Il a surtout une méthode qu’il tient de sa manière de sentir et qui est fort originale. […] André Rivoire Ce sont de véritables symphonies que ces poèmes, et les vers y sont délicieux ; il en est de très doux, comme atténués de sourdines ; d’autres, çà et là, éclatent et montent comme des cris… et voici qu’après d’indécis murmures, tout à coup, des strophes éloquentes se poussent l’une l’autre d’un large mouvement… Ce livre d’émotion, de pensée, d’harmonie, est original et reste simple.
Où cet Auteur paroît véritablement original, c’est dans ses Lettres à M. […] Nous pouvons prédire, d’après les différens morceaux qu’il nous en avoit lus, & d’après sa maniere d’écrire en François, qui approche beaucoup de celle de Tacite en latin, que cette Traduction sera digne de l’original.
En quoi Descartes est plus original et plus naturel qu’aucun des écrivains qui l’ont précédé. — § VII. […] Il est un autre trait par où Descartes est plus véritablement original que les écrivains ses prédécesseurs : il se passe de l’antiquité. […] La littérature au seizième siècle n’est le plus souvent qu’un commentaire original des littératures grecque et latine. […] Là encore Descartes est plus original que ses devanciers, parce qu’il est plus dans la vérité. […] Voilà pourquoi les écrivains qui vinrent immédiatement après lui, quoique les plus originaux et les plus naturels de notre littérature, sont presque tous cartésiens.
Celui-ci a traduit, en société, avec M. l’Abbé Marie, Professeur de Mathématiques au Collége Mazarin, & Sous-Précepteur de M. le Comte d’Angoulême, un Ouvrage Anglois, fait par Bulter, & intitulé, Vie des Peres, des Martyrs & des autres principaux Saints, tirée des Actes originaux & des monumens les plus authentiques. […] Sans s’assujettir aussi scrupuleusement à son Original, l’Auteur dont nous parlons s’est permis de refondre, d’ajouter, de retrancher, toutes les fois qu’il l’a jugé nécessaire à la perfection de son travail, & on peut dire qu’il l’a fait avec autant de discernement que de succès.
Avis du traducteur Les Principes de la Philosophie de l’Histoire dont nous donnons une traduction abrégée, ont pour titre original : Cinq Livres sur les principes d’une Science nouvelle, relative à la nature commune des nations, par Jean-Baptiste Vico, ouvrage dédié à S. […] Si cette première traduction française de la Science nouvelle, résolvait d’une manière satisfaisante les nombreuses difficultés que présente l’original, elle le devrait en grande partie au zèle infatigable de son amitié.
Les développements en seraient du plus vif intérêt ; le rôle du capitaine Birk, animé du jeu original de Préville, captiverait, échaufferait ; et je garantirais presque la réussite d’une pareille entreprise. […] Dorat leur avait rendu le même service qu’au drame et avait pris avec elles les mêmes libertés ; il avait corrigé, arrangé le tout au goût de Paris et du beau sexe ; et dès la première pièce ou dédicace en prose, là où on lisait dans l’original : « Sophie, c’est loin de vous, c’est dans un autre climat que tristement assis à l’ombre des mélèzes, je me rappelle tant de vœux rejetés, tant d’espérances déçues » ; Dorât avait substitué les platanes aux mélèzes. […] Il vécut donc avec les bergers, avec les paysans ; et lorsque les Esquisses de l’état naturel, civil et politique de la Suisse, présentées dans une suite de lettres, par William Coxe, parurent en anglais et obtinrent du succès, Ramond se trouva en mesure à l’instant de les traduire en les perfectionnant, en y ajoutant nombre de chapitres originaux qui les complétaient et en faisaient un ouvrage tout nouveau. […] « Ce traducteur, disait La Harpe, est un homme qui paraît versé dans l’étude de l’histoire de l’antiquité. » — « Nous ne craignons point d’assurer, disait Grimm, que la traduction est fort supérieure à l’original ; ce que M. […] Il ne sera tout à fait lui-même et complètement original que lorsqu’il se sera voué sans réserve à celle-ci, et qu’il deviendra le paysagiste en même temps que le physicien des Pyrénées.
Elles se distinguent toutes par une saveur originale et une grande franchise d’impression. […] Il y a ses livres, où apparaît un esprit si divers et si complexe, souple et railleur, à la fois ironique et tendre, et original, parisien, délicat et frondeur, épris de fantaisie et de rêves bleus.
C’est de la versification souvent heureuse, pleine, harmonieuse, mais qui manque de relief, de vie originale. […] De même que « Richard Wagner n’est pas entré dans la légende en savant ou en curieux, mais en créateur », de même que Richard Wagner, « rejetant les aventures sans fin et tous les accessoires du roman, se place du premier bond au centre même du mythe et de ce point générateur recrée de fond en comble les caractères et l’organisme de son drame », de même enfin « qu’en restituant au mythe sa grandeur primitive, son coloris original, il sait y approprier les passions et les sentiments qui sont les nôtres, parce qu’ils sont éternels, et subordonner le tout à une idée philosophique », — de même Édouard Schuré dégage d’une époque historique ses éléments essentiels, lui recrée une émouvante jeunesse, et la fixe en cet état dans l’imagination humaine.
Selon Du Bellay, un bon traducteur peut suppléer son original en ce qui est de l’invention ou du fond. […] Vous qui lisez en leur langue Homère et Démosthène, Cicéron et Virgile, essayez un peu, passez de l’original à la traduction, et vous verrez ! […] Combien de traducteurs n’ont jamais vu face à face leur original ! […] Insistant sur le grand précédent des Romains, disciples et émules des Grecs, il expose le vrai procédé de l’imitation classique, de l’imitation originale qui a prévalu depuis Térence jusqu’à Racine, le procédé de l’assimilation. […] On aurait eu, au xvie siècle, un Mézeray original.
Nous avons à chaque instant, par la combinaison de nos sensations et représentations nouvelles avec les précédentes, un état concret de la cœnesthésie, de la conscience sensorielle ; cet état est sui generis, original, comme un panorama ; de plus, il ne reviendra jamais absolument le même, malgré les ressemblances qu’on pourra établir entre lui et un état subséquent. […] Comme la représentation, l’émotion réelle de chaque moment est un tout concret et original, si bien que nous n’avons jamais deux fois la même émotion. […] Si elles étaient des sentiments de décharge centrifuge, elles seraient des états originaux de conscience, non des copies ; et elles devraient, par analogie, être des états vifs comme les autres états originaux. » Confusion. […] On pourrait dire aussi : « L’idée d’un plaisir ou d’une peine est faible, donc le plaisir et la peine ne sont pas des états originaux. » Mais, au moment où nous jouissons et souffrons, l’état est intense ; si l’idée, au contraire, est tellement faible, c’est que le plaisir et la douleur, comme tels, ne sont pas des représentations d’objets, mais des états subjectifs ; et il en est de même du vouloir, de l’appétition, qui est le subjectif par excellence. […] Donc, pour l’expérience positive, abstraction faite de toute spéculation philosophique, nous avons le droit de conclure qu’il existe un fait original appelé le vouloir, lequel est à la fois inséparable et distinct de tout fait de discernement.
Certains pensent avec des phrases toutes faites et en usent exactement comme un écrivain original use des mots tout faits du dictionnaire. […] Ce qui entre par l’oeil, au contraire, ne peut sortir par les lèvres qu’après un travail original de transposition ; raconter ce qu’on a vu, c’est analyser une image, opération complexe et laborieuse ; dire ce que l’on a entendu, c’est répéter des sons, peut-être comme un mur. […] L’imitation est la souillure inévitable et terrible qui guette les livres trop heureux : ce qui était original et frais semble une collection ridicule d’oiseaux empaillés ; les images nouvelles sont devenues des clichés. […] C’est parce que les images de Télémaque sont devenues des clichés que nous ne pouvons plus les aimer ; mais si elles étaient restées en leur état original, nous ne les comprendrions peut-être plus et nous n’aurions même pas l’idée d’entr’ouvrir le livre pour nous réjouir à des visions énigmatiques. […] Un style original est le signe infaillible du talent, puisque, en art, tout ce qui n’est pas nouveau est négligeable.
Ce qui fortifie cette opinion, est sa Traduction des Harangues choisies de quelques Auteurs Latins, où il est toujours le même, quoique ses originaux soient pleins de chaleur & de vie. Cet Auteur a publié récemment des Mémoires politiques & militaires, pour servir à l’Histoire de Louis XIV & de Louis XV, qu’il a composés sur les Pieces originales, recueillies par un Duc de Noailles, qui fut Maréchal de France & Ministre d’Etat.
Les originaux sont d’un prix infini, on ne fait nul cas des meilleures copies et c’est la difficulté de discerner les originaux des copies qui a fait tomber en France les tableaux italiens ; on ne dupe plus que les anglais.
Une circonstance particulière l’ayant amené à examiner le texte des Pensées de Pascal, il s’aperçut qu’il y avait de notables différences entre l’imprimé et le manuscrit original. […] Il y a joint depuis la plus belle collection littéraire d’éditions originales françaises qui se puissent voir, et des autographes aussi, et des portraits gravés, des épreuves de choix, tout ce qu’une curiosité éclairée peut rassembler de trésors utiles ; car en ce genre il accordait peu à la fantaisie, mais aussi il ne refusait rien à la passion : c’était sa seule et unique munificence. […] Mais quelle singulière organisation c’était que cette personnalité qu’on appelait Cousin, et quel original unique ! […] Elle savait d’original bien des choses, et son esprit exact et vrai n’altérait rien. » Depuis que ceci est écrit, on a publié de Mme de Boigne deux romans posthumes, d’après sa permission ou sa volonté dernière.
Tandis que d’autres travaillaient sur les langues, sur l’histoire, sur la religion, sur la science de l’antiquité, le comte de Caylus614, un original de vif esprit et de puissante curiosité, faisait de l’archéologie son domaine. […] Ce fut là son idée originale. […] Par lui, l’antiquité sort de l’abstraction : on la voit, un peu molle et sensible, vraie pourtant et surtout réalisée dans des formes plastiques qui en représentent bien le caractère le plus original, et le moins considéré jusque-là par les littérateurs. […] Il était important de signaler le courant qui porte les esprits de nouveau vers l’art gréco-romain : nous découvrons ainsi les origines, la place d’un génie original que, sans cette étude préalable, on ne sait où loger dans l’histoire de notre littérature.
Ce penchant, qui, aux époques de civilisation, porte certains esprits à s’éprendre d’admiration pour les peuples barbares et originaux, a sa raison et en un sens sa légitimité. […] Un développement morbide et exclusif est plus original et fait mieux ressortir l’énergie de la nature comme une veine injectée qui saille plus nette aux yeux de l’anatomiste. […] C’est la force morale de l’homme exagérée, dévoyée, mais originale et hardie dans ses excès. […] Je suppose une pensée aussi originale et aussi forte que celle du christianisme primitif apparaissant de nos jours.
Les auteurs dramatiques ont même inventé une expression : Ce n’est pas du théâtre pour dire « voilà une pièce littéraire, originale, morale, qui ne fera pas d’argent », et une autre expression, « C’est du théâtre » pour dire « voilà une pièce banale, faite avec des ficelles qui ont déjà servi et dont on est sûr, évocatrice d’émotions mille fois soulevées, d’une morale sans élévation, d’une gaieté vulgaire, d’une langue prétentieuse ou peu sûre, mais cette pièce ira à la centième ». […] Lugné-Poë a offert à Paris trois œuvres de manières différentes, de nature éminemment originales, mais toutes trois exubérantes de la jeune et régénératrice sève : la foi en l’idéalité des formes parallèles à l’idéalisme des pensées. […] À la tête de cette nouvelle et hautaine phalange, parce qu’il fut le premier et reste le plus original, marche l’auteur de la Prométhéide, d’Œdipe et le Sphinx, de Sémiramis et de Babylone, M. […] Ses idées très originales, son lyrisme philosophique transportés au théâtre (Le Délire de Clytemnestre), sont à retenir.
S’il n’est pas psychologue profond et original, il est du moins observateur attentif des effets réels de la vie morale ; par là il est homme du xviie siècle plutôt que du xviiie . […] Lesage fait défiler sous nos yeux un long cortège d’originaux, ridicules ou odieux. […] Nous voyons : là est le mérite original de Lesage. […] Il y a eu pendant plus d’un siècle une « question de Gil Blas », qui a exercé les savants de tous les pays ; cette question était : Lesage a-t-il, oui ou non, copié un original espagnol ? […] L’original espagnol, qu’on prétend disparu, n’a jamais existé.
C’est une nature complexe, agissante, sensible, joyeuse, courageuse, tapageuse, un mélange inimaginable de polissonnerie et de fierté, de rouerie et de générosité, de puffisme et de candeur, de bouffonnerie et d’enthousiasme, l’original authentique de Figaro, mais un original plus intéressant, plus riche, plus sympathique enfin que la copie et plus estimable. […] Il avait fait une pièce charmante et originale. […] L’originale propriété de son esprit pourrait, je crois, se définir par l’impertinence. […] Mais le Mariage est plus puissant, plus original.
Les pièces originales intégralement reproduites sont réunies ensemble par des pages de texte assez peu nombreuses, mais pourtant suffisantes pour supporter l’ensemble, pour le faire valoir, et offrir aussi le cachet brillant de l’écrivain. […] L'éclectisme, qui touche à tout, n’a pas mis jusqu’ici le doigt sur le grand ressort de rien. — Quant à ce que pourrait objecter d’autre part une philosophie originale et convaincue contre cette manière de prendre un peu à un siècle et un peu à un autre pour se composer une doctrine raisonnable, nous ne nous en chargeons pas et nous laissons ce soin aux doctes Allemands de Berlin ou de Kœnigsberg, et aux professeurs comme Rosenkranz, qui sont en train de s’en acquitter à merveille. […] Ces messieurs auront entendu dire que le célèbre Monti s’était admirablement tiré de sa traduction d’Homère sans lire directement dans l’original : mais nos arrangeurs ne sont pas des Monti.
Si les nations modernes pouvaient trouver en elles-mêmes un levain intellectuel suffisant, une source vive et première d’inspirations originales, il faudrait bien se garder de troubler par le mélange de l’antique cette veine de production nouvelle. Les tons en littérature sont d’autant plus beaux qu’ils sont plus vrais et plus purs ; à l’érudit, au critique appartiennent l’universalité et l’intelligence des formes les plus diverses ; au contraire, une note étrangère ne pourra qu’inquiéter et troubler le poète original et créateur. […] Si on ne cultive les littératures anciennes que pour y chercher des modèles, à quoi bon cultiver celles qui, tout en ayant leurs beautés originales, ne sont point imitables pour nous ?
Croiroit-on que l’homme de tous les âges, de toutes les Nations, le Poëte de la Nature, le Génie peut-être le plus original qui ait paru dans le Monde Littéraire, ait trouvé dans notre Siecle des détracteurs ? […] Ne devoit-il pas craindre de soulever contre lui, non seulement ses Compatriotes, mais encore tous les Peuples éclairés de l’Europe, qui ne s’applaudissent de leurs progrès dans notre Langue, qu’à proportion qu’ils sentent mieux les beautés originales de ces mêmes Fables qu’il cherche à dépriser ? […] En convenant que plusieurs sujets de ses Fables ont été tirés d’Esope, de Phédre, de Locman, on sera certainement autorisé à dire que la maniere neuve, originale, naïve, pleine de grace & de fécondité, dont il les a présentés, l’en rend le créateur.
Presque toujours, les originaux sont perdus ; nous n’avons que des copies. Des copies faites directement d’après les originaux ? […] Le cas le plus simple est celui où l’on possède l’original, l’autographe même de l’auteur. […] Deuxième cas. — L’original est perdu ; on n’en connaît qu’une copie. […] Mais certaines confusions de lettres sont fréquentes dans les copies exécutées d’après des originaux qui étaient en caractères onciaux, et d’autres dans les copies exécutées d’après des originaux en minuscule.
En somme, psychologie nulle, drame insignifiant, tableaux curieux, art original et puissant, vision presque hallucinatoire du vieux Paris et de son immense cathédrale, voilà ce que V. […] À son exercice littéraire George Sand apportait une intelligence plus vive qu’originale, plus apte à refléter qu’à produire des idées, toute soumise aux impulsions de la sympathie et de l’imagination. […] Son aristocratie de la Restauration, ses grandes dames, douairières ou coquettes, nous mettent en défiance, sans que l’on connaisse l’original. […] A peine touche-t-elle à la France par le fameux récit de la bataille de Waterloo : récit d’un homme d’expérience, original et saisissant par la médiocrité voulue et l’insignifiance expressive du détail. […] Lucien Leuwen, œuvre posthume reconstituée sur les manuscrits originaux, par J. de Mitty, Paris, in-18, 1895.
Ainsi, le savant abbé Massieu, d’une pureté attique dans le langage de sa dissertation, veut-il, devant l’Académie des inscriptions et belles-lettres, représenter fidèlement la poésie de Pindare, il a soin de la traduire dans une prose si bien paraphrasée qu’il n’y reste pas le moindre souffle lyrique ; et il ne manque pas cependant de s’excuser des témérités qu’il croit y voir encore, et d’en demander grâce pour l’original. […] Les noms des animaux domestiques » ; et il traduit un peu longuement, mais noblement : « Cet oiseau domestique, dont le chant annonce le jour et qui n’a que son pailler pour théâtre de ses exploits. » Le docte traducteur oubliait qu’au siècle d’Auguste Horace conseillait de tirer du milieu commun le poëme original : Tantum de medio sumptis accedit honoris ! […] La traduction poétique de Lamotte, en effet, lors même qu’il était assez content de l’original et voulait seulement l’orner un peu, devenait une parodie. […] Va, maintenant, Écho, dans la noire demeure de Plu ton, porter au père une glorieuse nouvelle ; et voyant Cléodème, dis-lui son fils, et comment, aux vallons de la célèbre Pise, il a couronné sa jeune chevelure des ailes de la victoire athlétique. » Dans ce mot à mot qui ne déplaît pas, on aperçoit du moins quelque chose de l’original, son trait court et rapide, son mouvement facile et sa brièveté, sinon sa grâce. […] Qu’eût-il dit cependant, si, au lieu de la citation tronquée que donne Montesquieu, il eût considéré les fermes paroles du texte original, qu’on doit traduire exactement ainsi : « Roi de toutes les choses mortelles et immortelles, la loi, établit d’une main toute-puissante la contrainte suprême de la justice18 ?
C’est de l’histoire composée et construite de la manière la plus instructive, rien qu’avec des pièces originales, des papiers d’État. […] Si l’on fait la part des copies ou transcriptions qui en prennent à peu près un tiers, il reste environ six centsvolumes de pièces originales à lire, à étudier. […] Nouer un commerce intime et de tête-à-tête avec les plus grands hommes d’un grand siècle ; tenir entre ses mains les lettres originales de Louis XIV, de Louvois, de Turenne, de Condé, de Vauban, de Luxembourg et de tant d’autres, dont l’écriture semble encore fraîche, comme si elle était tracée d’hier ; démêler sans peine tous les secrets de la politique et de la guerre ; assister à la conception et à l’éclosion des événements ; surprendre l’histoire, pour ainsi dire, à l’état natif, quelle plus heureuse fortune et quelle plus grande joie ! […] Il a eu l’art de rejoindre solidement tous ces morceaux de textes originaux, sans lesquels il ne met pas un pied en avant. […] C’est un Daru de génie et original, un Daru inventif, qui a l’initiative à la fois et l’exécution, qui, en un mot, a tout un coin du génie de Napoléon.
Je ne dirai pas avec un poète de nos jours et des plus originaux : « Qu’est-ce qu’un grand poète ? […] Ses traductions qui font corps avec son texte sont le suc même des originaux, la chair et le sang de leurs drames. […] Il eut de bonne heure du goût pour Homère et le lisait dans l’original ; après Virgile, c’était Stace entre les Latins qu’il aimait le mieux. […] On trouvera cela beau peut-être au point de vue de l’inspiration et de la verve ; c’est original du moins, et on y doit admirer une faculté de transposition singulière et puissante. […] Ce livre d’une critique originale et hardie est comme un arbre venu en pleine terre et qui pousse tous ses rameaux dans le sens et au profit de la sève anglo-saxonne.
Hugo n’a pas d’idées originales : il n’en sera que plus apte à représenter pour la postérité certains courants généraux de notre opinion contemporaine. […] Mais sa forme originale, c’est la métaphore continue. […] C’est un charmant poète et bien original, chez qui sens, émotion, couleur, comique, tout naît de l’allure des mètres et du jeu des rimes. […] Une originale mixture d’idéalisme ardent et de fétide sensualité se fait en cette poésie. […] Leconte de Lisle, après ses deux admirables recueils, fut le maître incontesté de la poésie française ; autour de lui se groupèrent un certain nombre de jeunes poètes, qui prirent le nom de Parnassiens, lorsque l’éditeur Lemerre publia leurs vers dans le recueil du Parnasse contemporain Chacun y apporta son tempérament original, sa force de sentiment ou de pensée : le trait commun de l’école fut le respect de l’art, l’amour des formes pleines, expressives, belles.
Dante aurait-il composé au sein d’un studieux loisir ces chants, les plus originaux d’une période de dix siècles ? […] La littérature romaine produisait ses œuvres les plus originales à l’époque des proscriptions et des guerres civiles. […] Elles sont fines, sensées, raisonnables, pleines d’une délicate critique ; elles se lisent avec agrément aux heures de loisir, mais elles n’ont rien de ferme et d’original, rien qui sente l’humanité militante, rien qui approche des œuvres hardies de ces âges extraordinaires où tous les éléments de l’humanité en ébullition apparaissent tour à tour à la surface. […] Au contraire, une époque, pourvu qu’elle sorte du milieu vulgaire, peut donner naissance aux apparitions les plus originales et les plus contradictoires.
Je mets plus haut, pour ses chefs-d’œuvre, un genre qui appartient spécialement au second empire, et qui en est, à certains égards, l’originale expression : je veux parler de l’opérette telle que l’a compris Offenbach897, surtout lorsque ses rythmes échevelés coururent sur les livrets de MM. […] Poirier (1854), qui met aux prises deux types si vrais de bourgeois enrichi et de noble ruiné ; dans les Lionnes pauvres (1858), où l’honnête Pommeau et sa femme forment un couple digne de Balzac, et nous offrent le tableau des ravages que l’universel appétit de richesse et de luxe peut faire dans un modeste ménage ; dans Maître Guérin (1864), enfin, qui, malgré son sublime colonel, est peut-être l’œuvre la plus forte de l’auteur par le dessin des caractères : ce faux bonhomme de notaire, qui tourne la loi et qui cite Horace, gourmand et polisson après les affaires faites, cette excellente Mme Guérin, vulgaire, effacée, humble, finissant par juger le mari devant qui elle s’est courbée pendant quarante ans, cet inventeur à demi fou et férocement égoïste, qui sacrifie sa fille à sa chimère, ces trois figures sont posées avec une étonnante sûreté ; Guérin surtout est peut-être le caractère le plus original, le plus creusé que la comédie française nous ait présenté depuis Molière : Turcaret même est dépassé. […] Meilhac, diverses comédies d’une fantaisie originale.
C’est qu’Émile Verhaeren a le don d’incruster sa pensée, il crée dans l’âme un monde d’impressions étranges dont l’esprit se ressouvient avec une netteté jamais atténuée ; elles s’imposent, revivent ainsi que des flammes soudaines ou bien encore font dévier vos sensations originales. […] Quoique bien des strophes soient baudelairiennes, et ces vers mêmes du genre Auguste Barbier : Elle portait une loque de manteau roux Avec de grands boutons de veste militaire, Un bicorne piqué d’un plumet réfractaire Et des bottes jusqu’aux genoux, les Campagnes hallucinées sont, mieux que tous les Rollinats, d’originaux poèmes de nerfs, de compassion et de révolte. […] Ceux qui le connaissent savent déjà tout cela, les autres l’apprendront vite s’ils ont quelque bonne foi et s’ils se laissent entraîner à travers les Campagnes hallucinées et les Villages illusoires, vers ces Apparus dans les chemins dont le poète a dressé les silhouettes grandioses et mornes ; visions d’un tempérament original, langue d’une saveur âprement territoriale, métrique personnelle où le vers se résout librement en dominante par un octosyllabe à rime proche, se contracte davantage ou se dilate en expansions justes et sonores.
Trouver en sa langue les mots propres, et les expressions équivalentes à celles dont se sert l’auteur ancien ou moderne qu’on traduit : sçavoir leur donner le tour necessaire, pour qu’elles fassent sentir l’énergie de la pensée, et qu’elles presentent la même image que l’original, ce n’est point la besogne d’un écolier. […] Le tour original qu’il donne à ses traductions, la hardiesse de ses expressions, aussi peu contraintes que si elles étoient nées avec sa pensée, montrent presque autant d’invention, qu’en montre la production d’une pensée toute nouvelle. […] Ils sont bien aises d’avoir l’occasion de réciter les vers du poëte ancien, pour les comparer avec les vers de l’imitateur moderne qui a voulu lutter contre son original.
Le Traducteur n’a pas toujours suivi littéralement son Original, parce que son Original n’est pas toujours propre à se soutenir dans notre Langue ; il a cru devoir adoucir certains traits qui nous eussent paru singuliers, & supprimer des traits ennuyeux ou extravagans, qui refroidissent l’intérêt & choquent les gens de goût.
Comment serons-nous touchez par la copie d’un original incapable de nous affecter ? […] Comment la copie me toucheroit-elle si l’original n’est pas capable de me toucher ?
En fait d’art original, le monde romain est au niveau des Daces et des Sarmates ; le cycle chrétien tout entier est barbare. […] Rien de moins vivant et de moins original en soi, sous l’appareil le plus spécieux. […] Le poème de Moïse n’est qu’une étude de l’âme dans une situation donnée, n’appartient à aucune époque nettement définie et ne met en lumière aucun caractère individuel original. […] Torquemada, cependant, moins un drame scénique qu’un poème dialogué, offre une conception particulière qui, pour n’être pas d’une exacte théologie, n’en est que plus originale. […] Que de types originaux et vivants : l’évêque Myriel, Valjean, Javert, Gillenormand, Champmathieu et l’immortel Gavroche !
Daru, dans une longue lettre motivée qu’il adressa à l’auteur de L’Année littéraire, et qui, je crois, n’a pas été publiée, conteste avec politesse la prompte conclusion du critique ; il insiste sur un point, c’est que, pour traduire fidèlement, il ne suffit pas de bien rendre le sens de l’original, mais qu’il faut encore s’appliquer à modeler la forme de l’expression : « Pour ne pas sortir de notre sujet, dit-il, un traducteur de Cicéron qui aurait un style sautillant serait-il un traducteur fidèle ? […] Pendant ce loisir forcé, il ne cessa de s’occuper des lettres : il traduisait en vers Horace, et il fit, entre autres pièces originales, son Épître à mon sans-culotte, qui ne fut publiée que quelques années après, et qui était, à son heure, une preuve de calme d’esprit comme de talent. […] Sans doute, si l’on prend chaque pièce en particulier, si l’on oppose l’original à la traduction, on trouvera aisément à triompher et à se donner l’air d’un connaisseur très expert et très supérieur en poésie. […] Lorsqu’à cette époque d’union, de confraternité sincère, dans ces intervalles de Marengo et du camp de Boulogne, Andrieux qui savait bien le latin, Picard qui ne le savait guère, mais qui aimait à en placer quelques mots96, Campenon, Roger, Alexandre Duval, tous ces académiciens présents ou futurs se réunissaient avec Daru le dimanche à déjeuner, lorsqu’on récitait quelque ode d’Horace, redevenue comme d’à-propos et de circonstance, l’ode Ad sodales ou quelque autre (le sentiment de tous s’y joignant), il ne manquait rien, presque rien, à la traduction de Daru pour faire passer l’esprit de l’original dans tous les cœurs. […] Daru pour l’empressement et la confiance avec lesquels il a bien voulu me remettre entre les mains toutes les pièces et documents originaux qui devaient me servir de base dans ce travail sur son père ; et il y a joint des observations de tout genre dont j’ai eu presque toujours à profiter.
Mme Dacier pense d’ailleurs qu’on ne peut traduire en vers les poètes, ou du moins qu’on ne peut y réussir que par accident, et que ce n’est qu’à l’aide de la prose qu’on parvient à faire passer d’une langue dans une autre les détails et les traits particuliers d’un original. […] Ce n’est pas pour les doctes qu’elle écrit, c’est pour ceux qui ne lisent point original et auxquels cette connaissance sublime est fermée. […] Par moments même, et quand, oubliant l’original, on s’abandonne à la lecture, cette idée de momie qui, somme toute, est désagréable et qu’une autre qu’elle n’eût pas risquée, disparaît et n’est plus exacte ; on sent (pour parler encore comme elle) qu’on a affaire à une traduction généreuse et noble qui, s’attachant surtout aux beautés de l’original, s’efforce de les rendre dans l’esprit où elles ont été conçues. […] J’ai distingué des passages propres à causer l’émotion la plus vive, s’ils m’eussent été présentés avec la magie du vers, ainsi qu’ils doivent l’être dans l’original.
Prenons, en effet, une pensée originale, la plus haute et la plus rare. […] Lorsqu’une idée, lorsqu’une mode commence à se répandre, on passe aisément pour « original » en l’adoptant. […] C’est là, en effet, la partie la plus originale de la conception générale de Darwin, celle qui peut être regardée comme le centre de son œuvre. […] Le mot « original » prend dans certaines bouches une acception qui indique nettement ce phénomène. […] Zola, combattant le romantisme, est resté romantique, tout en outrant les procédés par lesquels il fut original.
Vaugelas est moins une personne, un esprit individuel et original, qu’un esprit, si cela peut se dire, collectif. […] Celui qui ne verrait dans ces altérations du texte original que des gages de paix donnés aux jésuites, aux dépens de la gloire d’un mort, calomnierait Port-Royal. […] Il manque d’ailleurs au traité de Nicole l’attrait d’un style original. […] Y avait-il donc moyen de dire les mêmes choses que Nicole, dans une langue plus originale, et de donner au même fonds plus de relief ? […] Mais le style n’est original qu’à proportion de l’importance et du degré d’intérêt des idées.
Cet écrivain si distingué, le premier des critiques de guerre proprement dits, qui avait produit son ouvrage de génie à vingt-six ans, et que la nature fit naître par une singulière rencontre dans le temps où elle venait d’enfanter le plus merveilleux des guerriers (comme si elle avait voulu cette fois qu’Aristarque fût le contemporain et le témoin de l’Iliade), Jomini a éclairé, en fait de guerre, tout ce qu’il a traité ; mais il n’en est pas moins vrai que la narration précise, détaillée, de ces trois campagnes pyrénéennes, l’histoire et la description de chacune des opérations qui les composent, écrite d’après les pièces et documents originaux, et vérifiée point par point sur les lieux, restait à faire, et M. […] Il avait sous lui près de lui, un autre général à physionomie singulière, à caractère original, et qui fut plus heureux : c’était Dagobert de Fontenille, natif du diocèse de Coutances, noble de condition comme de Flers, mais enthousiaste, mais animé du génie de la guerre, vu de trop loin et imparfaitement connu jusqu’ici, et qui prend dans la suite des récits de M. […] Original dans sa personne et dans son allure, marchant nu-tête, couronné de ses cheveux blancs, appuyé sur son bourdon de pèlerin, ressemblant autant à un patriarche qu’à un soldat, il enflammait les siens, fascinait les adversaires et semait déjà autour de lui la légende. […] Figure attachante, originale, pleine de générosité et de candeur ; vieil officier gentilhomme devenu le plus allègre et le plus jeune des généraux républicains ; uniquement voué au drapeau, à la patrie ; sans arrière-pensée, sans grand espoir ; ne sachant trop où l’on allait, mais pressé, mais avide comme tous les grands cœurs de réparer les retards de la fortune et de signaler ses derniers jours par des coups de collier valeureux et des exploits éclatants !
Dans ces passe-temps et ces aménités oisives de plus d’une après-midi, je n’ai pas été sans reconnaître qu’il y avait bien quelques avantages, pour une culture perfectionnée de l’esprit, à ce régime des traductions en vers : un de ces avantages, c’était de remettre sans cesse la traduction elle-même en question, de comparer et de confronter les textes, la copie avec l’original, et, s’il y avait plusieurs traductions rivales, comme c’était le cas pour Virgile, de mettre aux prises ces traductions entre elles. Dans ces jeux de l’érudition et du goût, l’original sans cesse relu, manié et remanié à plaisir, devenait chose familière, facile, non apprise, mais sue de tout temps et comme passée en nous, on ne l’oubliait plus. […] La critique littéraire, par ses progrès mêmes et en marquant de traits de plus en plus distincts et individuels le caractère des talents originaux, a dégoûté des copies ambitieuses et a découragé les émules. […] Varron ne préférait-il pas le commencement des Adelphes au morceau original dans Ménandre ?
Ce qu’il ne sait pas d’original, il le devine ; s’il n’est pas historien, il prétend du moins fournir à l’histoire ses plus sûrs renseignements. […] Il mentionne Bossuet en termes nobles, mais en passant, quoique ce fût la plus grande gloire de la fin du règne et que tout le génie du siècle se fût retiré là ; par contre, il peint avec détail Fénelon, à cause des faiblesses qui gâtent ce bel original. […] Il y a moins de convention dans les portraits de Tacite, et les traits qu’il a choisis sont si propres à la personne, et si caractéristiques, qu’ils nous mettent en présence de l’original. […] Les contemporains n’ont pas mieux connu les originaux de Saint-Simon, d’après le mal ou le bien qu’ils en ont reçu, que la postérité, sur ce qu’il nous en a dit. […] A chaque rencontre avec ses originaux, Saint-Simon mettait en note soit un trait nouveau, soit ceux d’habitude ; rentré chez lui, sa plume fidèle les consignait sur le papier.
Le développement du peuple hébreu lui-même, qui semble offrir avant Jésus-Christ moins de trace qu’aucun autre de travail réfléchi, présente dans son déclin des vestiges sensibles de cet esprit de recension, de collection, de rapiécetage, si j’ose le dire, qui termine la vie originale de toutes les littératures. […] On pourrait croire qu’en rappelant l’activité intellectuelle à l’érudition on constate par là même son épuisement et qu’on assimile notre siècle à ces époques où la littérature ne pouvant plus rien produire d’original devient critique et rétrospective. […] Si, au lieu de consumer leur vie sur de barbares traductions et des travaux de seconde main, les commentateurs scolastiques eussent appris le grec et lu dans leur texte Aristote, Platon, Alexandre d’Aphrodisias, le XVe siècle n’eût pas vu le combat de deux Aristote, l’un resté solitaire et oublié dans ses pages originales, l’autre créé artificiellement par des déviations successives et insensibles du texte primitif. Les textes originaux d’une littérature en sont le tableau véritable et complet. […] Ce qui manque au Moyen Âge, ce n’est ni la production originale, ni la curiosité du passé, ni la persévérance du travail.
D’autre part, ce livre lugubre ne nous raconte que des événements heureux, et c’est par là qu’il est rare et original. […] En voici un que je vous donne pour ce qu’il vaut et qui, d’ailleurs, n’est pas original (mais un credo ne doit pas être original).
L’abbé de Pons exhorte l’ami anonyme auquel il écrit à ne pas imiter ceux qui, charmés pour leur compte de la lecture d’un livre nouveau, changent d’avis le lendemain et se retournent en apprenant que des personnes célèbres et d’autorité sont d’un avis contraire : Non, monsieur, non, ne soyez pas infidèle à vos lumières ; osez penser par vous-même, et ne prenez point l’ordre de ces stupides érudits qui ont prêté serment de fidélité à Homère ; de ces gens sans talents et sans goût, qui ne savent pas suivre le progrès des arts et des talents dans la succession des siècles ; de ces scholiastes fanatiques qui entrent dans une espèce d’extase à la lecture de L’Iliade originale, où l’art naissant n’a pu donner qu’un essai informe, et qui n’aperçoivent pas dans les travaux de notre âge le merveilleux accroissement de ce même art. […] Tel se croit un Homère, parce qu’il entend Homère dans la langue originale. […] L’original est plus vif, plus animé ; expressif, magnifique, harmonieux. La langue française est impuissante à rendre toutes les beautés de la langue grecque. » Ils répondaient : « Peu nous importe », et ajoutaient comme l’abbé de Pons, d’un air de compliment pour Mme Dacier : « Elle a entendu Homère autant qu’on le peut entendre aujourd’hui ; elle sait beaucoup mieux encore la langue française ; elle a rendu le plus élégamment qu’elle a pu, dans notre langue, ce qu’elle a vu, pensé et senti en lisant le grec : cela me suffit, j’ai L’Iliade en substance. » L’erreur, c’était de croire qu’un poète dont l’expression est un tableau, une peinture naïve continuelle, fût fidèlement rendu par une traduction tout occupée d’être suffisamment polie et élégante ; l’erreur, c’était de s’imaginer qu’il n’y avait là qu’une question de plus ou moins d’élégance et de précision, et qu’en supposant l’original doué de ces deux qualités à un plus haut degré que la traduction, on lui rendait toute la justice qu’il pouvait réclamer, il s’agissait bien de cela ! […] Il opposait l’impression fâcheuse qu’il avait reçue de la traduction de L’Iliade à celle que lui avait faite en sens contraire une traduction en prose de la tragédie de Caton, d’Addison : Cette traduction, disait-il, quoique inélégante, m’a donné une très haute idée de l’original, Je vois dans le poète anglais la grande partie qui caractérise notre Corneille.
Sans philosophie originale, sans expérience personnelle du cœur humain, incapable d’aller au-delà du décor et du masque, il ne pouvait faire, il ne fît dans ses Satires et ses Épîtres morales, que répéter des lieux communs. […] Alors chaque morceau nous plaît en soi, détaché de l’ensemble où il n’est logé que par accident et par artifice, comme nous nous amusons des originaux que Lesage fait défiler devant nous dans son Diable boiteux, sans nous soucier de la fiction qui lui sert à les amener. […] Il exprimait là le fond intime de son être, les idées dont il vivait ; et c’étaient des idées originales, personnelles, s’il en fut. […] On voit défiler un certain nombre d’originaux, le pédant, le galant, le bigot, le libertin, l’avare, le prodigue, le joueur : toutes ces physionomies manquent de relief ; l’auteur les dessine d’une main molle et développe languissamment son thème. […] Seulement ce n’est pas une raison pour la nier, quand par hasard elle se dégage et trouve sa forme : et surtout ce qu’elle a d’étroit et de court n’en doit pas faire méconnaître la rareté originale.
C’est ainsi que, de la cinquième à la neuvième édition, chaque division du livre forma comme une salle particulière, où vinrent se ranger, à mesure que le siècle les faisait passer devant lui, les originaux les plus marquants de la même famille. […] Il n’en veut pas à ses originaux, même à ceux de la pire espèce, et, comme Tacite, à qui ne déplaisaient pas les sujets sombres où il excelle, il ne hait pas ce qu’il peint avec tant de bonheur. […] Les traits qu’il a réunis et groupés dans une personnification vivante, nous les avons vus éparpillés sur un certain nombre d’originaux dont son art a fait un type. […] Certains portraits de La Bruyère sont excessifs, moins encore par l’exagération que par le trop grand nombre de traits ; chaque original en porte plus que sa charge : ce sont les Hercules du ridicule. […] Mais il était permis à un helléniste, et j’ajoute à un humaniste de ce mérite d’avertir le lecteur des erreurs où est tombé La Bruyère, et des libertés qu’il a prises avec l’original.
Préface de l’édition originale (1855) Le livre a été commencé par deux frères, en des années de jeunesse et de bonne santé, avec la confiance de le mener à sa fin. […] À cet avant-dernier fascicule devait succéder, l’année suivante, un travail général sur la sculpture du temps, où se serait détachée, comme l’expression la plus originale de la sculpture rococo, la petite figure du sculpteur Clodion.
Ça ne fait rien, quel malheur, que cette mort d’une moitié de lui-même, et bien certainement de quelque chose de son talent, qui allait faire un si beau, un si original, un si espagnol, Don Quichotte. […] Ah le beau et original Roman comique à refaire, au milieu des paysages orientaux ! […] Dans cette appropriation japonaise, la nature du pays perce, et rend, pour ainsi dire, l’imitation originale. […] Les trois autres corps de bibliothèque renferment des éditions originales de Hugo, de Musset, de Stendhal, mêlées à des éditions originales de contemporains, imprimées sur des papiers de luxe, et contenant une page du manuscrit donné à l’impression. […] J. ciselé sur la tranche, qui est l’ex libris original, que nous avions inventé, pour les livres sortis de notre collaboration.
Que viennent faire ces mauvais plaisants dans une Bibliographie des principales éditions originales ? […] « À voir les éditions originales de Molière, disait donc M. […] Les Errata tout seuls de ses éditions originales en feraient foi. […] En fait d’éditions originales de Bossuet, M. […] Les éditions originales en sont moins recherchées, parce que l’on y apprend peu de choses.
Il y a une petite ville extrêmement pittoresque (San Geminiano) qui n’est pas éloignée de Volterra, et où la manière de recueillir le raisin est très originale. […] Son imagination se perd, je dirai, dans ce travail matériel, et il n’est plus capable de rien produire d’original. […] Il qualifie quelque part cette peinture des Italiens modernes d’un seul mot : « On dirait de la peinture d’ennuyés. » Ici il en cherche la cause : J’y ai cependant fait une observation que je ne peux m’empêcher de vous communiquer, celle de n’y avoir trouvé aucun tableau un peu original : tous ne sont que de faibles réminiscences des ouvrages anciens et modernes, et rien de véritablement senti sur la nature. […] C’est autre chose que mes brigands de Sonnino, et je suis sûr qu’en restant dans le pays, on ferait les choses avec bien plus de caractère, bien plus larges, d’un plus beau style, plus original en tout, plus riche de couleurs.
Grenier, quand il fera réimprimer son excellent livre, nous doit, ce me semble, un court résumé historique de tout ce passé, un chapitre narratif où se dessineraient quelques figures originales de philhellènes : je vois d’ici sous sa plume trois beaux portraits aussi peu semblables entre eux que possible, mais dignes d’être réunis et rapprochés sous une même invocation et à un même titre de pieuse reconnaissance : lord Byron, le banquier genevois Eynard et le colonel Fabvier, trois types de cœurs passionnés, dévoués et sans réserve aucune au service de la même cause. […] Mme de Gasparin, âme ardente, promeneuse naïve et originale, et qui se porte elle-même tout entière partout, est par trop occupée, en posant le pied à Corinthe, de rendre grâces en style biblique, et, en face du Parthénon, de discuter pour ou contre l’utilité des missionnaires. […] Grenier est venu résolument s’inscrire en faux contre une telle superstition, comme il la qualifie ; et tandis que ses camarades et confrères de l’École d’Athènes, les Gandar, les Lévêque, à la suite d’Ampère et de presque tous les voyageurs, reconnaissaient la vérité d’Homère à chaque pas et la proclamaient avec louange, lui, esprit ferme, original, un peu humoriste, un peu sombre, destiné aux luttes de chaque jour avec la rude et poignante réalité, il disait non, et ne voyait dans la plupart des épithètes homériques que des banalités convenues, vagues ou fausses, et si générales qu’on n’en peut rien conclure. Les détails dans lesquels il est entré à l’appui de sa thèse sont très ingénieux, et d’un homme qui a beaucoup lu et compulsé Homère dans l’original.
Supposez un livre écrit dans une langue originelle et muni d’une traduction interlinéaire ; le livre est la nature, la langue originale est l’événement moral, la traduction interlinéaire est l’événement physique, et l’ordre des chapitres est l’ordre des êtres. — Au commencement du livre, la traduction est imprimée en caractères très lisibles et tous bien nets. […] À la fin, surtout au dernier chapitre, l’impression devient indéchiffrable ; cependant quantité d’indices montrent que c’est toujours la même langue et le même livre. — Tout au rebours pour le texte original. […] Nous avons d’abord étudié longuement l’idiome original, et montré que les pages du dernier chapitre, écrites en apparence avec des caractères de diverses sortes, sont toutes écrites avec les mêmes caractères. […] Alors nous avons établi que l’écriture interlinéaire est une traduction, que l’autre est un texte original ; et de leur dépendance nous avons conclu que la première est la traduction de la seconde.
Ce qu’il y a de sincère et d’original dans Ronsard. […] Les troubles civils tireront de lui une manifestation originale et considérable, les Discours, dont nous parlerons en leur lieu ; auprès des contemporains, ils ont plus nui que servi à sa gloire, en lui aliénant les protestants. […] Ce qui lui manqua, ce fut une pensée originale, une pensée qui ne fût occupée qu’à faire entrer le monde et la vie dans les formes du tempérament, à projeter le tempérament sur l’univers et sur l’humanité : qui par conséquent permît au tempérament de dégager toute sa puissance, et de réaliser ses propriétés personnelles. […] Nous remarquons ainsi les témérités de Baïf, qui forge des comparatifs et des superlatifs à la manière latine, qui tente des vers métriques sur le patron des vers latins : ainsi le génie propre de la langue, le caractère original de la versification française sont méconnus.
Regardez cet original et puissant marquis de Mirabeau527 : je le nomme d’autant plus volontiers qu’il a des parties de grand écrivain, dans son style âpre, tourmenté, obscur, débordant d’imagination et de passion. […] Mais l’idée originale de Vauvenargues, où se résume toute sa philosophie, c’est le respect des passions. […] Il prenait cette position, originale en son temps, de respecter le christianisme en n’obéissant qu’à la raison. […] Le marquis d’Argenson (1694-1757), esprit original et libéral, a écrit des Considérations sur le gouvernement ancien et présent de la France (Amsterdam, 1764).
Il a appliqué à l’étude de la littérature un fort tempérament de polémiste et d’orateur, une rare puissance d’abstraction, de logique et de synthèse, une grande richesse d’information bibliographique et chronologique ; et tout cela a valu beaucoup, parce que des impressions fines et originales, de vives intuitions déterminées au contact des œuvres, un goût enfin sûr et délicat lui ont fourni la base de ses constructions. […] Cela est philosophie, ou poésie, nature prise sur le vif ou idée originale ; mais ce n’est pas du théâtre : bon à siffler. […] Barrès, insupportable parfois dans la culture de son moi, mais si original, lorsqu’il veut, en ses analyses d’états moraux, et si exquis en ses impressions de paysages969. […] Becque973 y a usé son rare talent, son ironie aiguë, son observation sèche et perçante : le public a méconnu l’originale valeur de ces œuvres dont l’impression était douloureuse et dure.
L’emploi d’une forme de style, l’expression d’une conception particulière quelconque, que cet emploi soit original ou qu’il puisse paraître entaché d’imitation, est un fait ayant pour cause prochaine, comme tout le livre, la toile, la partition dont il s’agit, un acte physique de leur auteur, poussé par quelque besoin de gloire, d’argent, par un mobile, instinctif, n’importe, de faire une de ces œuvres. […] Mais la plupart des artistes ne se bornent pas à produire aveuglement, en suivant les indications latentes de leurs aptitudes, lis se font un idéal imité ou original dont ils tâchent de rapprocher le plus possible leurs productions, une image composite d’une œuvre d’art ou d’une propriété d’œuvre d’art, conçue comme douée de toutes les qualités que l’artiste admire et qu’il cherche à réaliser. […] Si ces particularités esthétiques sont nombreuses, en d’autres termes, si l’œuvre analysée est considérable et variée, ces particularités sont importantes, en d’autres termes, si l’œuvre analysée est originale et grande, les particularités psychologiques seront nombreuses et importantes ; elles pourront suffire à définir l’artiste, en permettant de connaître l’indice individuel de ses principaux groupes d’idées, d’images, de sensations. […] Cette organisation est plus marquée chez l’artiste original, puisqu’elle l’a poussé à inventer en dehors de ce qui existait : elle est probablement moins accentuée chez l’artiste imitateur, chez qui elle s’est manifestée sans spontanéité.
. — Chants originaux ; essais artificiels. — Marlowe, Shirley, Milton, Cowley. — Poésie savante de Gray. […] Ampère, et sans être soutenu comme eux par l’original. […] C’est que Gray, avec la science et le goût profond de l’antiquité, eut une manière originale de sentir et de rendre sa pensée. […] Est-il besoin de dire ce qu’une telle vie, dans le siècle des grandes prétentions et des petites choses, dut nourrir de feu poétique et de verve originale au cœur du poëte anglais ?
C’est, d’ailleurs, que Stendhal n’est pas seulement un des écrivains les plus originaux de ce siècle, mais qu’un certain nombre de lettrés, sincèrement ou par imitation, les uns pour paraître subtils et les autres parce qu’ils le sont en effet, considèrent Beyle comme un maître unique, comme le psychologue par excellence, et lui rendent un culte où il y a du mystère et un orgueil d’initiation. […] Il constate çà et là qu’il était bien habillé (et il décrit son costume), qu’il a été beau, brillant, spirituel, profond ; qu’il est original et qu’il a du génie. […] Mais il adore La Fontaine, Pascal, et, sans réserve et par-dessus tout, Shakespeare (ce qui était alors un sentiment original).
C’est ainsi que certains paysages ne sont que des copies correctes d’un original écrit dans une langue étrangère. — L’artiste initié au secret divin de l’art entend la voix de la nature qui raconte ses mystères infinis par les arbres, par les plantes, par les fleurs, par les eaux et par les montagnes. […] Huet, et en fait des ouvrages tout à fait originaux auprès de tant d’autres paysages maniérés, superficiels et factices ; de lui aussi on peut dire en ce sens ce que nous disions, il y a quelques jours, d’un autre jeune artiste philosophe, de M.
Un roman paraît qui, s’écartant des nombreuses œuvres imitées des esthétiques admises, est original par le cas psychologique qu’il étudie et inaugure, avec les quelques livres marquants de ceux qui débutent, un nouveau style et un nouvel art. […] *** Par son intrigue encore ce roman est original et se distingue surtout du Werther et de l’Obermann du commencement de ce siècle.
Il a conservé la majeure partie de l’original, et marqué spécialement ses additions et corrections pour que la part de chaque poëte fût aperçue au premier examen. […] Ajax est un des caractères les plus originaux de la pièce, et s’accorde assez bien avec celui de l’Iliade. […] Il n’est pas vraisemblable que, s’il eût puisé dans Hall ses premiers ouvrages, il eût ensuite quitté l’original pour le copiste. […] Il est aisé de reconnaître les passages ajoutés, car ils se distinguent par un charme et une naïveté d’images que n’offre nulle part ailleurs le style de l’ouvrage original. […] La plus grande partie de la pièce originale y est textuellement reproduite ; on y retrouve de même le décousu qui a pu frapper dans la première et la seconde partie.
On ne risque d’être artiste que lorsque, obéissant aux parties nobles et originales de soi-même, on s’est délivré des servitudes sociales. […] Aujourd’hui les harmoniques qui volent autour de ses notes les plus mélancoliques gazouillent, naïve et inconsciente de sa causer la joie d’un complet et original épanouissement. […] Elle est, inconnue comme il convient et réservée à la joie des rares qui sont dignes de la beauté originale, le plus admirable des écrivains féminins d’aujourd’hui. […] On y trouve déjà quelquefois l’image originale, qui sera un des deux grands mérites de Boissier. […] Mais n’allons pas leur demander la pensée précise et originale.
Je crois de même que nos pensées, quoiqu’elles roulent toutes sur des idées qui nous sont communes, peuvent cependant par leurs circonstances, leur tour et leur application particuliére, avoir à l’infini quelque chose d’original. […] J’ai osé traduire quelques-unes de ses odes, où je serai demeuré sans doute fort au-dessous de mon original : mais comme il n’y en a point encore de traduction publique en vers françois, qu’il n’en a couru de tems en tems dans le monde que de simples imitations, et même la plûpart en vers irréguliers, je me suis encore laissé gagner à la nouveauté. J’ai donc traduit cinq de ses odes en strophes réguliéres, où j’ai tâché de rendre toutes ses idées, presque toujours dans le même nombre de vers, qu’elles sont rendues dans l’original. […] Rien ne refroidit tant le génie qu’un respect superstitieux pour l’original. […] Je suis surpris cependant qu’après ses stances sur les larmes de Saint Pierre, imitation où il paroît adopter avec plaisir les mauvaises pointes de son original, il ait pû revenir si-tôt au judicieux et au vrai.
Viardot, il est douteux qu’aucun Français eût jamais lu quelqu’une des productions originales de M. Gogol ; j’étais dans ce cas comme tout le monde ; j’avais un avantage pourtant que je réclame, c’était d’avoir rencontré autrefois, sur un bateau à vapeur, dans une traversée de Rome à Marseille, l’auteur en personne, et là j’avais pu, d’après sa conversation forte, précise, et riche d’observations de mœurs prises sur le fait, saisir un avant-goût de ce que devaient contenir d’original et de réel ses œuvres elles-mêmes. […] Il m’en parla à fond et de manière à me convaincre du talent original et supérieur de ce Belli, qui est resté si parfaitement connu à tous les voyageurs.
Au moment où Rousseau remue si profondément les âmes de nos compatriotes, et celles de ses contemporains par toute l’Europe, l’Angleterre nous envoie Thomson, Young, Macpherson586 : les Saisons de Thomson réveillent le goût de la nature chez nos mondains ; et nos spirituels peintres des choses champêtres, les Saint-Lambert, les Roucher, sont de mauvais copistes d’un bon original. […] L’idée de la liberté anglaise devient un lieu commun de l’opinion publique ; le type de l’Anglais franc, indépendant, original jusqu’à l’excentricité, devient un type banal du théâtre et du roman. […] L’impératrice parle un français bizarre, brusque, incorrect, original ; elle écrit des comédies en français ; elle traduit Bélisaire en russe.
Quelques-uns sont des esprits originaux et charmants. […] Et d’autres, moins originaux, nous frapperont du moins par l’adroite accommodation de leur esprit à la besogne qu’ils font et au public qu’ils entretiennent. […] Les esprits vraiment originaux traversent ce journal, mais n’y séjournent pas.
Il faudra que l’ensemble du poème se lie intimement au caractère spécial de la musique, qu’on sente que l’un « est enfant de l’autre » ; et le style devra être moulé sur celui de l’original. […] Il est évident que dans, tous ces cas la traduction devra serrer l’original de plus près que jamais. […] On ne conçoit pas que le poème si puissamment original de Wagner ait pu exercer une action aussi nulle et inspirer cette espèce de feuilleton rimé de petit journal. […] Et une phrase entière, chantée à un moment capital, sur une des mélodies fondamentales du drame, et qui n’a aucun rapport avec la phrase du texte original ! […] Cette question ne se pose plus exactement de la même façon aujourd’hui puisque les œuvres sont chantées dans leur langue originale.
Il comprend la dignité du genre qu’il traite ; il est des particularités honteuses ou incertaines que l’histoire doit laisser dans les satires, pamphlets et pasquins, où les curieux les vont chercher : d’Aubigné, qui aime trop ces sortes de pasquins ou de satires, et qui ne s’en est jamais privé ailleurs, les exclut de son Histoire universelle, et, s’il y en introduit quelque portion indispensable, il s’en excuse aussitôt : ainsi en 1580, à propos des intrigues de la cour du roi de Navarre en Gascogne, quand la reine Marguerite en était : J’eusse bien voulu, dit-il, cacher l’ordure de la maison ; mais, ayant prêté serment à la vérité, je ne puis épargner les choses qui instruisent, principalement sur un point qui, depuis Philippe de Commynes, n’a été guère bien connu par ceux qui ont écrit, pour n’avoir pas fait leur chevet au pied des rois… Quand il s’étend longuement sur certaines particularités purement anecdotiques, il s’en excuse encore ; il tient à ne pas trop excéder les bordures de son tableau ; il voudrait rester dans les proportions de l’histoire : mais il lui est difficile de ne pas dire ce qu’il sait de neuf et d’original ; et d’ailleurs, s’il s’agit de Henri IV, n’est-il pas dans le plein de son sujet, et n’est-il pas en droit de dire comme il le fait : « C’est le cœur de mon Histoire ? […] Il semble même accorder volontiers à ceux de ses lecteurs qui ne se plaisent point à un endroit du livre de courir à un autre, et de jouer du pouce comme il dit ; tout cela est vrai, et cependant si l’on chemine avec lui et si l’on s’attache à sa suite, on est dédommagé, on a mieux que des faits originaux et singuliers, on rencontre de belles, d’admirables scènes. […] Ce discours de d’Aubigné est de toute fierté et de toute beauté ; il le faut lire en entier dans l’original. […] … Tout ceci est plein de réminiscences latines, et d’une langue de renaissance encore plus que gauloise : elle n’en est pas moins belle et originale de combinaison et de mélange.
Walckenaer, dans sa copieuse édition (1845), a rassemblé tout ce que fournit de curieux la comparaison des nombreuses éditions originales données par La Bruyère lui-même, et aussi tout ce qu’on a pu savoir ou conjecturer des personnages qui avaient posé devant lui. […] Édouard Fournier ; il a mis au bas des pages quelques notes biographiques utiles sur les originaux qu’on reconnaît au passage, et quelques pensées des moralistes célèbres qu’on aime à rapprocher de leur grand émule. […] Lorsqu’on s’est une fois familiarisé avec lui et avec sa manière, on l’aime bien mieux, ce me semble, hors de ces morceaux de montre et d’apprêt, dans les esquisses plus particulières d’originaux, surtout dans les remarques soudaines, dans les traits vifs et courts, dans les observations pénétrantes qu’il a logées partout et qui sortent de tous les coins de son œuvre. […] On a une indication précieuse sur la manière indépendante, toute littéraire, et par cela même originale, dont La Bruyère se conduisit à l’Académie durant le temps trop court qu’il lui fut donné d’y siéger.
Il en a ignoré ou dédaigné tout un autre côté, par lequel le dernier règne regardait les précédents, côté qui certes n’est pas le moins original, et que Saint-Simon nous dévoile aujourd’hui. […] Or, ceci bien posé, il est aisé de rétablir en leur vraie place et de voir en leur vrai jour les hommes originaux du temps, qui, dans leur conduite ou dans leurs œuvres, ont fait autre chose que remplir le programme du maître. […] Ces petites pièces, avec le Songe de Vaux, sont les premières productions originales que nous ayons de La Fontaine : elles se rapportent tout à fait au goût d’alors, à celui de Saint-Évremond et de Benserade, au marotisme de Sarasin et de Voiture, et le je ne sais quoi de mollesse et de rêverie voluptueuse qui n’appartient qu’à notre délicieux auteur, y perce bien déjà, mais y est encore trop chargé de fadeurs et de bel esprit. […] J’en reviens volontiers et je m’en tiens sur lui à ce jugement de La Bruyère dans son Discours de réception à l’Académie : « Un autre, plus égal que Marot et plus poëte que Voiture, a le jeu, le tour et la naïveté de tous les deux ; il instruit en badinant, persuade aux hommes la vertu par l’organe des bêtes, élève les petits sujets jusqu’au sublime : homme unique dans son genre d’écrire, toujours original, soit qu’il invente, soit qu’il traduise ; qui a été au-delà de ses modèles, modèle lui-même difficile à imiter. » — Voir aussi le joli thème latin de Fénelon à l’usage du duc de Bourgogne sur la mort de La Fontaine, in Fontani mortem.
Le lecteur y trouve l’expression parfaite de ses vagues tendances, et de l’esprit général du siècle : mais Boileau y a mis quelque chose de plus, une doctrine originale et personnelle, qui, dans la vaste unité du siècle, sépare un certain groupe d’esprits, exprime l’idéal d’une école littéraire. […] On ne pensait point aller contre les préceptes de l’Art poétique : l’entêtement de Boileau pour les Grecs et les Latins, sa colère contre Perrault, ne semblaient être que des boutades, des saillies de son humeur originale, dont on souriait, et qu’on n’estimait pas tirer à conséquence. […] Mais, pour la même raison, il ne peut se donner à lui-même par sa seule énergie ce que l’imitation de l’antiquité avait aidé les grands classiques à créer : une poésie originale, qui fût vraiment une œuvre d’art. […] Ce pur poète, qui lit Virgile, Homère et Théocrite avec un si exquis sentiment de la nature antique, et qui sait s’éprendre aussi de Malherbe, cet artiste curieux de la forme, qui fait rendre au vers classique dégradé par tant de spirituels rimeurs de si délicats ou puissants effets de rythme et d’harmonie, voilà justement l’écrivain qui entendait l’Art poétique comme l’avaient entendu Racine et La Fontaine, et qui réalisa en son temps les théories originales de Boileau.
Le style en est original, comme la pensée. […] Leur poésie ressemble-t-elle aux fadeurs modernes où leur nom figure, ou bien ce talent a-t-il réellement quelque chose d’original ? […] Wilhem Schlegel, toute une partie de la poésie des troubadours qu’il faut chercher dans l’original. […] Cette mort est obscure, et enveloppée, dans le récit original, d’une sorte de terreur magique et presque diabolique. […] Mais occupons-nous d’abord du texte original, et même de sa forme extérieure et matérielle.
Ici le sentiment et le mouvement de l’original sont essentiels à reproduire ; il faut y atteindre à tout prix, même au prix de l’exactitude secondaire des détails. […] La brièveté de l’idée originale fait partie de sa grâce ; et chaque chef-d’œuvre ne contient, pour ainsi dire, qu’une goutte d’essence, qui, dès qu’on veut l’en séparer, s’évapore.
Cette modération-là est en train de devenir, par ce temps de modes outrancières, de cabotinage et de snobisme — en littérature, en art et, dit-on, en politique — quelque chose de rare et d’original ; j’ajoute de méritoire : car les idées extrêmes, plus frappantes, plus faciles à développer, ont bien meilleur air aux yeux des ignorants et sont généralement d’un profit plus immédiat pour ceux qui les professent. […] Avoir trouvé cela est, certes, aussi beau et même aussi original, aussi surprenant, que d’avoir découvert la loi de la gravitation ou d’avoir écrit le Cid.
Ses libertez dans l’expression paroissent les saillies d’une verve naturelle, et ses vers composez d’après ceux de Virgile et d’Homere ont ainsi l’air original. Les beautez dont ses ouvrages sont parsémez, étoient donc très-capables de plaire à des lecteurs qui ne connoissoient pas les originaux, ou qui en étoient assez idolâtres pour chérir encore leurs traits dans les copies les plus défigurées.
Nous savons si la copie ressemble, sans avoir vu l’original. […] En d’autres termes, il se fera une antiquité à son image, sans y penser, et dès lors l’admiration qu’il a pour elle ne le gênera plus : elle le guidera à la satisfaction de ses propres instincts et de son goût original. […] L’original fût-il une forme unique en son genre que jamais la nature ne réalisera une seconde fois, l’imitation, à force de sérieuse conviction et de fidélité, en fait un type. […] Quand on joue à la paume, c’est une même balle dont on joue l’un et l’autre, mais l’un la place mieux. » Et La Bruyère, prenant la plume, écrivait d’abord : « Tout est dit » ; puis il faisait un gros livre, excellent et très original. […] Il était fatal que Boileau, n’ayant point étudié, et ne pouvant avoir étudié en son temps la littérature dans son rapport avec le génie original et le développement historique des peuples, se trompât souvent dans un sens ou dans l’autre.
Ne prenons pas le change sur le cadre ou sur le ton : tant d’énumérations moralisées ou satiriques que nous rencontrons, ne sont qu’une forme originale de littérature réaliste, dont le caractère essentiel est de réveiller chez l’auditeur la sensation des réalités qui lui sont prochaines : et comme cette littérature s’adresse à des imaginations vierges, non blasées encore, ni réfractaires par un trop long usage à l’action suggestive des mots, les noms soûls des choses, sans descriptions, sans épithètes, sans tout le mécanisme compliqué du style intense, les noms tout secs sont puissants : le poète se contente d’appeler, pour ainsi dire, chaque objet, aussi le voilà présent, en sa concrète et naturelle image, aux esprits de ceux qui l’entendent. […] Guillaume de Lorris avait esquissé la figure hypocrite de Papelardie, sans désigner personne : Jean de Meung, avec emportement, brosse l’image horrifique de Faux-Semblant, richement enluminée de tons crus et violents ; et de peur qu’on ne s’y trompe, il ajoute à l’image une légende qui nomme les originaux. […] Jean de Meung est un original et hardi penseur, qui s’est servi de la science de l’école avec indépendance : son Roman de la Rose enferme un système complet de philosophie, et cette philosophie est tout émancipée déjà de la théologie ; ce n’est pas la langue seulement, c’est la pensée qui est laïque dans ce poème. […] Aussi, au formalisme compliqué des pratiques, aux exigences contre nature de la vie monastique, oppose-t-il, dans des vers d’une expression originale et forte, la sainteté laïque qui gagne le ciel, l’idéal de la vie chrétienne dans le monde, qui satisfait à la fois à l’Évangile et à la raison : Bien peut en robes de couleur Sainte religion fleurir : Plus d’un saint a-t-on vu mourir, Et maintes saintes glorieuses, Dévotes et religieuses. […] Ce bouillonnement d’idées et de raisonnements qui se dégorgent incessamment pendant dix-huit mille vers, sans un arrêt, sans un repos, cette verve et cet éclat de style, net, incisif, efficace, souvent définitif, cette précision des démonstrations, des expositions les plus compliquées et subtiles, cette allégresse robuste avec laquelle le poète porte un énorme fardeau de faits et d’arguments, le mouvement qui, malgré d’inévitables langueurs, précipite en somme la masse confuse et féconde des éruditions scolastiques et des inventions hardiment originales, tout cela donne à l’œuvre un caractère de force un peu vulgaire, qui n’est pas sans beauté.
Ce n’est pas qu’il faille toujours le croire : il fausse parfois ses portraits, non parce qu’il voit mal, mais selon l’idée qu’il veut donner de l’original. […] Parmi les courtisans et gentilshommes dont on a des lettres, deux nous arrêteront comme des types largement représentatifs : Bussy et Saint-Evremond, deux hommes d’esprit dont l’esprit a causé le naufrage, et qui ont vieilli sans emploi, en exil, l’un au fond de la Bourgogne, l’autre en Angleterre : Bussy355, vaniteux et tempérament brutal, esprit fin, souple et sec, sans fantaisie et sans flamme, d’un goût sûr plutôt que large, d’un style net et propre en perfection, railleur, flegmatique et dangereux ; Saint-Evremond356, spirituel et négligé, jouissant de sa nature avec un complet abandon, libertin de mœurs et de croyance, d’un goût original, à la fois Louis XIII et Régence sans rien de Louis XIV, laissant aller son style et dépouillant la préciosité par haine de l’effort et de la prétention. […] Elle aime la nature, et par là ses lettres mettent une note originale dans la littérature classique : mais elle ne mêle à cet amour ni sentimentalité ni rêverie. […] Mais sa qualité essentielle et dominante, c’est l’imagination ; et ce qui fait de ses lettres une chose unique, c’est cela : une imagination puissante, une riche faculté d’invention verbale, deux dons de grand artiste, dans un esprit de femme plus distingué qu’original, et appliqué à réfléchir les plus légères impressions d’une vie assez commune, ou les événements journaliers du monde environnant. […] Beaucoup d’entre eux ont laissé des lettres où revivent ces originales figures d’érudits, qui cherchèrent la vérité avec une passionnée indépendance sans cesser d’être d’humbles chrétiens.
Toujours au même ordre d’idées appartiendront ces préoccupations de Voltaire, si neuves alors et si originales chez un homme de lettres, sur des questions de voirie, d’administration, de financés, de commerce : il se passionne pour les Embellissements de Paris 517. […] Par ce dernier côté, il rattache sa curiosité scientifique à ses tendances épicuriennes ; et c’est encore un aspect très original, très moderne de ce complexe génie. […] En revanche, l’ouvrage a été solidement préparé, à l’aide des documents originaux. […] Il avait vu les dernières années du grand roi ; sa vie accidentée le mit à même de consulter nombre de personnes qui avaient touché aux affaires, hanté la cour, ou que leurs pères avaient instruits de toute sorte de détails originaux et authentiques. […] Comme toujours aussi, il travaille sur les documents originaux, il s’enquiert des sources, critique les témoignages.
Hugo ne s’est pas lassé de répéter ce type qui n’était même pas une expression sincère de sa propre personnalité : le laquais Ruy Blas, le bandit Hernani, l’aventurier Gennaro, le chevalier Otbert, le proscrit Rodolfo, ne sont que des variantes, les deux premières originales, les autres assez décolorées de Didier. […] Son théâtre est exquis par la fine notation d’états sentimentaux très originaux et très précis : il s’analyse lui-même sous ses noms divers avec une acuité poignante. […] Ainsi s’étend la comédie fantaisiste de Musset, précieuse et naturelle, excentrique et solide, sentimentale et gouailleuse, plus poétique que la comédie de Marivaux, moins profonde que la comédie de Shakespeare, œuvre unique en somme dans notre littérature, et d’une grâce originale qui n’a pu être imitée. […] Lemercier dans Pinto (1800) avait indiqué une façon assez originale de traiter en comédie les grands événements historiques, en montrant l’envers, les dessous, et comme les coulisses de la politique. […] Chefs-d’œuvre de Shakespeare, trad. conformément au texte original en vers blancs, en vers rimés et en prose, … 1826.
Pas un de ces critiques ne semble s’apercevoir de l’originale chose essayée par moi dans ce livre, de la tentative faite pour émouvoir avec autre chose que l’amour, enfin de la substitution dans un roman d’un intérêt autre, que celui employé depuis le commencement du monde. […] * * * — Le je m’en fous intellectuel de l’opinion de tout le monde : c’est la bravoure la plus rare que j’aie encore rencontrée, et ce n’est absolument qu’avec ce don, qu’on peut faire des œuvres originales. […] et je n’y comprends rien, mais c’était comme ça… Il y a un moment dans le galop, où le pied gauche ne laissait plus de trace, ne laissait que cette petite marque presque invisible. » Et voilà l’original garçon, qui se met à parler du galop du cheval, avec une grande science, des aperçus nouveaux, des divagations amusantes, tout en me faisant passer sous les yeux des croquetons, où il s’est essayé à saisir la réalité du galop : « C’est le diable, vois-tu, cette jambe est vraie, et elle paraît bête, c’est juste et ça semble faux. […] Après cela, je veux essayer d’une tentative originale… je veux prendre deux ou trois familles rouennaises avant la révolution, et les mener à ces temps-ci… montrer — hein ! […] Vendredi 10 octobre Auguste Comte un singulier original, au dire d’une personne qui l’a connu.
Je puis affirmer sur ma conscience qu’il n’y a pas de besogne plus assommante, de spectacle plus monotone, de page plus pâle et moins originale dans l’histoire littéraire. […] Caprices de despotes absurdes et sanguinaires, révoltes de gouverneurs, changements de dynasties, successions de vizirs, l’humanité complètement absente, pas une voix de la nature, pas un mouvement vrai et original du peuple. […] On serait tenté de croire, au premier coup d’œil, que les peuples bretons n’ont pas de littérature, parce qu’il serait difficile de fournir un catalogue étendu de livres bretons réellement anciens et originaux. […] Les mathématiciens trouveraient aussi dans la théorie indienne des nombres des algorithmes fort originaux. […] Il faut laisser chaque siècle se créer sa forme et son expression originales.
Le long de ces provinces s’échelonnent, apportant une note plus originale, à mesure qu’elles sont plus excentriques, la Picardie ardente et subtile, l’ambitieuse et positive Normandie, hardie du bras et de la langue, le Poitou tenace, précis et délié, pays de gens qui voient et qui veulent, la molle et rieuse Touraine, enfin la terre des orateurs et des poètes des imaginations fortes ou séductrices, l’« aimable et vineuse Bourgogne », d’où sont parties, à diverses époques, « les voix les plus retentissantes » de la France. […] Puis pendant des siècles, une à une, les provinces qui entreront dans l’unité nationale recevront la langue de France, et mêleront à son esprit leur génie original : ce sera la rude et rêveuse Bretagne, réinfusant dans notre littérature la mélancolie celtique, ce sera l’inflexible et raisonneuse Auvergne, Lyon, la cité mystique et passionnée sous la superficielle agitation des intérêts positifs ; ce sera tout ce Midi, si varié et si riche, ici plus romain, là marqué encore du passage des Arabes ou des Maures, là conservant, sous toutes les alluvions dont l’histoire l’a successivement recouvert, sa couche primitive de population ibérique, la Provence chaude et vibrante, toute grâce ou toute flamme, la Gascogne pétillante de vivacité, légère et fine, et, moins séducteur entre ces deux terres aimables, le Languedoc violent et fort, le pays de France pourtant où peut-être les sons et les formes sont le mieux sentis en leur spéciale beauté.
Ils prétendent justifier leur goût, en prouvant la perfection de l’original qu’ils ont choisi ; et ils recommandent en même tems leur propre ouvrage, où ils se flatent d’avoir fait passer les mêmes beautés qu’ils font valoir. […] Je suis traducteur en beaucoup d’endroits, et original en beaucoup d’autres : ainsi je dois rendre compte au public de mon ouvrage, sous ces deux différens égards. […] Le traducteur y abandonne même le tour et le génie de sa langue, pour suivre servilement celle de son original. […] Entend-t-on que le poëte traducteur ne puisse rendre le fonds, la substance des pensées du poëte original ? […] Entend-t-on seulement que pour peu qu’on change l’original, on le défigure ?
Elle est l’une des plus originales en son genre. […] Mme de Chevreuse, à qui l’une de ces traductions est dédiée, lisait Don Quichotte dans l’original et disait que c’était du castillan le plus pur. […] Le traducteur avait tâché, comme il disait, d’accommoder son texte au génie et au goût de notre nation, sans trop s’éloigner du sujet, et de telle sorte que quelques endroits sentissent encore l’espagnol ; car, remarquait-il naïvement, « j’ai cru qu’une traduction doit toujours conserver quelque odeur de son original, et que c’est trop entreprendre que de s’écarter entièrement du caractère de son auteur. » Cette traduction de Filleau de Saint-Martin, qui est des meilleures dans le goût du xviie siècle, et des plus belles comme on disait alors, fut aussi attribuée à M. […] monsieur, lui dit le ministre, je vous en fais mon compliment ; je vous envie le plaisir de lire Don Quichotte dans l’original. » Je ne sais comment le prit l’homme de lettres politique, mais le mot est piquant, et il mérite d’être joint à tant de témoignages de choix sur Cervantes.
Les érudits se passent de traductions et les dédaignent : ils lisent les originaux, et, s’ils étaient sincères, la plupart avoueraient que bien souvent ils les consultent encore plus qu’ils ne les lisent. […] Grote, l’un des associés étrangers de l’institut de France et dont l’œuvre est un des monuments originaux de notre époque. […] Grote, doublé de notes savantes et comme escorté à tout instant de textes originaux, nous arrivât par les soins d’un traducteur familier avec la langue grecque ; et pour tout indianiste initié au sanscrit, le grec n’est qu’un développement relativement aisé et comme une branche collatérale et dérivée de ses premières et hautes études de linguistique. […] On devrait bien une bonne fois, pour édifier la moyenne des gens instruits qui, chez nous, sont si en retard sur les grosses questions et à qui il convient d’offrir les idées sans trop de fatigue, nous traduire exactement et au complet les Prolégomènes de Wolf, qui, dans leur latin original et serré, sont d’une lecture assez rude ; ou les environnerait de notes, d’éclaircissements ; on y joindrait l’indication des travaux qui en sont dérivés et qui s’y rattachent.
Peut-être avec de nouvelles connaissances acquises, d’autres secours, le choix d’une forme originale, réussirais-je à conserver le charme de l’intérêt à une matière usée : mais je n’ai rien acquis ; j’ai perdu Falconnet, et la forme originale dépend d’un moment qui n’est pas venu. […] Je vous déclare que ce n’est point à l’aide d’une infinité de petits portraits isolés, qu’on s’élève au modèle original et premier ni de la partie, ni de l’ensemble et du tout ; qu’ils ont suivi une autre voie, et que celle que je viens de prescrire est celle de l’esprit humain dans toutes ses recherches. […] Je prétens que la raison principale pour laquelle les arts n’ont pu dans aucun siècle, chez aucune nation atteindre au degré de perfection qu’ils ont eue chez les grecs ; c’est que c’est le seul endroit de la terre où ils ont été soumis au tâtonnement ; c’est que, grâce aux modèles qu’ils nous ont laissés, nous n’avons jamais pu, comme eux, arriver successivement et lentement à la beauté de ces modèles ; c’est que nous nous en sommes rendus plus ou moins servilement imitateurs, portraitistes, et que nous n’avons jamais eu que d’emprunt, sourdement, obscurément le modèle idéal, la ligne vraie ; c’est que si ces modèles avaient été anéantis, il y a tout à présumer qu’obligés comme eux à nous traîner d’après une nature difforme, imparfaite, viciée, nous serions arrivé comme eux à un modèle original et premier, à une ligne vraie qui aurait été bien plus nôtre, qu’elle ne l’est et ne peut l’être : et pour trancher le mot, c’est que les chefs-d’œuvre des anciens me semblent faits pour attester à jamais la sublimité des artistes passés, et perpétuer à toute éternité la médiocrité des artistes à venir.
Prosper Faugère, si connu par son édition originale de Pascal, la personne ou les personnes qui avaient préparé le recueil et qui ne se nomment point (selon une habitude modeste ou mystérieuse imitée ou héritée de Port-Royal) ont fait le meilleur choix possible ; il ne se pouvait de plus sûre garantie de scrupule et d’exactitude. […] C’était un original que ce chevalier pénitent, avec des restes de gentilhomme hautain et de militaire impérieux. […] Faugère et les inconnus qu’il représente, que ces deux volumes devront s’ajouter désormais à la trentaine de volumes originaux et historiques qu’il suffit à l’homme de goût et au curieux raisonnable d’avoir dans sa bibliothèque, s’il veut connaître son Port-Roval très honnêtement et par le bon côté, par le côté moral, sans entrer dans la polémique et la théologie : c’était à peu près le chiffre auquel M.
Dans ces causeries d’un érudit, impossible de ne pas entendre l’accent de son tempérament, et de détacher la vérité impersonnelle d’une forme originale de l’esprit qui la présente. […] D’autant que la science de Palissy n’est point abstraite : ce curieux obstiné, qui vécut tant d’années pour son idée, ce sévère huguenot, qui n’échappa à la Saint-Barthélemy que pour mourir à la Bastille, s’est mis tout entier dans tous ses ouvrages ; il ne peut parler agriculture et chimie sans répandre au dehors toute son originale et forte nature, sa large intelligence, sa liante moralité, son ample expérience de l’homme et de la vie. […] Inégal, prolixe, prétentieux même, quand il veut se hausser à l’éloquence, Monluc est à l’ordinaire naturel, original, pittoresque, avec une abondance de détails particuliers qui font voir les choses, une vivacité de saillies et d’expressions trouvées qui font voir l’homme.
Théodore de Banville L’auteur des Fleurs du mal est non pas un poète de talent, mais un poète de génie, et de jour en jour on verra quelle grande place tient, dans notre époque tourmentée et souffrante, son œuvre essentiellement française, essentiellement originale, essentiellement nouvelle. Française, elle l’est par la clarté, par la concision, par la netteté si franche des termes qu’elle emploie, par une science de composition, par un amour de l’ordre et de la règle qui, très rigoureusement, procèdent du xviie siècle ; originale, nui ne le lui a contesté ; ç’a été le grand éloge et le grand reproche que lui ont sans cesse adressés ses amis et ses ennemis ; nouvelle, j’insiste là-dessus ; elle a été, elle est, elle restera étonnamment nouvelle et primesautière ; ceci est sa gloire, la meilleure et la plus vraie, dont rien ne peut la déshériter. […] Henri de Régnier Non seulement Baudelaire fut un poète original et admirable, égal aux plus grands, avec je ne sais quoi d’une saveur captieuse et d’un tour magnifique, un linguiste excellent, mais encore un esprit qui eût, si l’on peut dire, de l’architecture.
Parmi ces très rares originaux, il y a évidemment des artistes. […] Le besoin de créations nouvelles suscita des artistes originaux, qui délaissèrent brusquement les formules anciennes. […] Les jalousies et les pastiches que cette œuvre suscite, l’incompréhension et la routine auxquelles l’artiste se heurte le plus souvent, les difficultés énormes qu’il rencontre auprès des ouvriers toujours rebelles aux formes nouvelles, ne nous étonnent pas, puisqu’il est impossible que le novateur, l’artiste original et révolutionnaire, celui qui ne tire son inspiration que de lui-même, ne soit pas l’ennemi, pour tous ceux qu’inquiète et qu’humilie intérieurement sa supériorité.
Mais il y a dans ce discours une autre idée toute pratique, et qui mérite qu’on la mette en vue et en saillie ; c’est ce que j’appellerai l’idée de centralisation historique provinciale : réunir dans un seul et même local tout ce qui se rapporte à l’histoire de la province sous forme graphique, c’est-à-dire tout ce qui est écrit ou tout ce qui peut se dessiner ; et pour être plus précis, j’emprunterai les termes de M. de Persigny lui-même : « fonder une sorte de cabinet historiographique où soient réunies toutes les sources d’informations ; par exemple, une bibliothèque de tous les livres ou manuscrits qui peuvent concerner le pays ; une seconde bibliothèque de tous les ouvrages faits par des compatriotes ; un recueil des sceaux et médailles de la province, ou fac-similé de ces objets ; une collection de cartes géographiques et topographiques du pays, de plans, dessins, vues, portraits des grands hommes ; des albums photographiques pour la reproduction des monuments archéologiques ; un cabinet de titres, chartes, actes authentiques, originaux ou copiés, et surtout un catalogue suffisamment détaillé de tous les documents qui peuvent intéresser la province, dans les collections publiques ou particulières, dans les archives, bibliothèques, musées et cabinets de Paris, des départements et de l’étranger. » Voilà l’idée dans son originalité, et elle peut trouver son application ailleurs. […] Tout ce qu’on pourra réunir de livres, de manuscrits, on le réunira, et, pour ces derniers, à défaut des originaux qui appartiennent le plus souvent à des dépôts publics ou de copies longues à faire et inutiles, on aura du moins les indications précises, immédiates.
C’est encore Molière qui, dans un intermède du Malade imaginaire, lui a donné le plus grand rôle ; mais il n’est là qu’un prête-nom ; il ne fait que remplacer le Pédant, comme on le verra dans la suite de ce livre, et n’a point son caractère original. […] Malgré ces nombreux devanciers, le soin que j’ai pris de remonter autant que possible aux textes et aux documents originaux, m’a permis d’apporter dans cette étude quelques éléments nouveaux, que le lecteur qui a étudié ces questions saura facilement reconnaître.
Les hommes paroissent differens les uns des autres aux esprits plus étendus ; mais les hommes sont tous des originaux particuliers pour le poëte né avec le genie de la comedie. […] Voilà pourquoi Moliere a trouvé plus d’originaux parmi les hommes, quand il a été à l’âge de cinquante ans, qu’il n’en trouvoit lorsqu’il n’avoit encore que quarante ans.
La seule excuse qu’un homme ait d’écrire, c’est de s’écrire lui-même, de dévoiler aux autres la sorte de monde qui se mire en son miroir individuel ; sa seule excuse est d’être original ; il doit dire des choses non encore dites et les dire en une forme non encore formulée. Il doit se créer sa propre esthétique, — et nous devrons admettre autant d’esthétiques qu’il y a d’esprits originaux et les juger d’après ce qu’elles sont et non d’après ce qu’elles ne sont pas. […] Eekhoud, chimère ou effraie, est un monstre original et sincère. […] Quant au présent livre, il est ingénieux et original, érudit et délicat, révélateur d’une belle intelligence : cela semble la condensation de toute une jeunesse d’étude, de rêve et de sentiment, d’une jeunesse repliée et peureuse. […] Huysmans est de ceux-là : il ne fait plus de romans, il fait des livres, et il les conçoit selon un agencement original ; je crois que c’est une des causes pour quoi quelques-uns contestent encore sa littérature et la trouvent immorale.
Bien écrire, en somme, c’est avoir un style à soi, un style original. […] Pourquoi ces peintres ne choisissent-ils pas un motif plus rare, un site plus original ? […] Qui peut être sûr de découvrir chaque semaine un sujet original ? […] X…, livre original, touffu, ouvertement écrit en faveur des femmes. […] Sa traduction est celle qui se rapproche le plus du mot à mot original.
Cigongne, possède aussi dans sa riche collection un manuscrit qui correspond, pour le contenu, à l’un des trois premiers, et qui paraît en être l’original. […] Puis, quand la source originale serait sûrement atteinte, on aurait à discuter encore le degré de confiance qu’on peut accorder en pareil cas aux royales signatures ; car ces princes et princesses avaient tout le long du jour à leur côté ; entendant à demi-mot, valets de chambre, aumôniers et secrétaires, tous gens d’esprit et du métier. […] Enfin, avec les écrivains français de cette époque, on est sans cesse exposé à les croire originaux, si on n’est pas tout plein des anciens ou des modernes d’au-delà des monts. […] Il en est de même de la pièce qui a pour titre la Veuve ; il l’a prise tout entière, sauf quelques suppressions, de la Vedova de Nicolo Buonaparte, bourgeois florentin et l’un des ancêtres, dit-on, des Bonaparte : cette Vedova originale avait paru chez les Giunti de Florence, en 1568. […] Nodier14, qui s’est complu a y voir un caractère original ; ils rappellent naturellement ceux de Ronsard : Mignonne, allons voir si la rose… L’un et l’autre poëte avaient chance de se rencontrer, puisqu’ils avaient en mémoire le même modèle.
Autour du grand homme se formait un petit groupe d’amis discrets et dévoués : Fontanes, pur et froid poète, Joubert645, penseur original et fin, tous les deux utiles conseillers, sans envie et sans flatterie ; et puis ces femmes exquises, dont Chateaubriand humait le charme, l’esprit, l’admiration, faisant passer ces « fantômes d’amour » à travers son ennui, sans se douter assez que c’étaient là des êtres de chair et de sang qui le berçaient dans leur angoisse : Mme de Beaumont, Mme de Custine, Mme de Mouchy. […] En leur médiocrité, elles correspondent à des sentiments intenses, profonds, originaux. […] Mais, la part faite aux erreurs de goût et de logique, il reste assez de vues originales et fécondes dans ces deux parties du Génie du Christianisme, pour faire du livre une date dans l’histoire de la critique et des doctrines esthétiques. […] Ici nous tenons un grand peintre : dans ses tableaux, les cadres ou les prolongements sentimentaux se décollent d’eux-mêmes ; il ne reste que la nature fortement saisie, fidèlement rendue en sa beauté originale et locale. […] Au temps où l’on estimait Anquetil, Chateaubriand a vu ce qu’il fallait chercher, ce qu’on pouvait trouver dans les textes, les documents originaux : le détail caractéristique, qui contient l’âme et la vie du passé670.
Produire par le don de sa seule vie personnelle une vie autre et originale, tel est le problème doit que résoudre tout créateur. […] L’histoire de la littérature ressemble à l’histoire des découvertes scientifiques ; elle est aussi intéressante, mais toutes deux ne servent, encore une fois, qu’à mieux dégager cette inconnue, le génie, et il est aussi impossible d’expliquer entièrement une œuvre originale qu’une grande découverte ; on ne se rendra jamais beaucoup mieux compte du génie d’un Shakespeare ou d’un Balzac que de celui d’un Descartes ou d’un Newton, et il y aura toujours, entre les antécédents psychologiques à nous connus d’Hamlet ou de Balthazar Claetz et ces types eux-mêmes, un hiatus plus grand encore qu’entre les antécédents du système des tourbillons ou de la théorie de l’attraction et ces théories elles-mêmes. […] Renouvier), ou qu’il y ait seulement une combinaison heureuse, un entre-croisement réussi des chaînes de phénomènes préexistants, encore faut-il qu’il se produise des conséquences nouvelles, originales, des accidents heureux, des exceptions fécondes dues à la rencontre des lois générales et destinées à produire elles-mêmes, par la répétition, par l’imitation et l’ondulation, de nouvelles formes générales. […] L’individuation est un problème qui rentre dans les lois générales de l’innovation, et tout ce qui est individuel, personnel, original, génial, tombe sous les mêmes lois. […] On peut donc en certains cas, de ce qu’une œuvre originale a eu du succès, conclure non qu’elle répondait aux facultés existantes alors dans la masse, mais qu’elle répondait à ses facultés latentes, à ses aspirations et qu’elle a satisfait son goût du nouveau.
lisez les Mémoires pour servir à l’Histoire Ecclésiastique des six premiers siécles, justifiés par les citations des auteurs originaux avec une chronologie, où l’on fait un abrégé de l’Histoire Ecclésiastique & profane, & des notes pour éclaircir les difficultés des faits & de la chronologie, par M. de Tillement. […] L’importance de ces premiers âges du Christianisme demande, dit l’Abbé Lenglet, que des Ecrivains modernes qui ont traité l’Histoire Ecclésiastique, on passe aux auteurs originaux. […] L’emportement & le fiel n’ont jamais annoncé la vérité ; & il y en a beaucoup dans l’original & dans la copie. […] Ces deux Ecrivains qui réussissoient à donner des recueils de piéces & de monumens originaux nécessaires pour la connoissance de l’histoire, n’avoient aucun talent pour écrire avec l’élégance & le goût nécessaires pour le faire lire. […] Il n’a pas toujours eu recours aux originaux ; il s’est borné le plus souvent à copier Fleuri.
En concevant le projet de faire connaître au public français cet ouvrage de Schiller, j’ai senti qu’il fallait réunir en une seule les trois pièces de l’original. […] Il a rendu fréquemment Virgile et Milton par des périphrases très-élégantes et très-harmonieuses, mais beaucoup plus longues que l’original. […] Il y a quarante-huit acteurs dans l’original allemand, il n’y en a que douze dans mon ouvrage. […] Ce caractère excite en Allemagne un enthousiasme universel ; et il est difficile de lire l’ouvrage de Schiller, dans sa langue originale, sans partager cet enthousiasme. […] La seule règle que je me sois imposée a été de ne rien faire entrer dans le rôle de Thécla qui ne fût d’accord avec l’intention poétique de l’auteur original.
Cependant, à travers cette diversité de travaux précoces, Leopardi mûrissait au talent, et le poëte original en lui allait éclater. […] Nous aurons assez d’occasions d’en étudier les traits et la forme tout originale entre les diverses sortes d’incrédulité et de désespoir. […] Un des dialogues les plus originaux et les plus frappants est celui de Ruysch et de ses momies. […] Il faut désespérer de faire comprendre un tel chef-d’œuvre autre part que dans l’original ; qu’on me pardonne de l’avoir osé traduire et légèrement paraphraser, et qu’on devine, s’il se peut, à travers le plâtre et la terre de la copie, la fermeté primitive et tout le brillant du marbre. […] Mais les Romains avaient sous les yeux les originaux qui, à la rigueur, pouvaient dispenser d’Horace, tandis qu’à nous, Horace nous en tient lieu.
Brunet, sont d’un grand secours, et font faire un pas de plus dans la connaissance de ce singulier et original personnage : ce n’est pas trop, pour le bien entendre, de l’Allemagne et de la France réunies. […] Elle aimait les chiens et les chevaux, passionnément la chasse et les spectacles, n’était jamais qu’en grand habit ou en perruque d’homme, et en habit de cheval… Et ailleurs, dans un second portrait d’elle qu’il recommence admirablement et qu’il conclut en ces mots : « La figure et le rustre d’un Suisse ; capable avec cela d’une amitié tendre et inviolable. » Introduite à la Cour par sa tante, l’illustre princesse palatine Anne de Gonzague, elle ne lui ressemblait donc en rien pour l’esprit, pour le don d’insinuation habile et de conciliation, pour la prudence ; succédant, à la première Madame, elle en était encore plus loin et véritablement le contraire pour les manières, pour la qualité et le tour des pensées, pour la délicatesse et pour tout, Madame, dans toute sa vie, était et sera ainsi le contraire de bien des choses et de bien des personnes autour d’elle : elle était originale du moins, et tout à fait elle-même. […] [NdA] La première traduction et édition française, publiée en 1788, sous le titre de Fragments de lettres originales de Madame, etc., et qui précéda d’un an la publication de l’original allemand, conserve sur les éditions françaises plus récentes l’avantage d’indiquer les dates des lettres et de laisser voir tout franchement le caractère d’extraits.
Schlichtegroll et simplement traduite de l’allemand : ce qui n’est vrai que jusqu’à un certain point ; et quant aux Lettres sur Haydn, qui sont en partie traduites et imitées de l’italien de Carpani, l’auteur ne le dit pas, bien qu’il semble indiquer dans une note qu’il a travaillé sur des lettres originales. […] Il est à remarquer que pour quelques-unes de ces lettres, Beyle a conservé la date des lettres originales, tandis que pour d’autres il l’a changée. Ce qui est plus curieux, c’est une note qui se trouve à la page 275, où il est dit : « L’auteur a fait ce qu’il a pu pour ôter les répétitions qui étaient sans nombre dans les Lettres originales. » Il paraît que Beyle a voulu se ménager une excuse contre le reproche de plagiat ; mais alors pourquoi n’a-t-il pas donné cette indication en tête du livre, dans quelques mots servant de préface ? […] Il a, en outre, divisé cette biographie en chapitres, ce qui n’a pas lieu dans l’original.
Vatel, avocat à Versailles, vient de rechercher et de réunir, sur cette fille à l’âme romaine, tout ce qui peut se désirer de pièces et documents originaux, dossiers du procès, fac-similé, portrait56. […] Il en est une surtout que je ne crains pas de donner pour un charmant récit original ; cela s’appelle le Séminaire. […] Tel est le personnage original qui, dans sa jeunesse, eut la pensée de devenir homme d’Église, et qui plus est, la tentation de se faire chartreux. […] Il évitait ce dernier autant que possible et se montrait extrêmement juste et humain. » Ce dom Colignon qui, on le voit, dépassait de beaucoup le Vicaire savoyard, était tout à fait un curé comme Rabelais pouvait l’être au xvie siècle, comme bien d’autres l’étaient au xviiie , un curé à la Marmontel, un curé de Mélanie, mais plus franc et d’une touche originale.
Don Diègue le relève, le remet dans le ton généreux : il n’est pas temps de gémir ni de mourir ; de nouveaux dangers l’appellent ; et ici se présente l’épisode des Maures à combattre et cette occasion soudaine, développée dans un si beau récit, cette fois tout cornélien et original : « Il n’est pas temps encor de chercher le trépas ; Ton prince et ton pays ont besoin de ton bras. […] Mais pourtant, dans le drame original, les circonstances sont mieux ménagées, surtout plus espacées, et de façon à justifier la conduite et les mouvements divers de Chimène. […] « Je ne dois qu’à moi seul toute ma renommée », Corneille a droit de le dire pour cette scène originale. […] Fauriel, qui excellait à ces sortes de comparaisons et qui, tout impartial qu’il était, n’inclinait que rarement par goût en faveur de notre littérature, comparant ensemble les deux Cids, se plaisait à remarquer comme différence l’abrégé fréquent, perpétuel, que Corneille avait fait des scènes plus développées de l’original, les suppressions, les simplifications de tout genre : « Chez Corneille, ajoutait-il avec un ricanement doucement ironique, on dirait que tous les personnages travaillent à l’heure, tant ils sont pressés de faire le plus de choses dans le moins de temps !
Bonaparte, à la veille de 95, peut donner idée de quelque chose d’approchant, lorsqu’il est sans emploi et qu’il va suffoquer de ses bouffées originales Bourrienne ou Mme Permon. […] A chaque époque, il y a ainsi le déclamatoire à côté de l’original, et qui, même pour les contemporains éclairés, s’y confond assez aisément. […] Le temps seul fait les parts nettes et sûres : il les fait au sein même de l’écrivain original, mais qui a trop obéi au goût de ses disciples, et qui s’est laissé aller aux excès applaudis. […] Les volumes de Lettres de Mme Roland nous arrivent tout tachetés de ces mouillures qui sautent d’abord aux yeux ; ce sont les lieux-communs de son siècle ; il n’y a que plus de fraîcheur et de grâce dans les traits originaux sans nombre dont ils sont rachetés.
Les plus marqués, les plus originaux, non seulement parmi les hommes mais parmi les écrivains, sont ceux qui ne comprennent pas tout, qui ne sentent pas tout, qui n’aiment pas tout, dont la science, l’intelligence et les goûts sont nettement délimités. […] Et ainsi, tout en ne faisant au fond que l’histoire de son âme à lui, il fait du même coup l’histoire des sentiments les plus originaux de sa génération et compose par là même un fragment considérable — et définitif — de l’histoire morale de notre époque. […] Ce qu’il y a d’abord d’éminent en lui, c’est précisément cette curiosité intellectuelle et sentimentale, cette aptitude et aussi cette application à connaître, éprouver et comprendre les états d’âme les plus récents, tels qu’ils se manifestent dans les livres de nos écrivains les plus originaux. […] » Toutes ses enquêtes sur les sentiments originaux de ses contemporains lui servent à rechercher en même temps le sens et le but de la vie.
Dans l’état actuel de la science, et surtout des sciences philologiques, les travaux les plus utiles sont ceux qui mettent au jour de nouvelles sources originales. […] Tel fait est pris sous un jour un peu différent de celui sous lequel on le vit d’abord ; on ajoute une réflexion que n’eût pas faite l’auteur des travaux originaux, mais qu’on croit pouvoir légitimement faire. […] Mais, quand les sources originales existent et ne demandent qu’à être explorées, il y a quelque chose de grotesque dans cet ajustage de lambeaux épars, inexacts, sans suite, que l’on systématise à sa guise et sans aucun sens de la manière dont le font les indigènes. De là le défaut nécessaire de toutes les histoires de la littérature et de la philosophie faites en dehors des sources originales, comme cela a été longtemps le cas pour le Moyen Âge, comme cela l’est encore pour l’Orient.
Sans savoir, en effet,, tout ce qu’est le beau, nous savons du moins qu’il est quelque chose qui se transforme et se renouvelle d’âge en âge ; l’art est une création perpétuelle ; l’œuvre, qui demain grossira le nombre des chefs-d’œuvre, sera précisément celle qui sera neuve et originale. […] De plus, sans compter les œuvres dont la renommée n’a jamais franchi les frontières de leur pays natal, il n’est pas rare que certains auteurs soient peu goûtés à l’étranger, précisément parce qu’ils sont trop originaux, parce qu’ils contiennent comme une quintessence de l’esprit national. […] Il s’ensuit, d’une part, que le style doit être personnel, original, c’est-à-dire qu’il doit obtenir, par une combinaison neuve des éléments qui sont ses matériaux, ce caractère irréductible qui est l’individualité ou, comme on disait jadis, la marque de l’ouvrier sur son ouvrage. […] Une œuvre littéraire est donc essentiellement expressive de la vie et elle est plus ou moins belle, selon qu’elle exprime, par des moyens plus ou moins appropriés à ses fins générales ou particulières, une vie plus ou moins intense, complexe, originale et élevée.
Malgré tout, ce ne serait pas une raison suffisante pour moi de m’immiscer à ces choses de théâtre et de venir empiéter sur un domaine qui n’est pas le mien, si je ne me trouvais informé de certains documents nouveaux, de pièces originales, relatives à l’affaire de l’empoisonnement, et aussi de quelques lettres inédites qui font honneur à cette personne remarquable par l’esprit et la droiture comme par le talent. […] De tout temps, dans les divers arts et dans celui du comédien en particulier, il y a eu en présence les deux manières, la manière de l’école officielle (Conservatoire ou Académie) et celle des talents originaux ; la manière qui déclame ou qui chante, et celle qui dit. […] On le dénonça à l’actrice, qui désira connaître cet original récalcitrant, et qui l’invita, par un gracieux billet, à dîner en tête à tête avec elle. […] qu’on me montre beaucoup d’amour et beaucoup d’esprit. » Ce qu’il disait là tout crûment comme un franc original qu’il était, bien d’autres se croyaient en droit de le penser, s’ils avaient la politesse de ne pas le dire.
Tout ce petit cours d’éducation par lettres offre une sorte d’intérêt dramatique continu : on y suit l’effort d’une nature fine, distinguée, énergique, telle que l’était celle de lord Chesterfield, aux prises avec un naturel honnête, mais indolent, avec une pâte molle et lente, dont elle veut à tout prix tirer un chef-d’œuvre accompli, aimable, original, et avec laquelle elle ne réussit à faire, en définitive, qu’une manière de copie suffisante et estimable. […] Il aurait mieux valu presque avoir échoué totalement et n’avoir réussi à faire qu’un original en sens inverse, tandis qu’avec tant de soins et à tant de frais, n’en être venu qu’à produire un homme du monde insignifiant et ordinaire, un de ceux desquels, pour tout jugement, on dit qu’on n’a rien à en dire, il y avait de quoi se désespérer vraiment, et prendre en pitié son ouvrage, si l’on n’était pas un père. […] Parmi les auteurs, ceux que Chesterfield recommande surtout à cette époque, et qui reviennent le plus habituellement dans ses conseils, sont La Rochefoucauld et La Bruyère : « Si vous lisez le matin quelques maximes de La Rochefoucauld, considérez-les, examinez-les bien, et comparez-les avec les originaux que vous trouvez les soirs. […] [NdE] Graphie originale : Philippe.
Les originaux, déposés par le duc de Noailles à la Bibliothèque du roi, y ont été conservés ; c’est d’après ces manuscrits que se fit en 1806 la publication des six volumes dont je parle, et auxquels, je ne sais pourquoi, le public n’a jamais rendu la justice ni accordé l’attention qu’ils méritent. […] Il est une chose pourtant que Louis XIV n’eut à emprunter à personne et qui lui est bien originale, ce fut cet état, cette fonction réelle de souverain dont personne alors n’avait l’idée autour de lui, que les troubles de la Fronde avaient laissé dégrader et dépérir dans les esprits, et que Mazarin, même dans la restauration du pouvoir, n’avait que médiocrement relevée dans la révérence publique. […] Le style de Louis XIV n’a pas cette brièveté vive et brusque qui caractérise les pages originales de Napoléon, ce que Tacite appelle « imperatoria brevitas » : ce caractère incisif du conquérant et du despote, ce rythme court, pressé, saccadé, sous lequel on sent palpiter le génie de l’action et le démon des batailles, diffère complètement du style plus tranquille, plus plein et, en quelque sorte, héréditaire de Louis XIVo. […] Dreyss fort exact, fort rapproché des manuscrits originaux dont il ne laisse passer ni une phrase inachevée ni une faute d’orthographe sans la reproduire, fort prisé et fort loué, je le sais, de plusieurs personnes compétentes, m’a paru, je l’avoue, à moi qui suis apparemment plus frivole, et au point de vue du goût, susceptible de beaucoup d’objections, dont la plus grave est qu’à force de faire subir au lecteur toutes les fatigues et les peines qu’il s’était données dans son examen et qu’il est venu étaler trop complaisamment, l’éditeur a rendu la lecture de ces Mémoires, d’agréable qu’elle était dans l’ancienne et la mauvaise édition, très difficile et très pénible, — j’allais dire impossible —, dans la sienne qui va passer désormais pour la seule authentique et la seule bonne.
Quoi qu’il en soit du Siamois ou de l’homme de Java, l’idée est devenue originale chez Montesquieu par le développement qu’il y a donné, et la hardiesse avec laquelle il l’a naturalisée à Paris. […] Rica est l’homme moqueur, Parisien dès le premier jour et peignant avec badinage les travers et les ridicules des originaux qui passent sous ses yeux et desquels il s’accommode : Usbek, plus sérieux, résiste et raisonne ; il aborde les questions, il les pose et les discute dans les lettres qu’il adresse aux théologiens de son pays. […] Il y venge les sciences, dont il avait mis l’utilité en question dans un endroit des Lettres persanes ; il y avance d’une manière spirituelle et originale qu’une connaissance acquise, un résultat d’un ordre intellectuel est souvent la cause indirecte et lointaine du salut de la société. […] Il était plein de l’Angleterre en arrivant, et il dut repousser et ajourner l’idée de publier d’abord un livre sur ce gouvernement original et si peu semblable au nôtre, qui le tentait : il donna de préférence ses Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence (1734), qui sont restées le plus classique et le plus parfait de ses ouvrages, le seul même qui nous paraisse aujourd’hui sorti tout d’un jet comme une statue.
La traduction françoise que Boileau en a donné, a rendu la copie facile & aussi agréable à lire que l’original. […] On n’y trouve point l’élégance de l’original, & le sens n’est pas toujours rendu. […] Ses versions ressemblent aux belles copies de l’antiquité, qui font revivre dans un travail moderne le feu & l’esprit de l’original ancien. […] Morabin publia en 1722. à Paris une traduction de ce Dialogue qui est exacte & conforme à l’original.
Ce que je sais d’original, c’est que dans l’été ou l’automne qui suivit, et que Mme Récamier passa à la Vallée-aux-Loups, Ampère y passa également quelques semaines en compagnie de son ami Alexis de Jussieu, qui y avait un pied-à-terre. […] Il eut soin toutefois de ne point forcer l’éloge, et peut-être, par la réserve qu’il s’imposa, ne sut-il point marquer assez nettement tout ce qu’il y avait d’original et de hardi dans le coup d’essai de M. […] Mérimée, si admiré de Goethe dès ses productions premières, pour son Théâtre de Clara Gazul, pour sa Guzla, considéré par lui au début comme un des plus francs et des plus originaux talents de la France, certes M. […] Il a des accents particulièrement vrais pour nous exprimer la science et l’érudition locale, profonde, originale, communicative et naïve, à laquelle il a dû des heures d’affectueux commerce et de douce hospitalité : il a su s’en assimiler l’esprit et l’âme en courant. […] Nécessaire peut-être pour l’auteur, ce voyage l’était moins pour le public, et il ne ressortait d’un récit toujours agréable ni renseignements ni peintures d’un caractère original bien nouveau.