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853. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Dans sa jeunesse, il avait été, comme toute la fleur de la Cour, dans le cortège de Ninon, un peu son amant et beaucoup son ami ; il correspondit quelquefois avec elle pendant sa longue disgrâce : le petit nombre de lettres authentiques qu’on a de Ninon sont adressées à Saint-Évremond, et elles nous la font bien connaître par le côté de l’esprit, le seul par lequel elle a mérité de survivre. […] Aujourd’hui que la fleur de votre grande jeunesse est passée (le mot est rude, mais vous me l’avez écrit tant de fois, que ce n’est que le répéter), vous retenez tant de bonne mine sur votre visage et conservez tant d’agrément dans l’esprit, que, n’était la délicatesse de votre choix à recevoir le monde, il y aurait autant de foule chez vous sans intérêt qu’il y en a dans les cours où il y a le plus de fortune.

854. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Et la nouvelle de sa touchante action faisant bruit déjà dans les prairies, tout le pays s’était pris d’amour pour elle : « C’étaient, la nuit, de longues sérénades, des guirlandes de fleurs à sa porte attachées, et le jour, des présents choisis que les filles enfin à sa cause entraînées venaient lui présenter avec des yeux tout amis. » Annette surtout était en tête de cette bonne jeunesse. […] Elle fut écrasée brutalement dans sa fleur, et comme noyée dans le sang de ceux qui la cultivaient.

855. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

Je commencerai par citer tout d’abord de lui une page célèbre, et qui rassemble, dans un exemple sensible, la fleur de ses plus habituelles et coutumières qualités. […] par l’aimable saint François de Sales, si on se l’imagine un seul moment jeune, non encore saint, helléniste et amoureux : Et sur le commencement du printemps, que la neige se fondoit, la terre se découvroit et l’herbe dessous poignoit ; les autres pasteurs menèrent leurs bètes aux champs : mais devant tous Daphnis et Chloé, comme ceux qui servoient à un bien plus grand pasteur ; et incontinent s’en coururent droit à la caverne des Nymphes, et de là au pin sous lequel étoit l’image de Pan, et puis dessous le chène où ils s’assirent en regardant paitre leurs troupeaux… puis allèrent chercher des fleurs, pour faire des chapeaux aux images (le bon Amyot, par piété, n’a osé dire : pour faire des couronnes aux dieux), mais elles ne faisoient encore que commencer à poindre par la douceur du petit béat de Zéphyre qui ouvroit la terre, et la chaleur du soleil qui les échauffoit. » Si vous croyez que ce petit béat de Zéphyre soit dans le grec, vous vous trompez fort ; c’est Amyot qui lui prête ainsi de cette gentillesse et de cette grâce d’ange, en revanche sans doute de ce qu’il n’a osé tout à côté appeler Pan et les Nymphes sauvages des dieux.

856. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Dans la troisième partie, l’Ombre de Mme de Buffon, morte à la fleur de l’âge et de la beauté, nous est représentée s’adressant à la Parque pour la fléchir, et obtenant la guérison de son époux. […] Amants des roses passagères, Ils ont les grâces mensongères Et le sort des rapides fleurs : Leur plus long règne est d’une aurore ; Mais le Temps rajeunit encore L’antique laurier des neuf sœurs.

857. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Un jour, au peintre David, qui lui faisait la grimace en voyant des fleurs de lis dessinées qu’il avait assez imprudemment sur son gilet, il répondit : « Que voulez-vous ? […] Sans amis, comme sans famille, Ici-bas vivre en étranger ; Se retirer dans sa coquille Au signal du moindre danger ; S’aimer d’une amitié sans bornes ; De soi seul emplir sa maison ; En sortir, suivant la saison, Pour faire à son prochain les cornes ; Signaler ses pas destructeurs Par les traces les plus impures ; Outrager les plus tendres fleurs Par ses baisers ou ses morsures ; Enfin, chez soi, comme en prison, Vieillir de jour en jour plus triste, C’est l’histoire de l’égoïste Et celle du Colimaçon.

858. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Mais un art qui ne nous procurerait ainsi que des sensations agréables disposées le plus savamment possible ne nous donnerait qu’un pur abstrait des choses et du monde ; or, le miel le plus doux extrait de la fleur ne vaut pourtant pas la fleur.

859. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre VI. Des Livres qui traitent de la Rhétorique. » pp. 294-329

Mais ces traits déliés ne sont que trop communs dans notre siécle, & loin de nous donner le moyen de faire un amas de fleurs, sous lesquelles le goût se perd, il faudroit plûtôt nous apprendre l’art d’être simple. […] & ne prenant que la fleur de la plus pure antiquité, on feroit un ouvrage exquis.”

860. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVI » pp. 100-108

Il n’est pas moins vrai que Villemain, au milieu de toutes les grâces brillantes et mondaines dont il a su recouvrir sa nature première, reste foncièrement un esprit universitaire, une fleur et une lumière de rhétorique et d’académie.

861. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

Pour Joseph, il n’avait pas ainsi toutes ses aises pour rêver, ni toutes ses ressources pour peindre ; il avait fait pour tout voyage celui d’Amiens à Paris, et peut-être encore quelque excursion à Rouen pendant les vacances de l’École de médecine ; il vivait dans un faubourg, ne connaissait d’arbres que ceux de son boulevard, de fleurs que celles qui poussaient dans les fentes des pavés de sa cour, de femmes que les fantômes de ses rêves ou les héroïnes des romans qu’il avait lus.

862. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De la philosophie. »

Il n’y a plus de fleurs dans ce parterre qu’elle a parcouru ; son amant n’y peut voir que la trace de ses pas.

863. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VI. De l’emploi des figures et de la condition qui les rend légitimes : la nécessité »

Et dans la critique littéraire, quand on a comparé ses auteurs aux aigles, aux lions, aux papillons, aux abeilles, aux prairies émaillées de fleurs, aux montagnes abruptes, aux clairs ruisseaux, aux torrents furieux, quelle idée a-t-on donné aux lecteurs de leur talent et de leurs œuvres ?

864. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mallarmé, Stéphane (1842-1898) »

Maurice Le Blond Quant à la forme poétique dont il usa pour parfaire de beaux poèmes comme Apparition, les Fleurs ou ce fragment d’Hérodiade que jamais il n’eut l’audace et la foi d’achever, ce serait une grossière erreur de croire qu’elle lui appartient en propre.

865. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’état de la société parisienne à l’époque du symbolisme » pp. 117-124

La fine fleur de la société, en quête de distractions distinguées, imite les grands ducs en tournée, découvre les tsiganes, les lutteurs de chez Marseille, la Goulue, le Pétomane et se donne patience, en accréditant le Moulin Rouge et la foire de Neuilly, d’attendre la Foire des foires, en construction, l’exposition universelle de 1900 qui sera surtout prétexte à villages nègres et à danses du ventre.

866. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVIII » pp. 198-205

On lit dans la Muse historique de Loret ces vers : Le roi festoya l’autre jour La plus fine fleur de sa cour, Savoir sa mère et son espouse.

867. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

L’auteur s’imagine être dans un jardin orné des plus belles fleurs.

868. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — De la langue Latine. » pp. 147-158

A force de s’appliquer à retenir les fleurs de la plus exquise latinité, il parvint à se faire un stile clair, élégant, agréable, sur-tout dans ses Colloques & dans son Eloge de la folie.

869. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence du barreau. » pp. 193-204

Elle abjure tout art imposteur, tout faste de l’érudition, tout faux brillant des fleurs, l’inutilité des digressions, tout ce qui n’est que de pur ornement.

870. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Bien des pensées durables, recueillies dans les Conseils de Morale, ont été discernées et tirées du milieu de quelque article sur un fade roman, sur un plat vaudeville ; elles y naissaient tout à coup comme une fleur dans la fente d’un mur96. […] Elle dit de Mme Des Houlières : « Ses idylles n’ont peut-être d’autre défaut que de vouloir absolument être des idylles… Elle a mis de l’esprit partout et des fleurs où elle a pu. » — « Le talent de Mme Cottin ne permet guère de le juger, dit-elle, que lorsque les émotions qu’elle a fait naître sont passées, et ces émotions durent longtemps. » Elle dit du style de Mme de Genlis qu’il est toujours bien et jamais mieux 97. […] Il a été ravi depuis dans la fleur de la jeunesse.

871. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

Ce fut probablement un peu avant ; elle l’eut l’année même de son mariage, et sa beauté s’en tira sans trop d’échec ; l’éclipse fut des plus passagères. « Pour ce qui regarde Mme de Longueville, dit Retz, la petite vérole lui avoit ôté la première fleur de sa beauté ; mais elle lui en avoit laissé presque tout l’éclat, et cet éclat, joint à sa qualité, à son esprit et à sa langueur qui avoit en elle un charme particulier, la rendoit une des plus aimables personnes de France. » M. de Grasse se croyait plus fidèle à son caractère d’évêque en lui écrivant, dès qu’elle fut rétablie : « Je loue Dieu de ce qu’il a conservé votre vie… Pour votre visage, un autre que moi se réjouira avec plus de bienséance qu’il n’est pas gâté. […] Elles sont souvent des caractères qu’y grave la divine Miséricorde, pour faire lire aux personnes qui ont trop aimé leur teint que c’est une fleur sujette à se flétrir devant que d’être épanouie, et qui, par conséquent, ne mérite pas qu’on la mette au rang des choses que l’on peut aimer. » Le courtois évêque ne s’étend si complaisamment sur ces traces miséricordieuses au visage, que parce qu’il est sûr par Mlle Paulet qu’il n’y en a point. […] Quelle fleur de janséniste cela devait faire !

872. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

XXVI De cette vie d’étude il sortit successivement pour une demi-publicité d’élite une longue série de livres, les uns, souvenirs personnels de ses voyages, fleurs de sa jeunesse, recueillies de vingt à vingt-cinq ans en Orient, desséchées entre les pages de ses notes rapides, dont il recueillit à loisir l’essence et l’odeur pour en recomposer les meilleurs parfums de sa vie ; les autres, des morceaux d’histoire diplomatique et politique, très neufs, très originaux, très instructifs, qui révèlent au temps présent les pensées calomniées du gouvernement des Bourbons ; les autres enfin, entièrement d’érudition littéraire, traductions, dissertations, commentaires sur les textes du grec ancien et du grec moderne dont il a prodigieusement enrichi la littérature de ces derniers temps. […] Il y a là cependant un souvenir qui rappelle les miens plus que tous les autres : c’est celui d’une femme célèbre, énigme mystérieuse du roman ou de l’histoire, lady Esther Stanhope, que M. de Marcellus visita auprès de Saïde, dans la fleur de sa beauté et dans le prestige de ses aventures, et que je visitai moi-même, vingt ans après, dans la maturité de ses années et dans la constance de son exil du vieux monde ! […] Cette cour est un jardin garni de fleurs odoriférantes.

873. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

Nous sortîmes de la chambre pendant qu’elle faisait les lits, le mari nous servit sur une nappe bien blanche son pain bis, bien frais, de froment, un morceau de fromage de gruyère tout ruisselant de pleurs et des grappes de raisin noir et blanc qui n’avaient pas encore perdu leur fleur ; pendant que nous soupions ainsi, la mère redescendit, et nous causâmes ensemble pendant qu’elle donnait des soins à son gras nourrisson, et que le père balançait les deux petites filles sur chacun de ses genoux avec un mouvement d’escarpolette. […] XXVI Un quart d’heure après je leur présentai mes charmantes nièces, ces fleurs qui croissent sur mes ruines et quelques hôtes du château qui étaient venus en charmer les dernières bonnes heures. […] Mes nièces menèrent les jeunes filles causer dans les allées et cueillir les grappes et les fleurs sous les treilles ; bientôt l’heure du départ sonna pour les aimables pèlerines.

874. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Elle avait jonché de toutes sortes de fleurs le tombeau et la terre alentour ; un beau tapis de damas était étendu sous ses genoux ; sur le tapis il y avait quelques vases de fleurs et une corbeille pleine de figues et de galettes d’orge, car cette femme devait passer la journée entière à pleurer ainsi. […] C’est une femme qui parle : Quand assise à douze ans à l’angle du verger, Sous les citrons en fleurs ou les amandiers roses, Le souffle du printemps sortait de toutes choses, Et faisait sur mon cou mes boucles voltiger, Une voix me parlait si douce au fond de l’âme, Qu’un frisson de plaisir en courait sur ma peau ; Ce n’était pas le vent, la cloche, le pipeau, Ce n’était nulle voix d’enfant, d’homme ou de femme ; C’était vous !

875. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Des parfums vertigineux se dégageaient des fleurs, l’air grisait, on était fou de lyrisme et d’art. […] Paul Meurice De l’œuvre qu’il conçoit à l’œuvre qu’il construit, Ensemble il rêve, atteint, accomplit le prodige ; L’oranger fait pousser à la fois sur sa tige La fleur, le bouton et le fruit. […] S’il n’a pas la fermeté magistrale, la certitude d’exécution souveraine, qui marquèrent bientôt toutes ses œuvres, il a le charme de la jeunesse, son enthousiasme ardent et tendre, une candeur grave, une foi profonde, la fleur du génie.

876. (1866) Dante et Goethe. Dialogues

Elle sautait lestement à bas de son cheval, détachait de la selle une gerbe de fleurs sauvages, et s’avançait vers Diotime avec un air gracieux. […] Quoi qu’il en soit, Béatrice était frappée dans la fleur de sa jeunesse et de sa beauté, le 9 juin 1290. […] Elle prenait comme au hasard, quelque tige dans la gerbe de fleurs, et l’y remettait aussitôt avec distraction… À ce moment, la couronne qu’elle oubliait de tresser échappait à ses doigts. […] Le paradis terrestre lui rappelle le Parnasse ; la comtesse Mathilde cueillant des fleurs sur les rives du Léthé est semblable à Vénus et à Proserpine. […] Le pupitre en laque rouge à fleurs d’or est orienté selon les rites.

877. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

La littérature fut-elle la fleur de cette sensualité ou le pis-aller en lequel cette sensualité se transposait ? […] L’auteur de Basile et Sophia a toujours cultivé, dans un de ses pots de fleurs, un brin un peu bizarre d’ascétisme. […] Flaubert d’appeler Vitellius “cette fleur des fanges de Caprée”. […] Isolés par le malveillant critique, les six mots sont en effet une fleur de rhétorique. […] Lanson, une édition savante des Fleurs du Mal ?

878. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Des faïences à fleurs pendraient après les clous, Puis beaucoup de chapeaux de paille et des ombrelles. […] L’air, les eaux, les arbres, les fleurs, les cygnes, toute la création chante à la femme sa bienvenue au jour. Ève, déjà inquiète et capricieuse, trouve les animaux, les fleurs, les oiseaux beaucoup plus jolis et plus heureux qu’elle. […] Vivant dans la campagne, nous prenons plaisir aux images qu’elle nous offre d’une vie plus simple que la nôtre et qui glisse par degrés jusque dans la vie inconsciente : vie des animaux, vie des arbres et des fleurs, vie des eaux et des nuages. […] Ciel de Paris, rues de Paris, femmes de Paris, fleurs, musique, voyages, le monde, les salons, la toilette, le foyer et les enfants, sa plume court au travers de tout cela, plus inquiète, plus aiguë, plus subtile, plus aventureuse que tout à l’heure.

879. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Les seconds, beaucoup moins connus, ont l’intention d’être des fleurs de piété chrétienne et de pousser à la conversion du public. […] Quand parut son premier livre : les Fleurs du Bitume, je n’y compris rien. […] Les Pierrots et les Colombines en paniers de l’auteur du Départ pour Cythère, paraissent avoir fort encombré l’imagination de ce vagissant écolier des plafonds lilas et des aurores fleur de pêcher du siècle des madrigaux. […] Ces quatre mélodies naïves : Noël breton, la Chanson de Renaud, la Vigne, les Sabots, ces simples et délicieuses fleurs de bruyère à un seul pétale, ont opéré en moi une sorte de rafraîchissement divin. […] Les Fleurs du Bitume publiées chez Lemerre, en 1878, avaient presque donné sa mesure.

880. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Puis elle me confie, — j’en doute, — qu’elle est en train, dans ce moment, de déserter la peinture pour la cuisine, qu’elle fait des nouilles comme personne, qu’elle s’est même élevée à la confection des pâtés de foie gras, des pâtés de foie gras avec la croûte, et une croûte, s’il vous plaît, où elle peint des fleurs avec du jaune d’œuf, et des feuilles avec je ne sais plus quoi : de la pâtisserie artistique. […] Il dit Diaz un causeur éblouissant, et qui définissait ainsi la peinture de Delacroix : « Un bouquet de fleurs dans de l’eau croupie !  […] Je le revoyais, dans le salon des demoiselles de Villedeuil, les filles du ministre de Louis XVI, les vieilles cousines de ma mère, ce froid et immense salon, aux boiseries blanches, toutes nues, au mobilier rare, empaqueté dans des housses, et où toujours, au dos d’une chaise, était oublié le ridicule d’une des deux sœurs, aux jardinières rectilignes, contenant de pauvres fleurs fanées, aux dunkerques, où s’étageaient des objets d’art légitimistes, je le revoyais, dans ce salon, qu’on aurait pu croire le salon de la duchesse d’Angoulême, adossé debout à la cheminée, son diable d’œil noir, tout plein d’ironie, et à un moment, dans l’ennui de l’endroit solennel, jetant un mot, qui secouait d’un rire, la sèche vieillesse et les robes feuille morte et caca dauphin des deux antiques demoiselles. […] Là, comme ma tante n’avait pas le mépris de l’enfant, du gamin, quand il lui semblait trouver chez lui une intelligence, elle me souffrait auprès d’elle, la plus grande partie de la journée, me donnant toutes ses petites commissions, me faisant l’accompagner au jardin, porter le panier où elle mettait les fleurs, qu’elle choisissait elle-même pour les vases des salons, s’amusant de mes pourquoi, et me faisant l’honneur d’y répondre sérieusement. […] Soudain un engueulement formidable d’Alexis par Méténier, parce qu’Alexis trouve un peu exagérée, la somme de 600 francs de fleurs, que Méténier a commandée, dans la journée, pour nos actrices.

881. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Certes, mon embarras eût été plus grave si je m’étais trouvé perdu dans une forêt d’originalités, si le tempérament français moderne, soudainement modifié, purifié et rajeuni, avait donné des fleurs si vigoureuses et d’un parfum si varié qu’elles eussent créé des étonnements irrépressibles, provoqué des éloges abondants, une admiration bavarde, et nécessité dans la langue critique des catégories nouvelles. […] Peut-être est-ce un guerrier tatoué de fleurs de lys et d’images de dévotion. […] La fleur oubliée ou ignorée ajoute à son parfum naturel le parfum paradoxal de son obscurité, et sa valeur positive est augmentée par la joie de l’avoir découverte. […] Sa robe, exagérée en sa royale ampleur, S’écroule abondamment sur un pied sec que pince Un soulier pomponné joli comme une fleur. […] Ses yeux profonds sont faits de vide et de ténèbres, Et son crâne, de fleurs artistement coiffé, Oscille mollement sur ses frêles vertèbres, Ô charme du néant follement attifé !

882. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

Le roi, dans sa reconnaissance, s’empresse de récompenser les religieux en accordant à l’abbaye les plus grands privilèges : l’abbé Le Grand les énumère : par exemple, « l’exemption de tout impôt pour les domestiques et fermiers de l’abbaye, le droit de pêche dans la rivière de Sèvres, la permission à l’abbaye de porter pour armes de gueules à une fleur de lis d’or, surmontée d’une couronne de même au chef de France ». […] » Le portrait de la première Dauphine, de Marguerite d’Écosse, celle qui donna le baiser de sapience à Alain Chartier endormi, et qui mourut à la fleur de l’âge, victime de la calomnie et abreuvée de dégoûts, en disant pour dernière parole : « F. de la vie !

883. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Guttinguer, avait donné autrefois une fleur de Pensées choisies, tirées surtout des derniers ouvrages du philosophe : c’est une manière commode, mais un peu trompeuse, d’attirer vers Saint-Martin, qui de près est bien plus compliqué que ne l’annonçait ce choix aimable. […]   C’est une chose douloureuse de voir les hommes ne s’apporter réciproquement (dans la société) que le poids et le vide de leurs jours, pendant qu’ils ne devraient tous s’en apporter que les fruits et les fleurs.

884. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Vêtu avec magnificence, monté sur un cheval blanc richement caparaçonné, sa mine chétive et blême contrastait singulièrement avec celle de son jeune oncle, don Juan d’Autriche, qui était à sa gauche dans le cortège, et qui montrait à la foule, dans toute sa fleur de bonne grâce et d’audace, le futur vainqueur de Lépante. […] Il faut s’y résigner : la légende, cette fleur primitive, est morte ou se meurt chaque jour dans ce vaste champ défriché de toutes parts.

885. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Pour le moment, elle se plaît à lui faire de la vie qu’elle mène en ce triste lieu une description reposée et presque attrayante : on l’y voit à merveille, dans cette cellule assez large à peine pour souffrir une chaise à côté du lit, devant la petite table où elle lit, écrit ou dessine, avec le portrait de son ami sous ses yeux ou sur son sein, pour tout ornement de son réduit ayant un bouquet de fleurs que Bosc lui fait envoyer chaque matin du Jardin des Plantes : c’est un joli coin de tableau, que j’appellerais flamand s’il n’était si net et si clair de tout point ; le clair-obscur n’est point le fait de Mme Roland. […] Je connais et j’ai présentes en ce moment à la pensée un certain nombre de femmes instruites, méritantes, éprouvées, natures vaillantes et probes, qui, sorties du peuple ou presque du peuple, ont conquis l’éducation, les lettres, les sciences, les arts même, — quelques-unes la poésie ; — qui pensent et s’expriment avec fermeté, avec nombre et non sans grâce ; qui comptent dans leur intérieur à tous les titres ; qui doublent et affermissent l’intelligence du frère ou de l’époux, le secondent dans sa carrière, l’aident modestement dans ses travaux, et, à défaut d’une certaine fleur peut-être, font goûter les fruits les plus sûrs et ce qu’il y a de meilleur dans le trésor domestique.

886. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

l’écriais-tu, ces admirations, « Ces tributs accablants qu’on décerne au génie, « Ces fleurs qu’on fait pleuvoir quand la lutte est finie, « Tous ces yeux rayonnants éclos d’un seul regard, « Ces échos de sa voix, tout cela vient trop tard ! […] Bien des fois sans doute, bercé nonchalamment, il regardait le ciel, et sa pensée planait dans l’abîme d’azur ; mais on avait là toujours à deux pas la terre, les fleurs, le bosquet du rivage, le phare allumé de l’amante.

887. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Après avoir chanté, j’écoute et je contemple, À l’Empereur tombé dressant dans l’ombre un temple, Aimant la Liberté pour ses fruits, pour ses fleurs, Le Trône pour son droit, le Roi pour ses malheurs ; Fidèle enfin au sang qu’ont versé dans ma veine Mon père vieux soldat, ma mère Vendéenne ! […] Vous devez vous attendre aussi à vous voir banni de notre terre d’anarchie et d’ignorance : et il manquera à votre exil le triomphe que Platon accordait du moins aux poëtes, les palmes, les fanfares et la couronne de fleurs. » Victor Hugo ne connut Lamartine qu’un ou deux ans plus tard, en 1821, par l’intermédiaire de l’abbé de Rohan ; il voyait déjà M. de Bonald, surtout M. de La Mennais.

888. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

On n’attend pas que nous nous engagions dans une analyse, que nous allions resserrer ce que l’auteur, au contraire, a voulu étendre, que nous décolorions ce qu’il a laissé dans sa fleur de récit. […] Mais M. de La Rochejaquelein, à la première vue de ce drapeau, le sabra en s’écriant : « Prince, nous ne suivons que les Fleurs de Lis ! 

889. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Tel qui se pose en critique fringant et de grand ton, en juge irréfragable de la fine fleur de poésie, se serait élevé pour toute littérature (car celui-là eût été littérateur, je le crois bien) à raconter dans le Mercure galant ce qui se serait dit en voyage au dessert des princes. […] Déjà sans doute les choses se gâtaient : « Des esprits rudes, remarque-t-il, pourvus de robustes organes, sont entrés tout à coup dans la littérature, et ce sont eux qui en pèsent les fleurs. » La controverse, il le remarque aussi, devenait hideuse dans les journaux ; mais l’aménité n’avait pas fui de partout, et il y avait toujours les belles-lettres.

890. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Son âme avide et tendre, Que le siècle brutal fatigua sans retour, Cherche entre ces esprits indulgents à qui tendre L’ardente et lourde fleur de son dernier amour… Et Leuconoé goûte éperdument les charmes D’adorer un enfant et de pleurer un dieu… Et nous aussi nous les aimons, ces femmes, et, parce qu’elle les a consolées et qu’elle console encore les âmes en peine, la religion de Jésus continue d’inspirer à beaucoup de ceux qui ne croient plus une tendresse incurable. […] Le papier du petit salon où joue Pierre Nozière est semé de roses en boutons, petites, modestes, toutes pareilles, toutes jolies : Un jour, dans le petit salon, laissant sa broderie, ma mère me souleva dans ses bras ; puis, me montrant une des fleurs du papier, elle me dit : — Je te donne cette rose.

891. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Jeanne, qui est « une belle fleur », avec des « yeux magnifiques », est « souverainement intelligente », encore qu’elle entende sans rire les tirades de Jacques de Lerne. […] Je retrouve ce style poli, souple, bien tenu, presque toujours précis, non pas coloré, mais fleuri, et cette allure qui me fait songer à un cheval de race, long, aux jambes fines, avec de subits frémissements à fleur de peau.

892. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Ce ne sont pas les fleurs les plus parfumées, les plus fraîches, les plus saines, les plus robustes. […] Cela est si vrai que transplantée dans des pays, en des temps où l’idéal était moins raffiné, où la société était moins polie ou plus démocratique, elle a dépéri comme une fleur délicate exposée aux intempéries d’un climat plus rude.

893. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

« Ces fleurs, disait l’un, nuisent aux fruits et l’auditeur s’amusant à la gentillesse des paroles ne s’applique qu’à demi à la vérité des sentences. » — « C’est, dit un autre, une éloquence babillarde qui dit tout et ne persuade rien ». […] Fénelon a mérité qu’on dit à propos de lui et de ses pareils : « Épaississez-nous donc un peu la religion qui s’évapore à force d’être subtilisée. » Chateaubriand a « romancé » le christianisme et l’a fleuri de fleurs parfois artificielles.

894. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Une fresque du Giotto nous montre Dante tenant à la main une fleur de grenade, symbole des affiliés de la Cabale : Eschyle nous apparaît aussi portant le ciste mystique des initiés d’Éleusis. […] L’olivier rugueux se couvre de fleurs.

895. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

Il continue d’être pour les Jésuites, de les priser et de les estimer, de croire à leur avenir, comme si Pascal n’avait pas tonné ; il continue d’être pour la philosophie des sages d’avant Descartes, pour la philosophie sceptique des Gabriel Naudé, des La Mothe Le Vayer, des Charron, comme si ce grand révolutionnaire et ce grand ennemi de la tradition, Descartes, n’avait point paru pour tout changer ; il continue enfin de goûter les fleurs un peu surannées de l’ancienne littérature, les beautés des d’Urfé, des Scudéry et autres, comme si Boileau n’était pas venu brusquement mettre le holà et réformer le goût. […] Brunck, dans ses notes sur l’Anthologie, le rencontrant sur son passage, l’a salué avec bonheur la « fleur des Évêques » (flos Episcoporum Huetius).

896. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Mistress Félicia Hemans, poète anglais d’une grande distinction, d’une moralité profonde, d’une sensibilité naturelle, toujours revêtue d’imagination et voilée de modestie, a voulu exprimer aussi ce moment amer et cruel, deux fois amer pour un poète et pour une femme, où le cœur déplore la fleur première d’espérance et d’illusion qui s’est à jamais flétrie. […] La société parisienne est observée à fleur de peau ; elle est saisie dans son travers, dans son caprice d’une saison, d’un seul jour, d’une seule classe qui se dit élégante par excellence.

897. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Que ne puis-je aller sur sa tombe semer des fleurs ! […] Navarre, receveur des tailles à Soissons, était, nous dit un homme non amoureux (Grosley), la plus brillante partie de sa famille ; elle visait au grand, à l’extraordinaire, et se fit aimer du maréchal de Saxe : « La beauté, les grâces, les talents, un esprit délicat, un cœur tendre, l’appelaient à cette brillante conquête… Sa conversation était délicieuse70. » Marmontel nous la montre de plus imprévue, capricieuse, avec plus d’éclat encore que de beauté : « Vêtue en Polonaise, de la manière la plus galante, deux longues tresses flottaient sur ses épaules ; et sur sa tête des fleurs jonquille, mêlées parmi ses cheveux, relevaient merveilleusement l’éclat de ce beau teint de brune qu’animaient de leurs feux deux yeux étincelants. » C’est cette amazone, cette belle guerrière qui, sacrifiant l’illustre maréchal au jeune poète, enleva un matin Marmontel à ses sociétés de Paris et le transporta d’un coup de baguette dans sa solitude d’Avenay, où elle le garda plusieurs mois enfermé au milieu des vignes de Champagne comme dans une île de Calypso.

898. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

Parmi les loges d’hommes : celle de Coquelin aîné a quelque chose d’un atelier de peintre, avec ses divans fabriqués de verdures, et les esquisses accrochées aux murs ; celle de Delaunay, de l’amoureux à la voix de musique, est curieuse, par l’affichage un peu enfantin de ses triomphes, par des coussins brodés, des couronnes de fleurs artificielles, un buste, au cou duquel pend une guirlande, sur laquelle on lit sur des bouts de ruban sale, imprimés en lettres d’or les rôles joués par lui, dans quelque ville de province. […] Contre l’un de ces orangers, un oranger qui vient de la cour du château du roi Stanislas, montées sur une échelle, deux fillettes de la campagne, dont on sent le corps libre et nu, sous une jupe et une camisole blanche, font la cueillette de la fleur d’oranger, dans de petits paniers, un drap étendu au-dessous d’elles.

899. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Rien ne berce mon cœur oppressé ni l’abri presque inespéré de ce manoir de Brestenbergw qui vous accueille avec ses fenêtres d’idylle et ses délicatesses de boiseries anciennes, ni au bout du lac cet antique fief prodigieux qui sommeille sur les eaux comme la Silhouette intacte d’un Géant-Chevalier ni tout près de moi la présence d’une amie attentive, née au pays des tulipes et qui portant au bout d’une longue tige un peu raide le délicieux calice de son visage, semble la sœur même de ces fleurs maladroites et belles. […] Le titre de l’article d’Élisabeth de Gramont, duchesse de Clermont-Tonnerre, consacré à son ami Remy de Gourmont mort en 1915 est « Tardif envoi de fleurs » (et non de pleurs).

900. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

nous n’entendons pas seulement un gouvernement, mais une époque, — rechercher comme le botaniste cherche dans la fleur le point noir qui doit la faire périr, rechercher le point d’erreur ou de faiblesse par lequel tout ce qui semblait si vivant devait s’altérer et durer si peu, qu’à quelques années de distance, c’était fini ou à peu près de ce qui paraissait éternel, n’est-ce pas là un magnifique sujet d’histoire, plus beau, selon nous, et plus tentant pour une forte pensée, que l’histoire d’une époque qui eût construit des œuvres durables et accompli tout son destin ? […] Quand les hommes meurent dans la fleur de leurs promesses, il n’y a pas d’histoire.

901. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Enfants gâtés de la paresse, Dans une coupe enchanteresse, L’amour vous versait son ivresse, Les fleurs jonchaient tous vos chemins ! […] La brise caressant les fleurs !

902. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Réception du père Lacordaire » pp. 122-129

L’ancienne Académie française qui compta toujours un si grand nombre d’abbés, d’évêques, de cardinaux, la fleur du clergé séculier, n’aurait jamais songé à choisir un religieux proprement dit, un homme voué à la retraite, enchaîné par des vœux étroits, eut-il été un foudre d’éloquence.

903. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres mises en ordre par M. J. Sabbatier. (Tome II, 1844.) » pp. 144-153

Une fois entré sous le patronage des hommes distingués qui l’adoptèrent, l’idée ne lui vient jamais d’en sortir, de s’en détacher ; il ne se dit pas que leur ombre, un moment tutélaire, lui est funeste en se prolongeant, que, s’il n’y prend garde, toutes ces belles fleurs et ces palmes du lauréat ne produiront jamais leur fruit : Nunc altæ frondes et rami matris opacant, Crescentique adimunt fœtus uruntque ferentem53.

904. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

Cette première fleur de rhétorique une fois fanée, la pureté et la correction du style, avec la fidélité au texte, furent longtemps les seuls mérites que parurent ambitionner les traducteurs et les seuls qu’ils rencontrèrent quelquefois.

905. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vielé-Griffin, Francis (1864-1937) »

Il aime regarder les yeux fermés et deviner les fleurs à leurs parfums… Et c’est cela qui a élargi son panthéisme en une intense et compréhensive affection pour toute chose.

906. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XV. Des ouvrages sur les différentes parties de la Philosophie. » pp. 333-345

La maniere dont M. de Bremond, mort à la fleur de son âge, avoit commencé à publier les Transactions philosophiques, les auroit mis en état de figurer à côté des Mémoires précédens.

907. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 7, nouvelles preuves que la declamation théatrale des anciens étoit composée, et qu’elle s’écrivoit en notes. Preuve tirée de ce que l’acteur qui la recitoit, étoit accompagné par des instrumens » pp. 112-126

Un jeune homme de condition des plus avant dans le monde, et de ceux qu’on appelle quelquefois en stile enjoué, la fine fleur de la cour, se piquoit de bien haranguer, et même de parler avec applaudissement devant les tribunaux dans les causes de ses amis, comme il se pique aujourd’hui d’avoir un équipage leste et des habits de bon goût.

908. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Edmond About » pp. 63-72

que les vers publiés par Fauriel — ces fleurs marines et sauvages que nous avions cru cueillies à travers le varech des écueils par les Palikares — sont les vers d’album des demoiselles de Smyrne.

909. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Μ. Jules Levallois » pp. 191-201

Ils sont ermites, ceux-là, comme l’ermite de Béranger, qui laissait, le drôle, fourrer aux Grâces des fleurs sous son capuchon, et qui n’était que Μ. de Jouy, l’Ermite de la Chaussée d’Antin !

910. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hebel »

Chaque étoile, chaque fleur, devient pour lui une créature vivante.

911. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

On sait que les dynasties ne jaillissent pas d’un événement à fleur d’histoire, mais qu’elles ont des préparations lointaines et profondes, causes mystérieuses, mais non impénétrables, de l’établissement d’une race dans le gouvernement d’un pays.

912. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Comte de Gramont »

Mais aujourd’hui nous avons mieux que cette espèce de fleurs, inodore et incolore !

913. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

Au plus fort de sa lutte et de sa souffrance, et chantant la Grèce en automne, le long des brouillards de l’Elbe, ou en hiver, enfermé dans un poêle, comme dit Descartes, Fontanes écrivait à son ami de Londres qu’il ne serait heureux que lorsque, rentré dans sa patrie, il lui aurait préparé une ruche et des fleurs à côté des siennes  ; et l’ami poëte lui répondait : « Si je suis la seconde personne à laquelle vous ayez trouvé quelques rapports d’âme avec vous (l’autre personne était M.  […] Ainsi, quand d’une fleur nouvelle, Vers le soir, l’éclat s’est flétri, Les airs parfumés autour d’elle Indiquent la place fidèle Où le matin elle a fleuri. […] Par ces cinq ou six petites fleurs, il est attique comme sous Xénophon, et pas du tout d’Alexandrie. […] Un nuage l’environne Et la cache à tous les yeux : De fleurs l’Ida se couronne, Junon cède au Roi des Dieux ! […] Au sein d’un Zéphyr qui semblait sortir d’une toile de Watteau, on sent tout d’un coup une bouffée d’Homère : De fleurs l’Ida se couronne, Junon cède au Roi des Dieux !

914. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

De cette façon, la personnalité, qui se dédouble aisément, se multiplie ; des fleurs nombreuses poussent à une seule plante et chaque fleur a sa vie presque indépendante, son épanouissement, son déclin et sa mort. […] Aux petites vierges étriquées, tenant de leurs doigts fluets un lis où quelque fleur emblématique, il préféra les douces et savoureuses chairs que la lumière caresse. […] C’est une sorte de gaieté mélancolique, qui a poussé dans les misères d’aujourd’hui comme apparaît une fraîche fleur parmi des ruines. […] Plusieurs de nos contemporains ont des âmes qui ressemblent à des bouquets de fleurs coupées et variées. La réunion de telles fleurs n’est pas évidemment désagréable.

915. (1921) Esquisses critiques. Première série

Des plus sèches fleurs de rhétorique il se fait des parures, et demeure toujours rhétoricien — au plus triste sens du mot — je veux dire que s’il connaît les recettes du style et de l’éloquence, il ne possède ni la passion d’un écrivain, ni la persuasion d’un orateur, ni leur flamme, ni leur inspiration. […] Rabosson, à la description d’un rosier, fût-il grimpant, d’envahir deux pleines pages et de les recouvrir avec ses rameaux et ses fleurs. […] Mais peut-être qu’à d’autres yeux       l’autre côté déploie le rêve et les fleurs de la joie       d’un dessin merveilleux. […] Sous tant de fleurs embaumées gît un principe d’inquiétude — un serpent est caché dans l’herbe… latet anguis in herba . […] C’est une fleur hybride, un mélange complexe qui est soi-même, mais en qui l’on distingue encore les éléments qui contribuèrent à sa création ; c’est une réussite enchanteresse, mais qui inspire une mélancolie, car on ne lui voit point de suite possible.

916. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

On n’imagine point, quand on ne l’a point vue, cette fraîcheur, cette innocence ; beaucoup d’entre elles sont des fleurs, des fleurs épanouies ; il n’y a qu’une rose matinale, avec son coloris fugitif et délicieux, avec ses pétales trempés de rosée, qui puisse en donner l’idée ; cela laisse bien loin la beauté du Midi et ses contours précis, stables, achevés, arrêtés dans un dessin définitif ; on sent ici la fragilité, la délicatesse et la continuelle poussée de la vie ; les yeux candides, bleus comme des pervenches, regardent sans songer qu’on les regarde ; au moindre mouvement de l’âme, le sang afflue aux joues, au col, jusqu’aux épaules, en ondées de pourpre ; vous voyez les émotions passer sur ces teints transparents comme les couleurs changer sur leurs prairies ; et cette pudeur virginale est si sincère, que vous êtes tenté de baisser les yeux par respect. […] Vous entrez dans une ferme, même médiocre, de cent acres par exemple ; vous trouvez des gens décents, dignes, bien vêtus, qui s’expliquent clairement et sensément, un grand bâtiment sain, confortable, souvent un petit péristyle avec des fleurs grimpantes, un jardin bien tenu, des arbres d’ornement, les murs intérieurs blanchis tous les ans à la chaux, les carreaux du sol lavés tous les huit jours, une propreté presque hollandaise ; avec cela un assez grand nombre de livres, des voyages, des traités d’agriculture, quelques volumes de religion ou d’histoire, au premier rang la grande Bible de famille.

917. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

On y connaît à peine le soleil ; les fleurs sont les mousses marines, les algues et les coquillages coloriés qu’on trouve au fond des baies solitaires. […] ce petit juif l’a emporté ; pendant mille ans, on t’a traitée d’idole, ô Vérité ; pendant mille ans, le monde a été un désert où ne germait aucune fleur. […] Seulement, dans un coin, on trouva soigneusement enveloppé un bouquet de fleurs desséchées, liées par un ruban tricolore.

918. (1911) Études pp. 9-261

Le bras de Thètis se déroule sur la poitrine de Jupiter comme une immense tige qu’achève la haute fleur de la main ; il est aussi long dans l’espace qu’il le serait dans le temps. […] Elle n’est pas un extrait de sensations, une sorte de parfum subtil mais fugitif obtenu en distillant des milliers de fleurs. […] Dans une joie merveilleuse il grandit sur la terre, qu’il bénit de son ombre, il élargit son branchage bienfaisant, il ouvre ses fleurs vers le Ciel. […] La suivante était beaucoup plus belle, plus pleine de fleurs et de bruissements261. […] Les Fleurs du Mal, p. 164.

919. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Les Fleurs du mal, tenons-nous-en à ce recueil, sont-elles écrites d’une robuste et ferme langue ? […] » Vous me direz que l’étude des Fleurs du mal se concilie avec celle de ces documents. […] Ce botaniste des esprits ne nous apporte pas un herbier de fleurs desséchées et cataloguées. […] Il nous fait voir et les palais où ils rendent leurs arrêts, et leurs sièges, et les fleurs de lis. […] « Les gens de qualité portent les fleurs en bas ? 

920. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Si le personnage est heureux, il faut que les pierres, les fleurs et les nuages le soient aussi ; s’il est triste, il faut que la nature pleure avec lui. […] Cet accès de lyrisme où les folies les plus poétiques naissent des banalités les plus vulgaires, semblables à des fleurs maladives qui pousseraient dans un vieux pot cassé, expose dans ses contrastes naturels et bizarres toutes les parties de l’imagination de Dickens. […] Présenter un sentiment comme divin, incliner devant lui toutes les institutions, le promener à travers une suite d’actions généreuses, chanter avec une sorte d’inspiration héroïque les combats qu’il livre et les assauts qu’il soutient, l’enrichir de toutes les forces de l’éloquence, le couronner de toutes les fleurs de la poésie, c’est peindre la vie qu’il enfante comme plus belle et plus haute que les autres, c’est l’asseoir bien au-dessus de toutes les passions et de tous les devoirs, dans une région sublime, sur un trône, d’où il brille comme une lumière, comme une consolation, comme une espérance, et attire à lui tous les cœurs. […] Ils ont une carnation si fraîche, un teint si délicat, une chair si transparente, et des yeux bleus si purs, qu’ils ressemblent à de belles fleurs.

921. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

Ainsi d’une roche caverneuse sort en tourbillon la foule innombrable des abeilles ; leurs essaims, toujours plus épais, se groupent sur les fleurs printanières ou voltigent épars dans les airs ; ainsi tous ces peuples sortent, les uns de leurs tentes, les autres de leurs navires, se répandent sur la vaste plage de la mer et se pressent par groupes au lieu assigné pour le conseil. » Agamemnon leur adresse un discours très éloquent et très pathétique pour relever leur courage par leur nombre et par leur patriotisme. […] Homère, dans cette sagesse précoce et accomplie qu’il attribue au héros d’Ilion, a eu évidemment pour but de montrer qu’Hector était né aussi propre à gouverner un jour sa patrie qu’à combattre pour elle ; à faire ressortir davantage la sauvage et capricieuse férocité d’Achille par opposition à toutes les vertus du fils de Priam ; enfin à redoubler le pathétique de la mort prochaine d’Hector par l’admiration et par le regret de tant de vertus fauchées dans leur fleur. […] Hécamède, semblable aux déesses, verse dans cette coupe du vin de Prammée ; elle y délaye du fromage de chèvre qu’elle a réduit en poussière avec une râpe d’airain et elle le saupoudre de la blanche fleur de farine !  […] « Cher époux, dit Andromaque en soutenant cette tête dans ses bras pendant que le char traverse la ville, tu perds la vie à la fleur de tes jours, et tu me laisses veuve dans nos demeures.

922. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mistral, Frédéric (1830-1914) »

À la fleur du laurier rose, aimé de Chénier et cueilli au bord de l’Eurotas, il marie l’aubépine sanglante du Calvaire.

923. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 239-252

Il a fait plus ; semblable à l’Abeille qui fait tirer des fleurs les sucs primitifs dont elle fait son miel, en les transformant en sa propre substance, il s’est nourri des beautés de ce grand Poëte, sans qu’on puisse l’accuser de lui avoir rien dérobé, & par-là il est devenu lui-même original.

924. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre quatrième. L’aperception et son influence sur la liaison des idées »

Nous voilà revenus à la fleur que Gœthe, en penchant la tête, voyait s’épanouir, se ramifier et se métamorphoser.

925. (1894) Notules. Joies grises pp. 173-184

Notules Quoiqu’on ait déjà dit beaucoup de l’assonance, j’ai cru peut-être utile de reproduire ici une courte étude naguères parue dans la Marche de France et qui servira de postface à une récente plaquette, Fleurs de Neige, et à ce présent livre.

926. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre sixième. »

Loin d’épuiser une matière, On n’en doit prendre que la fleur.

927. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Ève tombe par amour-propre : elle se vante d’être assez forte pour s’exposer seule ; elle ne veut pas qu’Adam l’accompagne dans le lieu où elle cultive des fleurs.

928. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VII. Des ouvrages périodiques. » pp. 229-243

Lacombe, s’il se fût toujours montré un censeur impartial, s’il eût toujours eu soin de couvrir de fleurs l’épine dont il piquoit.

929. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVI. Mme de Saman »

Elle pouvait mourir du moins dans la noblesse du silence, sans remuer ce fumier de fleurs.

930. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henri Rochefort » pp. 269-279

Et voilà pourquoi, dans son livre, il s’est forgé une plaisanterie qu’un esprit gai, quoique de moindre valeur que le sien peut-être par l’observation et même par la force comique, aurait trouvée, pour ainsi dire, à fleur de peau des choses, — sans tant la chercher !

931. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

Mais, comme les plus gracieux convolvulus peuvent jeter leurs clochettes d’argent et d’azur sur les toits de chaume ou d’argile, comme les chèvrefeuilles peuvent tordre leurs couleuvres de fleurs autour d’un tronc mort et rabougri, M. de Lavigne, avec beaucoup de goût et d’adresse, a caché les indigences de son auteur sous les élégances d’une traduction faite avec un soin plus que pieux… On le concevrait le lendemain de la tentative d’Avellaneda, quand, dans l’air qu’avaient traversé les types de Cervantes, brûlaient encore les flammes de son inspiration.

932. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pierre Dupont. Poésies et Chansons, — Études littéraires. »

Ils diffèrent bien plus que leurs fleurs.

933. (1824) Épître aux muses sur les romantiques

Au pied des vieux châteaux et des vieux monastères, Chante en vers ampoulés des maux imaginaires, Fais soupirer les bois, les rochers et les fleurs ; Mais ne soupire pas si tu veux des lecteurs.

934. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Ce premier roman est une fleur, une de ces fleurs qui n’éclosent que dans une imagination vierge, à l’aurore de l’invention primesautière, dont le charme et la fraîcheur surpassent tout ce que la maturité de l’art et du génie peut cultiver ou arranger plus tard. […] Cervantes, que vous imitez, et Shakspeare, que vous rappelez, ont eu cette finesse, et l’ont peinte ; dans cette large moisson que vous rapportez à pleins bras, vous avez oublié les fleurs. […] C’est ainsi qu’il rencontrera dans un silence, dans un juron, dans la plus mince action domestique, des délicatesses exquises et de petits héroïsmes, sortes de fleurs charmantes invisibles à tout autre, et qui poussent dans la poudre du plus sec chemin. […] L’artiste, alors comme autrefois, cueille dans les choses la fleur, et ne s’inquiète pas du reste.

935. (1904) Zangwill pp. 7-90

Nous regarderons alors ses organes en exercice ; nous essayerons de découvrir de quelle façon elle recueille le pollen des fleurs, comment elle l’élabore, par quelle opération intérieure elle le change en cire ou en miel. […] On aime pourtant le joli soleil qui luit doucement entre les ormes, le thym qui parfume les côtes sèches, les abeilles qui bourdonnent au-dessus du sarrasin en fleur : beautés légères qu’une race sobre et fine peut seule goûter. […] Comme la fleur double est obtenue par l’hypertrophie ou la transformation des organes de la génération, comme la floraison et la fructification épuisent la vitalité de l’être qui accomplit ces fonctions, de même il est possible que le moyen de concentrer toute la force nerveuse au cerveau, de la transformer toute en cerveau, si l’on peut ainsi dire, en atrophiant l’autre pôle, soit trouvé un jour. […] Tout dépend du but, et, si un jour la vivisection sur une grande échelle était nécessaire pour découvrir les grands secrets de la nature vivante, j’imagine les êtres, dans l’extase du martyre volontaire, venant s’y oiïrir couronnés de fleurs. […] « Je me dis souvent que si le but du monde était une course aussi haletante que vous le supposez vers la science, il n’y aurait pas de fleurs, pas d’oiseaux brillants, pas de joie, pas de printemps.

936. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Pour mon compte, comme à tort ou à raison, à tort plutôt, je passais pour l’un des « gros bonnets » du groupe, on m’y prêtait ces vers bouffons et ce vœu, j’espère, point trop encore réalisé : « Je voudrais être un gaga Et que mon cœur naviguât Sur la fleur du seringua !  […] Par moments aussi, le ton s’élève, et, de la petite idylle toute parfumée de thé, de vin tiède et de fleur de pêcher, passe au tableau de guerre, à la scène pathétique, quelquefois à la pensée profonde, sans toutefois jamais enfreindre les règles que s’est imposées l’auteur, et qui sont la concision pour l’expression, la brièveté quant à la phrase et la discrétion dans les procédés mis en œuvre. […] Ce sont les fleurs les plus étranges Et des fruits d’un goût sans pareil, Des orangers remplis d’oranges Dans des champs tout pleins de soleil. […] On voit tout ce qui peut surprendre : Des hommes de toutes couleurs, Des oiseaux qui se laissent prendre Avec la main comme des fleurs. […] S’en suit-il que l’auteur des Fleurs du Mal, fidèle, comme il le dit, à son douloureux programme et forcé, de par son titre même, à des logiques heureusement presque inaccessibles, y ait même essayé ?

937. (1922) Gustave Flaubert

Plus de nature, plus de fleurs pour le jeune homme ? […] Jamais mieux qu’avec une fleur funèbre. […] L’homme ne peut imaginer ce qu’il possède, tandis que l’artiste possède ce qu’il imagine, et, en même temps, lui garde sa fleur d’imagination. […] Un parterre de fleurs s’étalait devant sa façade ; et des avenues s’enfonçaient, comme des voûtes noires, sous les hauts tilleuls. […] La première Tentation paraît une colossale « fleur du mal ».

938. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

A peine aperçoit-on encore quelques débris de cette classe qu’assurément la génération qu’on forme et qu’on veut former ne remplacera pas. » Pour exprimer cette fleur de bonté, de douceur et d’affection qu’il avait reconnue dans l’ami de son ami, Manzoni ne trouvait rien de mieux qu’un mot qui dit tout et plus que tout : parlant de lui avec Fauriel, il l’appelait cet angélique Cabanis. […] Que vous êtes heureux d’avoir conservé intacte, et j’allais presque dire rugiadosa, cette fleur de l’imagination67 !  […] C’est à l’observer dans cet esprit qu’on le découvre lui-même tirant tout de son fonds, ses idées, ses aperçus ; il entreprend l’histoire des troubadours, non en philologue, ni par esprit de patriotisme local, mais dans une vue intimement philosophique, et, je le répète, parce que cette époque lui paraît offrir la première fleur originale, le premier Avril en fleur de la civilisation moderne. […] Et, remarquons-le, il ne se contentait pas de dégager par une analyse habile ce qu’il pouvait y avoir d’historique clans ces premiers chants lyriques, dans ces fragments romanesques, et de le mettre à nu ; il sentait vivement aussi le charme du poétique qui s’y trouvait mêlé ; il respirait avec délices, toutes les fois qu’il les rencontrait, le parfum de ces mousses sauvages et de ces fleurs des landes. […] Les Chants populaires de la Grèce moderne, publiés par Fauriel, avaient le rare avantage de concilier avec le spontané et le naturel, qui distinguent proprement cette veine d’inspiration, une grâce et une fleur d’imagination qu’elles n’offrent pas toujours et qui tenaient ici à ce fonds immortel d’une race heureuse.

939. (1891) Esquisses contemporaines

Fleurs d’ennui, p. 117. […] Fleurs d’ennuis, p. 166. […] Fleurs d’ennui, p. 119. […] Fleurs d’ennui, p. 117. […] Fleurs d’ennui, p. 138.

940. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Et au fond de cette retraite la fleur de la foi s’épanouit dans son âme, une fleur splendide, à la corolle blanche, dentelée, au cœur d’un jaune ardent, d’où se dégageait un parfum troublant. […] Dans les rues de la méchante ville, il oublia de soigner la fleur splendide. […] les couleurs de la fleur étaient si étroitement unies à son âme intime que sa splendeur ne pouvait complètement se ternir. Quoi que fît le faune, la fleur de la foi vivait en lui. […] Cependant la fleur s’épanouissait et lui révélait sa bassesse.

941. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

Il y avait des pots de fleurs sur les fenêtres ; et des volubilis montaient à des ficelles. […] C’est au mois de septembre ; les nuits sont tièdes : l’on boira, l’on jettera des fleurs et l’on sera même un peu fou. […] C’en est la sève et, bientôt, la fleur ; c’en est l’âme vive et c’en est la flamme ; c’en est le courage et la beauté. […] Je me promenais chaque soir aux Cascine et le dimanche aux jardins Boboli sans fleurs. […] douce est l’herbe du Sahel ; et tes fleurs d’orangers !

942. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

En s’élevant sur la montagne, la jeune personne à l’imagination sensible et pieuse remarque que les fleurs y sont la plupart d’un bleu pâle comme le ciel de cette contrée, qu’elles ne penchent point sur la terre comme celles de nos plaines : « Presque toutes celles que nous vîmes, ajoute-t-elle, étaient de petites cloches. N’est-ce point parce qu’étant privées d’eau sur les lieux élevés et exposées à l’ardeur du soleil, cette divine Providence, qui donne sa parure aux lis des champs, a voulu que leur calice pût retenir la rosée du matin, et que la fleur épanouie rendît à sa tige le bienfait qu’elle en avait reçu avant d’éclore ?  […] Ballanche disait à son jeune désespéré de 1819 pourrait s’adresser fructueusement à beaucoup des jeunes néophytes qui embrassent les siècles et l’univers : « Je veux essayer, mon fils, de guérir en vous une si triste maladie, état fâcheux de l’âme qui intervertit les saisons de la vie et place l’hiver dans un printemps privé de fleurs. » — La destinée de l’homme se compose, en effet, de deux destinées qu’il doit simultanément accomplir, une destinée individuelle proportionnée à son temps de passage sur cette terre, une destinée sociale par laquelle il concourt pour sa part à l’œuvre incessante de l’humanité.

943. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Mon père fit plus, il fut pour moi un gouverneur vigilant, incorruptible ; il ne me perdait point de vue, m’accompagnait chez mes professeurs, et non seulement il sut me garantir de toute action capable de flétrir en moi la première fleur de la vertu, mais le soupçon même du vice n’approcha jamais de moi. […] C’est le tempérament et la stature ordinaire des poètes de plaisir, de raillerie et de bonne humeur ; c’est sous cette forme un peu obèse, dans ces grands yeux à fleur de tête et dans cette bouche souriante que la verve satirique, soldatesque ou épicurienne, de Béranger et de Désaugiers, ces Horaces du couplet, s’est complu à s’incarner de nos jours. […] Telle est la vie d’Horace en prose ; nous allons la retrouver dans ses œuvres ; chacun de ses vers est une empreinte de sa vie ; il semait sa route de ses feuilles et de ses fleurs ; comme une canéphore dans les processions antiques, on le suit à la trace de ses parfums.

944. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Toutefois cette ivresse avait, pour moi seulement, quelque arrière-goût de mélancolie, en songeant à Graziella, cette fleur précoce que j’avais cueillie dans la même île, et en revoyant de loin sur Procida les ruines de la cabane de son père, abandonnée aux ronces depuis la mort de la jeune fille, et marquant l’horizon d’une borne funèbre dans le passé, comme il devait l’être si souvent dans mon avenir. […] Ce fut là que j’eus l’occasion de voir et d’admirer, suspendue aux bras de sa mère, cette ravissante princesse Christine, dans toute la fleur de beauté et d’intelligence, que son sort destinait pour épouse au roi d’Espagne, Ferdinand VII, et qui a su, au milieu des tempêtes, plaire, gouverner, transmettre un trône à sa fille, régner, tomber, ou plutôt se retirer du trône, plus heureuse et plus habile que Christine de Suède, dans le demi-jour d’une existence à l’abri des coups de vent. […] Le jeune et charmant objet de ce double culte fut enlevé dans sa première fleur à son époux et à son adorateur.

945. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Si Dante, pour nous faire concevoir les béatitudes des dernières sphères du paradis en même temps que leur beauté, compara les chœurs des âmes bienheureuses groupées et pressées en innombrables multitudes, aux feuilles d’une rose s’inclinant toutes vers le même centre, nous oserons peut-être dire, ne pouvant traduire que par une autre image l’impression laissée par ce chant qu’on croirait descendre des mystérieuses hauteurs de l’Empyrée, qu’elle ressemble à l’ascétique ivresse que produirait sans doute en nous la vue de ces fleurs mystiques des célestes séjours, qui sont tout âme, toute divinité, et répandent un frémissant bonheur autour d’elles. La mélodie s’élève d’abord comme le frêle, long et mince calice d’une fleur monopétale, pour s’épanouir ensuite, de même qu’elles, en un élégant évasement, une large harmonie, sur laquelle se dessinent de fermes arrêtes, dans un tissu d’une si impalpable délicatesse, que la fine gaze paraît ourdie et renflée par les souffles d’en haut ; graduellement ces arrêtes se fondent ; elles disparaissent d’une manière insensible dans un vague amoindrissement, jusqu’à ce qu’elles se métamorphosent en insaisissables parfums qui nous pénètrent, comme des senteurs venues de la demeure des justes. […] Il superpose à la partition des images riches et évocatrices et décrit même un véritable tableau, traduisant en un langage pictural la musique de son futur beau-fils : « éclat éblouissant de coloris », « regards éblouis », jusqu’à l’assimilation de la mélodie à une fleur « monopétale ».

946. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Peut-être leur talent individuel, anormal, et à cause de cela d’autant plus mordant sur les imaginations communes, plonge-t-il sa racine dans quelque sombre et fixe manie, comme une fleur qui gagnerait des couleurs et des taches inconnues, si on en trempait le pied dans quelque poison ? […] Edgar-Allan Poe, mort en 1849, à l’âge de Lord Byron, et à l’hôpital comme Gilbert, a senti sur son cœur le poids de ses désordres, plus douloureux peut-être que celui de ses malheurs, et ce poids affreux de misère et de fautes a dû faire, en quelque endroit de ses écrits, jaillir ces gouttes de sang, vermeil ou pâli, qui donne encore la plus belle couleur aux œuvres de l’homme et qui inspirait à Lord Bacon ce mot fortifiant et sublime : « Pour que les fleurs versent tous leurs parfums, il faut qu’elles soient écrasées. » II41 Le premier volume des Histoires extraordinaires par l’américain Edgar Poe, le conteur et le poète dont le nom commence d’imposer à l’Amérique un respect qu’elle ne connaît guères quand il s’agit uniquement de la beauté ou de la gloire de la pensée, vient de paraître. […] Au lieu de s’abandonner, comme la fleur aux souffles du ciel, à l’inspiration qui lui dictait des vers comme les vers adorables : À Hélène, il l’interrompit pour parler et pour plaire à la curiosité, — ce sentiment bête de tout le monde, — et il fut à la fois le Sphinx et l’Œdipe d’énigmes qui ne pouvaient intéresser et passionner que des imaginations inférieures.

947. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Ce sera sans doute une curieuse étude dans l’histoire des lettres que de voir cet art, cette harmonie de l’ancienne poésie grecque, transportés sur les abstractions de la croyance chrétienne, et se plaisant à les décrire : « Avec la source divine en elle-même et féconde par-dessus les unités ineffables212, je couronnerai des fleurs spirituelles de la lyre le Dieu, Fils glorieux du Dieu immortel, seul né du Père suprême, sorti du travail incompréhensible de la pensée paternelle, et jaillissant des profondeurs de son sein pour mettre au jour les trésors cachés du Père. […] « Couronne-moi des fleurs de la douce persuasion. […] Au lieu de souhaiter chrétiennement la souffrance et la résignation, il demande encore à Dieu la gloire et les belles fleurs de la douce persuasion, comme aurait fait Pindare.

948. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Nulle âme n’était plus faite que celle de Bonstetten pour sentir et pour exprimer avec fraîcheur la douceur de la société, pour respirer la fleur de sociabilité dans son parfum et l’esquisser avec ses différentes nuances. « En passant d’une nation à l’autre, disait-il, on distingue bien vite le sentiment par lequel on est abordé. […] Je compte sur vous comme sur eux, et vous attends avec les fleurs et les zéphirs, avec autant de foi que j’en ai au soleil. 

949. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Cela suffisait pour des peuples en marche, qui avaient devant eux la forêt verte ou la steppe en fleurs au printemps. […] Le classique en effet, dans son caractère le plus général et dans sa plus large définition, comprend les littératures à l’état de santé et de fleur heureuse, les littératures en plein accord et en harmonie avec leur époque, avec leur cadre social, avec les principes et les pouvoirs dirigeants de la société ; contentes d’elles-mêmes, — entendons-nous bien, contentes d’être de leur nation, de leur temps, du régime où elles naissent et fleurissent (la joie de l’esprit, a-t-on dit, en marque la force ; cela est vrai pour les littératures comme pour les individus) ; les littératures qui sont et qui se sentent chez elles, dans leur voie, non déclassées, non troublantes, n’ayant pas pour principe le malaise, qui n’as jamais été un principe de beauté.

950. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

En s’enfuyant, la tempête qui gronde, Purifiée, attiédie et féconde, Dépose un feu, crée un être en ce monde, S’émaille en fleurs ou voltige en essaim ! […] Durant quinze ans, unis d’un même zèle, Seul, vers la fin, pour sauver l’étincelle, À chaque avril, aux champs, sous les barreaux, Tu lui tressais les noms de ses héros, Mêlant aux fleurs le chardon qui harcèle !

951. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Dans la grande foule composée « d’imbéciles » et parsemée de cuistres, il y a, dit Voltaire, « un petit troupeau séparé qu’on appelle la bonne compagnie ; ce petit troupeau, étant riche, bien élevé, instruit, poli, est comme la fleur du genre humain ; c’est pour lui que les plus grands hommes ont travaillé ; c’est lui qui donne la réputation353 ». […] Partout ailleurs la sève est tarie, et, au lieu de plantes florissantes, on ne trouve que des fleurs de papier peint.

952. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Il a sa grosse face couturée de petite vérole, sa carrure de paysan, ses yeux à fleur de tête, ses gestes de fou et de rêveur quand ses grands projets le ressaisissent. […] Et voici, tout à côté, d’exquises figures ; Méniquette et Marie Galtier, d’une pureté de fleurs, pareilles à des bergères de vitraux, à des petites saintes de Puvis de Chavannes, et le neveu de l’abbé Célestin, échappé à travers la grande nature maternelle comme un petit faune en soutanelle rouge, petit faune innocent qui a des pudeurs de petit clerc ou de jeune fille… Le Chevrier et Barnabé ne sont pas de moindres chefs-d’œuvre que Lucifer ou Mon oncle Célestin.

953. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Mme de Pompadour n’était pas une grisette précisément, comme affectaient de le dire ses ennemis, et comme Voltaire l’a répété en un jour de malice : elle était une bourgeoise, la fleur de la finance, la plus jolie femme de Paris, spirituelle, élégante, ornée de mille dons et de mille talents, mais avec une manière de sentir qui n’avait pas la grandeur et la sécheresse d’une ambition aristocratique. […] La beauté brille dans tout son éclat et dans sa fleur épanouie.

954. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

Et regardez encore la petite fille toute de lumière, enfant de soleil qui jette ses reflets d’ambre à toute la toile, cette petite fille coiffée d’or, qu’on dirait habillée d’émeraudes et d’améthystes, et à la hanche de laquelle pend un poulet : petite juive, vraie fleur de Bohème. […] Il a un grand front, un crâne chauve et luisant, de gros yeux à fleur de tête, un nez de curieux, de sensuel, de gourmand, la bouche large au vilain dessin rudimentaire, caché par un aimable sourire, des pommettes particulières, des pommettes saillantes et bombées comme d’énormes loupes.

955. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

La littérature, ainsi comprise et cultivée, se peut appeler la fleur et le parfum de l’âme. […] C’est un pur rayon de miel ; mais que de fleurs de toute espèce employées pour le produire !

956. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Ces formes de bâtiments, qui contrariaient d’abord son œil académique (tout peuple est académique en jugeant les autres, tout peuple est barbare quand il est jugé), ces végétaux inquiétants pour sa mémoire chargée des souvenirs natals, ces femmes et ces hommes dont les muscles ne vibrent pas suivant l’allure classique de son pays, dont la démarche n’est pas cadencée selon le rythme accoutumé, dont le regard n’est pas projeté avec le même magnétisme, ces odeurs qui ne sont plus celles du boudoir maternel, ces fleurs mystérieuses dont la couleur profonde entre dans l’œil despotiquement, pendant que leur forme taquine le regard, ces fruits dont le goût trompe et déplace les sens, et révèle au palais des idées qui appartiennent à l’odorat, tout ce monde d’harmonies nouvelles entrera lentement en lui, le pénétrera patiemment, comme la vapeur d’une étuve aromatisée ; toute cette vitalité inconnue sera ajoutée à sa vitalité propre ; quelques milliers d’idées et de sensations enrichiront son dictionnaire de mortel, et même il est possible que, dépassant la mesure et transformant la justice en révolte, il fasse comme le Sicambre converti, qu’il brûle ce qu’il avait adoré, et qu’il adore ce qu’il avait brûlé. […] Charles Baudelaire rappelle ici une des plus belles pièces des Fleurs du Mal, la VIe, les Phares.

957. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Mais Théron, vainqueur à la course des chars, il faut le proclamer équitable, hospitalier, rempart d’Agrigente, sage ordonnateur des villes, fleur d’une tige d’aïeux honorés. […] Et, si on songe que tout le reste de cette ode est rempli par une peinture du bonheur de l’autre vie pour ceux qui se complairont au respect du serment et auront su garder leur âme de toute injustice, qu’à ce prix seul le poëte les voit cheminant, par la route de Jupiter, jusqu’au palais de Saturne, où les brises de l’Océan soufflent autour de l’île des bienheureux, où des fleurs d’or étincellent, et où ils tressent de leurs mains des guirlandes et des couronnes, ne reconnaît-on pas encore là ce génie religieux qui, en voulant l’unité du pouvoir pour l’ordre stable des États, la réglait en espérance sur l’immortelle justice de la Cité céleste, dont il proposait le bonheur pour récompense aux vertus des puissants et des rois ?

958. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française — II. La Convention après le 1er prairal. — Le commencement du Directoire. »

On pesait leurs mérites divers ; mais aucun œil encore, si perçant qu’il pût être, ne voyait dans cette génération de héros les malheureux ou les coupables : aucun œil ne voyait celui qui allait expirer à la fleur de l’âge, atteint d’un mal inconnu, celui qui mourrait sous le poignard musulman ou sous le feu ennemi, celui qui opprimerait la liberté, celui qui trahirait sa patrie ; tous paraissaient grands, purs, heureux, pleins d’avenir !

959. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Verhaeren, Émile (1855-1916) »

« L’absurdité grandit comme une fleur fatale », grandit davantage aux jardins pleins d’odeurs mortelles de son cerveau — et, impitoyablement, il y répand de nouveaux poisons.

960. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les petites revues » pp. 48-62

En ses yeux le reflet d’une tristesse dort, Et sur sa robe où sont des fleurs bizarres d’or, Elle laisse dormir son autre main si froide Que dans un sombre jour de chapelle qui dort De moins rigides mains portent la palme roide.

961. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre II. Harmonies physiques. — Suite des Monuments religieux ; Couvents maronites, coptes, etc. »

La fleur capucine, remplaçant le lierre religieux, brode de ses chiffres de pourpre les murs sacrés ; le Lamaz traverse le torrent sur un pont flottant de lianes, et le Péruvien infortuné vient prier le Dieu de Las Casas.

962. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

ce n’est pas même un livre… Ce sont des esquisses jetées d’une main vibrante et rapide sur les feuillets d’un album emporté à la chasse, et qu’on en rapporte tout parfumé de la senteur des fleurs sauvages cueillies dans les bois, des fumets du gibier et de l’odeur de cuir du carnier au fond duquel l’auteur a l’habitude de le porter.

963. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Paul Bourget »

C’est un endolori, c’est un agité, c’est un inquiet, qui regarde plus dans son cœur troublé que dans de petites fleurs, roses ou bleues, pour en dessiner et en colorier les pétales.

964. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

Ce sont les fleurs qui doivent la parfumer.

965. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Mais c’est bien là le point de départ, et les Fleurs du mal, à défaut d’autre mérite ou d’autre intérêt littéraire, auraient celui de l’avoir indiqué. […] Baudelaire fut un maître en cet art ; et puisque nos symbolistes n’ont rien encore produit qui réalise pleinement leur conception de la poésie, les Fleurs du mal, après trente ans passés, en demeurent le chef-d’œuvre. […] Reconnaître, ou même admirer le talent, et l’approuver, sont deux choses ; lui élever des statues en est une troisième encore ; — et voilà pourquoi je proteste contre le projet d’élever une statue à l’auteur des Fleurs du mal. […] La cérémonie banale de l’inauguration d’un buste, qui n’enlèvera pas sans doute un lecteur aux Fleurs du mal, ne leur en attirera pas non plus qui n’en fissent depuis longtemps leurs délices. […] Il n’y a réussi qu’à moitié pour sa part, et certainement nous n’aurions pas, après trente ans, à reparler des Fleurs du mal, si, par malheur pour sa réputation, elles étaient conformes à ses théories.

966. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Et l’humanité vient les cueillir, ces fleurs, pour en faire les gerbes de joie de son futur affranchissement. […] Pour le crapaud, l’immoralité, c’est l’oiseau qui vole dans l’air et chante dans les branches ; pour le cloporte, ignoblement condamné aux murs visqueux des caves, ce sont les abeilles qui se roulent dans le pollen des fleurs. […] Ne nous demandons pas d’où elles viennent, et pourquoi la fleur est si belle qui plonge ses racines dans l’abject purin. […] Je m’arrête devant les fleurs où il s’arrêta. […] Tu sais bien que ce n’est pas toujours la petite romance, la petite larme, la petite douleur, la petite fleur effeuillée aux mains des amoureux de théâtre.

967. (1929) Amiel ou la part du rêve

Voyez-le ce qu’il sera toujours, attentif aux multiples petits devoirs, régulier dans les lettres et les fleurs de tous les anniversaires, écrivant à ses sœurs pensionnaires de longues pages de confidences, et surtout de conseils ! […] Amiel se souvint toute sa vie de ce départ ébloui sur l’impériale, du sang riche de son corps, des idées nues dans l’air vif, de la jeune verdure vaudoise entre les cerisiers en fleur, des lilas de la Bourgogne qui, le long de la route de Paris, lui jetaient au visage leur odeur. […] Mais on n’a pas voulu. « On est prévoyante avant tout, on calcule tranquillement, et on n’aventure que son feuillage, mais non sa fleur. » D’ailleurs rien chez lui qui combatte cette résistance, fondée sur « le droit ». […] Deux bouquets des dernières fleurs d’automne, des photographies, un lecteur en bois sculpté ; voilà les dons qu’Amiel trouve sur sa table pour son anniversaire de naissance. […] Il traduisit les poèmes des lakistes, et il en fit d’autres pour son compte, qu’il réunit sous le titre attendu de Fleurs des Vosges.

968. (1888) Poètes et romanciers

En toute chose, il ne prend que la fleur. […] Et si la fleur se veut cacher dans le gazon, Il lui dit : Es-tu bête ! […] Les fleurs souffrent sous le ciseau. […] S’il avait eu l’esprit de mourir en 1830, il n’y aurait pas eu assez de fleurs pour sa tombe. […] que son étoile est belle : Il nous revient quand renaissent les fleurs.

969. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Le christianisme a ses fleurs comme il a ses fruits, ses beautés comme sa grandeur, sa poésie comme sa divinité. […] Notre jeune Ange de sept ans tressaille et nous jette des fleurs. […] Ne s’étonne-t-on pas quelquefois en voyant vers quelles fleurs inodores et ternes l’abeille dirige son vol ? […] La lune et les étoiles prennent la terre en pitié ; « elles donnent leurs paroles au vent pour que le vent les porte à la fleur du désert, la fleur au fleuve, et que le fleuve les redise en passant dans les villes ». Une fleur de Syrie a recueilli le message des astres.

970. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Le genre rose, par exemple, comprend les roses blanches et les roses thé ; il comprend aussi et surtout les roses roses, les roses proprement dites, les roses véritables ; dire d’une fleur qu’elle est une rose blanche, c’est à la fois lui donner une qualification et la lui retirer en partie ; on ne lui ouvre pas toutes grandes les portes du genre ; on la fait entrer comme à regret, sous condition, pour l’installer dans un coin, tout près du bord ; l’épithète n’est pas seulement déterminative, elle est restrictive. […] Il résulte de cette définition que tout état habituellement associé à d’autres états est un signe, et, comme aucun état psychique n’est dépourvu d’associations habituelles, théoriquement, tout état psychique est un signe : B est le signe de A, comme A est le signe de B ; en effet, il arrive parfois qu’un signe usuel soit signifié par ce que, d’ordinaire, il signifie ; par exemple, je vous montre une fleur, une rose, et vous la voyez ; à ce moment, le mot rose est conçu par votre esprit comme il l’est par le mien ; les rôles ordinaires de l’objet et du signe sont renversés ; l’objet est devenu le signe, le signe est devenu l’objet. Dans cet exemple même, nous retrouvons le caractère intrinsèque qui conditionne, en fait, la fonction de signe ; pour vous et pour moi, la fleur est une sensation, un état fort, tandis que son nom est une parole intérieure, un état notablement plus faible ; voilà pourquoi la fleur est devenue un signe ; renversez ce rapport et que le mot devienne le plus fort des deux termes associés, aussitôt il reprendra son rôle de signe, et la fleur sera l’idée, la chose signifiée.

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