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1244. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Si pur, si essuyé qu’il soit, l’amour de l’enfant est chez lui matériel, physique, animal, et les milieux élégants, poétiques, colorants qu’il traverse, n’y font rien. […] Lisez son Premier-Né, Le Jour de l’An en famille, les Vieux souvenirs, Les Petites Bottes, — qui rappellent, mais en vieux et en usé, le frais soulier de la Gudule dans Notre-Dame de Paris, — les Bébés et papas et la Première culotte, et voyez si dans tout cela l’enfant n’est pas toujours ajusté, toujours compris de la même manière, aimé pour le plaisir et la peine qu’il donne, — car il y a aussi l’épicurisme de la douleur, — et si la moitié du sentiment paternel, celle que Dieu élargit en la doublant du sentiment de son être, n’est pas restée, pure lumière, étouffée sous le boisseau de la chair !

1245. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

Mais la vérité est que le réalisme ne se maintient jamais à l’état pur. […] Mais l’idée que le monde entier, y compris les êtres vivants, relève de la mathématique pure, n’est qu’une vue a priori de l’esprit, qui remonte aux cartésiens.

1246. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

L’esprit érudit réussit mieux qu’ailleurs dans les questions d’érudition pure ; on est toujours à son aise quand on est chez soi. […] Guizot : en effet, quand un mineur revient à la surface, l’air pur le suffoque et la vraie lumière l’éblouit.

1247. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Biot » pp. 306-310

Les lecteurs vont se dédommager à présent, et ils goûteront ce discours net, ingénieux et sensé, nourri de conseils, aiguisé d’une douce malice, et qui, vers la fin, présente un portrait si noble et si élevé du savant pur.

1248. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. de Ségur. Mémoires, souvenirs et anecdotes. Tome II. »

Le prince Henri avait de grandes vertus ; ses lumières, son humanité, sa justice l’avaient popularisé en Europe, et, auprès de la gloire de Frédéric, la sienne, moins brillante, semblait incomparablement plus pure : et ce même prince, sans songer à mal, invente la plus odieuse des iniquités politiques ; à l’occasion, il en cause avec Catherine, il en cause avec son frère ; la partie s’arrange, il s’en félicite, et, dans sa retraite de philosophe, s’en berce comme d’un doux et beau souvenir !

1249. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre premier. Idée générale de la seconde Partie » pp. 406-413

Ils n’ont point encore de littérature formée : mais quand leurs magistrats sont appelés à s’adresser, de quelque manière, à l’opinion publique, ils possèdent éminemment le don de remuer toutes les affections de l’âme, par l’expression des vérités simples et des sentiments purs ; et c’est déjà connaître les plus utiles secrets du style.

1250. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Ponsard, François (1814-1867) »

L’originalité et la gloire de son œuvre est justement d’avoir ramené vers les vérités fortes et salubres nos esprits égarés dans l’invraisemblable, le paradoxal et l’impossible, d’avoir exprimé ces vérités immortelles dans un style ferme, net, franc, de bonne école et de bonne race, d’avoir fait circuler dans les veines de la comédie moderne, après tant de fièvres et de langueurs, un reste de ce sang vigoureux et pur qui semblait tari depuis les maîtres, et de n’avoir pas craint de nous paraître banal pour être plus sûr d’être vrai.

1251. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 196-203

Sa diction est toujours convenable aux matieres qu’il traite ; elle est ordinairement pure, nette, élégante : les seuls défauts qu’on y trouve se réduisent à une affectation de tours, à un vernis de morgue philosophique, peut-être excusable dans lui, mais poussée depuis jusqu’à l’extravagance par des Auteurs qui ne le valent pas.

1252. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Introduction »

Sa théorie des idées demeure encore un pur idéalisme à la manière de Platon et de Kant, sans connexion visible avec sa philosophie de la volonté.

1253. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre II »

Au pédant qui invente binocle, l’instinct heureux de l’ignorant répond par lorgnon ; à cycle, tricycle, bicycle et tous leurs dérivés l’ouvrier qui forge ces machines oppose bécane : il n’a point besoin du grec pour lancer un mot d’une forme agréable, d’une sonorité pure et conforme à la tradition linguistique15.

1254. (1889) L’art au point de vue sociologique « Préface de l’auteur »

La religion enveloppe une cosmologie embryonnaire, en même temps qu’une morale plus ou moins pure, et, enfin, elle est essentiellement un essai pour réconcilier l’une avec l’autre, pour mettre d’accord nos aspirations morales et même sensibles avec les lois du monde qui régissent la vie et la mort.

1255. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Guarini, et Jason de Nores. » pp. 130-138

                    Io pur vinco ; Ne porto voi per ornamento mio ; Ma porto voi sol per vergogna vostra.

1256. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre deuxième. »

Ces deux petits vers inégaux ne sont qu’une pure négligence, et ne font nullement beauté.

1257. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — IV. Les ailes dérobées »

Cette case était d’or pur.

1258. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Nicole, Bourdaloue, Fénelon »

Les saints les plus purs peuvent l’avoir.

1259. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Charles Barbara » pp. 183-188

L’enfant qu’elle met au monde, idiot d’une grande beauté, aura, sous l’arcade pure de son front stupide, le même regard que l’assassiné quand il mourut, et le père adorera, ô Providence !

1260. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Ces mystères recouvraient la philosophie la plus pure. […] C’est celle de tous les purs Gaulois. […] Le beau en art, ce n’est pas la vertu, c’est la vie, et la vie n’est jamais pure. […] Toute l’histoire de Mlle de Varandeuil est un pur chef-d’œuvre. […] — dans un salon ami des lettres Cela s’appelle l’Ingénue, et c’est un pur bijou.

1261. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Fournel a toutes les peines du monde à découvrir quelques comédies pures. […] Pas la moindre trace d’observation directe et sincère ; les personnages sont tous de pure convention. […] Mais la bonté des purs, des irréprochables, des sévères pour soi, c’est le commencement de la sainteté. […] Et elle a une voix charmante, une ’voix pure, légère, cristalline. […] Il a commencé par être un parnassien pur, un artiste voluptueux et fier, uniquement dévot aux mystères de la forme.

1262. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Cet espoir était au moins prématuré, si tant est qu’il ne fut pas une pure illusion. […] Quels instincts d’amour pur, quelles notions de sainte fidélité ont pu résister à ce coup mortel ? […] En logique pure, cet argument peut avoir sa valeur. Mais la logique pure tient-elle contre les vives impressions de l’imagination ? […] Pure vanterie !

1263. (1881) Le roman expérimental

À côté de la ferme, du rythme et des mots, à côté du monument de pure linguistique, il y a la philosophie de l’œuvre. […] Mais je veux insister sur ce fait qu’il a été une pure émeute de rhétoriciens. […] Mais elle existe, et elle consolera un peu les âmes pures. […] Dans les descriptions pures, M. de Goncourt a gardé sa touche si exacte et si fine. […] J’ai honte de cette eau pure.

1264. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Il y a manié les passions, le comique ; il a trouvé dans son opéra quelques peintures vives et riantes, dans sa tragédie quelques accents nobles ou attendrissants ; il est sorti du raisonnement et de la dissertation pure ; il s’est acquis l’art de rendre la morale sensible et la vérité parlante ; il a su donner une physionomie aux idées, et une physionomie attachante. […] Ce sont là les sources de son talent ; y en a-t-il de plus pures et de plus belles ? […] Addison lui donne tout ce qu’il désire ; ses écrits sont la pure source du style classique ; jamais en Angleterre on n’a parlé de meilleur ton. […] Les purs classiques goûtent mieux l’arrangement et le bon ordre que la vérité naïve et la forte invention. […] La pédanterie d’Adam et ses prédications de ménage lui semblent convenir au pur état d’innocence.

1265. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

On voulait une plus grande part pour le cœur, et une langue, sinon plus belle que celle des beaux endroits de Corneille, du moins plus exacte1 que celle de ses pièces faibles, et, en général, plus pure et plus égale. […] Racine ne vit d’abord dans ces règles que de pures conventions théâtrales, indépendantes des lois qui président aux événements tragiques, et qui les font sortir des passions des hommes par une logique irrésistible. […] Mais son cœur est ému de pitié au souvenir de leurs combats, du prix dont ils payent les passagères douceurs de leurs espérances ; car, dans cet admirable ouvrage, la peine suit d’aussi près la faute que l’ombre suit le corps, et ces tristes cœurs ne goûtent pas un moment de joie qui soit pur de regret ou de crainte. […] Assurément l’Andromaque de Racine n’est ni celle d’Homère, qui donne de ses belles mains le pur froment aux chevaux d’Hector25, et qui tisse la pourpre pour son époux ; ni celle de Virgile, trois fois mariée, mais si touchante par la foi qu’elle garde au souvenir d’Hector ; encore moins l’Andromaque d’Euripide, devenue la veuve de Pyrrhus et la mère de Molossus. […] En 183…, j’étais, pour un soir, l’hôte d’une famille allemande nombreuse et respectable, où l’on s’occupait beaucoup de lettres françaises, et où l’on en parlait avec goût, et dans le plus pur français.

1266. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Pour juger du rôle des dissonances et des laideurs dans l’art, il ne faut pas les considérer en tant que pures sensations, mais en tant que principes de sentiment et moyens d’expression. […] Il est sans doute moins abstrait et nous fait vibrer tout entiers, mais par cela même on peut dire qu’il est moins sensuel et recherche moins pour elle-même la pure jouissance de la sensation. […] la pensée est le produit du corps entier… Et nous continuerions à dévider les cheveux emmêlés de la raison pure ! […] En d’autres termes, toute la force dispersée en des impressions secondaires et fugitives se trouvera recueillie, concentrée : le résultat sera une image plus pure, vers laquelle nous pourrons pour ainsi dire nous tourner tout entiers, et qui revêtira ainsi un caractère plus esthétique. […] Tu es en nage… — Et, avec son petit mouchoir blanc, elle lui essuyait le front et les joues et elle lui donnait plusieurs baisers. »   A vrai dire, le pittoresque pur joue dans la littérature un rôle plus négatif que positif.

1267. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Ceci mérite peut-être une démonstration méthodique : 1° D’une part, si l’on croit aux esprits, il est normal qu’un pur esprit se manifeste par des sons, le son étant, de toutes nos sensations, la moins engagée dans l’idée de matière. […] 2° Si l’esprit se manifeste, non par des bruits ou des sons inarticulés, mais par des sons humains, par des paroles, il est, en cela du moins, notre semblable ; une suite régulière de sons coordonnés et rythmés, c’est une succession pure et continue, comme notre existence intérieure ; puis ces sons expriment des idées que nous comprenons : cet esprit est donc une intelligence, comme nous, et une intelligence analogue à la nôtre ; il est donc notre semblable : il n’est pas quelque chose d’absolument nouveau pour notre expérience, partant quelque chose d’étrange et d’effrayant. […] La plupart du temps, Socrate parle d’un signe divin, sans spécifier que ce fût une parole ; d’autres fois, au contraire, il emploie le mot […], et il ne semble pas que ce soit une pure métaphore202. […] Ainsi l’écolier répondeur qu’un professeur veut faire taire, pour ne céder qu’à moitié, pour avoir le dernier mot à son su et au su de ses deux voisins, et sans danger, riposte à l’injonction par un murmure qui arrive indistinct aux oreilles du maître ; si le professeur a entendu quelque chose et menace, l’orgueil de l’écolier ne fait retraite que pas à pas ; il remue les lèvres ; j’en connais un qui gagna un fort pensum « pour avoir remué les lèvres » ; le considérant était mal rédigé, mais l’intention rebelle était évidente et digne de châtiment ; j’imagine volontiers qu’alors, pour avoir le dernier mot sous une forme quelconque, l’écolier retors continua son discours subversif en pure parole intérieure. — Remarquons ici le renversement, sous l’action de la crainte, du processus que nous avons précédemment décrit, et qui résulte, dans sa direction normale, de l’enthousiasme imaginatif ou de la passion active222. […] Nous venons de citer des exemples types : dans le premier, l’imagination domine évidemment ; dans les trois autres, la passion semble pure de tout mélange ; mais rarement la passion s’éveille sans éveiller en quelque mesure l’imagination ; la raison en est que rarement l’objet de la passion est purement intellectuel, c’est-à-dire d’ordre général, scientifique ou politique ; quand je n’ai d’autre société intérieure qu’une société abstraite, consistant dans des concepts que parcourt mon entendement, mêlés à des noms propres de personnages ou de pays que je ne connais que par ouï-dire et qui valent pour mon esprit des abstractions, alors je suis, à vrai dire, seul avec ma pensée, je n’ai point de société véritable, et, d’ordinaire, je reste calme228 ; l’émotion, presque toujours, me fait rentrer dans la vie réelle, dans la vie sociale ; ce qui m’émeut en joie ou en tristesse, c’est quelque objet concret de la nature, le plus souvent quelque personne humaine, dont mon souvenir reproduit l’image plus ou moins nette, et, avec cette image, le son spécifique.

1268. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Il convient donc de se placer à ce nouveau point de vue, et de chercher, abstraction faite des influences externes et des préjugés du langage, ce que la conscience toute pure nous apprend sur l’action future ou passée. […] Ici encore tout essai de reconstitution d’un acte émanant de la volonté même vous conduit à la constatation pure et simple du fait accompli. […] Certes, la conscience pure n’aperçoit pas le temps sous forme d’une somme d’unités de durée ; laissée à elle-même, elle n’a aucun moyen, aucune raison même de mesurer le temps ; mais un sentiment qui durerait deux fois moins de jours, par exemple, ne serait plus pour elle le même sentiment ; il manquerait à cet état de conscience une multitude d’impressions qui sont venues l’enrichir et en modifier la nature. […] Il est vrai que nous sommes ici dans le domaine de la quantité pure, et que, les propriétés géométriques pouvant se mettre sous forme d’égalités, on conçoit très bien qu’une première équation, exprimant la propriété fondamentale de la figure, se transforme en une multitude indéfinie d’équations nouvelles, toutes virtuellement contenues dans celle-là. […] Il n’y résidera qu’à l’état de pur possible, et comme une représentation confuse qui ne sera peut-être pas suivie de l’action correspondante.

1269. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Il faut que toute récolte soit pure ; et séparée. […] Une ligne de pensée parfaitement pure. […] Et quand même elle est pure tout de même elle est impure. […] Les mains les plus impures de la guerre étrangère sont plus pures que les mains les plus pures de la guerre civile. […] Et où les mains les plus pures ne sont jamais pures.

1270. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Par suite, elle devait renoncer aux intrigues romanesques et de fantaisie toute pure. […] Le drame vit de passion toute pure, patriotisme sans faiblesse, charité sublime, amour exalté. […] Et il nous les montre devenant, dans cette atmosphère artificielle, de pures « païennes ». […] Tel coin de Montmartre, pittoresque et encombré, est de l’Alger pur. […] La Dame aux camélias était dans la pure tradition.

1271. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Poictevin, Paul Adam, Moréas, Kahn, Dujardin, Viguier, etc., nous entrons dans le symbolisme pur. […] Barrès, en dehors de la pensée pure. […] Au reste, une bonne partie des romans de ces messieurs est du pur roman d’aventure. […] Ce ne sont point des romantiques « purs » ; mais la nuance ne laisse pas que d’offrir quelque intérêt. […] À moins qu’il ne fasse des livres de description pure, comme Au soleil et Sur l’eau.

1272. (1899) Arabesques pp. 1-223

Le ciel était si pur, l’air si léger, le soleil si paisible, le vent capricieux me flattait les joues avec tant de mansuétude ! […] Kant se balance, en hochant la tête, sur ses deux béquilles : la Raison pure et la Raison suffisante. […] Si l’on convoquait Hegel, le grand assembleur de nuées, le Jupiter humide qui fait éternuer d’admiration les marchands d’idée pure ? […] Et ce sera très beau. » Et Wagner : « Oui, oui, renonce, cher enfant, déracine tes instincts : fais pénitence ; aspire, comme mon Parsifal, mon chef-d’œuvre, à la pure imbécillité. […] Donc, ce désintéressé, ce fervent de l’Idée pure, ment lorsqu’il vante son mépris des contingences.

1273. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

quelle âme grande et pure ! — Oui, c’est là le vrai mot que l’on doit dire sur lui : c’était une âme pure ! […] Ce langage franc, loyal, sonnant l’or pur, le ranime et lui plaît. […] Le sujet mythologique de cette toile est d’un coloris vif et chaud, d’un dessin pur et correct. […] Pure affaire de boutique, pour parler vulgairement.

1274. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XLV » pp. 176-182

Laprade, dont la Revue indépendante a publié plusieurs pièces recueillies dans le volume que nous indiquons, a de l’élévation surtout, de l’harmonie, une langue en général pure, une forme large, brillante et sonore ; sa poésie respire un sentiment vrai et profond de la nature : il y mêle peut-être un peu trop de sacerdotal et d’hiérophante.

1275. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires relatifs à la Révolution française. Le Vieux Cordelier, par Camille Desmoulins ; Les Causes secrètes ou 9 thermidor, par Villate ; Précis du 9 thermidor, par Ch.-A. Méda, Gendarme »

En reportant presque tout l’honneur de cette journée sur un citoyen estimable et pur, elle répare un injuste oubli, et de plus elle soulage l’âme en la dispensant de savoir quelque gré aux Tallien et aux Barrère.

1276. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Tissot. Poésies érotiques avec une traduction des Baisers de Jean Second. »

la chaste langue de Racine n’avait jamais prêté des sons plus purs à une sensualité plus exquise.

1277. (1874) Premiers lundis. Tome I « Bonaparte et les Grecs, par Madame Louise SW.-Belloc. »

Et que le rossignol, de sa voix pure et belle, Me raconte que mai fleurit encor nos champs. » Le précis de la guerre durant ces quatre dernières années est un résumé, un peu oratoire, des nombreuses relations récemment publiées.

1278. (1874) Premiers lundis. Tome II « Dupin Aîné. Réception à l’Académie française »

Cuvier eût été condamné, comme l’illustre Florentin, par les docteurs de l’Inquisition, pour avoir osé interpréter par la science l’œuvre des sept jours, mais qu’aussi il eût répondu comme Galilée : E pur, etc.

1279. (1875) Premiers lundis. Tome III « Émile Augier : Un Homme de bien »

Gresset, Piron et Destouches ne se sont point proposé des sujets de pure invention et comme en l’air ; ils ont eu en vue même dans ces portraits généraux, quelque travers, quelque ridicule, qui passait alors non loin d’eux à portée du rire.

1280. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les brimades. » pp. 208-214

, les chercheurs et les inventeurs non estampillés à la marque de l’X, et tous ceux qui, pour apprendre à construire des machines ou à fabriquer des engrais, ont suivi des voies pratiques et n’ont eu besoin que d’un minimum de mathématiques pures ; enfin, de se tenir et soutenir entre eux, quoi qu’il arrive, et, s’il apparaît que l’un d’eux a bâti une digue incertaine ou un pont douteux, de proclamer en chœur que c’est le pont et la digue qui ont tort.

1281. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Jammes, Francis (1868-1938) »

Francis Jammes, dans une petite chambre ancienne, par des soirs de septembre lent et pur, devant un horizon de métairies et de campagnes, en compagnie du silence et de son seul cœur.

1282. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lemercier, Népomucène Louis (1771-1840) »

Ce chaos monstrueux de vers étonnés de se rencontrer ensemble rappelle de temps en temps ce que le goût a de plus pur, ce que la verve a de plus vigoureux.

1283. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Signoret, Emmanuel (1872-1900) »

À ceux qui comprennent l’importance des suprêmes œuvres d’art au point de vue de l’évolution, je conseille, en attendant Jacinthus, d’étudier avec moi les richesses si variées et si pures que contient cette œuvre nouvelle du plus grand poète des temps modernes et peut-être de tous les temps.

1284. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Hallé » pp. 71-73

Je vous jure que si j’étois, je ne vous dis pas le ministre ; je ne vous dis pas le directeur de l’académie ; mais pur et simple agréé, je protesterois pour l’honneur de mon corps et de ma nation ; et je protesterois si fortement que Mr Hallé garderoit ce tableau pour faire peur à ses petits-enfants, s’il en a et qu’il en exécuterait un autre qui répondît un peu mieux au bon goût, aux intentions, de sa majesté polonoise.

1285. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

Des personnes pourvues d’une bonne vue pouvaient distinguer cette étoile pendant le jour, même en plein midi, quand le ciel était pur. […] Mais ma vie ne se compose pas seulement de pensées comme celle d’un pur esprit qui n’a d’autre objet que la contemplation. […] Une immense couche de pur humus manifeste l’action continue des forces organiques.

1286. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Elle va donc se coucher près de lui, elle le serre dans ses bras, puis se roidit et rend l’esprit. » Tristan mourut pur sun désire Iseult qu’à lui ne peu venir ; Tristan mourut pur su amour E la belle Iseult pur tendrur.

1287. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Louis Guérin est un soldat droit comme son épée, pur comme son drapeau. […] Des émotions pures et cordiales effacent à propos l’impression choquante de cette scène. […] On se demande comment ce bronze pur s’est si vite changé en papier mâché.

1288. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Il s’est trompé, la baronne d’Ange est veuve, elle est vertueuse, elle est pure, elle est sans tache, elle a les ailes de son nom et la baronnie de son titre. […] C’est encore un type de fine race que celui de Raymond de Nanjac, ce soldat, crédule comme un enfant et pur comme une vierge, qui rapporte de l’Afrique guerrière un nom sans tache, une fierté d’Arabe, une loyauté de gentilhomme, une vie épargnée par les balles, un honneur intact, comme le drapeau de son régiment… tout cela pour le jeter aux pieds d’une femme perdue qui se joue et trafique, comme d’une pacotille, de ces saints trésors. […] Son âme est pure encore, mais ses paroles, ses manières, ses regards ne le sont plus déjà : le corps est chaste, la robe est souillée.

1289. (1904) En méthode à l’œuvre

Que l’on admette selon les grammaires usuelles, que les lettres-consonnes n’aient point de son par elles-mêmes, ou que l’on veuille entendre selon moi qu’elles représentent une sorte de préparation à valeur primitive, des organes de la voix saisis par l’instinct et la sensation pour parvenir à l’articulation pure des voyelles, — et qu’elles soient donc inséparables d’elles pour ce que, elles aussi, à degrés moindres, sonnent ou consonnent en devenir de timbres-vocaux : il sied de leur reconnaître, stridantes, explosives, martelantes, percutantes, pénétrantes et stridentes, des qualités spéciales de « Bruits ». […] L’on ne peut mieux exprimer que toute origine de langages a été, sous l’empire des sentiments, phonétique : tandis que les langues et les musiques d’Extrême-Orient apportent l’exemple tout pur à sa dernière et précieuse remarque, — et, dirons-nous pour les avoir pratiqués, particulièrement la musique et les idiomes où si sensitivement demeurent unis le sens et les sons, malaïo-Javanais…   Mais le principe entendu, n’est-il point d’intuitions partielles, médiatrices des déductions que nous en tirons pour tout à l’heure nouer les solides et naturels rapports de la Pensée et de la Parole-instrumentale ? […] Et là nos timbres, ou en leur pure valeur ou les uns sur les autres agissant à donner toutes nuances de tonalités, pourront : ou soutenir monotonement lente ou rapide, une phrase, en se répétant en même son à mêmes hauteur et intensité.

1290. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

depuis, beaucoup de vie encore dans ce vieux chêne de poète, mais, franchement, lorsque lis en cette Légende des Siècles, où je trouve des pièces comme L’Abîme, Le Ver de terre, L’Élégie des fléaux, À l’Homme, et bien d’autres qui rappellent les plus purs amphigouris des premières Légendes, et pas une pièce comme Booz, Éviradnus et Le Petit Roi de Galice, il m’est impossible de ne pas voir dans le Victor Hugo de ces secondes Légendes une diminution de la vitalité poétique. […] Je n’insisterai point, mais ai-je besoin d’insister pour qu’on sente que l’énormité est la vie même de Hugo, de Hugo, la plus grande gloire contemporaine, — non la plus pure, non la plus justifiée, mais la plus… énorme ! […] S’il a été jamais un soleil, Hugo est dans ce livre un soleil qui se couche, et ses idées bourgeoises contre l’Église et la Papauté le coiffent du bonnet de coton de ceux qui se couchent et qui ne sont pas le soleil… Littérairement, et à ne voir son Pape que comme une œuvre de l’esprit pure du déshonneur du pamphlet, on se demande ce que c’est et comment on pourrait classer cette composition, qui n’est un poème que parce qu’elle est en vers, et qui est dialoguée comme un drame, sans être un drame.

1291. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Feydeau se permettait de déshonorer l’adultère et fouaillait l’amant avec la femme coupable, d’une main plus hardie que pure, il est vrai, mais eux voyaient plus les coups que la main ! […] Ernest Feydeau, lui arrive aussi en littérature, car l’homme est d’une unité effrayante, et là comme ailleurs le pur génie de la conscience a cédé au génie troublé, agité, orageux, de la contradiction. […] Quant au Lovelace de cette Clarisse de kermesse, ce n’est plus ce Satan anglais, plus infernal que celui de Milton, ce grand et fascinant scélérat, qui est presque une excuse pour cette navrante chute de Clarisse, qui fit pleurer tous les cœurs purs de l’Angleterre, mais c’est la dernière expression de Lovelace, comme la dernière ligne du profil de l’homme aplati fait, dit-on, celui du crapaud.

1292. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Pour l’instant, tout à ce travail de préparation, tout au scrupule d’une formation littéraire sérieuse, tout à la recherche du beau, et par la forme pure qui plaît, et par l’idée de vérité qui touche, je ne me laisserai pas emporter par le tourbillon du siècle, ni tenter par le désordre universel, cet orgueil de vouloir devancer les saisons que la Providence a fixées aux mondes, ce défaut dont vous savez bien que la société souffre, s’énerve et s’anémie. […] Ces textes purs et lumineux n’ont que faire que je les commente. […] Mais celui-ci est le plus pur ; il ne reproche rien à personne, il surgit du sol, il s’offre au destin ; il ne sait pas plus qu’une source jaillissante les souillures du monde qu’il vient racheter.‌

1293. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Alors, si la supériorité de l’homme sur l’animal tient au langage, elle se réduirait à un pur accident, résultat d’un don gratuit. […] D’abord, en procédant comme elle fait par pure expérience historique, elle s’expose à confondre les caractères essentiels et permanents avec les caractères accidentels et transitoires de la nature humaine. […] Nous nous sentons transportés au dedans de nous-mêmes, au sein de la plus pure et la plus intense lumière qui puisse éclairer la scène de la vie morale.

1294. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Cousin, parlait du livre avec faveur ; Schérer faisait de lui un pur positiviste, Planche, un panthéiste spinoziste, Caro un matérialiste. […] De plus, pour lui, et c’est là ce qui le distingue des purs positivistes, le fait et la cause sont identiques. […] Michelet n’avait rien de cet esprit ; rire en pareil sujet lui eût semblé de l’impiété ; pénétré de la sainteté de la cause qu’il défendait, il osa tout dire, oubliant que, si « tout est pur pour les purs », il n’en est pas de même pour la foule frivole et rieuse. […] Renan qui voulait faire de son cours un enseignement de pure philosophie, le reprit aussitôt chez lui pour ne pas en priver ses élèves. […] Le seul chemin est la science pure ou la pure littérature. » — On trouvera dans le livre de M. 

1295. (1901) Figures et caractères

Ce qu’il y eut de terrestre en lui a disparu ; un pur rayonnement entoure sa mémoire. […] Ces purs et discrets chefs-d’œuvre, comme s’ils eussent été de ces pamphlets qui cinglent l’opinion de ces drames violents qui la passionnent, subirent une polémique acharnée. […] Sa voix pure n’était point cette voix qui, comme celle de Chateaubriand, domine la rumeur du siècle. […] Sa muse est la parente pauvre de celle, si hautaine et si pure, d’Alfred de Vigny. […] Seules les relations spirituelles restent pures et divines.

1296. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Je prouvai que le sublime de l’esprit était proportionnel à la vertu du cœur dans Sophocle, Corneille, et Molière : nous retrouvons dans le pur et doux Virgile les mêmes dispositions que dans le sensible Racine. […] « Ces esprits jadis purs, pourrai-je sans douleurs « En rappeler la gloire et conter les malheurs ? […] On croit les approcher, les entendre, et l’âme pure s’envisage elle-même au nombre des divinités sous la délicate et timide figure de Psyché. […] Voltaire exprime admirablement ici les purs sentiments de la religion ; mais un ancien nous les aurait peints, en traçant son visage, son attitude, et ses attributs. […] pourquoi, souillant des mains si pures, « Viens-tu troubler mon ombre et rouvrir mes blessures ?

1297. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

» D’ailleurs, aux yeux de la pure raison, qu’est-ce que l’homme ? […] Il faut que chaque esprit les reporte à sa forge, les épure, les assouplisse, les reforme et retire du bloc grossier le pur métal. […] Aux yeux de la pure raison, qu’est-il ? […] Il a besoin de donner aux abstractions un corps et une âme ; il est mal à son aise dans les conceptions pures, et veut toucher un être réel. […] To the eye of pure reason what is he ?

1298. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

« Un enfant pur comme le cristal naîtra, dirent à la mère les génies protecteurs de la famille (l’esprit des ancêtres) ; il sera roi, mais sans couronne et sans royaume !  […] En cela, comme en toute autre chose, il n’innovait pas ; il ne faisait que rappeler plus strictement et plus éloquemment ses compatriotes à la pure et antique doctrine des Kings ou livres sacrés, qu’il s’occupait déjà à exhumer et à commenter pour la Chine. […] Comme ils étaient eux-mêmes les plus purs et les plus estimés des jeunes gens du royaume, l’opinion publique conçut un grand respect pour l’homme que de tels hommes reconnaissaient comme leur maître. […] Il est au-dessus de toute crainte quand il fait ce qui est du devoir ; une conduite irréprochable, jointe à des intentions pures et droites, lui sert de bouclier contre tous les traits qu’on pourrait lui lancer : la justice et les lois sont les armes dont il se sert pour se défendre ou pour attaquer.

1299. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

À cette occasion, Aristote loue Anaxagore d’avoir considéré l’Intelligence, dont il fait le principe du mouvement, comme absolument impassible et absolument pure, à l’abri de toute affection et de tout mélange ; car c’est seulement ainsi qu’étant immobile, elle peut créer le mouvement, et qu’elle peut dominer le reste du monde en ne s’y mêlant point. […] Le style de l’Histoire des animaux est aussi abondant que les choses ; il est pur, coulant, et son plus grand ornement est la propriété des expressions et la clarté. […] Il n’y a donc point à rétablir un équilibre qui n’est pas rompu, comme on se plaît à le répéter ; et il ne faut pas que la vertu, si elle veut rester pure, pense trop à un salaire dont la préoccupation suffirait à la flétrir. […] L’union de l’âme et du corps est donc un bienfait, et ce n’est pas assez le reconnaître que d’en gémir, comme le font quelquefois les cœurs les plus purs, et d’anticiper la dissolution du pacte, soit par des vœux téméraires, soit par un ascétisme exagéré.

1300. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Son homme de la nature se perd dans un lointain plus obscur : c’est le pur animal, tout à l’instinct, qui n’est pas féroce quand il est repu. […] Le théisme de Robespierre, le culte de l’« Être Suprême », la reconnaissance légale de l’immortalité de l’âme, c’est le Contrat social tout pur. […] Mais cette tyrannie de la sensation personnelle fait une nature de poète ; et les Confessions où Rousseau a prétendu faire l’histoire de sa vie sont un pur poème, par la perpétuelle transfiguration du réel. […] Il avait en face d’elle la plus délicate sensiblité, et d’elle il a tiré les plus vives, les plus pures joies de son âme.

1301. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

L’exactitude en pareille matière, à moins que l’auteur n’ait pris la peine de commenter ses intentions, est chimère pure. […] Mais l’auteur ne s’interdisait nullement de découper dans les tranches laiteuses ou fauves de la pierre un pur profil moderne et de coiffer à la mode des médailles syracusaines des Grecques de Paris entrevues au dernier bal. » Est-ce un joailler qui parle ? […] On pourrait cependant signaler chez les Parnassiens un effort vers les formes impassibles et pures, une versification rigide, un style ayant parfois le poli et le froid du marbre. […] On s’est avisé en notre siècle que l’homme, n’étant pas un pur esprit, est sensible aux choses qui l’environnent, non seulement aux divers aspects de la nature, mais aux objets avec lesquels il vit tous les jours et qui par leur seule présence exercent une action profonde sur sa manière d’être et de penser.

1302. (1856) Cours familier de littérature. II « XIIe entretien » pp. 429-507

« On ne l’achète pas au poids de l’or, on ne l’obtient pas pour l’argent le plus pur. […] « Mes discours couleront de la simplicité de mon cœur, et mes pensées seront pures de toute intention de t’affliger. […] Voilà, dans l’âme, le rôle de l’intelligence pure : elle voit, elle pense, elle apprécie sa situation, mais elle est impassible. […] C’est le sort de l’âme considérée comme pure intelligence.

1303. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

À cela près, Juvénal, soit dans l’imprécation contre les vices, soit dans la peinture des vertus pures et douces qui font contraste aux horreurs de ces vices, était véritablement un écrivain de premier ordre dans la force comme dans la grâce. […] Il ne fut point courtisan comme Racine ; il fut plus immaculé de complaisance que Bossuet, plus pur de tout manége que Fénelon, plus noblement désintéressé que Corneille, aussi dégagé d’orgueil et d’envie que Molière, exemple accompli du parfait honnête homme dans sa vie publique comme dans sa vie privée. […] On ferait son histoire par ses amitiés ; elles étaient toutes pures, grandes ou glorieuses. […] On peut en dire autant de presque tous les vers du poème : Lui-même le premier, pour honorer la troupe, D’un vin pur et vermeil il fait remplir sa coupe ; Il l’avale d’un trait, et, chacun l’imitant, La cruche au large ventre est vide en un instant.

1304. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

Un ciel pur et bleu, où quelques ailes d’anges traversent l’éther, brille au-dessus. […] » XIX Béatrice parle d’abord dans une langue mystique, semblable à celle des anges, et avec un accent qui rappelle l’impassibilité des purs esprits ; puis insensiblement la femme et l’amante se retrouvent dans l’immortelle, et elle reproche sévèrement à son amant les distractions amoureuses qu’il a laissées empiéter dans son cœur sur le souvenir sacré de leur premier amour. […] Puis elle reprend : « Quand de la chair je fus transfigurée en esprit pur, et que ma véritable beauté se fut accrue avec ma vertu, je lui devins moins chère et moins séduisante. — Il tourna ses pas vers de fausses voies, fausses images du vrai beau, qui ne tiennent rien de ce qu’elles promettent. — Et rien ne me servit de demander pour lui des inspirations, par lesquelles, et en songe et autrement, je le rappelais à moi, tant il en avait peu de mémoire. — Il tomba si bas que tous les moyens de le sauver étaient épuisés et qu’il ne restait qu’à l’épouvanter en lui montrant la race perdue des damnés. — C’est pour cela que je visitai la porte des morts, et que mes prières et mes larmes furent adressées à celui qui l’a conduit ici en haut ! […] Je me sens pur et disposé à monter jusqu’aux étoiles. » Voilà le poème du Purgatoire, plein d’allégories glaciales, d’allusions obscures, d’inventions étranges, de rencontres touchantes, de vers surhumains.

1305. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

En retrouvant la piété je retrouvai le calme dans mon esprit, l’ordre et la résignation dans mon âme, la règle dans ma vie, le goût de l’étude, le sentiment de mes devoirs, la sensation de la communication avec Dieu, les voluptés de la méditation et de la prière, l’amour du recueillement intérieur, et ces extases de l’adoration, en présence de l’Éternel, auxquelles rien ne peut être comparé sur la terre, excepté les extases d’un premier et pur amour. […] Lorsque, plus jeune encore, Je rêvais des brouillards et des monts d’Inistore ; Quand, tes vers dans le cœur et ta harpe à la main, Je m’enfonçais l’hiver dans des bois sans chemin, Que j’écoutais siffler dans la bruyère grise, Comme l’âme des morts, le souffle de la bise, Que mes cheveux fouettaient mon front, que les torrents, Hurlant d’horreur aux bords des gouffres dévorants, Précipités du ciel sur le rocher qui fume, Jetaient jusqu’à mon front leurs cris et leur écume ; Quand les troncs des sapins tremblaient comme un roseau Et secouaient leur neige où planait le corbeau, Et qu’un brouillard glacé, rasant ses pics sauvages, Comme un fils de Morven me revêtait d’orages ; Si, quelque éclair soudain déchirant le brouillard, Le soleil ravivé me lançait un regard, Et d’un rayon mouillé, qui lutte et qui s’efface, Éclairait sous mes pieds l’abîme de l’espace, Tous mes sens, exaltés par l’air pur des hauts lieux, Par cette solitude et cette nuit des cieux, Par ces sourds roulements des pins sous la tempête, Par ces frimas glacés qui blanchissaient ma tête, Montaient mon âme au ton d’un sonore instrument Qui ne rendait qu’extase et que ravissement. […] Quelques mois après, son neveu m’écrivit de nouveau pour m’apprendre la mort de son oncle ; il avait vécu, ou plutôt il avait pensé et prié jusqu’au-delà de quatre-vingts ans ; pur esprit qui ne laissait pas une pensée à la terre : elle n’avait été pour lui qu’un marchepied de son autel. […] IV Moi, cependant, caché par la vigne et l’érable, Je regardais, muet, la scène d’Orient, L’ombre que ce beau groupe allongeait sur le sable, Ton visage confus, le vieillard souriant ; Il te donna, pour prix de ta cruche d’eau pure, Un chapelet de grains colorés de carmin, Une croix de laiton, qui battait sa ceinture ; Et toi, courbant ton cou sous sa manche de bure, Tu plias les genoux et tu baisas sa main.

1306. (1884) Articles. Revue des deux mondes

C’est la lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde ; à nous d’en recueillir, d’en concentrer, d’en fortifier les rayons ; à nous de nous faire une raison capable de l’apercevoir de plus en plus distincte et pure, une volonté qui y tende avec une grandissante énergie : à nous par conséquent, à cette force intelligente et libre que développe en nous la pratique du devoir et qui seule est véritablement nous-mêmes, d’accomplir l’œuvre sacrée du progrès. […] Lorsqu’il voit que le jour et la nuit s’égalisent, c’est-à-dire que les peuples qui s’agitaient dans les ténèbres se convertissent à la pure lumière, il fait retentir sa voix d’heure en heure, nuit et jour, cherchant la proie qui lui échappe. » Ainsi encore à propos du castor, dont on croyait qu’il s’arrachait lui-même les organes de la génération pour arrêter la poursuite des chasseurs : « De même tous ceux qui veulent vivre chastes en Jésus-Christ doivent arracher les vices de leur âme et de leur corps pour les jeter à la face du démon. » Et ne trouvons-nous pas comme un dernier écho de ce symbolisme dans Bossuet lui-même quand il dit : « Il semble que Dieu ait voulu nous donner, dans les animaux, une image de raisonnement, une image de finesse ; bien plus, une image de vertu et une image de vice ; une image de piété dans le soin qu’ils montrent tous pour leurs petits et quelques-uns pour leurs pères ; une image de prévoyance, une image de fidélité, une image de flatterie, une image de jalousie et d’orgueil, une image de cruauté, une image de fierté et de courage. […] Ce travail accompli, on devra s’efforcer de découvrir la cause de tous ces faits, « car c’est ainsi qu’on peut se faire une méthode conforme à la nature, une fois qu’on possède l’histoire de chaque animal en particulier, puisqu’alors on voit aussi évidemment que possible à quoi il faut appliquer sa démonstration et sur quelle base elle s’appuie. » Il déclare formellement que l’observation mérite plus de confiance que la théorie ; non qu’il professe le pur empirisme, mais parce que la spéculation doit être vérifiée, aussi loin que possible, par la perception des sens. […] La disposition de l’esprit à adopter cette théorie, et la tendance à la philosophie monistique qui s’y rattache, fournissent la meilleure mesure du degré de développement intellectuel de l’homme. » C’est par pure politesse évidemment que Hæckel place ici les Anglais à côté des Allemands, car, ainsi que le remarque justement M. 

1307. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Après l’avoir vengée sur les points essentiels, il finit, dans un sentiment chevaleresque et qui rappelle celui de Burke, par mettre sa royale mémoire sous la protection des jeunes militaires français qui ne l’ont point connue et qui, venus depuis, sont purs envers elle d’ingratituded : « Au moins, écrivait le prince de Ligne vers la date d’Austerlitz et d’Iéna, que ceux qui s’acquièrent tant de gloire sous les drapeaux de leur empereur, plaignent cette malheureuse princesse qu’ils auraient bien servie… » Ce sont là des alliances d’idées et de sentiments qui honorent. […] Mes soldats (société d’honnêtes gens plus purs et plus délicats que les gens du monde) m’adoraient.

1308. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

L’âge des chansons de geste était proprement passé, et la grande chanson de geste contemporaine du xive  siècle devait être la chronique pure, la chronique émancipée, et elle devait s’écrire en belle, facile et abondante prose. […] Avec quel sentiment chevaleresque ce noble chanoine réserve ses belles expressions de douleur pour la mort du brave et noble chevalier dont la perte est à déplorer, tant sa loyauté était grande, sa foi pure, sa valeur terrible à l’ennemi, et son amour fidèle !

1309. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Son caractère n’était pas formé tout d’une chaîne, ou du moins dans cette chaîne il y avait un anneau peut-être d’un meilleur métal et plus pur que le reste : mais précisément c’était cet anneau qui rompait. […] Dès l’abord, M. de Tréville, cet homme d’esprit, cet ancien ami de Madame Henriette d’Angleterre, devenu l’un des amis de Port-Royal, ce pénitent sincère, mais qui avait lui-même ses variations, avait averti Lassay en essayant de le consoler ; et ce dernier lui répondait : Je sais que vous me faites l’honneur de me dire que le temps adoucit les douleurs les plus vives ; mais les grandes afflictions font le même effet sur l’âme que les grandes maladies font sur le corps : quoique l’on en guérisse, le tempérament est attaqué ; on vit, mais on ne jouit plus d’une santé parfaite : il en est de même de l’âme, elle ne peut plus jamais sentir une joie pure.

1310. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Il en eut pourtant toujours quelque chose dans l’esprit, dans le tour raisonneur, appliqué, logique, en même temps que dans le docte, poli et pur langage. […] Mais, au milieu de tout, cette nature délicate, pure, favorisée d’onction et ornée d’une grâce divine, se retrouve et prend le dessus.

1311. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Ne pourrai-je aujourd’hui éveiller ces yeux spirituels et intérieurs, qui sont cachés bien avant au fond de votre âme, les détourner un moment de ces images vagues et changeantes que les sens impriment, et les accoutumer à porter la vue de la vérité toute pure ? […] Prenez raison dans le sens le plus vif et le plus lumineux, la pure flamme dégagée des sens.

1312. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Quand Maucroix traduisait dans son français large, facile et pur, les homélies d’Astérius ou de saint Jean Chrysostome et un traité de Lactance qu’on venait de recouvrer, il faisait certainement quelque chose d’aussi contraire que possible à certains petits vers qu’on a de lui ; et pourtant il n’était pas hypocrite, il ne parodiait rien en idée, il payait une dette publique à l’état qu’il avait embrassé et à des croyances qu’il n’avait jamais songé à mettre en question. […] Tel était l’ami de La Fontaine, de celui qui disait sans doute un peu à cause de lui : Il n’est cité que je préfère à Reims… Et en vérité, quelle langue délicieuse que celle de ces lettres, cette langue fine et pure, et du meilleur terroir de la France !

1313. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Ce n’est pas un Gaulois resté pur. […] Ou plutôt qui n’a vu l’un de ces braves guerriers et intrépides serviteurs de l’Empire, mais serviteurs vers la fin moroses et grondeurs envers leur grand chef trop infatigable, et qui, dès qu’ils l’eurent perdu et vu tomber, retrouvèrent l’enthousiasme pur et le culte ?

1314. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Le père de Santeul a une veine pure, aisée ; il n’appartient guère à un homme comme moi d’en juger, je veux dire à un homme destiné à la retraite et à des lectures toutes sérieuses ; cependant on ne laisse pas d’en remarquer les traits. […] Là-dessus, désespoir de Santeul, un désespoir naïf, sincère et légèrement comique : il s’attendait à une louange pure et simple ; en écrivant sur le coup à M. 

1315. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

Certainement ce don lyrique, entre ses dons divers, il ne l’avait pas ; poète charmant, vif, inimitable dans la raillerie, pathétique même par accès et sensible par éclairs, il n’avait ni la splendeur des images, ni la magnificence du ton, ni ce que l’antique Pindare a appelé « la pure clarté des muses sonores ». […] Il y a eu, en des temps plus voisins de nous, une autre sœur de roi aussi, qui a voulu partager la destinée de son frère et mourir avec lui : cet autre roi était loin d’être un grand homme ou même un homme supérieur, ce n’était qu’un honnête homme ; cette sœur, c’était une personne douce, pure, simple, pieuse, ayant surtout les trésors du cœur.

1316. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

On cite une madame d’Aligre de Boislandry, dont il a fait un portrait charmant, d’un tour inattendu : « Il disait que l’esprit dans cette belle personne… » C’est un diamant pur que ce petit fragment, comme il l’intitule. […] Je ne vois guère que deux points où son bon sens si ferme se trouve en défaut : la révocation de l’Édit de Nantes, qu’il a louée comme l’a fait presque tout son siècle (mais peut-être, de sa part, était-ce une pure concession politique), et le détrônement de Jacques II ; en ce dernier cas il a certainement obéi à une indignation généreuse et à un sentiment de pitié.

1317. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Tantôt c’est la femme politique toute pure, sans la galanterie ou sans rien du moins qui y ressemble par la grâce, la femme politique âpre, active, ardente, desséchée comme la joueuse qui a passé des nuits autour du tapis vert, ayant besoin de tenir les cartes à tout prix et de jouer la partie de l’Europe pour ne pas mourir comme d’inanition, pour ne pas hurler d’ennui. […] Ainsi, dans une lettre au prince Albert de Broglie au sujet de Donoso Cortès, elle veut marquer que la disposition de cet éloquent Espagnol à maudire notre siècle en masse, disposition qu’elle était loin de partager, ne lui donne pourtant point de l’éloignement pour sa personne et qu’elle se sent plus attirée que repoussée, malgré cette opposition des points de vue : « Jamais, dit-elle, disposition morale ne m’a paru plus étrangère au mouvement de la pensée ; aussi, toute dissidence avec lui (Donoso Cortès) amène un effet surprenant, c’est de se sentir, dans un sens, rapproché de lui à mesure qu’on s’en sépare. » On m’avouera que c’est du Rambouillet tout pur.

1318. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

On fait ordinairement de l’Académie française la continuation pure et simple de l’ancienne ; on va même jusqu’à donner la généalogie des fauteuils. […] Octave Feuillet a pour lui ses doubles succès à la lecture et au théâtre, des observations fines, des situations touchantes, délicates, toujours pures. — M. 

1319. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Si midi, du ciel pur, verse sa lave blanche, Au travers des massifs il n’en laisse pleuvoir Que des éclats légers qui vont, de branche en branche, Fluides diamants que l’une à l’autre épanche, De leurs taches de feu semer le gazon noir. […] Pur et suave Enfant, sœur des Grâces décentes, Ne sème point tes fleurs sur un sol dévasté !

1320. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

C’est ainsi qu’au temps où se composait la Nouvelle Héloïse, lui parlant du prochain mariage d’une jeune fille, il la montrait dans sa pudeur, se désolant à l’approche d’un époux : « C’est, disait-il, une eau pure qui commence à se troubler au premier souffle du vent. » Et il ajoutait, comme pour le piquer au jeu : « Dites de belles choses là-dessus. » Rousseau, en effet, répondant à l’appel, s’emparait de cette pensée et de cette image virginale, et l’employait dans la Nouvelle Héloïse à l’occasion du mariage de Claire (deuxième partie, lettre XV) : « Et, en vérité, elle est si belle, disait-il, que j’aurais cru la gâter en y changeant autre chose que quelques termes. » Il aurait même mieux fait de n’y pas changer un seul mot. […] Un anneau d’or pur est de trop dans une chaîne d’airain : il est cause qu’elle se lâche ou qu’elle se brise.

1321. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

Il a eu présent à la pensée ce mot d’un grand révolutionnaire : « Il n’y a de détruit que ce qui est remplacé. » Il ne s’est donc pas contenté de défaire une vie de Jésus, ce qui n’est pas difficile à la critique en se tenant sur ce terrain de pure discussion ; il a prétendu la refaire. […] Le second ami, qui est, lui, un pur sceptique, et de ceux qui sous ce nom modeste savent très-bien au fond ce qu’ils pensent, est entré brusquement, m’a abordé d’un air contrarié et presque irrité, comme si j’y étais pour quelque chose, et m’a dit, — vous remarquerez que je n’avais pas encore ouvert la bouche : « Tu me diras tout ce que tu voudras (j’oubliais encore d’ajouter que ce second ami est un camarade de collège et qu’il me tutoie), ce livre est une reculade.

1322. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Ces hommes de talent et d’ambition qui, la plupart, depuis l’Assemblée législative avaient déjà tâté de la vie politique et étaient chaque jour en scène, avaient des engagements pris, des liaisons, des antipathies vives, des amis et des ennemis déclarés : lui, il arrivait sur le grand théâtre, à l’état abstrait, pour ainsi dire, neuf, pur du moins de toute prévention personnelle, et l’on peut dire qu’à cet égard il offrait table rase. […] Il nous faut des maîtres plus sensibles qu’instruits, plus raisonnables que savants, qui dans un lieu vaste et commode, hors des villes, hors de l’infection de l’air qu’on y respire et de la dépravation des mœurs qui s’introduit par tous les pores, soient les égaux, les amis, les compagnons de leurs élèves ; que toute la peine, que tout le travail de l’instruction soit pour le maître, et que les enfants ne se doutent même pas qu’ils sont à l’école ; que dans des conversations familières, en présence de la nature et sous cette voûte sacrée dont le brillant éclat excite l’étonnement et l’admiration, leur âme s’ouvre aux sentiments les plus purs ; qu’ils ne fassent pas un seul pas qui ne soit une leçon ; que le jour, la nuit, aux heures qui seront jugées les plus convenables, des courses plus ou moins longues dans les bois, sur les montagnes, sur les bords des rivières, des ruisseaux ou de la mer, leur fournissent l’occasion et les moyens de recevoir des instructions aussi variées que la nature elle-même, et qu’on s’attache moins à classer les idées dans leur tête qu’à les y faire arriver sans mélange d’erreur ou de confusion. » Vous voyez d’ici le tableau idéal et enchanteur de toutes ces écoles primaires et rurales de la République française, où chaque enfant serait traité comme Montaigne, Rabelais ou Jean-Jacques ont rêvé de former et de cultiver leur unique élève.

1323. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

C’est un doux et pur sujet d’étude que la figure et la vie de Marie Leckzinska, et l’on comprend qu’une jeune femme de mérite s’y soit arrêtée. […] Nous n’en pouvons parler, du reste, que d’après Lemontey qui avait lu la pièce et qui en reproduit indirectement les termes : « Ces mœurs naïves et pures, dit-il, ce mélange d’études graves et de gaieté innocente, ces devoirs pieux et domestiques, cette princesse qui, aussi simple que la fille d’Alcinoüs, ne connaît de fard que l’eau et la neige, et qui, entre sa mère et son aïeule, brode des ornements pour des autels ; tout retraçait dans la commanderie de Wissembourg l’ingénuité des temps héroïques. » L’idylle ici venait singulièrement en aide à la politique.

1324. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Rubichon si peu connu même de son temps, et dont Lamennais goûtait si fort le tour d’esprit et les hardiesses : c’était un défenseur de l’ancien régime, mais un défenseur si absolu, si pur et si radical, que M. de Bonald semblait pâle auprès de lui. […] J’ai tenu à montrer l’excès dans ce système de restauration pure du passé, dont M. de Bonald nous représente le sommet le plus éminent et le plus imposant, mais dont M. 

1325. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

« Les déserts ou les steppes, les montagnes même qui avoisinent ce beau pays, et surtout le vaste plateau de l’Iran, y amènent l’ennemi plus facilement encore qu’ils ne l’en défendent. » La première et la plus pure des religions de la haute Asie, la religion de Zoroastre, dans sa sincérité primitive et avant sa corruption, est esquissée en traits généraux qui la font respecter et donnent envie de la mieux connaître. […] Martha, fruit d’une étude lente, approfondie et délicate, est animé partout d’un souffle pur et respire comme une paisible sérénité : Marc-Aurèle y est traité comme il aurait aimé à l’être, dans un esprit de conciliation et de mansuétude.

1326. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Pourtant, je ne crains pas de le dire, chez aucun peut-être des écrivains de ce temps-ci, la faculté impersonnelle, dramatique, narrative, cette qualité que nous avons appris à goûter et à révérer dans Shakspeare, dans Walter Scott, comme dans ses représentants suprêmes, et de laquelle, à l’origine du mouvement romantique, on se promettait ici tant de miracles encore à naître, — nulle part, je le crois, chez nous, cette qualité-là ne s’est produite par des échantillons plus complets et plus purs, plus exempts de faux mélange, que chez l’écrivain réputé si sobre. […] Mérimée en admette la moindre trace au sein de cette vaste intelligence de Cicéron ; il en fait un pur avocat sans franchise : par contradiction, l’avouerai-je ?

1327. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

D’ailleurs, l’impression qu’une dernière et plus fraîche lecture a laissée en nous, impression pure, franche, aussi prompte et naïve que possible, voilà surtout ce qui décide du ton et de la couleur de notre causerie ; voilà ce qui nous a poussé à la sévérité contre Jean-Baptiste, à l’estime pour Boileau, à l’admiration pour madame de Sévigné, Mathurin Régnier et d’autres encore ; aujourd’hui, c’est le tour de La Fontaine19. […] Il leur était bien plus facile de s’expliquer Racine et Boileau, qui appartiennent à la partie régulière et apparente de l’époque, et en sont la plus pure expression Littéraire.

1328. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre IV »

Curiosité pure, croyons-nous en effet de la part d’un esprit aussi radicalement sceptique en matière de médecine. […] D’un côté, un fait réel, dûment constatable ; de l’autre, hypothèse pure. »81 À ces objections, M. 

1329. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Et pourtant cet ouvrage contient quelque chose de rare dans la vie, et que le roman avait rejeté depuis Mme de la Fayette comme une pure idée de roman : il y a une grande passion, une passion qui absorbe deux êtres, dévorant leurs âmes et leurs existences. […] La passion n’est pas ici quelque chose de mystérieux, de magique, qui élève l’homme au-dessus de l’humanité, qui l’affranchisse des conditions communes de l’existence : la passion, pure et souveraine, est aux prises avec les petitesses des caractères et les misères de la vie.

1330. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Mais l’œuvre qu’il faut tirer hors de pair, c’est l’Introduction à l’étude de la médecine expérimentale de Claude Bernard927 : œuvre de science pure qui est définitivement établie comme une œuvre maîtresse de la philosophie contemporaine, et qui joint au large intérêt du fond la solide simplicité de la forme. […] Des raisons d’ordre intellectuel ont éloigné Renan de l’Église : mais il est parti sans colère, sans rancune, le cœur tout pénétré au contraire et parfumé pour la vie de la vertu fortifiante, consolante, ennoblissante du catholicisme, reconnaissant de tout ce qu’il lui avait dû de pures joies et de bonnes directions, tant que son progrès intellectuel n’en avait pas détruit l’efficacité !

1331. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Cette théologie est pure encore dans saint Bernard, lequel n’y mêle rien d’étranger. […] Dans la foule des écrits de théologie de cette période, au milieu de tant de détails de pure glose, ou de discipline ecclésiastique, ou d’exaltation mystique dans cette confusion de la philosophie et de la religion, qu’on appelle la scolastique, c’est à peine si l’on rencontre quelques indications de vérités générales.

1332. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

Mais si les symbolistes restaient farouchement individualistes et divisés sur les moyens d’expression, ils se trouvaient unis par une même idée fixe, un même sentiment immuable : la haine de la littérature commerciale, le culte de la poésie pure et la fureur de s’y consacrer. […] Sans doute, Banville avait raison de s’étonner, mais vous êtes trop pur et trop scrupuleux pour vous piquer d’entregent.

1333. (1890) L’avenir de la science « V »

Je dis spéculative, car nul n’est admissible à rejeter son immoralité personnelle sur le compte de son siècle ; les belles âmes sont dans l’heureuse nécessité d’être vertueuses, et le XVIIIe siècle a prouvé que l’on peut allier les plus laides doctrines avec la conduite la plus pure et le caractère le plus honorable. […] Ma conviction intime est que la religion de l’avenir sera le pur humanisme, c’est-à-dire le culte de tout ce qui est de l’homme, la vie entière sanctifiée et élevée à une valeur morale.

1334. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Ce type admirable se continue encore quelque temps dans les premiers âges de la réflexion analytique ; il produit alors ces sages primitifs, qui ne sont déjà plus des mystagogues, mais ne sont pas encore des philosophes, et qui ont aussi leur légende (biographie fabuleuse), mais bien moins créée que celle des initiateurs (mythe pur). […] La pure religion idéale, qui, en Allemagne, a tant de prosélytes, y est profondément inconnue 157.

1335. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Mais aussi, et tout comme chez eux, des idées morales s’y mêlent et relèvent vite ce qui a pu sembler de pure rhétorique. […] On ne sait pas avec précision à quel âge il mourut, mais on se le figure ayant toujours gardé quelque chose de jeune, de riant, de rougissant et de pur, un de ces visages qui sont tout étonnés d’avoir des cheveux blancs.

1336. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Lisons donc du pur Louis XIV, ou mieux écoutons le grand roi causer et raconter : langue excellente, tour net, exact et parfait, termes propres, bon goût suprême pour tout ce qui est extérieur et de montre, pour tout ce qui tient à la représentation royale. […] Cette première lettre si élégante, si riante de surface et d’apparence, ne renfermait au fond que vanité, égoïsme de maître, pur souci de la révérence et du décorum : la scène du bassin des Carpes est au bout.

1337. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

C’est bien là le caractère en effet des Thermidoriens purs ; et, montrant les causes qui rendent impossible sur ce terrain bouleversé et ensanglanté la formation de toute grande popularité nouvelle : Tous ont appris à se défier, ajoute-t-il, de cette périlleuse élévation ; fussent-ils tentés d’y aspirer, ils n’y parviendraient pas, car les racines de toute autorité individuelle sont desséchées : ni l’Assemblée, avertie par l’exemple de Robespierre, ni le peuple, dégoûté de ses démagogues, ne le souffriraient. […] Bien fou, selon lui, qui proposerait des conjectures : «  Les conjectures sont à pure perte, et les prédictions des folies. » Les contemporains pourtant veulent à tout prix des solutions, et se plaignent qu’on les en laisse manquer.

1338. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Mais s’ils en ont eu à quelque moment l’idée ou la velléité, ils n’ont pas osé ; ils n’ont pas assez aimé la pure chose universitaire jour cela. […] Guizot pour revenir aux lettres pures, qui sont sa grande, son incontestable et charmante supériorité, n’en déplaise au philosophe.

1339. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Ici, à moins d’être averti qu’il s’agit d’une histoire vraie, on croirait être en pure fiction, comme du temps de Théagène et Chariclée ; c’est la vie qui imite le roman à s’y méprendre. […] Dans Molière, au fond du comique il y a un honnête homme qui n’est indifférent ni au bien ni au mal, ni au vice ni à la vertu, il y a même quelque peu un misanthrope : dans Regnard, au fond, il n’y a que le bon vivant et l’homme de plaisir le plus désintéressé et le plus libre, à qui la vie n’est qu’un pur carnaval.

1340. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Ce Franklin de 1767, ainsi frisé, poudré et accommodé à la française, et qui s’étonnait d’avoir quitté pour un instant sa perruque plus grave, différait tout à fait du Franklin pur Américain qui reparaissait en 1776, et qui venait demander l’appui de la Cour dans un costume tout républicain, avec un bonnet de fourrure de martre qu’il gardait volontiers sur la tête ; car c’est ainsi qu’il se montra d’abord dans les salons du beau monde, chez Mme Du Deffand, à côté de Mmes de Luxembourg et de Boufflers, et autres puissances : Figurez-vous, écrit-il à une amie, un homme aussi gai qu’autrefois, aussi fort et aussi vigoureux, seulement avec quelques années de plus ; mis très simplement, portant les cheveux gris clairsemés tout plats, qui sortent un peu de dessous ma seule coiffure, un beau bonnet de fourrure qui descend sur mon front presque jusqu’à mes lunettes. […] Tout ce qu’il dit à ce sujet dans ses lettres (et il y revient à plusieurs reprises) est de pur bon sens, d’un ton plus digne encore que moqueur, et sans fausse modestie.

1341. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

Imagination qui va, les ailes ouvertes et avec des frémissements presque fous, à toutes choses, même aux vilaines, et quelquefois de préférence à celles-là, enfant terrible qui remue tout avec le bout de sa bûchette, — le fond du ruisseau qui était pur et le bord qui ne l’était pas, — Michelet a écrit, comme on le sait, l’Oiseau et l’Insecte, deux livres à la Bernardin de Saint-Pierre, d’une observation assez innocente. […] L’amour de la spécialité, cette furie de la médiocrité d’un temps qui remplacera incessamment le talent par le métier, l’amour de la spécialité ne nous a pas à ce point brouillé la cervelle que nous ne puissions très bien admettre des livres où l’imagination étend sa couleur inspirée sur les notions exactes de la science et rêve parfois à côté… Entre les savants purs et les poètes ou les écrivains de sentiment et de fantaisie, il y a des écrivains intermédiaires, ayant les deux dons à la fois, dans des degrés différents, qui savent composer des livres moins austères que la science, mais non pas cependant frivoles parce que l’imagination y ajoute son charme.

1342. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Il me serait facile de citer un grand nombre de cas typiques ; toutefois cette discussion nous mènerait à l’esthétique pure, et je ne veux faire, ici, qu’une esquisse historique. […] Ce jugement de la postérité, seul légitime pour l’esthétique pure, n’est pas sans danger pour l’histoire : il a ses oublis injustes et ses admirations traditionalistes ; il prête souvent aux prédécesseurs des lumières, des goûts, des intentions qu’ils ne pouvaient pas avoir, et il exagère fréquemment l’influence qu’une œuvre de valeur absolue exerça sur son époque.

1343. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Même dans des sujets qui comportent l’abstraction pure, M.  […] Son œuvre survit, admirablement pure, à son péché, et elle l’ignore ou elle l’absout. […] C’est vraiment de lui qu’on peut dire qu’il est « un intellectuel » au pur sens de ce mot, si galvaudé, aujourd’hui. […] Vielé-Griffin, « un grand, pur et noble poète ». Parmi les ouvrages de ce pur, noble et grand poète, M. 

1344. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Les saints et purs mobiles des croisades de religion les rendirent, un seul moment, dignes de la lyre du Tasse : depuis cette époque précise, il n’appartint plus qu’à l’histoire de constater la dégénération de leur grandeur en une politique ambitieuse, commerciale, vindicative, et spoliatrice. […] Puisse l’ouvrage salutaire de Fénelon, qui se nourrissait du miel attique le plus pur, nous détourner, en nous inspirant son goût, de chanter ces passions fatales ! […] Ce tour ressemble à la pure latinité. […] Alors qu’il voudra déplorer la mort d’Euryale en le comparant à une fleur mourante, prononcera-t-il des vers aussi purs que ceux-ci ? […] Jamais puisa-t-on à une source plus pure, plus abondante, plus profonde, les exemples de ces trois sortes de merveilleux que nous avons séparées et définies, dont nous exposâmes les applications distinctes dans les divers poèmes, et que nous retrouvons à la fois réunies dans celui d’Homère ?

1345. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LVIII » pp. 220-226

» Tel est l’effet curieux à étudier et désormais manifeste du génie lyrique dont on a abusé, de cette inspiration de pure fantaisie et de jeunesse où l’on avait tout mis, de cette lacune morale sous des airs de sentiment, de cette vie épicurienne et de plaisir sous un vernis de mysticisme et de religiosité.

1346. (1874) Premiers lundis. Tome I « Fenimore Cooper : Le Corsaire Rouge »

Sa conduite, dans la tempête, au milieu des murmures de l’équipage, sa résolution de monter au mât sur le refus du lieutenant, sa volonté ferme de demeurer à bord du vaisseau abandonné tant qu’il en restera une planche à flot, tous ces sentiments énergiques et vrais répandent au milieu de tant de scènes déchirantes une forte teinte de sublimité morale qui rehausse et achève leur effet ; et lorsque, après la tempête, la nuit, sous les rayons de la lune, on voit Wilder, au gouvernail de la chaloupe, se pencher en avant, comme pour entendre la douce respiration de Gertrude endormie, l’âme du lecteur, qui a passé par tous les degrés de l’angoisse, jouit délicieusement de cet instant de pure ivresse, et succombant aux sensations qui l’inondent, elle dirait volontiers avec le poète : C’est assez pour qui doit mourir.

1347. (1875) Premiers lundis. Tome III « Eugène-Scribe. La Tutrice »

Elle est restée pure, sa vie est sans reproche ; Amélie explique les absences et les déguisements qu’on lui imputait à crime, en faisant connaître à Léopold que c’est elle qui, sous l’habit de religieuse, allait le veiller dans sa prison quand il était malade et qu’il avait le délire ; et, pour preuve, elle veut lui rendre un anneau qu’elle portait précieusement à son doigt depuis le jour où, dans un accès d’exaltation furieuse, il l’avait donné à la religieuse qui veillait à son chevet.

1348. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les legs de l’exposition philosophie de la danse »

Rien n’était d’une élégance plus chaste que la danse de Mlle Beaugrand — ou même de cette Cornalba pour qui Meilhac éprouva un sentiment d’une spiritualité si pure qu’un jour il commanda son portrait sans lui avoir jamais adressé la parole.

1349. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Casuistique. » pp. 184-190

— de conseiller au peuple et aux bourgeois d’avoir des mœurs pures, de « maîtriser leurs appétits », d’être moins égoïstes, de moins aimer l’argent, de renoncer à ces besoins de luxe relatif et de vanité qui déterminent les ménages français à limiter par tous les moyens le nombre de leurs rejetons.

1350. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IV »

La vénerie et le blason possèdent des langues entièrement pures et d’une beauté parfaite ; mais il m’a semblé plus curieux de choisir comme type de vocabulaire entièrement français celui d’une science plus humble, mais plus connue, celui de l’ensemble des corps de métier nécessaires à la construction d’une maison.

1351. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Hernani » (1830) »

Le principe de la liberté littéraire, déjà compris par le monde qui lit et qui médite, n’a pas été moins complètement adopté par cette immense foule, avide des pures émotions de l’art, qui inonde chaque soir les théâtres de Paris.

1352. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 3, que le merite principal des poëmes et des tableaux consiste à imiter les objets qui auroient excité en nous des passions réelles. Les passions que ces imitations font naître en nous ne sont que superficielles » pp. 25-33

Le plaisir qu’on sent à voir les imitations que les peintres et les poëtes sçavent faire des objets qui auroient excité en nous des passions dont la réalité nous auroit été à charge, est un plaisir pur.

1353. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 34, du motif qui fait lire les poësies : que l’on ne cherche pas l’instruction comme dans d’autres livres » pp. 288-295

Il est vrai néanmoins pour continuer la figure, qu’on trouve quelquefois de l’or le plus pur, à côté de ce clinquant.

1354. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Première partie. Les idées anciennes devenues inintelligibles » pp. 106-113

L’éloquence prodiguée en pure perte se glace sur les lèvres, et retombe avec amertume sur le cœur.

1355. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Mais Walter Scott, Gœthe, Robertson, Addison, eurent le bon sens et la générosité de supposer à leurs conseillers des intentions pures. […] Elle est la véritable imitation de la nature ; elle est plus complète que la pure analyse ; elle ranime les êtres ; son élan et sa véhémence font partie de la science et de la vérité. […] Le parfait législateur est un exact intermédiaire entre l’homme de pure théorie, qui ne voit rien que des principes généraux, et l’homme de pure pratique, qui ne voit rien que des circonstances particulières. […] Il fait taire les objections de sa conscience, et endurcit son cœur contre les spectacles les plus émouvants, en se répétant à lui-même que ses intentions sont pures, que son objet est noble, et qu’il fait un petit mal pour un grand bien. […] He silences the remonstrances of conscience, and hardens his heart against the most touching spectacles of misery, by repeating to himself that his intentions are pure, that his objects are noble, that he is doing a little evil for the sake of a great good.

1356. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Fictions, pures fictions, contre lesquelles tant d’hommes généreux ont au contraire protesté de toute manière, et qu’un geste du peuple a fait évanouir au soleil de juillet ! […] La société sans la religion, c’est une pure abstraction que vous faites, car c’est une absurde chimère qui n’a jamais existé. […] On dit, tout le monde dit : La société croule par les mœurs ; la volupté a tout envahi ; l’amour du plaisir a tari toutes les sources pures où la vie sociale s’alimentait. […] Ce ne sont plus, comme dans les siècles précédents, quelques accents délicats et purs, quelques retours heureux à l’antiquité, de l’analyse et de l’éloquence ; c’est la poésie elle-même qui a paru. […] Et ces phénomènes, que nous appelons mort, sont encore de la vie, de la vie à part, si je puis parler ainsi, mais de la vie ; car la mort absolue est une pure conception de notre esprit.

1357. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

Un peu plus tard toute cette pâleur de la lumière tourne au bleuâtre, devient un pur Achenbach, azur et blanc, avec des luminosités sibériennes. […] Il y a bien le rationalisme, le scepticisme, mais le matérialisme pur, cela n’existait plus, il y a quelques années… Et dernièrement, lors du prix de 20 000 francs et de la discussion au sujet de Mme Sand, n’a-t-il pas dit que le mariage était une institution condamnée, que ça n’aurait bientôt plus lieu… « Oh ! […] je vous citerai trente femmes de bourgeois que je connais, et qui sont pures. […] Entre les deux fenêtres donnant sur la Seine, se lève une gaine carrée, portant un buste de marbre blanc de Pradier, le buste de la sœur de Flaubert, morte toute jeune, et qui avec ses traits purs et droits, encadrés dans deux grandes anglaises, semble une Grecque retrouvée dans un keepsake. […] Comme repos, c’est coupé de pipettes, que Flaubert brûle vite, et de dissertations littéraires, et de thèses tout à fait en opposition avec la nature de son talent, et d’opinions de parade et de chic, et de théories assez compliquées et assez obscures, sur un beau, non local, non spécial, un beau pur, un beau de toute éternité, un beau, dans la définition duquel il se perd et s’embrouille, mais dont il s’esquive assez spirituellement par cette phrase : « Le beau, le beau… c’est ce par quoi je suis vaguement exalté ! 

1358. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Diderot, le matérialiste Diderot, ajoute au cynisme de sa philosophie, qui serait cynique pour les plus purs, le cynisme de son tempérament. […] Quand on obéit à cette consigne-là, on se soucie bien des œuvres humaines désintéressées et pures ! […] Le génie donc donné à Diderot est un pur don. […] C’est qu’il s’agit ici d’idées pures et de théories, et non plus de ces faits d’art comme il en fallait à sa nature artiste et magnétique. […] Il se jeta dans cette mer de matérialisme comme Sapho dans une mer plus pure, et, comme elle, il y perdit sa lyre et s’y noya.

1359. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Ce sont des statues de dieux taillées dans le pur granit. […] Consent-elle parfois à se réduire à la narration pure, son élan ne s’affaiblit pas. […] Ce jeune homme est géomètre, et, selon la méthode de Platon, passe peu à peu de la notion des figures à la contemplation des pures idées. […] L’illusion était parfaite ; nous apercevions un monde sublime et pur. […] Le petit livre de Madame de la Fayette est un écrin d’or où luisent les purs diamants dont se paraît l’aristocratie polie.

1360. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

— Lorsque, par pure fantaisie, M. de Balzac accepte le mariage et en décrit les douceurs, il devient beaucoup plus immoral que quand il l’attaque, car il le rend indécent. […] S’il ne se met pas sur la liste, c’est par pure modestie, et il est bien sûr, d’ailleurs, que ses lecteurs y suppléeront. […] Albert de Broglie a le droit de le rappeler, cette idée s’est emparée de lui et a percé dans ses écrits, dès son entrée dans cette carrière d’historien et d’écrivain catholique où il unit une piété si sincère et un talent si pur à un esprit si loyalement ouvert à toutes les libertés de la pensée. […] Madame de Hautefort, elle aussi, est ambitieuse et fière ; mais que cette ambition est pure ! […] Avec cette vivacité d’impressions qui le caractérise, il lui a suffi de s’approcher de cette femme aussi belle et plus pure que ses illustres contemporaines, pour que sa pensée et son langage y prissent un je ne sais quoi plus grandiose, plus mâle, plus simple, pour qu’une émotion indéfinissable se répandit sur tout son ouvrage, et éclatât, à la fin, en d’incomparables accents.

1361. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

C’est dans ce genre que fleurit Ménandre, poete aussi pur, aussi élégant, aussi naturel, aussi simple, qu’Aristophane l’étoit peu. […] Le tems vient où ses eaux pures sont le miroir le plus fidele que puissent consulter les Arts. […] Les décorations de pur ornement sont arbitraires, & n’ont pour regle que le goût. […] Nous ne reveillerons point la fameuse di pure sur Homere : les ouvrages que cette dispute a produits sont dans les mains de tout le monde. […] Ils avoient raison : sans un esprit droit & une ame pure, l’imagination n’est qu’une Circé, & l’harmonie qu’une sirene.

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