, etc… [Le XIXe Siècle (1889).]

1385. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VI. La littérature et le milieu social. Décomposition de ce milieu » p. 155

Tantôt on reconnaîtra une action exercée sur la nation qu’on étudie par quelqu’une des époques de sa propre histoire ou bien par les sociétés se trouvant en contact avec elle ; ainsi en France, par une espèce d’atavisme, le moyen âge, le seizième siècle, le commencement du dix-septième ont obtenu, sous le premier Empire et lors de la Restauration, un regain de popularité qui est sensible dans le développement de notre école romantique ; ainsi encore on sait quelle déviation la résurrection de l’antiquité grecque et latine fit subir au génie français, lors de la Renaissance, ou à quel point nos écrivains du siècle dernier furent les disciples de l’Angleterre.

1386. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre premier. Que la poétique du Christianisme se divise en trois branches : Poésie, Beaux-arts, Littérature ; que les six livres de cette seconde partie traitent spécialement de la Poésie. »

Sophocle et Euripide étaient sans doute de beaux génies ; mais ont-ils obtenu dans les siècles cette admiration, cette hauteur de renommée dont jouissent si justement Homère et Virgile ?

1387. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre VIII. Des Anges. »

En vain les télescopes fouillent tous les coins du ciel, en vain ils poursuivent la comète au-delà de notre système, la comète enfin leur échappe ; mais elle n’échappe pas à l’Archange qui la roule à son pôle inconnu, et qui, au siècle marqué, la ramènera par des voies mystérieuses jusque dans le foyer de notre soleil.

1388. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VI. Voltaire historien. »

Voltaire écrit pour son couvent. » Ce jugement, appliqué au Siècle de Louis XIV et à l’Histoire de Charles XII, est trop rigoureux ; mais il est juste, quant à l’Essai sur les Mœurs des nations 172.

1389. (1888) Petit glossaire pour servir à l’intelligence des auteurs décadents et symbolistes « Préface »

Préface Les très nombreuses et incessantes polémiques que suscitèrent depuis trois ans les manifestations du groupe symboliste rappellent les grandes luttes qui, en ce siècle, signalèrent l’essor du romantisme et du naturalisme.

1390. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Avis du traducteur » pp. -

Rendre sensible cette unité, telle devait être la pensée de celui qui au bout d’un siècle venait offrir à un public français un livre si éloigné par la singularité de sa forme des idées de ses contemporains.

1391. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

L’engouement de ce siècle a élevé Dante au-dessus de ses œuvres, sublimes par moment, mais souvent barbares ; l’oubli de ce même siècle a négligé Pétrarque, le type de toute beauté de langage et de sentiment depuis Virgile. […] Le nom de Laure se répandit pendant cinq siècles avec les vers ; elle est aussi vivante et aussi immortelle aujourd’hui qu’alors. […] XXXII Et maintenant, en finissant, rendons-nous compte de la puissance de retentissement et de durée d’une émotion éprouvée par une âme et communiquée par elle à des millions d’autres âmes, pendant des siècles, sur cette terre (et, qui sait ? […] XXXIV Qu’y a-t-il dans tout cela, dans ce jeune lévite, dans cette belle fiancée, dans ces quelques sonnets écrits sous une grotte, jetés au vent de la Sorgues et recueillis par les couples amoureux d’Avignon, qui soit de nature à perpétuer son contrecoup et son bruit à travers les siècles ?

1392. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Montaigne a dit jadis : Je suis Français par Paris, et s’il pensait ainsi il y a trois siècles, que serait-ce depuis que l’on a vu réunies tant de personnes d’esprit dans une même ville, et tant de personnes accoutumées à se servir de cet esprit pour les plaisirs de la conversation ? […] « Dans ce fatal voyage de Weymar à Coppet, j’enviais toute la vie qui circulait dans la nature, celle des oiseaux, des mouches qui volaient autour de moi ; je demandais un jour, un seul jour, pour lui parler encore, pour exciter sa pitié ; j’enviais ces arbres des forêts dont la durée se prolonge au-delà des siècles. […] Le siècle n’avait point de poëte français en vers, point d’orateur en action ; il adopta cette femme comme la poésie et l’éloquence de l’époque. […] La France se mourait d’imitation dans le fond et dans la forme des œuvres de l’esprit ; elle lui ouvrait des sources neuves et intarissables d’inspiration dans l’originalité, cette muse qui se rajeunit avec les siècles. […] La poésie lyrique ne raconte rien, ne s’astreint en rien à la succession des temps, ni aux limites des lieux ; elle plane sur les pays et sur les siècles ; elle donne de la durée à ce moment sublime pendant lequel l’homme s’élève au-dessus des peines et des plaisirs de la vie.

1393. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

M. de Tracy croyait toujours à l’excellence de certaines idées, mais il avait cessé de croire à leur réalisation et à leur triomphe ; dans les premières années du siècle, et sous les ombrages d’Auteuil, il confiait tristement à des pages retrouvées après lui la démission profonde de son cœur. […] On n’a pour opposer véritablement à cette triste vue que le nom de Washington, qui va rejoindre à travers les siècles ces noms presque fabuleux des Épaminondas et des héros de la Grèce. […] Or, le caractère d’une nation, modifiable très-lentement à travers les siècles, toujours très-particulier, est moins changeable encore que celui d’un individu, lequel lui-même ne se change guère. […] Voici le texte du cantique récité par madame de La Fayette à l’aspect d’Olmütz, quand elle vint partager la captivité du général au mois d’octobre 1795 : « Seigneur, vous êtes grand dans l’éternité, votre règne s’étend dans tous les siècles, vous châtiez et vous sauvez, vous conduisez : les hommes jusqu’au tombeau, et vous les en ramenez, et nul ne se peut soustraire à votre puissante main. […] Considérez donc la manière dont il nous a traités, bénissez-le avec crainte et avec tremblement, et rendez hommage par vos œuvres au Roi de tous les siècles.

1394. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Je souhaite que les moralistes politiques qui nous viendront au prochain siècle aient tout le talent de ceux du siècle qui finit nt plus de bonheur à fonder quelque chose. […] Le siècle a trente ans. […] C’est le roman du siècle. […] Voilà l’homme du siècle, ou du moins voilà Julien Sorel. […] C’est par hérédité que vous occupez la place d’un premier occupant disparu depuis des siècles.

1395. (1898) Essai sur Goethe

On vient le voir de très loin, comme au siècle précédent Voltaire ou Rousseau. […] D’autres, parmi ses contemporains, ont contribué à préparer le large mouvement scientifique qui a emporté ce siècle, ont répandu le goût du travail pénible, patient et complet. […] Et comment notre siècle peut-il s’arroger le droit de juger la nature ? […] Malheur au siècle qui t’a repoussé ! […] Aujourd’hui, Dante domine les siècles, égal à lui-même, existant par soi seul.

1396. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Son bonheur a-t-il duré un jour ou des milliards de siècles ? […] Elle suppose un affinement intellectuel que de longs siècles d’art ont pu seuls produire. […] André Lemoyne, sont posthumes et furent publiées dans notre siècle. […] Et quel siècle ! […] C’est ainsi, créature éphémère, que tu vivras de longs siècles en peu d’années.

1397. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Il y eut, dans notre siècle, trois Alexandre Dumas : le grand-père, le père et le fils. […] Deux fois déjà, en ce même siècle, les Russes avaient insulté, menacé la ville métropolitaine de Constantin. […] Elles ont dormi là pendant vingt-trois siècles. […] On dira plus tard que les « enfants du siècle » furent de grands historiens, parce qu’ils se plaisaient partout, hormis chez eux. […] Les trouvant fort beaux, ils les pillèrent, et cela pendant plusieurs siècles.

1398. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gilkin, Iwan (1858-1924) »

[Portraits du prochain siècle (1894).]

1399. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gille, Valère (1867-1950) »

[Portraits du prochain siècle (1894).]

1400. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Redonnel, Paul (1860-1935) »

[Portraits du prochain siècle (1894).]

1401. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villehervé, Robert de la = Le Minihy de La Villehervé, Robert (1849-1919) »

Aussi n’est-il point classé dans l’Anthologie des poètes du xixe  siècle (Alphonse Lemerre, éditeur), ayant cela de commun avec Catulle Mendès, Louis Ménard, Raoul Ponchon et plusieurs autres… Dans son si remarquable volume : Nos poètes, le regretté Jules Tellier, récemment, rendait un enthousiaste hommage au maître écrivain de la Nuit, lui assignait une place au premier rang parmi ceux qui auront eu la gloire de jeter un suprême et éblouissant éclat sur la fin de ce siècle grandiose.

1402. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — Z — Zola, Émile (1840-1902) »

Ma seule vanité est d’avoir eu conscience de ma médiocrité de poète et de m’être courageusement mis à la besogne du siècle, avec le rude outil de la prose.

1403. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Chardin » pp. 128-129

Ce qui les garantira de la tentation de faire demain de vieux tableaux de la peinture du siècle passé ?

1404. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Le Moine » p. 321

Puisse pour l’honneur du siècle, ce hideux morceau aller frapper rudement le Trudaine, et le ministre mettre en pièce l’intendant des finances, en sorte qu’il ne reste de l’un et de l’autre que des fragmens trop petits pour déposer dans l’avenir de notre insipidité.

1405. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Préface »

Par tout le continent africain, et notamment dans l’immense région qui s’étend entre le Sahara et la forêt équatoriale et que nous appelons communément le Soudan, cette littérature orale fleurit depuis des siècles et elle a acquis, de génération en génération, une richesse et une ampleur d’autant plus considérables que, sauf dans une minorité de musulmans instruits et versés dans la langue arabe, aucune littérature écrite n’est venue lui faire concurrence.

1406. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Argument » pp. 1-4

Division de l’histoire des premiers siècles en trois périodes.

1407. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Voltaire, déjà historien, qui s’occupait de son Siècle de Louis XIV, et qui avait donné son Histoire de Charles XII, s’empressa d’applaudir à Duclos, et il lui laissa, en passant chez lui, ce petit billet des plus scintillants et qui semble écrit sous le coup de l’enthousiasme : J’en ai déjà lu cent cinquante pages, mais il faut sortir pour souper. […] Enfant, né en 1704, il avait vu cette fin de Louis XIV, comme ceux qui sont nés au commencement de ce siècle, à la date correspondante, ont pu voir les dernières années de l’Empire. […] Entre ces érudits modestes qui s’ensevelissent dans les fondations d’un vieux règne et dans les monuments d’un siècle où ils deviennent ensuite d’indispensables guides (comme l’abbé Le Grand), entre ces peintres éclatants et fougueux qui mettent toute leur époque en pleine lumière et qui la retournent plus vivante à tous les regards (comme Saint-Simon), Duclos n’a suivi qu’une voie moyenne, conforme sans doute à la nature de son esprit, mais qu’il n’a rien fait pour élargir, pour décorer chemin faisant, pour marquer fortement à son empreinte et diriger vers quelque but immortel ou simplement durable : l’abbé Le Grand le surpasse dans un sens, comme dans l’autre Saint-Simon le couvre et l’efface, et comme le domine Montesquieu.

1408. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

D’Argenson, arrivé à cette date du milieu du siècle, en vient donc à le juger moins désespéré et moins incurable qu’il ne l’avait déclaré d’abord. […] Il nous faudrait des chefs qui nous éduquassent mieux, qui eussent donner l’essor à nos mouvements, qui laissassent aller nos saillies pour mettre les esprits dans l’habitude d’un mouvement noble et d’un feu qui les élèverait, et rétablirait le génie et le goût comme dans le beau siècle de Louis XIV, et peut-être mieux ; des chefs qui récompenseraient à propos et ne puniraient les Français que par la privation des grâces, seule façon de diriger les gens à talents. […] À la date d’avril 1752, après une lecture du Siècle de Louis XIV, il ne se contient pas et laisse échapper son admiration comme un hymne : Ô le livre admirable !

1409. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

On a besoin pour les admirer, dit-il, de songer aux difficultés qu’ont coûtées à construire ces énormes monuments et aux quarante siècles dont l’éloquence de Bonaparte les a couronnés ; mais « il y a derrière eux ce grand coquin de désert qui est autrement imposant. » Il ne se pique pas, depuis douze jours qu’il est arrivé, d’avoir une idée faite sur le pays ; son premier coup d’œil pourtant ne le trompe guère, et ce Méhémet-Ali tant vanté ne lui paraît que ce qu’il était en effet, un administrateur-exacteur mieux entendu, un pressureur de peuple plus habile : « Les gens qui en attendent des progrès comme civilisation se trompent lourdement. […] Les Arabes n’ont pas changé. » Et remarquez-le, non seulement Horace Vernet soutenait cette immobilité, cette invariabilité de l’Orient au point de vue pittoresque du spectacle, en ce qui était du paysage et du costume ; il l’entendait aussi au point de vue moral, et il observait très ingénieusement que cette idée de fatalité qui domine les populations orientales agissait autrefois tout comme aujourd’hui, au temps de Moïse ou des prophètes comme au temps de Bonaparte, de Méhémet-Ali ou d’Jbrahim ; que la cause extérieure de l’étonnement et de la soumission machinale pouvait être diverse, mais que l’explication n’étant pas autre ni plus avancée aujourd’hui qu’il y a quarante siècles, la physionomie qui exprime l’état intérieur habituel restait la même, que le faciès, en un mot, n’avait pas changé ; et il exprimait cela très spirituellement ; « Ce matin (toujours à Damas), on nous a fait manœuvrer deux batteries d’artillerie, l’une de la garde, l’autre de la ligne. […] On s’est accoutumé depuis trois siècles à voir les Hébreux représentés à la romaine ; Raphaël, Poussin et les autres grands peintres ont peuplé les imaginations et meublé la mémoire de tous avec ces Hébreux classiques : la place est prise ; les hauteurs sont occupées.

1410. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Ç’a été l’honneur du xviie  siècle, que la poésie a donné le signal et le branle, même à la prose : celle-ci en a gardé quelque chose de plus libre, de plus large et de plus généreux, qui disparaît trop dans le siècle suivant. […] Le Cid est une pièce de jeunesse, un beau commencement, — le commencement d’un homme, le recommencement d’une poésie et l’ouverture d’un grand siècle. […] Le Cid, pour les Espagnols, était, depuis des siècles, un personnage épique : aussi le poète dramatique, Guillem de Castro, se sent à l’aise avec lui et y taille en pleine étoffe.

1411. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

En France, depuis l’ouverture de notre grand siècle littéraire, nous avons toujours eu de l’imitation et des réminiscences jusque dans l’originalité : c’est ce qu’on appelle être classique. […] Au xviiie  siècle, il faut le dire en son honneur, en ce second siècle dont on s’empresse volontiers de médire quand on le compare au précédent, il y a moins d’imitation des Anciens : les uns l’en blâment ; moi, je suis tenté plutôt de l’en louer. […] Si l’on prétendait juger du xviie  siècle par sa littérature, on se tromperait fort et l’on serait loin du compte ; celle du siècle suivant, moins haute et plus étendue, représente plus fidèlement les mœurs ; elle sent davantage son fruit.

1412. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Un littérateur qui croirait devoir arrondir et émousser les termes serait ridicule et arriéré de deux siècles. […] Cette objection écartée, qu’y a-t-il de plus légitime que de profiter des notions qu’on a sous la main pour sortir définitivement d’une certaine admiration trop textuelle à la fois et trop abstraite, et pour ne pas se contenter même d’une certaine description générale d’un siècle et d’une époque, mais pour serrer de plus près, — d’aussi près que possible, — l’analyse des caractères d’auteurs aussi bien que celle des productions ? […] Deschanel, en célébrant, selon le goût du siècle, qui en cela va un peu loin, l’amour et l’adoration des parents pour les enfants, insiste avec raison sur une idée des plus vraies : c’est une bonne habitude morale d’avoir près de soi quelqu’un qu’on aime mieux que soi.

1413. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Victor Hugo en 1831 Ce siècle avait deux ans ! […] Ce qui domine dans ce dernier et remarquable jugement, c’est un cri de surprise, un étonnement profond qu’un tel poëte s’élève, qu’un tel livre paraisse, un grain de sévérité littéraire et puriste, un sourire de pitié au siècle qui se dispose sans doute à railler le noble inconnu. […] En même temps que le culte d’une pâle et morte dynastie s’évanouissait dans l’âme sévère du poëte, celui de Napoléon y surgissait rayonnant de merveilles, et Victor Hugo devenait le chantre élu de cette gloire à jamais chère au siècle : Napoléon, soleil dont je suis le Memnon !

1414. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Le Siècle répétait l’autre jour la lettre du président de la Société, et l’empruntait courtoisement à la Presse, en ajoutant, sans rire, que cette lettre soulevait de graves questions. […] Ce serait une liberté de plus que nous aurions conquise, et semblable à beaucoup d’autres en ce siècle de liberté : Boileau le satirique et le portraitiste La Bruyère auraient eu meilleure condition en leur temps. […] M. de Balzac. — Voir a Presse et e Siècle des 18 et 19 août (1839).

1415. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Seize ans après que Télémaque, imprimé sous toutes les formes et traduit en toutes les langues, inondait l’Europe, les orateurs à l’Académie française, en parlant des œuvres littéraires du temps, se taisaient sur le livre en possession du siècle et de la postérité. […] Son nom est resté populaire et plus immortel encore que ses œuvres, parce qu’il répandit plus d’âme encore que de génie dans ses ouvrages et dans son siècle. […] De tous les grands hommes de ce grand siècle de Louis XIV, aucun n’a laissé une figure plus douce à regarder.

1416. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Le siècle voit de toutes parts éclore les histoires. […] Celui-ci naît quelques années seulement après la mort de son devancier : mais un siècle à peu près sépare les deux œuvres, et l’Histoire de Saint Louis nous conduit aux premières années du xive  siècle, presque à la fin du véritable moyen âge. […] Nul art ne vaut mieux que ce naturel, et c’est de pareilles sensations qu’un autre Champenois, quatre siècles plus tard, fera l’étoffe de sa poésie : Joinville a ce qui manque aux auteurs de fabliaux, pour annoncer La Fontaine.

1417. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Après trois siècles, notre langue n’aurait pas d’autres mots pour les mêmes pensées, et, sauf quelques passages indifférents, nous entendons l’aimable auteur comme l’entendaient ses contemporains. […] C’est de ces poésies-là, heureusement les plus nombreuses, que La Bruyère a pu dire : « Entre Marot et nous il n’y a guère que la différence de quelques mots. » Ce qui était vrai au temps de La Bruyère n’a pas cessé de l’être pour nous, qui sommes plus loin de Marot de plus d’un siècle et demi ; tant le tour d’esprit et la langue en sont conformes au génie de notre pays. […] Quoi qu’il en soit, par quoi sommes-nous si près de Marot, dont trois siècles nous séparent, sinon par ce don charmant, le plus beau après le génie par l’esprit ?

1418. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

À l’époque où parut le livre des Caractères ou des mœurs de ce siècle, les Maximes et les Pensées étaient dans les mains de tout le monde, et La Bruyère sentit le besoin de repousser d’avance le reproche d’imitation. […] C’est ainsi que, de la cinquième à la neuvième édition, chaque division du livre forma comme une salle particulière, où vinrent se ranger, à mesure que le siècle les faisait passer devant lui, les originaux les plus marquants de la même famille. […] La seule différence à remarquer entre La Bruyère et les grands écrivains de son siècle, et qui ne tienne pas à la matière et au dessein de son ouvrage, c’est qu’en certains endroits le fond n’y égale pas le travail de l’expression.

1419. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

C’est ainsi que Leconte de Lisle est pour quelque chose dans la Légende des Siècles et que les trouvailles funambulesques de Théodore de Banville ne furent pas sans influence sur les Chansons des Rues et des Bois. […] De siècle en siècle, d’âge en âge, d’école en école, on a cherché, comme dit Gautier, à reculer les bornes de la langue, à exprimer l’inexprimable, à émettre des idées neuves et à trouver des formes nouvelles.

1420. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Leur différence d’âge est de vingt-sept ans, et l’horizon d’un siècle semble s’étendre entre eux deux. Un siècle tient en effet dans cet intervalle, Athènes va vite ; destinée à mourir jeune comme Achille, elle a ses « pieds légers », son rapide élan. […] Ses drames vous découvrent, par-delà les plans lumineux des siècles classiques, une Grèce obscure, antéhistorique, demi-orientale.

1421. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Ne voyez-vous pas déjà d’ici le siècle en perspective, avec sa prétention grandiose d’une part, et sa vocation positive de l’autre : le tombeau de Charlemagne pour décoration et fond de théâtre, et une caisse de receveur général tout à côté ? […] Dans ce poème de Napoline, qui marque sa seconde époque (1834), elle suppose une jeune fille, une amie intime, qui se croit fille du grand homme du siècle, Napoléon, et qui l’est grâce à une faute de sa mère, et c’est bien pourquoi on l’appelle Napoline. […] Il y eut un moment voisin de Napoline, où elle s’aperçut que ce siècle de fer ne s’accommodait pas de l’élégie, surtout quand celle-ci est trop prolongée.

1422. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Il descendit donc, et, pour arriver à la langue générale et publique, il ne craignit point de traverser la déclamation à la nage et de se plonger dans le plein courant du siècle, bien sûr qu’il était d’en ressortir à la fin non moins original et plus grand. […] Mais les idées philosophiques du siècle l’avaient peu à peu refroidi de cette ardeur de la guerre ; voyant son père d’ailleurs ne songer qu’à lui fermer toutes les carrières régulièrement tracées, il s’était replié sur lui-même, et son esprit « affamé de toutes sortes de connaissances » s’était jeté sur d’autres études qu’il avait approfondies. […] M. de Buffon est le plus grand homme de son siècle et de bien d’autres… » Et il dit quelque part dans une de ses notes manuscrites de Vincennes : On peut justement appliquer à M. de Buffon ce que Quintilien dit d’Homère : « Hunc nemo in magnis, etc. » — Jamais personne ne le surpassera en élévation dans les grands sujets, en justesse et en propriété de termes dans les petits.

1423. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Il y eut en ces années un Hégésippe Moreau primitif, pur, naturel, adolescent, non irrité, point irréligieux, dans toute sa fleur de sensibilité et de bonté, animé de tous les instincts généreux et non encore atteint des maladies du siècle. […] On me le peint alors déjà atteint par le souffle d’irritation et d’aigreur qui se fait si vite sentir sous les soleils trompeurs de Paris, méfiant, aisément effarouché, en garde surtout contre ce qui eût semblé une protection, ayant le dédain et la peur de la protection ; ne se laissant plus apprivoiser comme il s’était laissé faire à Provins quelques années plus tôt ; enfin ayant contracté déjà cette maladie d’amour-propre et de sensibilité qui est celle du siècle, celle de l’aristocratique René aussi bien que du plébéien Oberman ou du mondain Adolphe, celle de Jean-Jacques avant eux tous, comme depuis eux elle l’a été de tant d’autres qui ont eu la même maladie sous des formes et des variétés différentes. […] Dieu ménagea le vent à ma pauvreté nue ; Mais le siècle d’airain pour d’autres continue… Et se considérant lui-même comme délivré des soucis à l’approche de l’hiver, il souhaitait à d’autres le même soulagement et la même douceur : Dieu, révèle-toi bon pour tous comme pour moi !

1424. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Il serait injuste de ne pas reconnaître aussi tout à côté ce qui est naturel chez elle, et par où elle se distingue des autres femmes en ce siècle de corruption et de fausse sensibilité. […] il sera sûr de s’amuser toute sa vie. » Si elle est un peu trop atteinte par le goût de l’esprit et de l’analyse, qui est la maladie du temps, elle s’en détache par une inspiration plus haute et qui domine les erreurs du goût : « L’instant présent et Chacun pour soi, voilà, dit-elle, les deux devises du siècle ; elles rentrent l’une dans l’autre. […] Aussi vive et aussi impétueuse que sa mère était contenue et prudente, s’agitant à tous les souffles du siècle, et possédée d’un génie qui allait s’aventurer dans bien des voies, elle étonnait, elle inquiétait cette mère si sage, et elle lui suggérait cette pensée involontaire : « Les enfants nous savent ordinairement peu de gré de nos sollicitudes : ce sont de jeunes branches qui s’impatientent contre la tige qui les enchaîne, sans penser qu’elles se flétriraient si elles en étaient détachées. » M. 

1425. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Je ne voudrais pas jurer qu’il en fût seulement question dans cinq ou six siècles ; tant notre nation est inconstante et légère !  […] Je n’assurerais pas que Beaumarchais en ait senti lui-même toute la portée ; je l’ai dit, il était entraîné par les courants de son siècle, et, s’il lui arriva d’en accélérer le cours, il ne les domina jamais. […] Les plaisirs du vice et les honneurs de la vertu, telle est la pruderie du siècle.

1426. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Pour compléter tous les avantages de sa charge, l’abbé de Cosnac, une fois en pied, s’était si bien arrangé, que si, dans ses courtes absences, quelqu’un parlait un peu privément au prince, les domestiques, je me trompe, les valets, l’en venaient avertir aussitôt : « Je m’étais si bien établi dans sa chambre, que tout ce qu’il y avait de valets me rendait compte de ce qui s’y passait. » Tout cela n’est pas beau, tout cela n’est pas grand, et pourtant ces récits font essentiellement partie de ce qu’on appelle le Grand Siècle. […] Cosnac, par son intelligence et sa capacité, était donc tout à fait digne de servir directement ce sage et prudent maître, ce monarque de son siècle, et non plus ces cadets chétifs et avortés, qui se consumaient dans les corruptions et les vaines intrigues. […] Ses Mémoires feront prévaloir désormais cette partie sérieuse de sa vie, et l’on connaîtra en somme un personnage et un caractère de plus dans ce siècle où il y en eut tant d’originaux.

1427. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Je suppose, pour ne pas être injuste, qu’on a présent à l’esprit Le Siècle de Louis XIV, l’Histoire de Charles XII, ce qu’il y a d’inspiration chevaleresque dans la tragédie de Tancrède, l’Épître à Horace, Les Tu et les Vous, Le Mondain, Les Systèmes, les jolies stances : Si vous voulez que j’aime encore… ; je suppose qu’on a relu, il n’y a pas longtemps, bon nombre de ces jugements littéraires exquis et naturels, rapides et définitifs, qui sont partout semés dans la correspondance de Voltaire et dans toutes ses œuvres, et, bien assuré alors qu’il ne saurait y avoir d’incertitude sur l’admiration si due au plus vif esprit et au plus merveilleux talent, je serai moins embarrassé à parler de l’homme et à le montrer dans ses misères. […] Je désire, en vérité, de très bon cœur, que votre jouissance soit longue, et que vous puissiez continuer encore trente ans à illustrer votre siècle : car, malgré vos faiblesses, vous resterez toujours un très grand homme… dans vos écrits. […] Parlant des écrivains latins qui imitèrent le style de Salluste et forcèrent sa manière, il fait un retour sur les écrivains modernes qui se piquent aussi d’imiter les deux plus beaux esprits du siècle (Fontenelle et Voltaire), et qui veulent prendre notamment à ce dernier « le ton philosophique, la manière brillante, rapide, superficielle, le style tranchant, découpé, heurté ; les idées mises en antithèses et si souvent étonnées de se trouver ensemble.

1428. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

D’après Guyau, l’originalité du dix-neuvième siècle et surtout des siècles qui viendront ensuite consistera, selon toute probabilité, dans la constitution de la science sociale et dans son hégémonie par rapport à des études qui, auparavant, en avaient paru indépendantes ; science des religions, métaphysique même, science des mœurs, science de l’éducation, enfin esthétique. […] L’idée philosophique de l’évolution universelle « est voisine de cette autre idée qui fait le fond de la poésie : vie universelle9. » Si le mystère du monde ne peut être complètement éclairci, il nous est pourtant impossible de ne pas nous faire une représentation du fond des choses, de ne pas nous répondre à nous-mêmes dans le silence morne de la nature : « Sous sa forme abstraite, cette représentation est la métaphysique ; sous sa forme imaginative, cette représentation est la poésie, qui, jointe à la métaphysique, remplacera de plus en plus la religion. » Voilà pourquoi le sentiment d’une mission sociale et religieuse de l’art a caractérisé tous les grands poètes de notre siècle ; s’il leur a parfois inspiré une sorte d’orgueil naïf, il n’en était pas moins juste en lui-même. « Le jour où les poètes ne se considéreront plus que comme des ciseleurs de petites coupes en or faux où on ne trouvera même pas à boire une seule pensée, la poésie n’aura plus d’elle-même que la forme et l’ombre, le corps sans l’âme : elle sera morte. » Notre poésie française, heureusement, a été dans notre siècle tout animée d’idées philosophiques, morales, sociales.

1429. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Désiré Nisard, dans ce célèbre manifeste, avait pris parti pour la réflexion, l’étude, la volonté inspirée, contre l’improvisation, la précipitation, le gaspillage ; parce qu’il s’était rangé du côté de la conscience littéraire contre les succès à tout prix et au rabais ; parce que, là comme dans ses autres écrits, il n’avait pas sacrifié toutes les qualités de l’écrivain à ce pittoresque que nous ne haïssons pas, mais qui avait positivement alors tourné la tête à toute la littérature ; parce qu’il honorait la tradition, qu’on ne respectait plus et même qu’on insultait très bien ; parce qu’il ne concevait pas la Critique en dehors de la morale chrétienne, quand le Beau seul suffit aux âmes, disaient les délicieux Esthétiques de ce temps ; parce qu’enfin il avait en lui la faiblesse la touchante faiblesse du xviie  siècle au lieu d’avoir l’orgueil insensé et insupportable du xixe , il fut bientôt classé, par les ardents et les rutilants de ce siècle-là, parmi les effacés, les chagrins, les retardataires, les professeurs d’ailleurs, les pédantisants ! […] Cet épris du dix-septième siècle a la politesse des honnêtes gens de ce temps, comme on disait alors, et, transportée dans notre siècle familier, c’est là une originalité et une noblesse. […] Ce n’est pas là notre Byron ni celui des siècles.

1430. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Amédée Thierry a beaucoup de peine à se dégager de cette tendance de notre pauvre siècle, qui, sous prétexte de bon sens, de clarté, d’explication naturelle, introduit dans l’histoire la vulgarité. […] … Pour notre part, nous en doutons, mais, en supposant un silence absolu qui paraît impossible, est-ce que la réflexion d’un moderne pouvait oublier, elle, l’âme générale de ce soulèvement prodigieux, et dans un livre, fait à la distance de tant de siècles, ne devions-nous donc rencontrer que la plume d’un courtisan d’Attila, et sans qu’on pût jamais deviner sous la dictée de quelle religion ce singulier et tardif courtisan s’est avisé d’écrire la biographie de son maître temporel ? […] Les historiens à la file qui se passent l’histoire de la main à la main comme la lampe de Lucrèce posent, depuis des siècles, l’antithèse des vices des Romains et de la férocité des Barbares.

1431. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

I S’il est une époque dont nous soyons loin à celle heure, quoique nous paraissions y toucher, c’est ce moment de notre siècle que l’Espérance appela d’un nom qui restera dans l’histoire comme une ironie. […] On pleure sur la page blanche que laissent les ducs de Bourgogne derrière eux… Mais les époques qui promettaient beaucoup et qui n’ont pas tenu leurs promesses, ces époques de commencements splendides et d’avortements inattendus, ne laissent pas, elles, de blancs dans le livre des siècles. […] Et cependant, il y est parlé de toutes les choses qui ont ébranlé puissamment le sol de ce siècle et qui l’ont retourné sous le glaive qui lue ou sous la charrue qui féconde.

1432. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

Trop professeur, trop rédacteur des Débats pour donner, comme Le Siècle, dans la bourde légendaire sur Galilée, sur sa persécution, son cachot noir, sa torture, sa rétractation à genoux avec le Pur si muove ! […] trouver en Galilée un insolent, un brise-tout, un héroïque, qui se fût fait intrépidement tenailler et brûler pour l’honneur de la science, afin d’avoir, deux siècles après, un bien beau thème contre l’Église, et de pouvoir lui cingler ce reproche à la face, bien tranquillement et les pieds chauds dans la chancelière des Débats. […] Philarète Chasles pense ici comme Jourdan, du Siècle, s’il écrit encore bien des pages dans ce livre comme Philarète Chasles.

1433. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Autant la supériorité du prêtre apparaissait éclatante aux siècles de foi, autant son infériorité nous apparaît écrasante à nous, désabusés. […]   A nos fils lointains qui, dégagés du présent, évoqueront notre monde par-delà les siècles révolus, cette conception du prêtre catholique apparaîtra comme l’une des plus monstrueuses folies qui ait germé sur cette terre. […] Pour que les siècles passés et en partie le nôtre, ait pu croire à la mission du prêtre, il leur a fallu posséder du surhumain, une conception prodigieusement surprenante.

1434. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Et l’on peut prévoir, nous dit-on, qu’à la fin du siècle elle aura augmenté de 230 millions depuis 1815, c’est-à-dire de 117 pour 10066. […] Déjà, de la fin du siècle dernier jusqu’en 1850, la vitesse moyenne des voyages avait triplé : elle a plus que triplé depuis 1850, avec la locomotive. […] « Pendant beaucoup de siècles il y a eu moins de mouvement sur la terre qu’il ne s’en produit de nos jours en un an76. » Et ainsi — la remarque en a souvent été faite77 — par la multiplication des contacts que la nature disciplinée établit entre leurs membres, les sociétés civilisées ressemblent de plus en plus à des villes énormes.

1435. (1900) Molière pp. -283

Il faut ensuite le dépouiller de l’illusion que les siècles ont amassée autour de lui. […] Étudiées dans l’histoire de l’humanité et dans la suite des siècles, elles paraissent parfaitement susceptibles de culture et de développement tout comme un rosier. […] Avec la suite des temps, on découvre, en examinant telle ou telle passion après plusieurs siècles, qu’on ne la connaissait pas tout entière, et qu’il est sorti d’elle quelque chose de puissant, de doux ou de funeste que l’on ne croyait pas qu’elle aurait jamais donné. […] Depuis près d’un siècle on nous a contesté, en littérature, toutes nos gloires. […] Il s’est accompli parmi nous depuis deux siècles, non seulement dans la vie publique, mais encore dans la vie privée, une suite de révolutions insensibles et cependant si profondes, que nous refusons parfois de nous reconnaître dans nos aïeux.

1436. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Influence de Molière sur son siècle. […] Peut-être nous eût-il révélé le secret de son art, cet immortel génie qui depuis deux siècles est resté sans rival, comme il avait été sans modèle. […] Molière n’est pas moins admirable d’avoir prévu, sur des vers que lui montra Racine au sortir du collège, que ce jeune homme serait le plus grand poète de son siècle. […] Ce caractère, comme presque tous ceux qu’a tracés Molière, est étroitement lié à l’histoire des mœurs de son siècle. […] Au siècle dernier, on en représentait un à Vienne, dans lequel le dieu, en lorgnant Alcmène au travers d’un nuage, en devenait amoureux et revêtait la forme de son mari.

1437. (1888) Poètes et romanciers

Chaque siècle, comme chaque année, a son printemps ; avec ces chers et charmants poètes, ce printemps est parti. […] Ce doute qui a saisi d’une angoisse immense l’âme du siècle, étreint celle du poète. […] Nous y trouverons sans doute ce que tant de siècles y ont trouvé : la consolation, la grâce, la paix. […] La pensée s’y révèle, préoccupée de problèmes où s’épuise l’ardente curiosité des penseurs de tous les siècles. […] Raoul de Chalys est atteint du mal du siècle.

1438. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chateaubriand, François René de (1768-1848) »

Il aurait pu lui-même écrire en vers, car la muse, vous le savez, lui en a dicté d’harmonieux ; mais le besoin d’écrire avec rapidité dans les agitations de ce siècle dévorant lui en a été le loisir.

1439. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Samain, Albert (1858-1900) »

[Portraits du prochain siècle (1894).]

1440. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Séverin, Fernand (1867-1931) »

[Portraits du prochain siècle (1894).]

1441. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IV. Petits Symbolards » pp. 49-52

Pour le jour de l’an prochain un ancien élève de l’École Centrale, cette nursery des vaudevillistes, vient de trouver un « numéro » plus compliqué, plus littéraire, plus moderne, moderniste même et tout à fait « couchant de siècle ».

1442. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre II. Pourquoi il faut préférer la méthode inductive » pp. 13-14

Mais il faut se garder de confondre le point d’arrivée avec le point de départ ; l’on a droit d’espérer qu’un jour, dans quelques siècles peut-être, on pourra comprendre ainsi l’histoire des littératures ; mais aujourd’hui elle n’est pas, non plus que les autres branches des sciences sociales, assez avancée pour se prêter à de rigoureuses déductions.

1443. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre premier. La question de fait et la question de goût » pp. 30-31

Il y redit à sa façon des choses qui ont été dites avant lui par d’autres écrivains de tel siècle et de tel pays.

1444. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre premier. Musique. — De l’influence du Christianisme dans la musique. »

Il a sauvé la musique dans les siècles barbares : là où il a placé son trône, là s’est formé un peuple qui chante naturellement comme les oiseaux.

1445. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Amédée Van Loo  » pp. 139-140

C’est le style qui assure l’immortalité à un ouvrage de littérature ; c’est cette qualité qui charme les contemporains de l’auteur, et qui charmera les siècles à venir.

1446. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

On était donc, en 1665, au vrai seuil du beau siècle, au premier plan du portique, à l’avant-veille d’Andromaque ; l’escalier de Versailles s’inaugurait dans les fêtes : Boileau, accostant Racine, montait les degrés ; La Fontaine en vue s’oubliait encore ; Molière dominait déjà, et le Tartufe, achevé dans sa première forme, s’essayait sous le manteau. […] Il a cette netteté et cette concision de tour que Pascal seul, dans ce siècle, a eues avant lui, que La Bruyère ressaisira, que Nicole n’avait pas su garder, et qui sera le cachet propre du dix-huitième siècle, le triomphe perpétuellement aisé de Voltaire. […] Après tout, la philosophie morale de La Rochefoucauld n’est pas si opposée à celle de son siècle, et il profita de la rencontre pour oser être franc. […] (Ou bien encore cette variante de la même pensée :) Il arrive bien souvent que l’idée qui triomphe parmi les hommes est une folie pure : mais, dès que cette folie a éclaté, le bon sens d’un chacun s’y loge insensiblement, l’organise, la rend viable, et la folie ou l’utopie devient une institution qui dure des siècles.

1447. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

Quant à moi, lorsque mon âme, ou enthousiaste, ou pieuse, ou triste, a besoin de chercher un écho à ses enthousiasmes, à ses piétés ou à ses mélancolies dans un poète, je n’ouvre ni Pindare, ni Horace, ni Hafiz, poètes purement académiques ; je ne cherche pas même sur mes propres lèvres des balbutiements plus ou moins expressifs pour mes émotions ; j’ouvre les psaumes et j’y prends les paroles qui semblent sourdre du fond de l’âme des siècles et qui pénètrent jusqu’au fond de l’âme des générations. […] La poussière du héros et du barde d’Israël reposait peut-être sous mes pieds, dispersée par les siècles de l’une de ces grandes auges de pierre grise dont les débris parsèment la colline, et dans lesquelles les chameliers font boire aujourd’hui leurs chameaux. […] Je me complaisais dans ce lyrisme des éléments, dans cette consonance de la nature, des ruines, des siècles écoulés, avec la voix du poète qui les a éternisés par ses hymnes. […] Ce fut pour moi le sursaut des siècles endormis se réveillant dans un écho au souffle d’un enfant berger autour de la tombe du grand joueur de flûte.

1448. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Ce qui est vrai, c’est que le XVIIIe siècle a préféré Racine à Corneille ; et ce qui semble vrai, c’est que notre siècle préfère Corneille à Racine. […] C’est un grand signe pour lui d’avoir été hautement préféré par celui de nos siècles littéraires où nos qualités et nos défauts se sont le plus librement développés, ont le moins profondément subi l’influence des littératures anciennes ou étrangères. […] Les actions sont de mille ans avant l’ère chrétienne ; les manières sont de dix-sept siècles après. […] Serait-il possible de montrer sous quel jour ils peuvent paraître entièrement vrais, même quand leurs actes ont des siècles de plus que leurs manières ?

1449. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

—Les Fêtes galantes, ce sont de petits vers précieux que l’ingénu rimeur croit être dans le goût du siècle dernier. […] Il est certain qu’un des phénomènes généraux qui ont marqué ce siècle, c’est la décroissance du catholicisme. […] En deux mots, ils ont sans doute été catholiques par l’imagination et par la sympathie, mais surtout pour s’isoler et en manière de protestation contre l’esprit du siècle qui est entraîné ailleurs  par dédain orgueilleux de la raison dans un temps de rationalisme  par un goût de paradoxe  par sensualité même  enfin par un artifice et un mensonge où il y a quelque chose d’un peu puéril et à la fois très émouvant : ils ont feint de croire à la loi pour goûter mieux le péché « que la loi a fait », selon le mot de saint Paul : péché de malice et péché d’amour… Catholiques non pas pour rire, mais pour jouir, dilettantes du catholicisme, qui ne se confessent point et auxquels, s’ils se confessaient, un prêtre un peu clairvoyant et sévère hésiterait peut-être à donner l’absolution. […] Puis il se ravise, et, dans une belle horreur de l’hérésie : Non : il fut gallican, ce siècle, et janséniste !

1450. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

(Avez-vous lu cette étonnante étude : Ce que sera le vingtième siècle ?) […] Et Sapho — avec les différences que vous sentez et qui sont toutes à l’avantage de Daudet — est simplement la Manon Lescaut de ce siècle : c’est notre version, à nous gens d’à présent, de l’éternelle aventure des captifs de la chair ; version parfaite et définitive, d’une signification si générale et d’une couleur si particulière ! […] Et ainsi, elle a su faire le plus bel accueil au dernier des autocrates, rien qu’en faisant saluer les trois siècles de la très jeune Russie par quatorze cents ans d’histoire de France. […] Et là encore, la façon dont nos plus décidés révolutionnaires reçurent le despote ami impliquait une gentillesse et une finesse d’esprit héritées de beaucoup de siècles et retrouvées fort à propos.

1451. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

Il renaquit et il vécut de leur héroïsme, de l’air d’enthousiasme qu’elles soufflèrent sur la Grèce, et qui fut son élément pendant tout un siècle. […] Des voix lointaines lui répondent à travers les siècles, celles des spectateurs qui, au sortir du théâtre, couraient frapper sur les boucliers pendus aux portes des temples, en criant : « Patrie ! […] Ils envoyèrent consulter l’oracle de Delphes ; la Pythie répondit avec ironie : — « Ne fortifiez pas l’isthme, ne le creusez pas. — Zeus en eût fait une île, si tel avait été son dessein. » — Les Cnidiens interrompirent les travaux et laissèrent prendre leur ville par Harpage, préférant la ruine à l’impiété. — Quatre siècles plus tard, Pline l’Ancien s’étonnait encore de la témérité des mineurs dépeçant la terre pour en arracher l’or. — « Ainsi les hommes déchirent les fibres du globe, ils respirent sur les excavations pratiquées par eux-mêmes ; puis ils s’étonnent que, quelquefois, la terre s’ouvre spontanément ou tremble, comme si l’indignation ne suffisait pas pour exciter ces phénomènes dans le sein sacré de notre Mère. » Les Eaux surtout, si transparentes pour l’homme antique, sous lesquelles il entrevoyait clairement des Êtres divins, aux traits vagues, aux voix bouillonnantes, épanchant leur vie nourricière à travers le monde, inspiraient une vénération religieuse. […] répétés de sa tragédie, répond, à travers dix siècles, l’écho sauvage des Tekiés de Péra et de Scutari !

1452. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

nous allons certainement disputer, nous allons tout au moins discuter pendant des années, peut-être pendant des siècles — je dis nous, les historiens littéraires — sur la fameuse question des torts de La Fontaine et des torts de Mlle de La Fontaine. […] Non, en vérité, malgré la quasi-affirmation de Tallemant des Réaux, nous ne pouvons pas en être sûrs, parce que Tallemant des Réaux est la pire langue du siècle. […] Les grands hommes se mesurent de loin, et ce n’est que lorsque les siècles ont passé qu’ils paraissent tout à fait supérieurs aux La Chambre. […] » Le mot est, très probablement, de la fabrication de Marmontel, un siècle après.

1453. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

Firmin Didot, qui n’est pas un utopiste et qui sait le grec, aurait fort envie d’imprimer ces mots plus simplement dans une nouvelle édition revue et corrigée du dictionnaire de l’usage, telle qu’on l’attend et qu’on l’espère bientôt de l’Académie française après un quart de siècle d’intervalle. […] Rousseau, s’autorisant de l’exemple donné par ce singulier ecclésiastique, nous dit : « Un célèbre auteur de ce siècle, dont les livres sont pleins de grands projets et de petites vues, avait fait vœu, comme tous les prêtres de sa communion, de n’avoir point de femme en propre ; mais se trouvant plus scrupuleux que les autres sur l’adultère, on dit qu’il prit le parti d’avoir de jolies servantes, avec lesquelles il réparait de son mieux l’outrage qu’il avait fait à son espèce par ce téméraire engagement.

1454. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

Lui aussi, il veut dire à la société ce qu’il pense d’elle ; il veut essayer si son esprit ne serait point par hasard le pivot sur lequel ce siècle doit tourner. » Simiane se déclare alors, et, pour le guérir du fatal projet, après avoir consulté Juliette du regard, il raconte sa propre histoire. […] On peut se mettre au-dessus de son siècle par la morale ; mais par le goût à ce point-là, c’est impossible.

1455. (1892) Boileau « Chapitre III. La critique de Boileau. La polémique des « Satires » » pp. 73-88

Nous pouvons juger aussi le résultat de toutes ces « réhabilitations » que la ferveur romantique ou la curiosité critique ont tentées en notre siècle : on a exhumé des vers, des tirades, une courte pièce, pas une œuvre en somme qu’on pût accuser Boileau d’avoir méconnue ou étouffée. […] Il y avait plus d’un siècle que se préparait la forme littéraire dont il devait fixer le caractère, et sa doctrine était le terme où l’on devait nécessairement aboutir, lorsque les belles œuvres de l’antiquité païenne eurent éveillé le goût français, et lorsqu’en même temps leur sagesse toute naturelle et toute humaine eut inspiré à la raison moderne la hardiesse de marcher en liberté selon ses lois intimes.

1456. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire »

Il s’était formé à la grande école du XVIIIe siècle, de ce siècle si faussement, si absurdement regardé comme la dupe et l’esclave de l’a priori. […] En dépit des critiques à l’ancienne mode, qui, de théorie ou de pratique, nient la possibilité d’une étude scientifique, c’est-à-dire exacte et patiente, de la littérature, il est incontestable qu’en ces vingt ou trente dernières années, même pour les quatre siècles modernes, qui sont comme le champ de bataille de tous les dogmatismes ou la foire de toutes les fantaisies, la masse de la connaissance solide s’est considérablement accrue : et cela dans deux directions.

1457. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

à force d’expérimenter directement sur elle par la suggestion hypnotique, pourquoi, dis-je, n’arriverait-on pas un jour, dans un siècle ou plus tard, à découvrir en totalité des corrélations dont quelques-unes ont été déjà surprises ? […] Voltaire écrivait alors14 : « La plupart des livres ressemblent à ces conversations générales et gênées dans lesquelles on dit rarement ce que l’on pense. » Notre siècle a donc eu raison de ne pas négliger la biographie des auteurs.

1458. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Il prend ses termes de comparaison chez les Grecs, chez les Latins, dans le siècle de Louis XIV ; et enfin, quand il aboutit aux modernes, aux contemporains, il les bat, en les montrant inférieurs, malgré leur esprit, à ces maîtres plus naturels et plus graves. […] Que si l’on passe aux rhéteurs modernes, à ceux des bons et grands siècles, on descend de haut : la critique, en ces belles époques, n’a pas pris tout son développement et son essor, elle se contente souvent de suivre : pourtant, en un ou deux cas, elle dirige, elle guide aussi ; elle semble recouvrer son antique autorité.

1459. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

Chaque achèvement de siècle sera une étape. […] À des distances très grandes, à des intervalles de siècles, les corrélations se manifestent, surprenantes ; l’adoucissement des mœurs humaines, commencé par le révélateur religieux, sera mené à fin par le raisonneur philosophique, de telle sorte que Voltaire continue Jésus.

1460. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

Vous pouvez chercher dans l’histoire, cette grange d’observations accumulées par les siècles, si les femmes aimées des plus grands hommes ont compris quelque chose aux âmes égarées jusqu’à elles ! […] IV Et d’ailleurs, je l’ai dit déjà, dans ce volume27, de tous les grands hommes dont la grandeur embarrassa leur siècle, et put, du même coup, embarrasser leurs maîtresses, lord Byron est évidemment le plus difficile à comprendre et à pénétrer… Qui sait si pour lui, sans l’amour, ce n’a pas été comme dans la vie ?

1461. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Car, il faut en convenir, sainte Térèse, par exception, n’a pas été frappée de l’impopularité dédaigneuse ou moqueuse dont sont frappés les autres Saints, dans ce siècle d’impertinentes lumières. […] Seulement, avant de terminer, nous voulons dire un mot d’un livre plus facile à comprendre pour les esprits positifs du siècle (positifs !

1462. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IX. L’abbé Mitraud »

À ce titre seul, nous avions reconnu le problème du temps présent, la chimère dit siècle, comme disait saint Bernard, — car les littératures font beaucoup de théories sociales, lorsque les peuples ont relâché ou brisé tous les liens sociaux, absolument comme on écrit des poétiques, lorsque le temps des poëmes épiques est passé, — et il était curieux de savoir comment le prêtre avait remué, à son tour, le problème vainement agité si longtemps par les philosophes. […] Il a bu à cette coupe de la Philosophie, comme le siècle dernier l’a faite, de cette philosophie qui est devenue l’abreuvoir de tous les esprits et même des plus médiocres, et il s’y est enivré !

1463. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

Or, cette œuvre qu’hier le poète dressait devant la postérité, comme son exegi monumentum, avec une piété sincère à sa mémoire, est-elle réellement digne, si rien de nouveau et de différent ne vient s’y ajouter, du regard qu’elle provoque et qu’elle veut captiver pour des siècles ? […] Les larmes que les yeux de l’homme ont pleurées gardent la chaleur du cœur qui les répandit, et quand ce sont les yeux d’un homme de génie, elles se réchauffent encore, pendant des siècles, à la chaleur généreuse de celles qu’elles font verser !

1464. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Gustave Flaubert » pp. 61-75

Parmi les productions d’une littérature de copiage, parmi tous ces romans, issus plus ou moins de Balzac ou de Stendhal — les seuls romanciers d’invention et d’observation de ce siècle, — un livre qui avait de l’accent, de l’originalité, une manière tranchée — tranchée même jusqu’à la dureté — devait frapper les connaisseurs, et telle a été l’histoire — l’histoire instantanée de la Madame Bovary de M.  […] Elle y a rejoint les Incas : deux livres du même genre, avec les différences de siècle.

1465. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre II. De la métaphysique poétique » pp. 108-124

Tels durent se trouver les fondateurs de la civilisation païenne, lorsqu’un siècle ou deux après le déluge, la terre desséchée forma de nouveaux orages, et que la foudre se fit entendre. […] Observent-ils les effets étonnants de l’aimant mis en contact avec le fer ; ils ne manquent pas, même dans ce siècle de lumières, de décider que l’aimant a pour le fer une sympathie mystérieuse, et ils font ainsi de toute la nature un vaste corps animé, qui a ses sentiments et ses passions.

1466. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Le poëte moral du siècle d’Auguste, le lyrique élégant et moqueur, n’est-il pas en effet devancé par ces vers du législateur d’Athènes dénombrant les occupations diverses des hommes ? […] C’est cependant le grand poëte, le puissant lyrique, dont, un siècle après Horace, Quintilien disait encore : « La force de son génie se montre dans le choix même de ses sujets.

1467. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Que dire de Volupté, de la Confession d’un Enfant du siècle, de Mademoiselle de Maupin, de Sylvie ? […] … » Et un autre jour : « C’est peut-être le pain sur la planche qui m’a manqué, pour être un des quatre grands noms du siècle… Mais la pâtée ! […] Comment diagnostiquer un mal, dont son pays agonise, sans frémir, sans saigner jusque dans ses fibres les plus secrètes, quand on en est, de ce pays, par des siècles et des siècles d’aïeux Français ? […] Jamais anachorète chrétien des premiers siècles n’a sevré davantage son corps du plaisir. […] Un jeune homme de la Restauration33 I Les années succèdent aux années, et le siècle qui semble avoir commencé d’hier, — ce dix-neuvième siècle baptisé jadis par ses poètes le siècle jeune, est en train de devenir un siècle vieux, en attendant qu’il soit, à son tour, un siècle mort34.

1468. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fontainas, André (1865-1948) »

[Portraits du prochain siècle (1894).]

1469. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IX. Du vague des passions. »

Dégoûtées par leur siècle, effrayées par leur religion, elles sont restées dans le monde, sans se livrer au monde : alors elles sont devenues la proie de mille chimères ; alors on a vu naître cette coupable mélancolie qui s’engendre au milieu des passions, lorsque ces passions, sans objet, se consument d’elles-mêmes dans un cœur solitaire55.

1470. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre IV. Effet pittoresque des ruines. — Ruines de Palmyre, d’Égypte, etc. »

Dans les temples que les siècles n’ont point percés, les murs masquent une partie du site et des objets extérieurs, et empêchent qu’on ne distingue les colonnades et les cintres de l’édifice ; mais quand ces temples viennent à crouler, il ne reste que des débris isolés, entre lesquels l’œil découvre au haut et au loin les astres, les nues, les montagnes, les fleuves et les forêts.

1471. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Sans remonter si haut que le Moyen-Age, que l’époque de Chrestien de Troyes, du roi Adenès et autres, qui étaient les rois des trouvères, nous apercevons, sur la pente de ces vieux siècles et de notre côté, Jean de Meun, Villon, surtout Marot, qui méritèrent ce nom. […] Que de poèmes sur les bêtes, oiseaux, pierres, que de lapidaires, bestiaires, volucraires, de poèmes sur l’équitation, sur le jeu d’échecs particulièrement, que Delille remaniait avec gentillesse après des siècles, sans se douter de ses devanciers d’avant Villon ! Au xvie  siècle Du Bartas, au xviie le Père Lemoyne et les jésuites, continuèrent, soit dans le didactique, soit dans le descriptif ; mais ce qui s’était perpétué assez obscurément, comme dans les coulisses du siècle de Louis XIV, revint sur la scène au xviiie . […] Il s’y dépensa plus de bons mots en un quart d’heure, que durant des siècles de la Ligue hanséatique. […] Pour rester poétique, la prose montant comme elle fit au siècle de Jean-Jacques et de Buffon, il fallait changer de ton et hausser d’un degré les moyens du vers.

1472. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Comment une idée qu’Aristophane, Ménandre, Shakespeare, Cervantes, Molière ont mis plus de vingt siècles à construire partie par partie, sortirait-elle tout d’un bloc du cerveau de M.  […] Je ne suis point assez sceptique pour ne pas croire, et croire très fermement, que des rivages de l’Attique à ceux de la Nouvelle-Hollande, depuis l’antiquité la plus reculée jusqu’à la consommation des siècles, on a ri partout et l’on rira toujours devoir un prédicateur faire une grimace en disant : Amen ! […] Lysidas, d’érudit qu’il était devenu métaphysicien, et la spirituelle Uranie, assistant en 1862 à une représentation de L’École des femmes, juste deux siècles après la première. […] Mais, s’il était au fond indifférent, nous ne disons pas incrédule, il sauvait toutes les formes de l’orthodoxie, et lorsqu’une de ses tragédies avait réussi, il expliquait très bien son succès par les règles : « Je ne suis point étonné que ce caractère ait eu un succès si heureux du temps d’Euripide, et qu’il ait encore si bien réussi dans notre siècle, puisqu’il a toutes les qualités qu’Aristote demande dans le héros de la tragédie. […] « Ils se sont imaginés avoir pleinement satisfait à toutes les objections, quand ils ont soutenu qu’il importait peu que le Cid fût selon les règles d’Aristote, et qu’Aristote en avait fait pour son siècle et pour des Grecs, et non pas pour le nôtre et pour des Français.

1473. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

« Que l’on nous confonde dans nos talents, écrivait-il à Schiller, ce m’est chose agréable ; cela montre que nous nous élevons toujours davantage ensemble au-dessus de l’affectation de notre siècle, c’est-à-dire au beausimple, pour arriver à ce qui est universellement bon. […] Schiller ne le composa pas comme l’ode se compose, c’est-à-dire par une rapide et involontaire explosion de l’âme, qui n’éclate qu’un instant et qui se répercute à jamais de l’âme du poète dans l’oreille des siècles. […] Si c’est dans l’ordre philosophique et littéraire, comme Goethe ils conservent leur indépendance de pensée et leur originalité de conception à travers toutes les vagues passagères de la médiocrité subalterne et toutes les aberrations du mauvais goût ; si c’est dans l’ordre politique, comme le prince Talleyrand ils conservent et grandissent leur haute influence à travers tous les événements secondaires et tous les écroulements du siècle ; ils se servent des vagues pour exhausser, pour gouverner leur navire au lieu de s’y noyer avec l’équipage. […] Cette impertinence envers le génie des siècles passés leur a porté malheur, la nature a répondu à leur défi par l’impuissance ; qu’ont-ils produit et que produisent-ils, depuis dix ans, que des sarcasmes et des bulles de savon ? […] Le caractère éminemment pensif de cette race germanique lui donne le temps de mûrir ses idées ; elle est lente comme les siècles et patiente comme le temps ; jamais cette race pensive et même rêveuse n’a été assimilée aux idées et aux langues de ces races grecques et latines comme l’Italie, l’Espagne, le Portugal et nous, qui dérivons d’Athènes ou de Rome ; l’Allemagne dérive de l’Inde et du Gange ; elle parle une langue consommée, savante, circonlocutoire, mais d’une construction et d’une richesse qui la rendent propre à exprimer toutes les images et toutes les idéalités de la poésie ou de la métaphysique.

1474. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Rousseau, correspondances des âmes effeuillées page à page et recomposées à la fin de la vie, confidences par confidences, sans songer que la main du public les décachètera un jour ; Lettres de Cicéron, Lettres de Pline le Jeune, Lettres de Sévigné, ce grand siècle écrit jour à jour par ses reflets intimes sur l’esprit d’une femme ; Lettres de Voltaire lui-même, ces lambeaux d’une passion acharnée à la destruction d’une idée ; Lettres de Mirabeau, ces flammes échappées du volcan d’un cœur pour en incendier un autre, etc., etc. ; demandez-vous sincèrement lequel de tous ces livres a pénétré le plus profondément dans votre cœur, lequel cohabite le plus habituellement avec vous dans la solitude de vos jours avancés, lequel est devenu votre ami le plus quotidien dans vos angoisses, avec lequel vous aimez le mieux vivre, avec lequel vous aimez le mieux mourir. […] Quant à son aspect contemplé du dehors, rien n’annonçait ni prétention ni orgueil dans le style ou dans la construction du Cayla ; il ne se distinguait des grosses fermes du pays que par un porche à moitié démoli avançant sur le perron, par les deux rainures d’un pont-levis sur le milieu desquelles le marteau symbolique de 1793 avait effacé les vieilles armoiries de la famille des Guérin, et par un large pan de toit qui recouvrait le principal corps de bâtiment entre les constructions inégales et successives des derniers siècles. […] Mais cette éducation, dont le père remettait avec confiance les rênes dans les mains de sa fille, finit par produire dans mademoiselle de Guérin une puissance de réflexion et de pureté qui l’égala à son insu aux plus hautes personnalités littéraires de son siècle. […] Le bonheur a voulu que, par une série de heureux hasards et de fidèle affection (celle de M. d’Aurevilly, un écrivain qui ne peut être caractérisé que par lui-même, parce qu’il ne ressemble à personne), le hasard et le bonheur ont voulu que ce journal et ces lettres n’aient pas péri dans les cendres du Cayla ; mais que des mains pieuses les aient recueillies le lendemain de sa mort pour édifier tout un siècle, et, après M. de Sainte-Beuve, moi, qui vais essayer d’inspirer à mes lecteurs la passion de les lire comme une Imitation de Jésus-Christ en action, le plus beau des livres modernes dans la plus tendre des âmes et dans le plus confidentiel des styles. […] Dix ans, c’est un siècle pour une femme.

1475. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

. — Au dernier siècle encore, Nadir Shah faisait fustiger un arbre jusqu’à ce qu’on eût retrouvé des joyaux volés sous son ombre. […] Tout un monde d’art et de matières précieuses était là : statues et vases, trépieds d’or et d’argent, de marbre et de bronze ; les ex-voto d’un peuple d’artistes s’y étaient accumulés depuis de longs siècles. […] Un siècle encore, et l’épée d’Alexandre viendra l’achever. […] Athènes asservie ou détruite, l’élite de son peuple transportée dans les provinces de la Médie ou de la Susiane, un harem installé sur la colline sacrée que le Parthénon devait couronner, les tribus de l’Hellade changées en Satrapies, comme elles le furent en pachaliks, dix siècles plus tard ; quelle perturbation dans l’avenir de l’humanité, quel changement d’axe et d’orbite dans sa gravitation historique ! […] L’Histoire, créée par la Grèce, et encore à naître, n’aurait apparu peut-être qu’après de longs siècles.

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