L’opinion qui domine est un centre avec lequel les individus conservent toujours de certains rapports ; et l’esprit général du siècle, s’il ne change pas le caractère, modifie les formes que l’on choisit pour le montrer. […] Il est possible que, dans une telle situation, les écrivains tombent dans l’affectation, parce qu’il leur importe trop de rendre piquantes les formes de leur style.
Ils ont composé quelques pastorales, sous la forme de romans, qui datent du temps où les Grecs cherchaient à occuper les loisirs de la servitude ; mais avant que les femmes eussent créé des intérêts dans la vie privée, les aventures particulières captivaient peu la curiosité des hommes ; ils étaient absorbés par les occupations politiques. […] Depuis qu’on est deux dans la vie domestique, les communications de l’esprit et l’exercice de la morale existent toujours, au moins dans un petit cercle ; les enfants sont devenus plus chers à leurs parents par la tendresse réciproque qui forme le lien conjugal ; et toutes les affections ont pris l’empreinte de cette divine alliance de l’amour et de l’amitié, de l’estime et de l’attrait, de la confiance méritée, et de la séduction involontaire.
Les livres dans lesquels il les a résumées et popularisées sont d’une lecture instructive et attachante : on y trouvera, sous une forme agréable, toutes les principales données de la question2. […] Flourens a publié sous forme populaire plusieurs ouvrages qui se rapportent à notre sujet : De la vie et de l’intelligence, De l’instinct et de l’intelligence des animaux, De la phrénologie et études vraies sur le cerveau.
Mais il lui a donné une forme populaire. […] Même la forme littéraire sous laquelle il exprimait sa pensée ne lui permettait pas une élaboration très approfondie.
Jamais, en somme, l’originalité du style ne fut plus nette qu’à cette époque. » Rien de plus vrai, et c’est en propres termes ce que nous disons, et c’est précisément ce qui prouve que l’originalité se forme par l’imitation ou, tout au moins, que l’imitation ne nuit pas à l’originalité. […] La lecture est inutile ; le style ne se forme pas ; tout s’improvise ; on a du génie ou du talent, au hasard.
Il a tout fait, et il a fait une chose dangereuse, car le sophisme dont il est ou n’est pas la dupe, cet imbécile petit sophisme, il le grandit avec les prestiges de la forme, et, avec cette forme qui est tout dans ce monde des apparences, il étonne et trouble les esprits et les associe plus ou moins aux perversités du sien.
Quand il en est ainsi, du reste, la forme, qui tient à l’impuissance de tous, s’impose aux esprits les plus graves et les plus féconds, s’il en est encore. […] Nous avions entendu là-dessus le petit sifflet de Voltaire et la parole de cet autre grand génie qui se croyait positif et qui disait : « Cela pourrait être, mais cela n’est pas. » Et voilà qu’à ce moment même, au moment où le rationalisme prenait compendieusement ses conclusions souveraines, la pensée moderne retournait sous d’autres formes à des questions qui paraissaient épuisées, qui paraissaient n’en être plus !
Hugo, dans sa façon de voir la lumière, les couleurs ou les formes, les origines de sa faculté créatrice. […] Sur terre, s’opère une incessante ascension des êtres vers des formes supérieures. […] Arrière conventions et convenances, ces deux formes du convenu ! […] Une société sans forme où se rencontrent et se séparent sans cesse des éléments sans cohésion ! […] N’y a-t-il pas une histoire des sciences, du droit, des religions, de toutes les formes de l’activité humaine ?
Il lui faut la faculté de se montrer ouvert en restant impénétrable ; d’être réservé avec les formes de l’abandon, d’être habile jusque dans le choix de ses distractions ; il faut que sa conversation soit simple, variée, inattendue, toujours naturelle et parfois naïve ; en un mot, il ne doit pas cesser un moment, dans les vingt-quatre heures, d’être ministre des affaires étrangères. […] Je ne voudrais point paraître faire une mauvaise plaisanterie, mais cet Éloge du comte Reinhard m’a tout naturellement rappelé le célèbre roman de Renart, cette épopée satirique du moyen âge, — cette Bible profane du moyen âge, comme Goethe l’a baptisée, — dans laquelle l’hypocrite et malin Renart joue tant de tours au lion et à tous les animaux, se déguise sous toutes les formes, en clerc, en prêcheur, en confesseur, et, après avoir mis dedans tout son monde, finit par être proclamé roi et couronné. […] Mais le monde fut satisfait ; la société (ainsi qu’elle aime à se désigner elle-même) était redevenue très indulgente ; elle avait obtenu ce qu’elle désirait avant tout : M. de Talleyrand, avant de mourir, avait fait sa paix ; il avait répondu à l’idée qu’on s’était toujours faite de lui, c’est-à-dire de l’homme qui savait le mieux les convenances, la forme des choses, ce qu’on doit au monde et ce que le monde peut exiger. […] la difficulté eût été tout autre, s’il s’était agi non plus d’une soumission, d’une rétractation pour la forme, mais d’une conversion véritable. […] Nefftzer pour arriver à celle par laquelle je désire terminer : « (Ce 8 mars 1869.) — Mon cher ami, je serais bien désolé de vous occasionner ainsi qu’au Journal un désagrément : évidemment le procès serait une vengeance (sous forme détournée)… J’ai fait mes articles sans prévention ni parti pris, reconnaissant les parties agréables et supérieures de l’homme.
Les livres nés de cette ambition sont de ceux où vont volontiers rêver, sur l’origine des sociétés humaines et sur les formes des gouvernements, les esprits touchés d’idéologie. […] Tous les angles s’émoussent ; les syllabes les plus rudes se polissent en se touchant, et, de ces mots si rebelles aux mains les plus habiles, se forme une langue musicale comme celles de l’antiquité. […] Si tout est chant dans le premier, dans celui-ci tout est forme et couleur. […] Assistée de cette science nouvelle, l’histoire nous enseigne par quel travail se forme et se développe une société politique ; comment elle se maintient ; par quelles causes se détruit l’édifice, édifice si beau, même aux époques où l’architecture en est le plus défectueuse ; comment de ces destructions, qui ne sont que des transformations, sort un édifice nouveau ; dans quelles proportions le vieux s’y mêle au neuf ; quels sont, dans les crises violentes qu’on appelle les révolutions, les intérêts en lutte, les passions aux prises, les vérités en travail, les pertes où les conquêtes de la civilisation. […] Nous avons vu l’histoire sous d’autres formes également goûtées, tantôt comme une ingénieuse et facile reproduction des chroniques140, tantôt comme une discussion approfondie et sévère des témoignages, où le récit n’est qu’un exposé lumineux des preuves ; tantôt avec les grâces d’un poème et les infidélités d’un roman141.
Des remaniements, même de petite importance, même de pure forme, auraient pu, si l’on y avait pris garde, inspirer le soupçon de modifications plus essentielles. […] Il y avait encore l’école utilitaire, pratique, qui méprisait la vaine harmonie des mots et ne s’attachait qu’au « fonds », la forme étant une question secondaire. […] Une seule chose dans cette bouffonnerie mérite peut-être quelque estime, je veux dire l’inquiétude de la forme. […] Puis elle s’éloigna lentement, forme blanche. […] Heureux les hommes dont les pensées sont telles qu’ils ne craignent pas de les retrouver incarnées (sous quelle forme ?
N’objectez pas que les dieux helléniques sont blancs et que la Vénus de Praxitèle n’a pas des formes hottentotes. […] On est d’autant plus déçu que la forme de ces scènes historiques fait penser à Shakespeare et à Musset. […] » Ainsi, c’est par esprit religieux qu’il se détourne de l’arianisme, forme officielle du christianisme sous Constance. […] Cette âpreté innée se conserva sous d’autres formes chez Augustin. […] Sa tristesse romantique et sa septentriomanie ne l’empêchent pas d’être sensible à la beauté des formes.
Le premier, La Coupe et les Lèvres, étonnait tout d’abord par sa forme inusitée. […] La forme de Musset devient un compromis entre la nouvelle école et l’ancienne. […] Au recul vers la forme classique correspondit un débordement de romantisme dans le sentiment. […] Il semble que pour lui, il y ait concordance nécessaire entre l’essence des choses et leur forme sensible. […] Et elle a délaissé Musset, qu’elle trouvait aussi démodé par le fond que par la forme.
Dans la Journée champêtre, l’un des premiers poëmes qu’il ait ajoutés à ses élégies, Parny n’a fait probablement que traduire sous un léger voile une des journées réelles, une des formes de passe-temps familiers en ces délicieux réduits : les couples heureux se remettaient à pratiquer l’âge d’or à leur manière et sans trop oublier qu’ils étaient des mondains168. […] Pour apercevoir d’autre part ce qu’il y aurait eu à tenter d’indispensable et de neuf dans la forme et dans la trame, il suffit de se rappeler les élégies d’André Chénier. […] La forme même des traits change, ce qui était le nerf de la grâce devient aisément maigreur, la finesse du sourire tourne à la malice. […] — Qui t’a donné cette forme nouvelle ? […] Il n’apprit sans doute que plus tard, et peut-être à Paris même, le changement de destinée de celle qu’il avait quittée ; en effet, dans les premières éditions de ses poésies (1778-1779), l’on ne trouve rien ou presque rien encore de ce qui forme le quatrième livre des élégies, c’est-à-dire celui qui vient après le mariage et l’infidélité consommée d’Éléonore.
Ainsi se forme en lui le modèle idéal qui, obscur ou distinct, achevé ou ébauché, va dorénavant flotter devant ses yeux, rallier toutes ses aspirations, tous ses efforts et toutes ses forces, et l’employer à un seul effet pendant des siècles, jusqu’à ce qu’enfin renouvelé par l’impuissance ou la réussite, il conçoive un nouveau but, et reprenne un nouvel élan. […] La plus âpre et la plus pratique de toutes, celle des puritains, qui, négligeant la spéculation, se rabat sur l’action, enferme la vie humaine dans une discipline rigide, impose à l’âme humaine l’effort continu, prescrit à la société humaine l’austérité monacale, interdit le plaisir, commande l’action, exige le sacrifice, et forme le moraliste, le travailleur et le citoyen. […] Plus de couleurs ni de formes. […] Les arts ont besoin d’esprits oisifs, délicats, point stoïciens, surtout point puritains, aisément choqués par les dissonances, enclins au plaisir sensible, et qui emploient leurs longs loisirs, leurs libres rêves à arranger harmonieusement, sans autre objet que la jouissance, les formes, les couleurs et les sons. […] Par cette infusion de l’esprit moderne, il a reçu un nouveau sang, et le protestantisme aujourd’hui forme avec la science les deux organes moteurs et comme le double cœur de la vie européenne.
C’est toujours la légende locale qui se forme à plaisir et s’arrange autour d’un nom. […] Sur ce refus, j’alléguai la loi de l’empereur Théodose, qui, après avoir commandé par colère et trop précipitamment la mort d’un grand nombre de chrétiens, fut rejeté de la communion par saint Ambroise, qui le contraignit de venir à pénitence, et, pour une entière satisfaction, faire une loi par laquelle défense était faite aux gouverneurs en l’administration de la justice qui présidaient dans les provinces, de ne faire à l’avenir exécuter tels mandements extraordinaires qui étaient contre l’ordre et la forme de la justice, sans attendre trente jours, pendant lesquels ils enverraient à l’empereur pour avoir nouveau commandement en bonne et due forme ; ainsi qu’il fallait envoyer promptement au roi… Grâce à cet avis d’une ferme et respectueuse résistance qui prévalut et fut adopté, avant même qu’on eût envoyé vers le roi, le contrordre eut le temps d’arriver de Paris : la Bourgogne fut garantie du crime et du malheur commun, et le nom du comte de Charny est inscrit dans l’histoire à côté de ceux du comte de Tendes, de MM. de Saint-Hérem, d’Orthez et d’un petit nombre d’autres, comme étant resté pur de sang dans l’immense massacre.
Selon lui, en effet, il n’y a plus dans la littérature actuelle que de la forme, la pensée est absente ou sacrifiée : en architecture, en peinture, en sculpture, on ne rencontre, selon lui, que le pastiche, l’imitation du passé, une imitation confuse et entrecroisée des différentes époques, des différentes manières antérieures : « Il en est de même, dit-il, en littérature : on accumule images sur images, hyperboles sur hyperboles, périphrases sur périphrases ; on jongle avec les mots, on saute à travers des cercles de périodes, on danse sur la corde roide des alexandrins, on porte à bras tendu cent kilos d’épithètesa, etc. » Et dans ce style qui n’évite pas les défauts qu’il blâme, l’auteur s’amuse à prouver que tous, plume en main, jouent à la phrase et manquent d’une idée, d’un but, d’une inspiration : « Où sont les écrivains ? […] En revanche, il s’élève contre les écrivains de nos jours, semblables, dit-il, « à ces pianistes qui exécutent des impossibilités incompréhensibles, mais qui sont hors d’état d’inventer une mélodie, une ariette, une note. » Il s’élève contre les adorateurs idolâtres de la forme : « Cette forme il a fallu la changer, la varier, la modifier à l’infini ; il a fallu la rendre bien feuillue, bien plantureuse, bien luxuriante, afin qu’elle pût cacher le vide sans fond qu'elle recouvrait… Le gothique flamboyant fut le dernier effort de l’ogive mourante ; nous en sommes arrivés à la littérature flamboyante… » Mais prenez garde !
Quoi qu’il en soit, Fleury paie aujourd’hui la peine de n’avoir pas de relief dans la forme, et de n’avoir pas mis dans un jour frappant ses pensées. […] Les travaux critiques de Richard Simon sur l’Ancien et le Nouveau Testament, ses interprétations tout historiques et hardies sous forme littérale, et les explications philosophiques qui y étaient en germe, lui firent surtout pousser le cri d’alarme et l’occupèrent durant toutes ses dernières années : il travailla jusqu’au dernier moment à le réfuter, à le faire condamner, à faire supprimer ses livres par l’autorité ecclésiastique et séculière. […] Le xviiie siècle ne devait point tirer son incrédulité par forme de déduction lente et, en quelque sorte, l’épeler mot à mot.
Messieurs, L’encouragement des lettres sous toutes les formes est utile et honorable. […] Mais il est une forme d’encouragement à la fois bien noble et plus accueillante, et qui s’inspire de l’esprit de confraternité pour faire appel à tous, — bien réellement à tous, sans acception d’idées, de systèmes, de genres littéraires ; et ne demandant que cette moralité saine qui vient de l’âme, et la marque du talent. […] S’ils sont aimés du public, et si la faveur, si l’estime ou l’admiration les récompense, il importe de plus que cette récompense, sous ses différentes formes, aille bien à eux, leur revienne en une juste proportion et ne reste point en chemin : c’est à cette condition que leur talent vieillissant ne sera point condamné à une production toujours recommençante, et que là aussi, au bout de la carrière, il y aura la dignité d’un certain loisir.
La société polie était née au xve siècle, et bien avant l’hôtel de Rambouillet ; seulement c’était une société polie issue de la féodalité, et sous forme chevaleresque, et non celle qui se continuera sans interruption et de plain-pied jusque sous Louis XIV et dans tout le siècle suivant. […] Jésus En la force de ma Jeunesse… Ici le fond l’emporte sur la forme ; mais la forme même semble expressément sortir de la vivacité poignante des sentiments qui sont aux prises.
Il s’était proposé pour étude un certain nombre de personnages qu’il appelle représentatifs d’une idée, d’une doctrine ou d’une forme de caractère, et M. de Talleyrand tout le premier lui a paru un de ces types les plus curieux. […] « Amène a ces formes enchanteresses qui embellissent même la vertu. […] » Mais selon une autre version qui m’est affirmée, le général Bertrand racontant une scène terrible dont il avait été témoin, et dans laquelle Napoléon lança à Talleyrand les plus sanglants reproches, ajoutait que les derniers mots de cette explosion furent : « Tenez, monsieur, vous n’êtes que de la m… dans un bas de soie. » Le mot, sous cette dernière forme, sent tout à fait sa vérité.
Nous pouvons redire avec Ronsard : La matière demeure et la forme se perd. […] Les flots de l’Océan ont leur flux et leur reflux qui se calculent ; le sang dans nos artères et dans nos veines a un va-et-vient qui se mesure par les battements du pouls ; la fièvre comme le besoin de manger ou de dormir, revient à intervalles périodiques ; la danse, la versification, la musique nous plaisent par le retour régulier de certains sons et de certaines cadences ; les éclats de la douleur, comme ceux de la tempête, ont leurs intermittences de paroxysme et de répit ; le fleuve, qui coule intarissable, forme des courbes, qui, à moins d’obstacles entravant son cours, sont infléchies symétriquement tantôt dans un sens et tantôt dans l’autre ; la lumière et le son se propagent par ondulations qui se creusent et se renflent comme les vagues de la mer. […] Malherbe a l’air de rompre en visière sur tous les points à Ronsard et à ses disciples ; par aversion de leur langue trop savante, il renvoie les poètes à l’école des crocheteurs du Port-au-Foin ; par réaction contre un lyrisme qui lui semble de verve et de versification trop lâches, il soumet la poésie à une discipline sévère qui en régente et le fond et la forme ; mais, ce faisant, il reprend à son compte en les aggravant des critiques qui avaient été dirigées avant lui contre l’abus du grec et du latin, témoin la fameuse rencontre de Pantagruel avec l’écolier limousin ; et, d’autre part, il consolide l’œuvre de la Pléiade, puisqu’il conserve l’emploi de la mythologie, les genres usités chez les anciens, l’imitation de l’antiquité.
Mais cette critique ne me paraît pas très heureuse qui rétrécit la doctrine, qui n’aperçoit que la forme joyeuse et conquérante du combat et ignore sa forme douloureusement défensive. […] Son mépris pour l’entassement fou et ignoble qui forme une intelligence obéissante est moins odieux encore que son amour pour l’harmonie nouvelle qu’est tout esprit libre.
Ce que les imitateurs prennent toujours, la forme, la superficie, le ton leste, le geste cavalier, les défauts fringants, toutes choses qui, au moins chez lui, sont portées avec une certaine grâce et désinvolture, et qu’eux ils se sont mis à copier religieusement. […] Depuis quelques années, son talent s’est produit sous une forme nouvelle aux yeux du public, et il a triomphé d’une épreuve assez hasardeuse. […] Bien des esprits qui n’auraient pas eu l’idée de l’aller chercher pour son talent lyrique ont appris à le goûter sous cette forme facile et légère.
La forme qu’il trouve naturellement pour développer ses idées est celle du retour intérieur et de la méditation, comme d’un homme qui converse avec son esprit, ou qui s’élève de degrés en degrés vers la vision suprême. […] Dans les développements qu’il y donne, il me permettra de regretter que là, comme il lui arrive d’ordinaire en pareille matière, il se soit trop asservi aux formes philosophiques du jour, et que lui, esprit si vif et si français quand il le veut, il ne perce pas d’outre en outre, une fois pour toutes, ces expressions vagues et vaines, ces métaphores abstraites qui donnent un air de réalité à ce qui n’est que le nuage subtilisé du raisonnement. […] Rester en France, y rentrer du moins dès qu’on le peut honorablement, et, pour cela, désirer simplement y revenir, y achever ou y entreprendre de ces œuvres d’esprit desquelles la politique distrait trop souvent et sans compensation suffisante ; s’adresser dans ces nobles études à la société française, qui est toujours prête à vous entendre, et jamais à cette métaphore changeante qu’on appelle le peuple français ; ne pas mêler à ces œuvres plus ou moins sérieuses ou agréables de ces traits qui ne sont là qu’à titre d’épigramme ou d’ironie, et pour constater qu’on est un vaincu ; s’élever sur les faits accomplis d’hier à un jugement historique, et par conséquent grave et respectueux ; tirer parti avec franchise, et sans arrière-pensée, d’une société pacifiée, mais tout industrielle et matérielle, pour y relever, avec un redoublement de zèle et avec une certaine appropriation au temps présent, les goûts de l’esprit, de la vérité littéraire et historique sous ses mille formes, de tout ce qui n’est incompatible avec un gouvernement ferme que s’il s’y mêle des idées hostiles.
Nous devons renoncer désormais à cette critique verbale qui n’entre point dans le fond des choses, qui s’attache surtout aux formes du style, à l’économie d’une composition, à l’observance de certaines règles, à la comparaison superstitieuse avec les modèles, sorte de critique secondaire dont M. de La Harpe est souvent un modèle si parfait. […] La poésie est une langue, et non point une forme d’une langue ; la poésie est universelle, et non point locale : c’est la parole vivante du genre humain. […] On a senti la nécessité de propager de nouvelles formes d’enseignement pour hâter l’instruction dans les dernières classes de la société ; et l’on néglige l’avancement simultané de celles qui sont destinées à marcher les premières.
Nous pourrions, en suivant l’histoire de la poésie dans la Grèce, et avec elle la tradition des faits helléniques, attendre les Romains à Corinthe ; nous les y verrions, libérateurs apparents de la Grèce, c’est-à-dire conquérants sous une autre forme. […] C’était, dans la forme, un conseil prophétique, divulgué seulement après le désastre qu’il eût épargné à Rome. […] Seulement, le retour en était plus fréquent sur le théâtre antique ; et cette forme, que goûtaient les spectateurs, dut rendre enfin à la tragédie latine, dans les sujets imités de l’art grec, quelques accents d’inspiration lyrique.
S’enfoncer dans une idée, s’y absorber, ne plus voir qu’elle, la répéter sous cent formes, la grossir, la porter, ainsi agrandie, jusque dans l’œil du spectateur, l’en éblouir, l’en accabler, l’imprimer en lui si tenace et si pénétrante, qu’il ne puisse plus l’arracher de son souvenir, ce sont là les grands traits de cette imagination et de ce style. […] Ses sensations sont perverties ; il n’ose s’en défier, il n’ose plus y croire, et dans ce cauchemar, où la raison engloutie ne laisse surnager qu’un chaos de formes hideuses, il ne trouve plus rien de réel que l’oppression incessante de son désespoir convulsif. […] Il se perdra, comme les peintres de son pays, dans l’observation minutieuse et passionnée des petites choses ; il n’aura point l’amour des belles formes et des belles couleurs. […] Le seau remonte un corps qui n’a presque plus de forme, et l’on voit la figure pâle, épuisée, patiente, tournée vers le ciel, tandis que la main droite, brisée et pendante, semble demander qu’une autre main vienne la soutenir. […] Il oppose les âmes que forme la nature aux âmes que déforme la société.
Je remarque avec peine que la scène est d’une forme un peu convenue, que c’est un adieu de théâtre. […] Nous ne pouvons aimer que les formes de la vie terrestre, parce que nous n’en connaissons pas d’autres. […] Ce n’est que la forme la plus détournée de la bonté ; ce n’est qu’une indulgence inactive, stérile, et même immorale dans son fond. […] La forme rappelle celle de Hugo, et la plupart des personnages sont à qui vous voudrez ; mais Fiammette est à M. […] Et la forme est adroite à miracle.
C’est, sous forme directe, ou sous forme indirecte, une suite de jugements sur tout ce que nous pensons, disons, sentons, faisons, et surtout ne faisons pas. […] Et elle voyait encore une forme humaine, la sienne, se lever, gagner la rue et s’en aller lentement. […] C’est une des formes de notre sociabilité. […] D’une bonté qui n’est peut-être pas précisément la bonté vraie, mais qui est une forme ordinaire de la bonté, la forme, hélas ! […] Quelle conséquence tirer de la politique zoologique, si ce n’est le pur et simple despotisme sous sa forme monarchique ou sous sa forme jacobine ?
figure dans le sens propre, c’est la forme extérieure d’un corps. […] » c’est la même pensée ; mais de plus elle est exprimée sous la forme particuliére de la surprise de l’admiration, c’est une figure. […] un nouvel esclavage se forme tous les jours pour vous, dit Horace, c’est-à-dire, vous avez tous les jours de nouveaux esclaves. […] L’esprit qui a été frapé d’une pensée bien exprimée, n’aime point à la retrouver sous d’autres formes moins agréables, qui ne lui aprènent rien de nouveau, ou rien qui l’intéresse. […] Mon génie me porte à raconter les formes changées en de nouveaux corps : il étoit plus naturel de dire, à raconter les corps, c’est-à-dire, à parler des corps changés en de nouvèles formes.
On a insisté sur le peu d’intérêt qui s’attache ici aux caractères vicieux et sur la répulsion qu’ils inspirent, même sous la forme élégante et habile dont ils sont revêtus, et que fait si bien valoir la principale et ingénieuse interprète. […] Aujourd’hui que, selon une expression mémorable, la pyramide a été retournée et replacée dans son vrai sens, quand la société est remise sur sa large base et dans son stable équilibre, ne serait-il pas plus simple, dans cet ordre aussi de récompenses dramatiques, de rendre aux choses leur vrai nom, d’encourager ce qui a toujours été la gloire de l’esprit aux grandes époques, ce qui est à la fois la morale et l’art, c’est-à-dire l’Art même dans sa plus haute expression, l’Art élevé, sous ses diverses formes, la tragédie ou le drame en vers, la haute comédie dans toute sa mâle vigueur et sa franchise ?
En même temps qu’il a été si soigneux de rattacher à chaque page, à chaque vers, tout ce qui s’y rapporte directement ou indirectement chez les Anciens ou même chez les modernes, le nouvel éditeur ne tire point trop son auteur du côté des textes et des commentaires, et il ne prétend point le ranger au nombre des poëtes purement d’art et d’étude ; il relève avec un soin pareil, il sent avec une vivacité égale et il nous montre le côté tout moderne en lui, et comme quoi il vit et ne cesse d’être présent, de tendre une main cordiale et chaude aux générations de l’avenir : « Chénier, remarque-t-il très justement, ne se fait l’imitateur des Anciens que pour devenir leur rival. » À Homère, à Théocrite, à Virgile, à Horace, il essaye de dérober la langue riche et pleine d’images, la diction poétique, la forme, de la concilier avec la suavité d’un Racine, et quand il en est suffisamment maître, c’est uniquement pour y verser et ses vrais sentiments à lui, et les sentiments et les pensées et les espérances du siècle éclairé qui aspire à un plus grand affranchissement des hommes. […] Il est philosophe, il est moraliste ; il a en lui les lumières et la foi en tous les progrès ; la barbarie, sous quelque forme qu’elle ose reparaître, l’indigne et fait bouillonner son sang.
Auprès du philosophe il était besoin d’insister particulièrement sur l’esprit chrétien et sur l’influence de la pensée théologique ; auprès du millénaire, il fallait insister davantage sur la forme catholique et l’action sociale de la hiérarchie. […] Ce qui peut y être considéré comme le propre d’Eugène, c’est la forme qu’il leur a donnée et qui nous représente fidèlement la tournure particulière de son esprit ; quelque chose de complexe, d’un peu obscur à la surface, et qui rayonne par le fond ; une clarté profonde, sans beaucoup de transparence ; une pensée solidaire qui se manifeste sur plus d’un point à la fois, et se déroule avec une plénitude imposante dans sa qualité fondamentale ; un arbre d’une puissante végétation intérieure, qui n’a nul souci de l’écorce ; une allure simple, grave, un peu enveloppée, faisant beaucoup de chemin sans affecter beaucoup de mouvement ; souvent de ces mots brefs et compréhensifs, de ces formules d’apôtre qui gravent une pensée pour toute une religion.
Jamais la haine de l’inégalité sociale, du luxe, de l’aristocratie, l’amour de l’humanité, des humbles, de la simplicité, l’enthousiasme de la vertu n’ont revêtu des formes plus faussement, plus béatement, plus niaisement attendries : dès qu’on regarde la pensée de ce pauvre homme, hélas ! […] Prises comme enseignement d’art, ces études sont étonnantes par la justesse des indications qu’elles donnent sur les formes que l’univers offre pour matière à l’artiste.
C’est bien la forme suprême et savante de ce qu’on a appelé la « blague ». […] Figurez-vous un homme dont toutes les pensées, même les plus intimes et les plus personnelles, revêtiraient d’elles-mêmes les formes consacrées d’une élégance imbécile ; qui aurait volontairement créé et développé en lui cette infirmité et qui serait décidé à mourir sans avoir une fois, une seule fois, exprimé directement sa pensée… Ô prodige d’ironie !
Et, penché sur le front de l’enfant fiévreux, qui levait sur lui ses yeux de misère par où la mort semblait regarder il le baisa… » Et la forme ? […] C’est donc, sous une forme plus concrète, dans des conditions qui rendent la leçon autrement émouvante et démonstrative, la même histoire que nous a contée dans le Sens de la vie M.
Il aperçoit deux êtres d’une forme plus noble, d’une stature droite et élevée, comme celle des esprits immortels. […] Satan, caché sous la forme d’une de ces bêtes, contemple les deux époux, et se sent presque attendri par leur beauté, leur innocence, et par la pensée des maux qu’il va faire succéder à tant de bonheur : trait admirable.
Les figures de la gauche, quoique très-agréables, sont un peu collées au rocher dont la face est coupée à pic et égale de forme et de ton. En changeant la forme et pratiquant à cette surface des enfoncemens, des saillies, les figures seraient venues plus en devant ; en laissant à cette masse son égalité plane, il eût fallu varier le ton, et faire passer de l’air entre les figures et le rocher.
Or, la France depuis Clovis, c’est-à-dire depuis qu’elle est, la France est constituée d’une certaine manière qu’il est aisé d’analyser, quoique les historiens, dupes des formes que revêt l’histoire à sa superficie, n’aient pas souvent pénétré jusqu’à cette facile profondeur. […] Issu de Guizot le doctrinaire, mais avec un tour d’esprit autrement vivant et enflammé que celui de son maître, Dupont-White s’est contenté de recommencer la balançoire connue entre l’idée abstraite de l’État et l’idée abstraite de l’Individu, et de nous refaire, sous une autre forme, la vieille cote mal taillée entre l’autorité et le progrès reprise tant de fois !
Quoique cette première forme de la philosophie théologique se retrouve avec évidence dans l’histoire intellectuelle de toutes nos sociétés, elle ne domine plus directement aujourd’hui que chez la moins nombreuse des trois grandes races qui composent notre espèce. […] Sous des formes très diverses, et même radicalement inconciliables, cet extrême mode du régime préliminaire persiste encore avec une énergie fort inégale, chez l’immense majorité de la race blanche ; mais, quoiqu’il soit ainsi d’une observation plus facile, ces mêmes préoccupations personnelles apportent aujourd’hui un trop fréquent obstacle à sa judicieuse appréciation, faute d’une comparaison assez rationnelle et assez impartiale avec les deux modes précédents. […] Ce second genre de dépendance, propre aux spéculations positives, se manifeste aussi clairement que le premier dans le cours entier des études astronomiques, en considérant, par exemple, la suite des notions de plus en plus satisfaisantes, obtenues depuis l’origine de la géométrie céleste, sur la figure de la Terre, sur la forme des orbites planétaires, etc. […] Enfin, l’incompatibilité nécessaire de la science avec la théologie a dû se manifester aussi sous une autre forme générale, spécialement adaptée à l’état monothéique, en faisant de plus en plus ressortir l’imperfection radicale de l’ordre réel, ainsi opposée à l’inévitable optimisme providentiel. […] La terminaison de ce long Discours, où le véritable esprit positif a été caractérisé sous tous les aspects essentiels se rapproche ainsi de son début, puisque cette théorie de classement doit être envisagée, en dernier lieu, comme naturellement inséparable de la théorie d’évolution exposée d’abord ; en sorte que le discours actuel forme lui-même un véritable ensemble, image fidèle, quoique très contractée, d’un vaste système.
Cette ironie-là n’est donc qu’une forme de la probité philosophique. […] Vous craignez que les mots et les formes de phrases vous manquent. […] je ne parle point de la forme ni de la qualité du dialogue, et il est clair que M. […] Jamais une espèce n’a envié la forme d’une autre espèce. […] Et, devant cette indifférence, Moricet paraît n’insister que pour la forme.
Pour que la tragédie française atteignît sa perfection, il fallait qu’elle eût traversé plusieurs formes inférieures ou rudimentaires d’elle-même. […] Ils cherchent la propriété du mot, et, ne la trouvant pas, ils nous donnent à choisir entre les diverses formes qui leur semblent traduire à peu près leur pensée. […] On ne sépare pas plus chez Pascal que chez Bossuet la forme d’avec le fond, et voici la grande raison du succès des Provinciales. […] Voici pourtant une décision plus positive encore dans la forme ; « Dubito num expleverim annum vigesimum primum… — Rép. […] De la combinaison de ces deux idées, il s’en forme une troisième : c’est celle de la Toute-Puissance de la Raison.
Est-ce qu’il n’y a pas cent mille façons d’être un homme de forme comme d’être un homme du monde ? Racine a-t-il de la forme et Victor Hugo n’en a-t-il pas ? […] Il faut voir les formes que prend ce diable trivial, les moyens qu’il emploie pour tourmenter ce déplorable M. […] s’il n’y avait que sa forme, et non sa conscience, de travaillée ? […] De la forme, ils en ont, je l’accorde ; mais de style, point.
Encore une preuve de la toute-puissance de la forme. […] Je sais bien que l’idée emporte la forme. […] C’est une légende qui se forme. […] Sans cesse il cherche une forme. […] Mais il y a ensuite la question de la forme.
Sa durée n’est pas moins variable que le changement de ses différentes formes. […] Il apporte de Lodève un fonds d’horlogerie composé de limes, de marteaux, d’étaux, d’enclumes de toutes formes et de toutes dimensions. […] Mais c’est dans la forme du roman que M. […] Les formes adoucies et fondues, il les rejette. […] L’esprit se forme surtout par les efforts contraires qu’il a à vaincre.
Tandis que l’orateur essaie de donner à son émotion la forme la plus générale qu’il puisse, afin d’atteindre ainsi l’auditoire le plus divers et le plus étendu, c’est au contraire la forme la plus individuelle possible que le poète s’efforce de donner aux émotions de tout le monde. […] Et tandis que, pour les Leconte de Lisle, pour les Flaubert, les Feuillet, les Dumas, les Augier cette conviction se dégage de l’étude ou de l’observation, se forme en eux presque à leur insu, les Taine et les Renan paraissent pour l’autoriser, l’affermir, et la fonder en principe. […] Mais l’art a perdu cette spontanéité primitive ; c’est à la science de lui rappeler ses traditions oubliées qu’il fera revivre dans les formes qui lui sont propres » [Cf. […] Et nous, par forme de conclusion, si nous souhaitons qu’elle le demeure, ce n’est pas du tout que nous prêtions à ce mot on ne sait quelle signification secrète ou quelle valeur mystique ! […] La Vénus de Milo]. — Conséquences qui en résultent : la théorie de l’impersonnalité du poète ; — la religion de la forme ; — et la doctrine de l’art pour l’art. — L’antiquité indoue dans les poèmes de Leconte de Lisle [Cf.
Rosny10 pour si personnels qu’en soient le fond et la forme, me plaît moins. […] Oserai-je dire mon sentiment et qu’à tout prendre je préfère la forme ironique et souriante qu’il affecte chez M. […] Son raisonnement tâtonnait encore sur la forme d’art qu’il choisirait. […] Il se forme une société composée de gens intelligents de tous les mondes. […] Bonnetain sur l’extrême Orient et réunies sous diverses formes (Au large, L’Opium, Marsouins et mathurins, Au Tonkin).
Il me semble qu’il ne serait pas impossible de donner une autre forme à l’éducation des collèges. […] Cette forme de vers a été en usage de très bonne heure dans les élégies, et Horace dit qu’on en ignore l’auteur. […] Pourquoi les anciens avaient-ils pris d’abord cette forme de vers pour les élégies tristes ? est-ce parce que l’uniformité des distiques, les repos qui se succèdent à intervalles égaux, et l’espèce de monotonie qui y règne rendaient cette forme propre à exprimer l’abattement et la langueur qu’inspire la tristesse ? […] serait-ce que cette même forme, ou du moins le vers pentamètre qui y entre, aurait une sorte de légèreté et de facilité propres à exprimer la joie ?
Sur un ciel serein glissaient quelques petites nuées d’orage ; plus haut on en remarquait d’autres, ayant la forme de longues bandes, qui se dénouaient. […] Le groupe d’arbres est d’un côté en demi-cercle, et forme comme la voûte d’une grotte ; nous nous assîmes sur de petites chaises placées autour d’une table ronde. […] — C’est un bon arc, dis-je, la forme surtout m’en plaît, et elle me servira désormais de modèle. […] Je n’avais pas fait cent pas dans cette direction que j’aperçois une forme de femme tout à fait ressemblante à celle que j’appelais. […] Goethe observa que la forme des dents montre que ces squelettes appartenaient à une race d’une grande moralité.
. — Athalie I Nous avons dit, en commençant, que la littérature était l’expression de la pensée humaine sous toutes ses formes. […] La langue poétique et la langue oratoire de la France se trouvaient précisément à ce confluent des différents ruisseaux des idiomes où le génie des langues, un moment indécis, s’arrête comme embarrassé de ses richesses, tente différentes voies, puis, prenant tout à coup son parti décisif, forme ce grand courant original de la langue nationale, qui entraîne tout en purifiant tout dans son cours. […] Créer est un mot impropre ; il n’est donné à personne de créer l’idiome d’une nation : c’est le travail et la gloire de tous ; mais il est vrai de dire que c’est le moment où les grands poètes et les grands écrivains façonnent la langue, lui donnent le pli, la forme, la flexibilité, la sonorité, la couleur, et l’approprient aux usages intellectuels auxquels cette langue est prédestinée par cette providence qui assigne leur mission aux peuples. […] Les bienfaits du roi, qui se renouvelaient sous la forme de gratification littéraire à chacune de ses pièces, et qui se convertirent bientôt après en une pension de 2, 000 livres, somme considérable pour le temps, donnaient une grande aisance à la famille. […] Il y réussit mal ; la poésie lui avait gâté la main pour la prose : trop préoccupé de la forme du rythme et de l’harmonie des périodes, il manquait de nerf et de pensée pour consolider sa phrase historique.
Pour donner à Poe une idée du merveilleux insecte et de sa forme, Legrand essaya de le dessiner sur un bout de papier, mais quel ne fut pas l’étonnement des deux amis en apercevant que le scarabée dessiné donnait l’image exacte… d’une tête de mort ! […] Baudelaire, qui a pris possession du poète et du conteur américain par sa manière de le traduire, doit nous donner successivement, ses œuvres complètes : d’abord la suite des Contes dont nous avons le commencement, et qu’il fera précéder de l’analyse des opinions littéraires et philosophiques de l’auteur, puis le poème d’Eureka et le roman d’Arthur Gordon Pym, et enfin, pour le petit nombre d’esprits à qui la poésie est encore chère dans sa forme et dans son essence, des poésies individuelles. […] Victor Hugo, traître à cet art pour l’art qui ne fut jamais pour lui qu’une religion de préface, et qui, en vieillissant, a livré sa Muse à de bien autres préoccupations ; Victor Hugo, même aux plus chaudes années de sa jeunesse, est bien tiède et bien transi dans son amour fanfaron de la forme et de la beauté, en comparaison d’Edgar Poe, de ce poète et de cet inventeur qui a la frénésie patiente, quand il s’agit de donner à son œuvre le fini… qui est son seul infini, hélas ! […] Sous toutes les formes que l’art — cette comédie qu’on se joue à soi-même — cherche à varier, mais qu’en définitive il ne varie point, Edgar Poe, l’auteur des Histoires extraordinaires, ne fut jamais, en tous ses ouvrages, que le paraboliste acharné de l’enfer qu’il avait dans le cœur ; car l’Amérique n’était pour lui qu’un effroyable cauchemar spirituel, dont il sentait le vide et qui le tuait. […] C’est l’application du mot de Bacon : « Les hommes ont peur de la mort comme les enfants ont peur de l’ombre. » Cette peur des sens soulevés prend mille formes dans les Histoires de Poe ; mais soit qu’elle se traduise et se spécifie par l’horreur qu’il a d’être enterré vivant, ou par le désir immense de tomber, ou par quelque autre hallucination du même genre, c’est toujours la même peur nerveuse du matérialiste halluciné.
J’en donnerai ici quelques extraits par lesquels je m’attacherai surtout à faire connaître le genre et le tour d’esprit, la forme de talent, de l’un des hommes les plus distingués de ce temps-ci. […] Entre le jeune voyageur de 1831 et celui d’aujourd’hui, je fais la part de la physionomie individuelle, de la différence des caractères et des formes de talent ; mais aussi il me semble qu’on peut, en lisant les deux récits, se faire une idée des éléments tout nouveaux qui sont entrés dans l’éducation depuis trente ans, des excitants qui flottent dans l’air et qu’on y respire ; de la réalité en fusion qui circule, qu’on absorbe, et qui ressort ensuite par tous les pores ; en un mot, du changement introduit dans la nourriture générale des esprits, même de ceux qui sembleraient appartenir à un même courant d’opinions et de traditions. […] Les Indiens s’avancèrent d’un air morne vers le rivage : on fit d’abord passer les chevaux, dont plusieurs, peu accoutumés aux formes de la vie civilisée, prirent peur et s’élancèrent dans le Mississipi, d’où on ne put les retirer qu’avec peine : puis vinrent les hommes, qui, suivant la coutume ordinaire, ne portaient rien que leurs armes ; puis les femmes, portant leurs enfants attachés sur leur dos ou entortillés dans les couvertures qui les couvraient ; elles étaient, en outre, surchargées de fardeaux qui contenaient toute leur richesse. […] Royer-Collard obéissait à sa propre loi, à la forme élevée et dominante de son jugement qui agrandissait tout ce qu’il ne déprimait pas.
Les questions de forme ne se séparaient pas des questions de fond ; la joûte se passait dans un camp tracé. […] Mais, encore une fois, ce n’était là pour lui qu’un acheminement, qu’une forme d’introduction, et M. […] Le désillusionnement systématique, le pessimisme absolu, le jargon de rouerie, de socialisme ou de religiosité, la prétention aristocratique naturelle aux jeunes démocraties et aux brusques fortunes, cette manie de régence et d’orgie à froid, la brutalité très-vite tout près des formes les plus exquises, il a exprimé tout cela avec vie souvent et avec verve dans ses personnages. […] Sa puissance, sa prospérité, sa vie, tiennent essentiellement à cette forme de gouvernement.
Cette absence de Paris est sans doute cause que Bayle paraît à la fois en avance et en retard sur son siècle, en retard d’au moins cinquante ans par son langage, sa façon de parler, sinon provinciale, du moins gauloise, par plus d’une phrase longue, interminable, à la latine, à la manière du xvie siècle, à peu près impossible à bien ponctuer127 ; en avance par son dégagement d’esprit et son peu de préoccupation pour les formes régulières et les doctrines que le xviie siècle remit en honneur après la grande anarchie du xvie . […] Les neuf volumes in-folio que cela forme en tout, les quatre volumes principalement de ses œuvres diverses, préférables au Dictionnaire134, bien que moins connues, sont une des lectures les plus agréables et commodes. […] Dans une note de son article Érasme du Dictionnaire critique, parlant des transgressions avec les personnes qui sont obligées de sauver les apparences, il dit de ce ton de naïveté un peu narquoise qui lui va si bien : « Elles exigent des préliminaires, elles se font assiéger « dans toutes les formes. Se sont-elles rendues, c’est un bénéfice qui « demande résidence… Il est rare qu’on ne tombe qu’une fois dans « cette espèce d’engagement ; on ne s’en retire qu’avec un morceau de chaîne qui forme bientôt une nouvelle captivité.
Le goût se forme sans doute par la lecture de tous les chefs-d’œuvre déjà connus dans notre littérature ; mais nous nous y accoutumons dès l’enfance ; chacun de nous est frappé de leurs beautés à des époques différentes, et reçoit isolément l’impression qu’elles doivent produire. […] Quelles belles formes d’indignation la haine du crime n’a-t-elle pas fait découvrir à l’éloquence ? […] Les institutions établies par la force, imiteraient tout de la liberté, excepté son mouvement naturel ; les formes y seraient comme dans ces modèles qui vous effraient par leur ressemblance : vous y retrouvez tout, hors la vie. […] J’essaierai de montrer le caractère que telle ou telle forme de gouvernement donne à l’éloquence, les idées de morale que telle ou telle croyance religieuse développe dans l’esprit humain, les effets d’imagination qui sont produits par la crédulité des peuples, les beautés poétiques qui appartiennent au climat, le degré de civilisation le plus favorable à la force ou à la perfection de la littérature, les différents changements qui se sont introduits dans les écrits comme dans les mœurs, par le mode d’existence des femmes avant et depuis l’établissement de la religion chrétienne ; enfin le progrès universel des lumières par le simple effet de la succession des temps ; tel est le sujet de la première partie.
I Le lecteur vient de suivre, dans toutes ses formes, l’événement intérieur qui constitue nos connaissances. […] On a vu qu’elles s’avivent et se précisent, à mesure que nos sensations présentes deviennent plus faibles et plus vagues ; au bout de quelques secondes, il nous semble que nous entendons de vrais sons, que nous voyons de vraies formes, qu’effectivement nous goûtons, nous flairons, nous touchons. […] Quand je me souviens que le soleil s’est levé hier à tel point de l’horizon, et quand je prévois que demain il se lèvera à tel autre endroit du ciel, j’ai intérieurement l’image distincte ou vague de la sensation visuelle que j’ai eue hier et de la sensation visuelle que j’aurai demain. — Pareillement, toutes les perceptions associées que le souvenir et la prévision ajoutent à la sensation brute pour constituer la perception externe ordinaire, tous les jugements, croyances et conjectures qu’une sensation simple provoque sur la distance, la forme, l’espèce et les propriétés d’un objet, contiennent aussi des images. Ce fauteuil qui est à trois pas de moi ne donne à mes yeux que la sensation d’une tache verte diversement ombrée selon ses diverses parties ; et cependant, sur cette simple indication visuelle, je juge qu’il est solide, moelleux, qu’il a telle grandeur et telle forme, qu’on peut s’asseoir dessus ; en d’autres termes, j’imagine comme certaine une série de sensations musculaires et tactiles que mes mains et mon corps auront, si j’en fais l’expérience à son endroit. — Enfin, dans la conscience de nos sensations présentes, il y a des images : car, lorsque nous avons conscience d’une douleur, d’une saveur, d’un effort musculaire, d’une sensation de froid ou de chaud, nous la situons en tel ou tel endroit de nos organes ou de nos membres ; en d’autres termes, ma sensation éveille l’image des sensations tactiles, visuelles et musculaires que j’emploierais pour reconnaître l’endroit où se produit l’ébranlement nerveux.
Les livres sacrés sont presque universellement composés de chants, comme si le chant était la forme du langage qui descendît le plus naturellement du ciel et y remontât le plus naturellement aussi. […] XXIII Et quelle était la forme, la mesure, le rythme, la consonance, le mètre de ces chants poétiques, de ces vers sacrés ? […] Il paraît que la forme poétique et versifiée de cette langue alors consistait principalement dans la répétition ou dans l’écho de la même pensée, se retrouvant dans la même phrase, à peu près dans le même nombre de mots, de manière à se faire consonance à elle-même, comme l’écho fait consonance au cri qu’on lui jette. […] La forme creuse des vallées et des ravins, la sonorité des rochers qui percent partout la terre, le retentissement des nombreuses cavernes qui déchirent partout aussi le creux de ces roches, y multiplient les échos.
On peut affirmer, je crois, que nul poète, ni dans les temps anciens, ni dans les temps modernes, n’a eu à ce degré, avec cette abondance, cette force, cette précision, cet éclat, cette grandeur, l’imagination de la forme. […] Car, pour exprimer le néant et sa tristesse, il moissonne à brassées les figures et les formes de la vie. […] D’abord, et par la force des choses, il lui est arrivé, aussi souvent qu’aux plus grands des classiques, d’exprimer, selon la définition de Nisard, des idées générales sous une forme souveraine et définitive (laquelle d’ailleurs, quoique définitive, peut toujours être renouvelée). […] Puis, comme la moindre idée lui suggère une image, et comme ensuite les images s’appellent et s’enchaînent en lui avec une surnaturelle rapidité, le sujet qu’il traite a beau être maigre et court dans son fond, la forme dont il le revêt est un vaste enchantement, Ces correspondances qu1il saisit entre les choses nous intéressent par elles-mêmes.
Droz), on voit toujours l’honnête homme, mais on ne retrouve plus l’intrépide magistrat. » Malesherbes, comme tant d’hommes de sa race et de sa forme de caractère, n’était tout à fait grand et intrépide que sur les fleurs de lis, en attendant le jour où il fut si grand en présence de l’échafaud. […] M. de Malesherbes exigeait qu’il en eût un pour la forme, à moins d’un ordre direct de la Cour qui l’en exemptât ; et comme Pompignan, par pure gloriole, persistait à s’en passer, et qu’il avait livré déjà son Mémoire à l’impression, M. de Malesherbes se transporta chez l’imprimeur et fit rompre la planche. […] On lui donne un censeur encyclopédiste pour la forme, et les épreuves vont et viennent sous le couvert de M. de Malesherbes. […] Il était négligé dans sa forme, rond dans sa tournure, et avait quelque chose de l’homme de campagne. — « M. de Malesherbes, lui disait Louis XVI, vous et moi avons ici le ridicule de tenir aux mœurs du vieux temps ; mais ce ridicule ne vaut-il pas mieux que les beaux airs d’aujourd’hui ?
Dès à présent de certaines formes de despotes ne sont plus possibles. […] Le jour où, dans les collèges, les professeurs de rhétorique mettront Juvénal au-dessus de Virgile et Tacite au-dessus de Bossuet, c’est que, la veille, le genre humain aura été délivré ; c’est que toutes les formes de l’oppression auront disparu, depuis le négrier jusqu’au pharisien, depuis la case où l’esclave pleure jusqu’à la chapelle où l’eunuque chante. […] Et en effet l’habileté des gouvernants et l’apathie des obéissants ont arrangé et emmêlé les choses de telle sorte que toutes ces formes du néant princier tiennent de la place dans la destinée humaine, et que la paix et la guerre, la mise en marche des armées et des flottes, le recul ou le progrès de la civilisation, dépendent de la tasse de thé de la reine Anne ou du chasse-mouche du dey d’Alger. […] La Révolution française, liquidation de la première forme sociale du christianisme, peut venir.
C’est ainsi que lorsque Psyché supplie l’Amour, le dieu Amour, de se révéler à elle, l’Amour lui fait une réponse très spirituelle dans la forme, assez profonde, au moins assez pénétrante dans le fond, et qui est celle-ci (c’est une très jolie raillerie philosophique ; n’était le style, qui ne rappelle pas celui de l’homme que je vais nommer, on dirait quelque chose comme un de ces contes dont Renan nous régalait vers la fin de sa vie) : « — Apprenez-moi, du moins, dit Psyché au dieu, les raisons qui vous rendent si opiniâtre. […] Ce sont des stances élégiaques à forme lyrique. […] La forme est exquise, et c’est (malheureusement que je le reconnais) toute une littérature qui sortira de ce vers-là : la littérature de la réhabilitation de la courtisane. […] C’est la vérité sentimentale prise en elle-même et non pas sous forme exagérée jusqu’à une manière de burlesque, comme dans le vers de Victor Hugo.
Même lorsque, venus ensuite dans nos régions et sur notre terrain, nous les voyons en faute et manquant à certaines conditions de convenance ou de forme qui sautent aux yeux, et que d’autres, de bien moindres, observeraient mieux qu’eux peut-être, souvenons-nous du sommet où ils sont précédemment montés. […] Flourens, que je louerais mieux si je n’avais l’honneur d’être son confrère, s’applique, et chaque fois avec un succès nouveau, à étendre et à enrichir cette forme où il est maître. […] Arago, succédant à l’élégant Fourier, lequel avait succédé lui-même à l’estimable Delambre, chercha plutôt à se rattacher à la forme développée de Condorcet.
Il représente une phase nouvelle et un progrès social dans la science qu’il cultivait avec succès ; il contribua plus que personne en son moment à la rendre facile, accessible, même élégante de forme, en la laissant sérieuse et solide ; à la tirer des écoles, sans la rendre pour cela frivole et sans la profaner. […] Mais, à la porte, un sage enchanteur, sous la forme d’un vieillard respectable, l’arrête : c’est Franklin (on mettait alors Franklin à toute espèce d’usage et d’emploi). […] L’un instruit l’enfance, il forme la jeunesse ; l’autre parle à l’homme, dont il élève l’âme et dont il fortifie la raison.
Il semble toujours que cette étrange et magnifique épopée, qui résume toutes les conceptions du Moyen Âge, où tout est mêlé, la fable et la théologie, les guerres civiles et la philosophie, le vieil Olympe et le ciel chrétien, n’a pas encore trouvé d’interprète d’un esprit assez patient ou assez flexible pour se prêter aux formes si variées d’un drame qui touche tout, d’une poésie qui chante sur tous les tons. […] Ozanam, doué d’enthousiasme, et les yeux dirigés vers un soleil qui l’éclairait plus vivement sur quelques points, et qui l’éblouissait peut-être sur quelques autres, a porté l’admiration plus loin qu’il n’est donné à de moins ardents de la concevoir et de la soutenir pour ces formes si compliquées de l’esprit humain au Moyen Âge : il a du moins rassemblé tout ce qui peut aider à faire mieux comprendre le monument poétique dans l’explication duquel il a gravé son nom. […] S’il nous est donné aujourd’hui, grâce à tant de travaux dont il a été l’objet, de le mieux comprendre dans son esprit, et de le révérer inviolablement dans son ensemble, nous ne saurions abjurer (je parle au moins avec la confiance de sentir comme une certaine classe d’esprits) notre goût intime, nos habitudes naturelles et primitives de raisonnement, de logique, et nos formes plus sobres et plus simples d’imagination ; plus il est de son siècle, moins il est du nôtre.
Dans ce qu’il a écrit Sur la littérature des Goths et sur la partie profane de cette littérature, sur les traditions héroïques dont l’origine remonte au temps d’Attila, et qui ont été la source des grands poèmes germaniques du Moyen Âge, Favre a été plus achevé, ou du moins un peu plus pressé d’arriver ; sa forme y a gagné, sinon pour la rapidité, du moins pour la cohésion et pour la suite : c’est qu’il a publié ce morceau dans la Bibliothèque universelle de Genève en 1837, et que la publicité oblige. […] La plupart des excellents écrits que ses fidèles amis (M. et Mme Mohl) ont donnés depuis, datent de là, et n’ont pris forme qu’à cette époque et par la nécessité des leçons à rédiger. […] Entre ce procédé de moderne bénédictin et celui de Pline, ou, si l’on veut, de l’ancien Balzac qui ne lisait que pour trouver de belles sentences et de belles expressions à recueillir et à enchâsser, il y a, ce semble, un milieu qui est le bon, qui est celui de Montaigne, qui est l’union de la pensée et de la forme, la lecture vivifiée par l’esprit, le suc et la fleur.
Bonstetten, en son premier temps, aux belles années du xvie siècle, avait eu, il est vrai, une jeunesse fervente, enthousiaste, engouée, selon la forme d’idées et de sentiments qui régnaient alors, avec des teintes de Jean-Jacques et des reflets de Werther ; mais cela lui avait passé : il s’était rassis ; il était devenu vieux ; vers l’âge de trente-cinq à quarante ans, il était redevenu Bernois ou avait tâché de le redevenir, de se faire un homme sérieux, un homme politique, un bailli, un syndic ou syndicateur (comme ils disent), un aspirant au conseil souverain de son canton ; il s’acclimatait petit à petit à l’ennui ; en un mot, à l’exemple du commun des hommes, il était en train de vieillir, et il y réussissait par le cours naturel des ans et des choses, quand les événements qui, à la suite du grand mouvement de 89, bouleversèrent son pays, vinrent le secouer lui-même et le déranger, le déconcerter et l’affliger d’abord ; mais bientôt il se remit, il voyagea, il trouva des oasis et des asiles, des cercles heureux où l’amitié lui vint rendre la joie, l’espérance et l’harmonie de sentiments à laquelle il aspirait par sa nature : et c’est alors qu’il rajeunit tout de bon. […] La ville de Cambridge, avec ses collèges solitaires, n’était qu’une réunion de couvents, où les mathématiques et quelques sciences ont pris la forme et le costume de la théologie du Moyen Âge. […] Aucune femme honnête ne venait égayer la vie de ces rats de livres à forme humaine.
N’est-ce qu’une répétition nouvelle, une reprise, sous forme poétique, des idées exposées dans la profession de foi du vicaire savoyard ? […] C’est dans ce songe qu’il va voir figurer les religions diverses, depuis les plus grossières jusqu’à la plus pure, depuis les formes les plus brutales du naturalisme et de la sensualité jusqu’à la révélation de la parole la plus simple, la plus divine, la plus humaine, celle du sermon sur la montagne. […] En un mot, Rousseau ne fait dans ce morceau que mettre en action et commenter sous forme dramatique cette parole de la profession de foi du vicaire : « Oui, si la vie et la mort de Socrate sont d’un sage, la vie et la mort de Jésus sont d’un Dieu. » Et s’il conclut encore moins dans le songe que dans les pages de l’Émile, s’il n’éveille pas son philosophe pour tirer de lui un dernier mot, c’est qu’il n’a pas voulu le lui faire dire, c’est qu’il n’a pas osé conclure, et qu’il a reculé devant toute parole qui ne serait pas un hommage au Christ.
Il avertit dans la préface qu’il écrivit d’abord en français et la traduisit ensuite en latin « pour répondre aux exigences du doctorat » ; mais c’est sous sa première forme qu’il la donne au public. […] Cette étude sur Swift, où l’ambition politique ardente et déçue, le talent ironique et âcre, la misanthropie douloureuse poussée à la démence, sont rendus avec vigueur et sobriété, se recommande surtout « par les jugements et les pensées, par les idées et par la forme qu’elles prennent. » C’est dire qu’il laisse à d’autres l’étalage des recherches et le surcroît de l’érudition. […] Son ironie, en d’autres moments, prenait d’autres formes, et celles-ci toutes littéraires.
Il semble alors qu’une noble et sainte alliance se forme entre cinq jeunes hommes, pleins de foi et de vaillance. — “Moi, je couvrirai ces toiles, ces murailles de mes peintures vivantes : graveur, prépare ton burin et répands mon œuvre dans le monde entier.” — “Je ferai respirer l’argile, dit le statuaire, et le marbre tremblera devant moi, comme il tremblait devant le Puget.” — “Moi, je saurai créer des mélodies sublimes, et mes chants inspirés se marieront aux belles harmonies de l’orchestre obéissant.” — L’architecte prend la parole et dit : “Moi, je construirai le temple où vivront tes peintures, où respireront tes statues ; je bâtirai le théâtre immense où frémira le public sous l’empire de tes chants ! […] Vitet, qui est depuis plus de trente ans une sorte de secrétaire perpétuel extérieur, le plus brillant et le plus fin, mais à ses heures et à ses moments, se dit : « Pourquoi nous conduire toujours comme une Académie muette et dépendante, nous qui possédons par excellence toutes les autres formes sensibles de l’expression ? […] si l’on est d’un art particulier, tout en restant le confrère et l’ami des artistes, savoir s’élever cependant peu à peu jusqu’à devenir un juge ; si l’on a commencé, au contraire, par être un théoricien pur, un critique, un esthéticien, comme ils disent là-bas, de l’autre côté du Rhin, et si l’on n’est l’homme d’aucun art en particulier, arriver pourtant à comprendre tous les arts dont on est devenu l’organe, non-seulement dans leur lien et leur ensemble, mais de près, un à un, les toucher, les manier jusque dans leurs procédés et leurs moyens, les pratiquer même, en amateur du moins, tellement qu’on semble ensuite par l’intelligence et la sympathie un vrai confrère ; en un mot, conquérir l’autorité sur ses égaux, si l’on a commencé par être confrère et camarade ; ou bien justifier cette autorité, si l’on vient de loin, en montrant bientôt dans le juge un connaisseur initié et familier ; — tout en restant l’homme de la tradition et des grands principes posés dans les œuvres premières des maîtres immortels, tenir compte des changements de mœurs et d’habitudes sociales qui influent profondément sur les formes de l’art lui-même ; unir l’élévation et la souplesse ; avoir en soi la haute mesure et le type toujours présent du grand et du beau, sans prétendre l’immobiliser ; graduer la bienveillance dans l’éloge ; ne pas surfaire, ne jamais laisser indécise la portée vraie et la juste limite des talents ; ne pas seulement écouter et suivre son Académie, la devancer quelquefois (ceci est plus délicat, mais les artistes arrivés aux honneurs académiques et au sommet de leurs vœux, tout occupés qu’ils sont d’ailleurs, et penchés tout le long du jour sur leur toile ou autour de leur marbre, ont besoin parfois d’être avertis) ; être donc l’un des premiers à sentir venir l’air du dehors ; deviner l’innovation féconde, celle qui sera demain le fait avoué et’reconnu ; ne pas chercher à lui complaire avant le temps et avant l’épreuve, mais se bien garder, du haut du pupitre, de lui lancer annuellement l’anathème ; ne pas adorer l’antique jusqu’à repousser le moderne ; admettre ce dernier dans toutes ses variétés, si elles ont leur raison d’être et leur motif légitime ; se tenir dans un rapport continuel avec le vivant, qui monte, s’agite et se renouvelle sans cesse en regard des augustes, mais un peu froides images ; et sans faire fléchir le haut style ni abaisser les colonnes du temple, savoir reconnaître, goûter, nommer au besoin en public tout ce qui est dans le vestibule ou sur les degrés, les genres même et les hommes que l’Académie n’adoptera peut-être jamais pour siens, mais qu’elle n’a pas le droit d’ignorer et qu’elle peut même encourager utilement ou surveiller au dehors ; enfin, si l’on part invariablement des grands dieux, de Phidias et d’Apelle et de Beethoven, ne jamais s’arrêter et s’enchaîner à ce qui y ressemble le moins, qui est le faux noble et le convenu, et savoir atteindre, s’il le faut, sans croire descendre, jusqu’aux genres et aux talents les plus légers et les plus contemporains, pourvu qu’ils soient vrais et qu’un souffle sincère les anime.
Le cadre du livre en question est, d’ailleurs, des plus élémentaires, et les paravents ne sont là que pour la forme. […] La tentation pour tous n’est pas la même, et elle prend différentes formes. […] cette tentation, sous la seule forme où elle pouvait se présenter à un homme de sa sorte, l’auteur des Jeudis l’a éprouvée, et il n’a pas su y résister.
Mais toute la différence de lui aux autres héros de roman ne sera que dans cette forme donnée à un amour, également invraisemblable d’ailleurs comme mobile et comme ressort principal. […] On assiste au champ de bataille où gisent les cadavres, on les compte : le chirurgien semble tenir le pinceau ; on reconnaît toutes les formes de plaies et de blessures à l’arme blanche ; on observe aussi toutes les formes et toutes les nuances de corruption, de décomposition cadavéreuse, selon les races.
Ne pouvant accorder ce titre de reine à la charmante princesse, on s’arrangea toutefois pour lui donner de la reine et de la souveraine sous une forme quelconque, galante et courtoise. […] Je ne demande pas une admiration excessive pour Mme d’Albany que j’aurai bientôt à définir, sous sa forme dernière, comme une personne gracieuse, distinguée et surtout sensée, comme une vraie reine de salon et une maîtresse de maison parfaite, dont la mort, en 1824, mit le deuil dans Florence et fut une perte pour la société européenne tout entière ; mais, à considérer sa vie telle qu’elle sut la réparer et la fixer, je ne vois pas qu’il y ait lieu ni prétexte contre elle, de la part d’un esprit juste, à aucun anathème. […] Formes aimées, comme elles sont peintes au vif !
Montesquieu, on le sait, faisait grand cas de Florus pour l’avoir beaucoup rencontré au sujet des Romains, et il avait retenu plus d’un trait de lui, grâce à cette forme épigrammatique et brillante que lui-même il affectionnait53. […] Il s’agit des belles-lettres : Velléius, à un moment, se met à en discourir, car il ne s’interdit pas les digressions, et c’est une de ses formes ordinaires de dire : « Nequeo temperare mihi… Je ne puis m’empêcher, je ne puis me contenir… » Il vient de parler des colonies romaines établies sous la République, et, passant à un tout autre sujet, il s’adresse à lui-même une question : Pourquoi y a-t-il pour les choses de l’esprit des époques et comme des saisons exclusivement favorables, où tout se rassemble et se groupe, et passé lesquelles on ne retrouve plus le même goût ? […] Créateur pur, il est infiniment supérieur au Dieu des philosophes, premier moteur et simple ordonnateur du monde, et qui avait trouvé une matière toute faite : le Dieu de nos pères et celui de Bossuet a tout fait, la matière et la forme, l’ordre et le fond : il ne lui en a coûté qu’un mot.
Cet article courtois de forme (c’est le moins qu’on en puisse dire) eut le malheur de déplaire auprès de M. […] Sainte-Beuve était né, on le sait déjà, à Boulogne-sur-Mer, le 23 décembre 1804. — L’autopsie à laquelle ont présidé MM. les docteurs Veyne et Piogey, au lendemain de la mort, a révélé la présence dans la vessie de trois pierres dont l’une affecte le volume et la forme d’un gros œuf de poule ; les deux autres ressemblent par la forme et leur grosseur à deux châtaignes ordinaires.
l’Académie est un salon ; pour qu’il reste le premier de tous, à de certains jours, il faut qu’il n’y manque aucune des formes et des distinctions possibles du langage. […] Ils agréent chacun dans sa forme ; on a, si on l’osait dire, du goût pour eux. […] Beaucoup de gens aujourd’hui vous parlent à l’oreille de cet ouvrage et l’incriminent sur ouï-dire ; la plupart seraient fort étonnés, s’ils le lisaient, d’y trouver un écrit tout de forme métaphysique et de déduction abstraite, d’un dogmatisme ingénieux, mais assez difficile et obscur.
On eut les Amours de Boucher ; on eut des oves et des volutes, au lieu d’acanthes et d’arabesques de toutes formes : on eut les Bijoux indiscrets, les métamorphoses de la Pucelle, l’Écumoir, le Sopha, et ces contes de Voisenon où des hommes et des femmes sont changés en anneaux ou en baignoires. […] Félicitons-le pourtant d’avoir, avec Piron, La Faye, et quelques autres, protesté contre les déplorables violations de forme prêchées par La Motte et autorisées par Voltaire34. […] Le style de Rousseau, au contraire, ne se tient nullement et ne forme pas une seule et même trame.
Dans l’Orient, le despotisme tourna les esprits vers les jeux de l’imagination ; on était contraint à ne risquer aucune vérité morale que sous la forme de l’apologue. […] Il est dans leur caractère d’aimer à réunir, dans les objets même d’une plus haute importance, la gravité des formes à la légèreté des sentiments ; et l’Arioste est le plus charmant modèle de ce genre national. […] Les Italiens n’ont pensé qu’à faire rire en composant leurs pièces ; tout but sérieux, même déguisé sous les formes les plus légères, ne peut y être aperçu ; et leurs comédies sont la caricature de la vie, et non son portrait.
Par la forme même de son livre, par la disposition typographique qui, isolant chaque pensée, nous la présente comme souverainement importante et nous la propose pour sujet de méditation, l’auteur semble prendre envers nous cet engagement que chacun de ces brefs alinéas supposera et résumera une masse considérable d’observations particulières, en contiendra tout le suc, sera l’équivalent d’un roman, d’une comédie, tout au moins d’un sermon ou d’une chronique. […] Et ces observations générales, il y a beau temps qu’elles ont été faites : on ne peut qu’en varier la forme (il est vrai qu’on le peut indéfiniment et qu’on y peut mettre sa marque personnelle). […] Désordre prémédité ; car vous trouverez, par exemple, pages 8 et 50, 20 et 36, 6 et 161, 73 et 80, 72 et 90, la même pensée sous des formes différentes : l’auteur, n’ayant le courage de sacrifier aucune de ses rédactions, a voulu sans doute dissimuler les redites en les séparant.
En même temps, il s’occupe de son administration des Postes ; il forme une association militaire pour résister à de graves désordres qui s’étaient produits. […] Il sent bien que c’est là le côté faible de la démocratie et de la forme de gouvernement qui en découle ; il le redira à la fin de sa vie et quand l’Amérique se sera donné sa Constitution définitive (1789) : « Nous nous sommes mis en garde contre un mal auquel les vieux États sont très sujets, l’excès de pouvoir dans les gouvernants ; mais notre danger présent semble être le défaut d’obéissance dans les gouvernés. » Enfin, au milieu des luttes politiques déjà très vives que Franklin a à soutenir dans la Chambre et dans les élections de Philadelphie, survient la nouvelle du fameux acte du Timbre (1764). […] Franklin, que j’ai rapproché, pour la forme d’esprit littéraire et scientifique, de ses amis de l’école d’Édimbourg, avait un coin par lequel il en différait notablement : il était passionné et convaincu à ce point que le froid et sceptique David Hume lui trouvait un coin d’esprit de faction, touchant de près au fanatisme.
J’ai donc seulement voulu dire que les générations humaines sont toutes héritières les unes des autres ; que le genre humain, dans son ensemble, ne forme en quelque sorte qu’un seul tout, ce qui nous mettrait sur la voie de fournir quelques épreuves de plus à la doctrine de la solidarité. […] On trouve, en effet, dans ce coin de terre, l’exemple de toutes les formes de gouvernement. […] L’esprit humain forme comme un vaste firmament éclairé de toutes parts d’étoiles de différentes grandeurs.
Le Romantisme a donné avec le Parnasse sa floraison dernière, en sa forme maintenue, et il s’est mué en Symbolisme en léguant au Symbolisme son appétit de nouveauté, sa recherche d’un coloris neuf, sa tendance à l’évolution rythmique, c’est-à-dire son essence même. » Et, qu’on le veuille ou non, la chose est très vraie. […] Il va sans dire, d’ailleurs, que le déplacement de la césure dans l’alexandrin, peut affecter nombre d’autres formes que celles examinées ici. […] En dehors de la stance où l’ordre des rimes doit être toujours le même (la stance était une « forme musicale » autrefois), pourquoi faire toujours succéder une rime féminine à une rime masculine.
Elle ne les renferme pas, elle les constate ; elle ne forme pas de jugements universels et nécessaires ; elle atteste que nous en formons ; ces jugements ne sont pas en elle comme des parties dans un tout ; ils sont devant elle comme un spectacle devant un spectateur. […] Plus que jamais, fidèle à la méthode psychologique, au lieu de sortir de l’observation, je m’y enfonçai davantage, et c’est par l’observation que, dans l’intimité de la conscience et à un degré où Kant n’avait pas pénétré, sous la relativité et la subjectivité apparentes des principes nécessaires, j’atteignis et démêlai le fait instantané, mais réel, de l’aperception spontanée de la vérité, aperception qui, ne se réfléchissant point elle-même, passe inaperçue dans les profondeurs de la conscience, mais y est la base véritable de ce qui, plus tard, sous une forme logique et entre les mains de la réflexion, devient une conception nécessaire. […] Les abstractions s’entre-choquent ; des formes obscures passent devant l’imagination troublée ; dans le cerveau s’agite et roule une ronde d’êtres métaphysiques, grandioses et vides, poésie confuse et sublime que réclament toutes les jeunes têtes d’Allemagne, et qui, avec la bière, suffit pour les remplir à vingt ans.
La session de 1815 forme la partie historique la mieux traitée et la plus instructive du livre : les personnes honnêtement royalistes, qui se sont laissé prendre aux théories et à l’ancien droit français de la Gazette, ne pourront guère s’y maintenir après avoir lu le chapitre de M. de Carné. […] Or, c’est là le point remarquable, ne pouvant résoudre ses doutes directement, ni par la logique ni par la conscience, il s’en tirait à l’aide de l’imagination ; il se figurait en idée un grand spectacle, une représentation lugubre de ce que serait le châtiment du sacrilége, et, reculant bientôt épouvanté, il criait non de toutes ses forces à cette loi sanglante qu’il avait presque invoquée d’abord sous sa forme abstraite.
Sans que l’historien se soit posé ces questions sous une forme dogmatique, on trouve répandus dans son récit tous les éléments pour les résoudre, et le jeu assez compliqué des intrigues contre-révolutionnaires y est débrouillé nettement. […] Il y eut, en un mot, des muscadins, comme il y avait eu des sans-culottes ; mais ces muscadins étaient armés de bâtons courts et plombés en forme d’assommoirs, et en faisaient un fréquent usage contre les jacobins dans toutes les rencontres.
Voici une autre particularité, au point de vue de la forme. […] C’est ce désir qui m’a empêché de me tuer… J’étais un autre, et je haïssais, je méprisais cet autre ; il m’était absolument odieux ; il est certain que c’était un autre qui avait revêtu ma forme et pris mes fonctions. » Ici, il faut distinguer.
Invention, création, originalité, nouveauté, tout cela, en dernière analyse, se réduira à la conception d’une forme, c’est-à-dire d’un enchaînement, d’une subordination, d’une proportion, qui mettent en lumière des rapports nouveaux entre des pensées anciennes, et leur attribuent des valeurs nouvelles. […] Dans la forme, dans l’empreinte particulière que l’artiste met sur un sujet banal : en d’autres termes, dans la combinaison nouvelle des éléments, dans l’expression de rapports inexprimés jusque-là ; il innove, suivant son tempérament personnel, suivant ses habitudes d’esprit et ses formules d’art, dans la distribution des lumières et des ombres, dans la composition des plans ; il change les proportions des parties, modifie leur valeur : enfin, par un agencement nouveau, il renouvelle une vieille matière.
Sa forme est d’un qui a beaucoup lu, presque trop lu, qui est las des styles et des écritures rares et qui ne se permet que le mode uni le plus simple, le plus difficile. […] Nulle forme, nul parfum ne s’imposent et tous sont exquis.
Les qualifications naturelles de la forme de Céard, c’est, d’abord, la carrure : il sertit ses vigoureuses pensées dans les formules solides qui ne les laissent point s’échapper ; c’est, ensuite, l’ordre tout musical de la composition : il y a dans ses comédies, dans ses romans, même dans ses chroniques, un thème et un rythme. […] Descaves, avec ses camarades des Cinq plus haut nommés (il en faudrait assez éliminer Lavedan dont le talent distingué s’applique à des fantaisies judicieuses et sans verve), marque une forme suffisamment nouvelle pour qu’on l’appelle néo-réalisme.
Ainsi se forme, autour de certains auteurs, des élites qui se savent gré de le pénétrer et lui savent gré d’être impénétrable. […] Que l’auteur puisse gagner cela d’attirer et embesogner à soi la postérité, ce que non seulement la suffisance [la capacité] mais autant ou plus la faveur fortuite de la matière peut gagner, qu’au demeurant il se présente, par bêtise ou par finesse, un peu obscurément et diversement, ne lui chaille : nombre d’esprits, le blutant et secouant, en exprimeront quantité de formes, ou selon, ou à côté, ou au contraire de la sienne, qui lui feront toutes honneur, et il se verra enrichi des moyens de ses disciples, comme les régents du lendit.
de l’amour, — un amour rétrospectif pour elle… Ordinairement écrite par la Haine, elle a un accent ici sur lequel il n’est pas possible de se méprendre… Et c’est là ce qui donne à cette histoire sa délicate originalité, et, sous une forme quelquefois ironiquement charmante, sa lucidité pénétrante et sa profondeur. III La forme de ce livre est en effet charmante.
Mais il ne faut pas imputer à la forme de sa pensée historique les perversités et les scélératesses de son esprit. […] Esprit vraiment français de fond et de forme, sans déclamation d’aucune sorte, sans surcharge, sans pesanteur, sans pédantisme, Vitu est un voltairien, de l’autre bord, qui rendrait aux voltairiens et à Voltaire lui-même la monnaie de leur pièce en une plaisanterie qui vaudrait la leur.
Le Romantisme est maintenant le classicisme de notre âge, mais la Critique, qui se fie à l’inépuisable Beauté, attend des poésies aux formes et aux inspirations nouvelles. […] Par le fond, c’est toujours la même ivresse égoïste ou matérielle de l’École Romantique, une poésie d’orgueil ou d’amour sensuel, la même immoralité naïve ou plutôt la même insouciance de toute moralité, et par la forme, c’est toujours la même fureur descriptive qui décrit tout.
Autre fonds, autre forme, par-conséquent autres préceptes. […] Devait-il produire une fable commune et basse sous les mêmes formes qu’un sujet rare et noble ? […] À travers la gaze dont elle couvrit leurs formes honteuses ou bizarres, ils s’aperçurent de leur ressemblance. […] Ce n’est pas tout qu’un fait créé ou trouvé soit la base d’un ouvrage, si l’auteur ne le choisit selon la forme que doit avoir son drame. […] Ses formes d’enseignement rentrent dans celles que j’ai cru devoir généralement régulariser.
Philippe Gille Un recueil intéressant, fait d’idées élevées, énoncées en une forme irréprochable.
Au moins les paysans ont la vigueur, les belles formes dans leur petite taille, les dents blanches, les yeux vifs. […] Je ne dis pas à travers l’amour — non — à travers le sentiment, qui a toutes sortes de formes, de manifestations, de nuances. […] Mais il me faut bien parler de la forme recherchée par M. […] Hélène est un roman dont la forme ne ressemble à aucune autre. […] Même sincérité, même simplicité, même charme attirant sous quelque forme qu’il se manifeste.
Charles Fuster Il y a bien du factice et du clinquant dans ce livre, à la forme bien littéraire d’ailleurs et à la langue étincelante de paillettes.
Chaque langue a son caractère qui se révèle par les sonorités, par les formes verbales ; c’est dans les mots qu’il met d’abord son empreinte obscure et profonde.
Auguste Lacaussade Il publia un volume de vers, les Ailes du rêve, où, dans une forme qui témoigne de l’étude approfondie de tous les poètes contemporains, se rencontrent de nombreuses pièces pleines de grâce et de charme.
En réalité notre pays, surtout la province, allait vers une forme sociale qui, malgré la diversité des apparences, avait plus d’une analogie avec l’Amérique, vers une forme sociale où beaucoup de choses tenues autrefois pour choses d’État seraient laissées à l’initiative privée. […] Il ne peut être bon qu’à former un corps de notables, et encore à condition que l’élection se fasse dans une forme que nous spécifierons plus tard. […] Cette âme peut résider en un fort petit nombre d’hommes ; il vaudrait mieux que tous pussent y participer ; mais ce qui est indispensable, c’est que, par la sélection gouvernementale, se forme une tête qui veille et pense pendant que le reste du pays ne pense pas et ne sent guère. […] On ne forme pas une armée, comme on forme une administration des domaines ou des tabacs, par le choix libre des familles et des jeunes gens. […] La procuration électorale devrait être conférée pour quinze ou vingt ans ; si on forme le collège électoral en vue de chaque élection particulière, on perdra presque tous les avantages de la réforme dont il s’agit.
Comme forme, ce sont des vers sans rimes, — et cent fois plus poétiques, plus riches de symbole et d’au-delà, que la plupart des vers rimés.
Ses Pastorales sont très-variées, & offrent un agréable tissu de pensées naturelles, naïves, délicates, embellies par une versification douce, simple, facile, & qui forme le vrai caractere de cette espece de Production, dont la tendresse est l’ame, & l’aménité le coloris.
Rien de nourri, au point de vue du fond, et rien de suggestif, à celui de la forme, comme la poésie de Mlle de Bézobrazow.
. — Les Formes (1891).
du Rozoi], qui a entrepris de les refaire, ou plutôt de leur donner une nouvelle forme.
Il semble que ce poète n’aurait qu’à gagner à s’abandonner davantage, à devenir plus spontané, forme et fond, et que, dégagé de quelque afféterie, il apparaîtrait plus nettement ce qu’il est, un spirituel artiste.
Auguste Dorchain Ce livre (Les Clairières), dont la forme est savante, où perce même une pointe de préciosité, exprime une âme de poète à la fois souffrante et saine, spirituelle et mélancolique.
José-Maria de Heredia Dans le volume intitulé : Les Alouettes, de nobles inspirations, des vers d’une langue élégante et colorée, d’une facture solide, nous font très favorablement augurer de ce poète qui, après de si illustres devanciers, a tenté de trouver des formes nouvelles pour dire le charme de l’amour, la mélancolie du passé et la beauté des choses.
Eugène Ledrain M. de Raimes est avant tout un artiste consciencieux, très épris de la forme, romantique et parnassien à l’excès.
Alphonse Lemerre Ses premières œuvres sont quelquefois d’un sentiment trop juvénile et d’une forme encore hésitante.
Renan a revêtu de différentes formes, c’est lui qu’il nous a dépeint sous la figure de ses héros favoris. […] Et n’est-ce pas là, sous une forme nouvelle, ce mal du doute que les poètes de 1830 ont si bien chanté ? […] Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que c’est en partie la forme même de ses livres qui a aiguisé la conscience de M. […] Il connaît la bête, lui aussi ; mais il ne s’attarde pas à contempler ses formes monstrueuses, il ne se laisse point effrayer du bruit de ses mâchoires. […] Bourget, ils cherchent à s’en dégager, ils la condamnent, ils la combattent ; mais quoi qu’ils fassent, sous une forme ou sous une autre, ils en restent les adeptes : elle a passé dans leur sang.
Les lettres, qui sont pleines de condescendance pour tout ce qui est de l’homme, et surtout pour les faiblesses des grandes âmes exprimèrent, sous mille formes cette faveur de l’opinion. […] L’imitation des mœurs étrangères, cette tyrannie secrète qui s’insinue dans une nation sous la forme d’une mode, y avait altéré insensiblement les caractères et les esprits. […] Presque tous les ouvrages de théâtre, à cette époque, en affectaient la forme. […] Bienséance ne signifie pas étiquette ; l’étiquette n’est que la forme particulière que les mœurs d’un pays, la vanité, la mode, donnent à certaines relations de cour ou de société. […] Les classes, en se mêlant ainsi, ne perdirent aucun de ces traits propres à chacune, dont l’ensemble forme la physionomie française.
Une beauté, dans la beauté grecque, une beauté que les poètes nous montrent appréciée, c’est la forme et la délicatesse des joues, le masque osseux de la figure devait être singulièrement resserré, amenuisé aux pommettes. […] L’élégance de la petite nature d’Egypte et le suave enveloppement des formes. […] Enfin, sous le débandelettement, commence à s’esquisser un peu de la forme humaine d’un corps. « Berthelot, Robin, voyez cela ! […] Et avec un ciseau, dans le pierreux de la chair, Du Camp fait sauter une petite plaque en or, portant une inscription écrite au calame, et découpée en forme d’épervier. […] Vaguement, nous percevons une tête tout enchiffonnée, un corps auquel la souffrance et le ramassement sous les draps ont presque ôté sa forme.
Florentin Loriot nous parle de l’Orient ; il décrit, dans une forme châtiée et presque impeccable, l’ancienne Égypte et la Judée.
Luzel, qui vient de publier un recueil de poésies bretonnes et en pur breton, avec traduction, il est vrai… Une pièce qui me paraît touchante de forme et de sentiment est celle que M.
Eugène Ledrain Quelle forme précieuse et familière bien appropriée au sujet, dans Nos enfants !
Antonin Bunand Il se révèle entièrement dans ces récents Mémoires d’un Centaure, poème qui, tout en exprimant, par son panthéisme de consolation et de sérénité, un original et très généreux sens de la vie et de ses fins, renoue, en sa forme, la noble tradition de prose enrythmée, aux graves ondes symphoniques, des Chateaubriand, des Ballanche, des Sénancour, des Maurice de Guérin.