Si on a été attentif à regarder en soi comme au dehors, si on a essayé de noter ses émotions, d’en saisir les causes, les effets, les nuances, les degrés, la communication ira se resserrant chaque jour entre la sensibilité et l’intelligence ; les émotions multiplieront les idées, l’esprit affinera le cœur, et la subtilité du jugement s’augmentera avec la délicatesse du sentiment. […] Si l’on a bien appris, si l’on a bien vécu, c’est-à-dire comme un être actif et conscient, toutes les connaissances et toutes les émotions antérieures concourront insensiblement dans tout ce qu’on écrira, et, sans qu’on puisse marquer précisément l’empreinte d’aucune, elles se mêleront dans toutes nos pensées et dans toutes nos paroles, comme on ne saurait dire quelle leçon de gymnastique ou quel aliment entre tous a donné au corps la force dont il fait preuve un certain jour au besoin. […] Il n’en est point où les anciennes lectures, les conversations d’autrefois, la réflexion habituelle sur soi-même, et les méditations intimes ne collaborent à l’émotion présente. […] Mais il a fallu un esprit pénétré de poésie, une imagination excitable et prompte à transfigurer ses impressions, et, par-dessus tout, cette pudeur des âmes délicates qui voile l’émotion d’un sourire et élude par la fantaisie l’expression trop poignante de la réalité.
Les ouvrages d’imagination agissent sur les hommes de deux manières : en leur présentant des tableaux piquants qui font naître la gaieté, ou en excitant les émotions de l’âme. Les émotions de l’âme ont leur source dans les rapports inhérents à la nature humaine ; la gaieté n’est souvent que le résultat des relations diverses, et quelquefois bizarres, établies dans la société. Les émotions de l’âme ont donc une cause durable qui subit peu de changements par les événements politiques, tandis qu’à plusieurs égards la gaieté est dépendante des circonstances. […] Si vous n’avez pas acquis une idée de plus par la cause même de votre impression, si la tragédie qui vous a fait pleurer ne laisse après elle ni le souvenir d’une observation morale, ni celui d’une situation nouvelle tirée du mouvement même des passions, l’émotion qu’elle excite en vous est un plaisir plus innocent que le combat des gladiateurs ; mais cette émotion n’agrandit pas davantage la pensée et le sentiment. […] Un écrivain ne mérite de gloire véritable, que lorsqu’il fait servir l’émotion à quelques grandes vérités morales.
Peu à peu l’art prend pour lui le pas sur la vie réelle ; toutes les fois qu’il est ému, il rapporte son émotion à cette fin pratique, l’intérêt de son art ; il ne sent plus pour sentir, mais pour utiliser sa sensation et la traduire. […] L’idée est nécessaire à l’émotion même et à la sensation pour les empêcher d’être banales et usées, « L’émotion est toujours neuve, a dit V. […] Toutes les règles concernant ce nouvel objet de l’art aboutissent à déterminer dans quelles conditions se produit l’émotion sympathique ou antipathique. […] La vibration du cœur est comme celle de la lumière : elle se communique tout alentour ; produisez en moi l’émotion, cette émotion, passant dans mon regard, puis rayonnant au dehors, se transformera eu beauté pour mes yeux. […] La sincérité est le principe de toute émotion, de toute sympathie, de toute vie, parce qu’elle est la forme projetée par le fond en vertu d’un développement naturel, qui va du dedans au dehors, de l’inconscient au conscient.
— Nous avons terminé l’énoncé des raisonnements qui permettent de déduire de l’analyse d’une œuvre d’art la connaissance précise, scientifique, — c’est-à-dire intégrable dans une série de notions analogues conduisant à fonder des lois — de l’œuvre même, de son auteur, des groupes d’hommes en qui l’œuvre produit une émotion esthétique. […] L’œuvre se comporte de même, et quand on a compris ses organes et énuméré ses énergies, il reste à la révéler en acte, agissante, développant dans une âme humaine les ondes d’émotions qu’elle est faite pour susciter. […] L’effet de l’œuvre étant l’émotion qu’elle suscite, et cette émotion accompagnant l’image sensible de son contenu dans l’esprit de son sujet, c’est la reproduction de l’œuvre qu’il faudra tenter, en accompagnant de son indice émotionnel. […] Barbey d’Aurevilly, les études des de Goncourt et de Théodore de Banville, les descriptions de tableaux du Voyage en Italie de Taine, certains récits d’auditions par Baudelaire seraient ce que nous réclamons, s’ils étaient basés, cependant, sur l’enquête analytique préalable sans laquelle ces pages de haute littérature demeurent la constatation insuffisante d’une émotion morale inexpliquée. […] Taine reprend toute sa valeur et toute son importance ; elle est celle qu’il faut prendre pour tenter de recréer en pleine vie le groupe d’individus humains dont on aura déterminé grossièrement mais exactement le mécanisme interne par l’analyse de leurs admirations, et que l’on aura appris à considérer, non plus comme les producteurs premiers ni de l’œuvre qui les rallie, ni des œuvres de leur temps, mais au contraire comme des êtres faiblement semblables à l’auteur de ce qui les émeut, et fixés dans cette similitude par cette émotion même.
Si cette vue est exacte, Dickens devra être un de ces hommes et toutes les particularités de son art pourront être appliquées par ce que l’on sait et ce que l’on suppose sur l’effet de l’ascendant des émotions dans un organisme spirituel. […] Son œuvre n’est pas consacrée à susciter les profondes émotions induites de science et de sympathie que cause le spectacle de quelque grande âme humaine mise à nu. […] S’il parvient à mettre debout quelque être portant les stigmates composites de la vie, c’est par surcroît et par à côté de l’émotion qu’il lui inspire. […] Pour être sans grande variété qualitative, les émotions n’en sont pas moins changeantes quantitativement. […] Enfin l’émotion a pour principale propriété d’annuler la réflexion, la critique, le retour sur soi, c’est-à-dire d’être crue juste et légitime (Bain, loc.
Nos plaisirs et nos peines ne sont plus que des « représentations obscures », nos émotions sont des « précipitations de pensées ». […] D’après toutes ces théories, la représentation intellectuelle serait antérieure à l’émotion sensible, elle ferait partie de ses conditions mêmes, de ses éléments, de ses causes. […] Nous extrayons cette représentation de l’émotion elle-même et de l’impulsion motrice qui la suit, tantôt répulsive, tantôt attractive, dès que nous pouvons réfléchir sur cette émotion et faire attention à ses limites plutôt qu’à son contenu, à ses relations plutôt qu’à son fond, à ses antécédents, à ses conséquents et à son lien avec le mouvement plutôt qu’à sa nature intime et caractéristique. […] Le souvenir est nécessaire pour l’intelligence proprement dite, qui implique comparaison, mais il n’est pas nécessaire pour l’émotion agréable ou désagréable. […] Au contraire, une perception très claire, comme celle d’une figure de géométrie, renferme des émotions tellement faibles qu’elles sont insaisissables.
Le type de l’émotion esthétique est l’émotion de l’amour, toujours mêlée d’un désir plus ou moins vague et raffiné. […] Aux degrés inférieurs l’émotion esthétique ne diffère plus autant des autres émotions. […] Hugo, les gens du peuple éprouveront des émotions violentes, presque pénibles, plutôt que des émotions vraiment esthétiques. […] Ici la grâce proprement dite se fond avec l’émotion du sublime. […] Aussi l’émotion artistique peut-elle être considérée souvent comme une simple forme dérivée de l’émotion morale.
La Poésie vient de l’émotion. Or cette Émotion, l’Idée, procédant par étapes successives, par graduations logiques et nécessaires, est impuissante à la donner d’emblée. […] Et, dès que je voudrai analyser cette émotion, le charme s’évanouira. […] « N’y a-t-il pas dans cette idée une émotion d’une acuité douloureuse pour certains ? […] C’est elle qui guidera le Poète dans le choix de ses éléments, en vue de telle émotion à produire.
Aussi cette émotion cruelle qui s’exprime dans ces œuvres doit-elle appartenir à l’idée même du monde que l’artiste perçoit et traduit dans elles. […] Ou bien doit-elle nous donner des émotions plus fines, plus intimes, et, pour ainsi dire, peindre l’âme, après les corps ? […] Moreau, le symphoniste des émotions affinées, ou quelque dessin, épouvantant, de M. […] Fantin-Latour a voulu nous donner, en langage plastique l’émotion de la scène, et il nous l’a donnée. […] Wyzewa différencie la peinture réaliste et l’autre, « médiate », poésie de la peinture, « monde d’émotion vivante et bienheureuse ».
L’étude des phénomènes affectifs, émotions, sentiments, est assez incomplète, avons-nous dit, dans l’école expérimentale d’Angleterre. […] Les émotions ou passions sont de deux sortes : simples, composées. On ne s’entend ni sur le nom, ni sur le nombre des émotions simples. On est unanime à ranger parmi les émotions composées toutes les manifestations du sentiment esthétique et du sentiment moral. […] La Descendance de l’homme. — L’expression des Emotions.
L’intensité de ces émotions violentes ne doit donc point être autre chose que la tension musculaire qui les accompagne. […] L’acuité de ces émotions s’évalue au nombre et à la nature des sensations périphériques qui les accompagnent. […] Expression des émotions, page 79. […] Expression des émotions, page 84. […] Expression des émotions, page 84.
Il n’est pas suivi des inconveniens dont les émotions serieuses qui auroient été causées par l’objet même, seroient accompagnées. […] Nous joüissons de notre émotion sans être allarmez par la crainte qu’elle dure trop long-tems. […] Il est vrai que les jeunes gens qui s’adonnent à la lecture des romans, dont l’attrait consiste dans des imitations poëtiques, sont sujets à être tourmentez par des afflictions et par des desirs très-réels, mais ces maux ne sont pas les suites necessaires de l’émotion artificielle causée par le portrait de Cyrus et de Mandane. Cette émotion artificielle n’en est que l’occasion ; elle fomente dans le coeur d’une jeune personne qui lit les romans avec trop de goût, les principes des passions naturelles qui sont déja en elle, et la dispose ainsi à concevoir plus aisément des sentimens passionnez et serieux pour ceux qui sont à portée de lui en inspirer : ce n’est point Cyrus ou Mandane qui sont le sujet de ses agitations. […] Il est bien rare de trouver des hommes qui aïent en même tems le coeur si sensible et la tête si foible ; supposé qu’il en soit veritablement de tels, leur petit nombre ne merite pas qu’on fasse une exception à cette regle generale : que notre ame demeure toujours la maîtresse de ces émotions superficielles que les vers et les tableaux excitent en elle.
Émotion au début de l’œuvre, émotion dans l’œuvre, c’est la règle commune même à ceux pour qui reste morte la « notion rédemptrice de l’art », chère à l’école allemande. Flaubert, qui voulait que « l’émotion et la pitié sortent s’il y a lieu des choses mêmes » et faire du roman un « miroir de l’âme humaine », s’est laissé illogiquement et doucement gagner à une technique plus émue. […] Henry Fouquier11, devaient nous dire les misères humaines, mais ne jamais s’attendrir sur elles, car l’émotion eût altéré la beauté de leur expression artistique. […] L’artiste au contraire qui estime chacun des faits constatés non point en fonction d’un diagnostic inutile13, mais pour sa beauté plastique, sa force expressive et l’intensité d’émotion qu’il peut en retirer, sera moins accueillant.
Quand on a nommé l’émotion qu’on éprouve, qu’ajouter de plus ? […] L’émotion s’exprime spontanément par le cri inarticulé, la physionomie, le geste, l’action réflexe : pour la traduire en mots, en phrases intelligibles à tous, pour la développer visiblement par le langage, il faut un esprit qui l’analyse ; et plus l’esprit aura d’étendue naturelle, plus il aura acquis de pénétration et de finesse par l’activité habituelle, plus les sentiments se manifesteront avec clarté, avec intensité, avec nuances. […] Le plus souvent cela prouve moins la sincérité et l’intensité de l’émotion que la vulgarité et l’inculture de celui qui la ressent. […] Shakespeare, au fond, a procédé de même ; à la peinture extérieure des émotions il mêle des mots, des traits, des couplets qui nous font pénétrer au-delà du trouble grossier et confus des sens, qui organisent ce désordre, nous le débrouillent et nous font comprendre le jeu régulier de ces ressorts que le hasard seul semblait d’abord mettre en branle. […] Elles ont des impressions fortes, des émotions vives, et elles ne trouvent rien à dire, rien à écrire.
On veut seulement dire que l’émotion esthétique met l’homme en un état favorable à la réception de l’émotion érotique. […] Les émotions de la caste et les émotions du peuple sont destinées à un même aboutissement. […] Un caillou rouge donne une émotion à un oiseau, et cette émotion surexcite son désir. […] Ne confondez pas cela avec l’émotion sentimentale. […] Tenez-vous-en à l’expression d’émotion intellectuelle.
Nous recherchons l’émotion saine et divine. […] L’émotion fécondatrice ne doit pas être négligée. […] Ses émotions sont tout intellectuelles. […] Ils gardent d’autant moins d’intérêt que plus d’émotions les exaltent, car ces émotions les détournent des rites. […] le rapprochement de ces deux noms me comble d’émotions.
Après avoir montré l’idée sociologique sous l’idée religieuse, Guyau a voulu faire voir qu’elle se retrouve aussi au fond même de l’art ; que l’émotion esthétique la plus complète et la plus élevée est une émotion d’un caractère social ; que l’art, tout en conservant son indépendance, se trouve ainsi relié par son essence même à la vraie religion, à la métaphysique, et à la morale. […] Précisément en ce que les sensations et sentiments supérieurs auront un caractère à la fois plus intense et plus expansif, par conséquent plus social : — « La solidarité sociale est le principe de l’émotion esthétique la plus haute et la plus complexe. » Les plaisirs qui n’ont rien d’impersonnel n’ont, rien de durable ni de beau : « Le plaisir qui aurait, au contraire, un caractère tout à fait universel, serait étemel ; et étant l’amour, il serait la grâce. […] Selon Guyau, le moyen de renouveler et de rajeunir l’art, c’est d’introduire sous les sentiments mêmes les idées, car l’idée est nécessaire à l’émotion et à la sensation pour les empêcher d’être banales et usées. « L’émotion est toujours neuve, prétend V. […] Un tel art est sans doute moins abstrait et nous fait vibrer tout entiers ; mais, par cela même, « on peut dire qu’il est moins sensuel et recherche moins pour elle-même la pure jouissance de la sensation. » D’ailleurs, les symptômes de l’émotion peuvent s’emprunter aussi bien au domaine de la psychologie qu’à celui de la physiologie. […] Il semble qu’il y ait en lui, comme chez tout véritable poète, assez d’émotion et de sympathie pour traverser et animer la nature entière ; il n’écoute battre son propre cœur que pour sentir venir jusqu’à lui quelques-unes des vibrations de la vie universelle : il agrandit la nature en lui prêtant le retentissement du cœur humain, et il élargit le cœur humain en y faisant entrer toute la nature.
Ce qui est bien, c’est ce qui amuse. » Alors, amuser un public, c’est là le rêve qui exalte un artiste dans l’enfantement de son drame ; toute l’esthétique théâtrale ne tend qu’à découvrir la meilleure recette, celle qui assure le maximum d’hilarité ou d’émotion. […] L’artiste sait transformer la sensation en idée ; en d’autres termes : exprimer dans une œuvre d’art l’émotion que la vie extérieure lui a communiquée. […] C’est que, cette émotion, l’artiste voudrait la ressusciter à sa volonté. […] Il faut qu’à l’action du spectacle réponde la réaction du spectateur, et que du choc des deux mouvements jaillisse l’émotion dramatique. […] Encore, lorsque dans ses Chevaliers, Aristophane marquait les démagogues au rouge de sa satire, la foule tremblait comme une houle, de colère et d’émotion.
Ce qui est bien, c’est ce qui amuse. » Alors, amuser un public, c’est là le rêve qui exalte un artiste dans l’enfantement de son drame ; toute l’esthétique théâtrale ne tend qu’à découvrir la meilleure recette, celle qui assure le maximum d’hilarité ou d’émotion. […] L’artiste sait transformer la sensation en idée ; en d’autres termes : exprimer dans une œuvre d’art l’émotion que la vie extérieure lui a communiquée. […] C’est que, cette émotion, l’artiste voudrait la ressusciter à sa volonté. […] Il faut qu’à l’action du spectacle réponde la-réaction du spectateur, et que du choc des deux mouvements jaillisse l’émotion dramatique. […] Encore, lorsque dans ses Chevaliers Aristophane marquait les démagogues au rouge de sa satire, la foule tremblait comme une houle, de colère et d’émotion.
Ainsi, de son origine, la musique exprima les émotions issues des choses par la représentation des bruits naturels ; combien donc rapidement le conventionnel dut, par la force de l’association des idées, étendre les moyens de la musique ! […] Et le jeune artiste à peine issu des chansons et des marcias de Lohengrin, comment verrait-il qu’à dire un tel ordre d’émotions suffiraient les quatre archets enseignés depuis Beethoven à traduire toutes musiques ? […] Mais échauffé des plus nobles chimères, il a rêvé un art complexe de toutes les puissances de l’art ; j’ai dit que c’était l’époque de l’Œuvre d’art de l’avenir, de Drame et Opéra ; le jeune artiste, avant de comprendre que l’œuvre de Beethoven réside majeurement en ses quatuors de cordes, a vu dans le hasard d’un chœur concluant la neuvième symphonie le commencement d’un art nouveau ; il a calculé, le jeune artiste, que l’émotion de ses musiques se doublerait de l’émotion de ses poèmes et se triplerait de l’émotion de ses spectacles ; et — ne serait-ce pas le profond de la vérité ? […] Au premier acte la fable a assez d’importance pour conduire quelques fois le développement musical, et le texte vaut le plus souvent à déterminer l’émotion ; les mimiques ajoutent peu à la précision des psychologies. […] Chamberlain, le centre de l’action psychologique a disparu… avec lui disparaît l’élément réfléchissant, la Pensée ; il ne reste que les émotions, la Passion, ce que la musique exprime.
La poésie s’adapte donc aux exigences de notre organisme qui a besoin d’émotions nouvelles pour être troublé. […] Oui, en vérité, dans le creuset de leur cœur, les émotions littéraires et les émotions réelles se confondent en une même vivante sincérité. […] Curiosité de ses propres sensations, désir de fixer toutes les émotions de sa vie, il n’y a pas de poésie sans cela. […] Mais on admire le poète de ne nous avoir lui-même livré son émotion qu’intellectualisée par l’art. […] Et voilà qu’elle esthétise la foule hurlante : elle parle du « pain » avec une émotion bien écrite.
Le vers libre, tel que le pratiquent quelques-uns des poètes de ce temps, exige un rythme parfait et rigoureusement adéquat à l’émotion que le poète veut exprimer. […] Ou plutôt idées, souvenirs, émotions, impressions, ce dont il se soucie le moins, c’est de les relier ; il les laisse se relier au hasard ou peut-être au gré d’on ne sait quelles associations très subtiles et qui échappent. […] La nature, dont le vrai rôle est d’être toujours le rythme de l’art, apparaît réellement chez lui inspiratrice divine, source et mère d’émotion, en qui convergent toute chanson et tout cœur. […] Car il a toujours soumis ses libres dons d’image, de vie, de rythme et d’émotion, à une pensée souveraine, qui donne une raison à chaque création, chaque élan, chaque mot de sa belle inspiration momentanée. […] Son émotion est trop générale, n’est pas contenue dans les limites d’une sensibilité ethnique ; elle ne s’exprime pas selon des nombres certains.
La religion des Grecs n’étant pour nous que de la poésie, jamais leurs tragédies ne nous feront éprouver une émotion égale à celles qu’ils ressentaient en les écoutant. Les auteurs grecs comptaient sur un certain nombre d’effets tragiques qui tenaient à la crédulité de leurs spectateurs ; et ils pouvaient suppléer, par les terreurs religieuses, à quelques émotions naturelles. […] Le genre humain, en vieillissant, devient moins accessible à la pitié ; il a donc fallu creuser plus avant pour retrouver la source de l’émotion ; et le malheur isolé a eu besoin de recourir à une force intérieure plus agissante. […] Les seuls noms d’Ajax, d’Achille, d’Agamemnon, produisaient d’abord une émotion de souvenir. […] Il arrive quelquefois que les dogmes mythologiques ajoutent, dans les ouvrages des anciens, à l’effet des situations touchantes ; mais plus souvent la puissance de ces dogmes dispense du besoin de convaincre, de remonter à la source des émotions de l’âme ; et les passions humaines ne sont plus alors ni développées, ni approfondies.
L’émotion produite par les tragédies de Voltaire est donc plus forte, quoiqu’on admire davantage celles de Racine. […] par quelle émotion notre âme pourrait-elle s’élever jusqu’au ciel ? […] Les pensées qui rappellent, de quelque manière, aux hommes ce qui leur est commun à tous, cause toujours une émotion profonde ; et c’est encore sous ce point de vue que les réflexions philosophiques introduites par Voltaire dans ses tragédies, lorsque ces réflexions ne sont pas trop prodiguées, rallient l’intérêt universel aux diverses situations qu’il met en scène. […] Héroïsme, éloquence, amour, tout ce qui élève l’âme, tout ce qui la soustrait à la personnalité, tout ce qui l’agrandit et l’honore, appartient à la puissance de l’émotion. […] L’homme de lettres, alors qu’il vit dans un pays où le patriotisme des citoyens ne peut jamais être qu’un sentiment stérile, est, pour ainsi dire, obligé de se supposer des passions pour les peindre, de s’exciter à l’émotion pour en saisir les effets, de se modifier pour écrire, et de se placer, s’il se peut, en dehors de lui-même pour examiner quel parti littéraire il peut tirer de ses opinions et de ses sentiments.
Bain sur les émotions, on la voit apparaître dans le demi-volume consacré à la volonté. […] Mais les mouvements causés par les émotions sont fort différents de ceux causés par la volonté : les premiers agissent sur les muscles souvent exercés, comme ceux de la face et la voix ; les seconds agissent surtout sur ceux qui peuvent augmenter le plaisir ou diminuer la douleur. […] Cependant, quand l’émotion est trop violente, mieux vaut lui lâcher la bride un instant, que de dépenser en vain sa force de résistance. Un curieux exemple de l’influence de la volonté sur les émotions, c’est l’induction ab extra qui consiste à prendre la manifestation extérieure d’un sentiment, à éveiller ainsi les courants nerveux qui la produisent, et finalement à produire les sentiments eux-mêmes. […] L’homme idéal serait celui chez qui les émotions auraient une grande puissance, l’intelligence une force extraordinaire de reproduction et dont la volonté tiendrait l’une et l’autre dans une sujétion égale.
Une œuvre d’art est d’autant plus admirable qu’elle éveille en nous plus d’idées et d’émotions personnelles, qu’elle est plus suggestive. […] Mais tous les esprits ne sont pas susceptibles au même degré de vibrer au contact de l’œuvre d’art, d’éprouver la totalité des émotions qu’elle peut fournir ; de là le rôle du critique : le critique doit renforcer toutes les notes harmoniques, mettre en relief toutes les couleurs complémentaires pour les rendre sensibles à tous. Le critique idéal est l’homme à qui l’œuvre d’art suggère le plus d’idées et d’émotions, et qui communique ensuite ces émotions à autrui. […] De même qu’il y a de la sympathie dans toute émotion esthétique, il y a aussi de l’antipathie dans cette impression de dissonance et de désharmonie que causent à certains lecteurs certaines œuvres d’art, et qui fait que tel tempérament est impropre à comprendre telle œuvre, même magistrale. […] En somme, ce ne sont point les lois complexes des sensations, des émotions, des pensées mêmes, qui rendent la critique d’art si difficile ; on peut toujours, en effet, vérifier si une œuvre d’art leur est conforme ; mais, lorsqu’il s’agit d’apprécier si cette œuvre d’art représente la vie, la critique ne peut plus s’appuyer sur rien d’absolu ; aucune règle dogmatique ne vient à son aide : la vie ne se vérifie pas, elle se fait sentir, aimer, admirer.
Dans ce livre, M. de Goncourt a de nouveau consigné toutes les originales beautés de son art, l’acuité de sa vision, la délicatesse de son émotion et la science de sa méthode, la sorte particulière de style qui procède de cette sorte particulière de tempérament. […] Si l’on compare l’aspect particulier sous lequel M. de Goncourt voit les paysages, les intérieurs, les gens, les physionomies, les attitudes, les passions, la nature psychologique de ses personnages préférés, on extraira de cette collection, la notion d’un artiste épris de mouvement, notant la vie dans son évolution, les visages dans leurs transformations, les émotions dans leurs conflits, chaque âme dans sa diversité. […] La physionomie de la Faustin lui apparaît tantôt dessinée en ombres et méplats lumineux, par une lampe posée près de son lit, tantôt s’assombrissant, se creusant sous une émotion tragique : Subitement sur la figure riante de la Faustin, descendit la ténébreuse absorption du travail de la pensée ; de l’ombre emplit ses yeux demi-fermés ; sur son front, semblable au jeune et mol front d’un enfant qui étudie sa leçon, les protubérances, au-dessus des sourcils, semblèrent se gonfler sous l’effort de l’attention ; le long de ses tempes, de ses joues, il y eut le pâlissement imperceptible que ferait le froid d’un souffle, et le dessin de paroles, parlées en dedans, courut mêlé au vague sourire de ses lèvres entr’ouvertes. […] De là les paillettes, l’ingéniosité, le coloris adouci et pimpant de son style, la fréquence des scènes élégantes et des personnages point abjects, le contournement amoureux de sa phrase, la gaieté de son humeur, et la tendresse de son émotion ! […] Ce penchant réagit sur le choix de ses documents humains, de ses sujets, de ses personnages ; ce souci de l’exactitude le pousse à donner des visions nettes de mouvements et de jolités ; l’habitude de l’observation, son ouverture d’esprit à tous les phénomènes de la vie, le garde de tomber dans la mièvrerie ou le pessimisme : la recherche d’émotions délicates le préserve habituellement de s’appliquer à l’étude des choses basses, des personnages laids ou nuls, limite sa vision des phénomènes psychologiques, l’éloigne de concevoir des caractères uns, individuels et constants, colore et énerve sa langue, atténue ses fabulations, rend ses livres excitants et fragmentaires.
Le bonheur de le voir, d’être près de lui, me troublait à tel point que je ne trouvais que peu ou rien à dire. » C’est l’émotion dont est saisi tout jeune poëte ou artiste qui se trouve pour la première fois face à face en présence de l’objet vivant de son culte, l’émotion de tel d’entre nous et de nos générations devant Chateaubriand ou devant Lamartine, l’émotion de Wagner abordant dévotement Beethoven. […] Il n’évitait en rien l’émotion, il y restait ouvert et accessible par tous les pores, mais dans les limites de l’art autant que possible ; et il s’appliquait surtout à exprimer cette émotion dès qu’elle devenait vive, à la revêtir poétiquement, et par conséquent à la dominer. […] Il cueillait ses émotions à mesure qu’elles levaient en lui et ne les laissait pas s’étendre au-dedans et envahir toute l’âme qu’il eût fallu arracher ensuite pour les mettre dehors. Il est le poëte des émotions et des impressions, non des entrailles (exceptons toujours Werther). […] Herder lui en fit honte et le ramena à l’adoration et à la fréquentation des hautes sources ; mais Gœthe garda toujours de ce premier penchant, redressé depuis, rectifié et ennobli dans le commerce avec les grands dieux de la Grèce, un dégoût pour la laideur en soi, pour la souffrance, un besoin d’arrêter à temps l’émotion dès qu’elle menaçait de devenir trop douloureuse.
Sully Prudhomme : poésie scientifique ; généralisation de l’émotion personnelle par l’intelligence philosophique. […] Toutes les variétés d’émotions et de pensées intimes sont réunies dans les Contemplations (1850) : copieux épanchement de poésie individualiste, et journal, pour ainsi dire, du moi poétique de l’auteur. […] Elle exprime les émotions d’un homme, mais des émotions d’ordre universel. […] C’est un charmant poète et bien original, chez qui sens, émotion, couleur, comique, tout naît de l’allure des mètres et du jeu des rimes. […] Cela est très sensible chez Victor de Laprade, philosophe autant que poète, tour à tour platonicien spiritualiste, naturaliste mystique, idéaliste chrétien, et partout subordonnant l’émotion à la pensée.
Association des émotions et appétitions. […] L’association des idées, selon nous, présuppose en effet celle des émotions et, sous celle des émotions, celle des impulsions. […] L’appétition et l’émotion apparaissent ainsi au fond do la mémoire, comme le ressort caché de l’association des états de conscience et comme le principal moyen de leur synthèse. […] Du côté psychologique, le vrai lien primitif des idées est leur rapports l’unité de l’appétition, de l’effort, de la volonté, jointe à l’unité de l’émotion et à l’unité de conscience. […] Même dans la conservation et dans la reproduction des idées, pour ne rien dire encore de leur reconnaissance, la conscience n’est pas un enregistrement passif, ni une reproduction toute machinale, puisque l’attention, l’émotion et l’appétition y ont leur part.
On peut sortir en toute saison, vivre dehors sans trop pâtir ; les impressions extrêmes ne viennent point émousser les sens ou concentrer la sensibilité ; l’homme n’est point alourdi ni exalté ; pour sentir, il n’a pas besoin de violentes secousses et il n’est pas propre aux grandes émotions. […] Il n’en raisonne point, il n’arrive point à des jugements nets ; mais toutes ces émotions sourdes, semblables aux bruissements innombrables et imperceptibles de la campagne, s’assemblent pour faire ce ton habituel de l’âme que nous appelons le caractère. […] Ils trouvent à l’instant et sans effort l’expression juste, et atteignent du premier coup l’objet en lui-même, sans s’empêtrer dans le magnifique manteau des métaphores, sans être troublés par l’afflux trop grand des émotions. […] Ils se gardent bien, en un sujet triste, de pousser l’émotion jusqu’au bout ; ils évitent les grands mots. […] Ils ne sont point frappés par la magnificence de la nature ; ils n’en voient guère que les jolis aspects ; ils peignent la beauté d’une femme d’un seul trait, qui n’est qu’aimable, en disant « qu’elle est plus gracieuse que la rose en mai. » Ils ne ressentent pas ce trouble terrible, ce ravissement, ce soudain accablement du coeur que montrent les poésies voisines ; ils disent discrètement « qu’elle se mit à sourire, ce qui moult lui avenoit. » Ils ajoutent, quand ils sont en humeur descriptive, qu’elle eut « douce haleine nette et savourée », et le corps aussi blanc « comme est la neige sur la branche quand il a fraîchement neigé. » Ils s’en tiennent là ; la beauté leur plaît, mais elle ne les transporte pas ; ils goûtent les émotions agréables, ils ne sont pas propres aux sensations violentes.
Cette complexité de toute émotion pourrait se déduire des deux conceptions dominantes de la physiologie moderne. […] Quoi de plus neuf, semble-t-il, et de plus frais que la première émotion d’amour éprouvée par la jeune fille ? Et cependant, c’est tout un passé qui se prolonge et retentit en elle : le battement de son cœur est la continuation du battement de cœur universel ; la rougeur de ses joues est le signe visible d’une infinité d’émotions intérieures où se résument les émotions de toute une race ; ce n’est pas elle seulement qui aime, c’est l’humanité et même la nature entière qui aime en elle. […] À l’origine, toutes les émotions étaient agréables ou pénibles, et elles le sont encore toutes, très probablement, chez les organismes inférieurs. […] Nous avons sans doute retrouvé ce même ressort de la peine, presque seul, dans la sensibilité inférieure de l’homme, dans les émotions venues des organes internes, de la température, de la pression, etc.
Devoir le seul à des époques où l’animalité sensitive et sentimentale s’émerveilla d’exprimer son âme mélodique, où sur les sommets païens les divinités s’entendaient des passions et des émotions humaines les plastiques et lumineuses Apparences, — tandis que la noire et violâtre volupté de la douleur s’était étendue sous l’envergure morte de l’Homme-dieu en la vallée des larmes, — quand l’Amour qu’il apportait, lui-même entraînait le poids de la douleur et du renoncement. […] Et ensuite, lorsque, lui, l’Expérimentateur, est pour longtemps épars, de, induisant et déduisant plus vite et plus loin, d’un nœud d’intuitions authentiquer en une parole d’émotion multiple ordonnée des phonétiques valeurs, le plus du présent et le plus de l’avenir : en Synthèse, et en Hypothèse. […] De même qu’entre le geste muet et l’émotion l’analogie se dénonce, de même les sensations de douleur, de plaisir, de stupeur, de quiétude, se traduiront en la sorte de geste sonore qu’est, en première parole, le son guttural. L’émotion a produit l’expression phonétique, et le souvenir l’a gardée et reproduite en la nuançant. […] Les divisions du Vers aussi, valent organiquement, parce qu’en le temps de totale expiration l’émotion, le sentiment, l’idée, inscrivent des intervalles à deux directions : montante et descendante.
C’est par la profondeur de la pensée même et de l’émotion qu’on donne au style l’expression symbolique, c’est-à-dire qu’on lui fait suggérer plus qu’il ne dit et qu’il ne peut dire, plus que vous ne pouvez dire vous-même. […] » Entre certaines émotions morales ou intellectuelles et les émotions d’ordre purement sensitif, il y a une correspondance qui permet d’éclairer et d’analyser les unes par les autres. […] On peut éveiller une image très nette d’un objet en excitant le sentiment qui en accompagne la vision ; l’image tire alors sa force de l’émotion qu’elle évoque, et parfois d’une émotion d’ordre moral ou même intellectuel. […] Donc compensation du silence par l’appel à l’émotion ou à la réflexion. […] Il y a de l’inattendu et des heurts dans l’harmonie de la nature, et il y en a aussi dans toute émotion humaine.
. — Nos émotions et voûtions ne sont que la face affective et active de nos idées. — D’où il suit qu’elles doivent aussi apparaître comme internes. — Les sensations que nous localisons dans notre corps apparaissent comme internes. — Les sensations que nous localisons hors de notre corps apparaissent comme des événements étrangers à nous ou comme des propriétés de corps étrangers à nous. […] En disant que j’ai tel pouvoir, je ne fais qu’annoncer comme possible tel événement, sensation, perception, émotion, volition, qui fera peut-être partie de mon être, tel autre événement, contraction musculaire, transport d’un fardeau, exécution d’un ordre, qui suivra, de près ou de loin, un état possible de mon être. […] Je suis donc une série d’événements et d’états successifs, sensations, images, idées, perceptions, souvenirs, prévisions, émotions, désirs, volitions, liés entre eux, provoqués par certains changements de mon corps et des autres corps, et provoquant certains changements de mon corps et des autres corps. […] D’un côté, elle est une connaissance ; de l’autre côté, elle est une émotion. […] Son énergie, ses affaiblissements, ses intermittences sont justement l’énergie, l’affaiblissement, les intermittences de l’émotion.
Alphonse Daudet, s’y insinue encore çà et là, mêle de l’émotion à l’exactitude des peintures et impose à l’observation un choix de détails si rare et si délicat que, sans autre artifice, elle fait jaillir à chaque instant la fantaisie de la réalité même. […] Et la conversation continue sur ce ton… Pas la moindre émotion de se voir, rien à se dire, rien… Le litre fini, le fils se lève. […] V Pitié, tendresse, émotion qui va jusqu’aux larmes, ces historiettes en débordent, et l’on ne s’en plaint pas. […] » Et, de fait, nombre des romans de la nouvelle école sont des oeuvres violentes et froides et ne donnent que des émotions pessimistes, c’est-à-dire des émotions qui, par-delà les souffrances des individus, vont à la grande misère universelle. […] Alphonse Daudet a ce don si rare de savoir mettre un sourire, une ironie légère aussi près que possible des larmes parfois même au beau milieu, et cela sans contraste violent ni secousse ; c’est, jusque dans l’émotion extrême, la clairvoyance qui donne à l’émotion tout son prix et fait qu’on en jouit davantage.
Je ne crois pas qu’il soit possible de trouver un texte où s’affirme avec plus de force et d’émotion le désir passionné d’Israël de se confondre dans l’âme française. […] Je n’y cherche et n’y trouve pas autre chose que des émotions poétiques. » Ce sont des émotions poétiques encore qu’il cherche dans la guerre, et il en trouve de fort belles. […] Si vous saviez combien elles sont riches et belles les émotions que donne la venue au monde du jour bien-aimé ! […] Leurs domaines imaginaires furent submergés par un flot d’émotion qui leur monta du cœur ; ils se livrèrent, dans le vaste océan, à la commune passion, Où sont les cénacles de la Revue Indépendante, de la Revue Blanche ? […] Nul commentaire n’ajouterait rien à l’émotion de sympathie que nous inspire un tel acte, plein de tendresse humaine.
Ses vers sont même, si l’on veut, des musiques ; mais ces musiques ne sont pas sagement enchaînées pour former des symphonies totales et pour traduire des émotions définies. […] Edmond Pilon Le Parnasse fut une école de forme, et, dans cette forme, Mikhaël eut la gloire de modeler une pensée nouvelle ; il eut la noble intuition d’en ôter toutes les images extérieures, de s’affranchir de toutes les mythologies et d’y couler, comme un bronze divin, l’émotion de son rêve, la poignante sensation de ses désirs et de ses espoirs. […] Un souffle de mort avait fauché à son tour le musicien, et ce souvenir funèbre ajouta, semble-t-il, à l’émotion poignante du drame… Poète né au pays du soleil, Éphraïm Mikhaël a la mélancolie des hommes du Nord ; sa prescience de la mort obsède parfois.
Oui, laissons là pour un moment la personne et le talent de Mme Valmore, mais ce cri qui jaillit du fond du cœur frappé, comme le sang jaillit d’une veine ouverte, mais cette éloquence irrésistible de la blessure ou de la caresse, mais cette émotion qui doit être, en poésie, prépondérante même à la pensée, à plus forte raison à l’image, à la phrase, au rythme, à l’harmonie, enfin à tout ce qui entre nécessairement à n’importe quel degré dans la trame d’une poésie quelconque, cette émotion ne constitue-t-elle pas certainement et dans la mesure où elle existe la poésie la plus élevée et la plus profonde, et par la raison souveraine que l’homme mesure tout à lui-même et que c’est le battement de son cœur qui donne le branle à l’univers ! […] L’Ému ou le Rêveur, car la rêverie, c’est de l’émotion encore au temps passé ou au temps futur, l’Ému ou le Rêveur, voilà le vrai poète ! Seulement il ne l’est pas assez, de par l’émotion ou de par la passion uniques, pour pouvoir entièrement se passer de la langue poétique et de sa visible beauté. Ici, je reviens à Mme Desbordes-Valmore, et je me demande si cette femme, d’une passion si grande et si naturelle, a réellement assez de langage pour faire fond de poète aux sublimités de l’émotion, et pour que sur l’art de son solfège brille mieux la poignante beauté de ses cris ?
Elle-même s’enivra aux émotions qu’elle fit naître, mais tout le monde fut de si bonne foi que quand un jour, se croyant une Jeanne d’Arc poétique, elle se proclama Muse de la patrie, personne ne rit dans ce malin pays de France où le sentiment du ridicule est peut-être toute la gaieté. […] Cet orgueil aux yeux baissés, cette orgueil jeune fille est superbe et n’avait jamais été exprimé d’un trait plus profond et plus vrai… Certainement, rien n’a jamais valu ni pour elle, ni pour personne, ni au point de vue de la galerie et du succès, ni au point de vue de son émotion intérieure, ce moment unique… ce premier coup d’archet de l’ouverture d’une existence qui ressembla, hélas ! […] Au lieu de cet être poétique dont la prétention n’avait pas fait sourire et qui avait l’émotion de la jeunesse, quoiqu’elle la prit un peu trop pour la palpitation du génie, Mme de Girardin devint une femme littéraire, surabondamment littéraire, noircissant infatigablement du papier, comme le font tous les hommes et toutes les femmes de ce temps de production facile. […] Mme de Girardin, qui n’eut point d’enfants et qui le regrette dans des vers qui disent comme elle les eût chantés si elle en avait eu, Mme de Girardin ne put pas être une Valmore, et quand elle cessa d’être Delphine Gay, la poésie qui était en elle, la seule poésie qu’elle pouvait avoir, le cri du cœur ou sa rêverie, l’émotion de vingt ans disparut… et pour faire place à l’industrie des vers, à l’application volontaire, au technique de la chose, enfin au métier ! […] L’émotion vraie éclate, casse les cordes de la vieille harpe, et les bras veufs survivent dans le naturel de leur beauté !
Édouard Rod qui ait soupçonné et senti, avec une sûreté surprenante, la nature intime de nos émotions. […] Ce serait plutôt une suite d’émotions exprimées lyriquement. […] Rency, mais il vaut surtout par la force des émotions, leur extrême abondance, leur singulière pureté. […] Le grand travail est de mettre un ordre hiérarchique et symétrique dans nos émotions, de les orchestrer comme une symphonie. […] Clément Rochel produiront, chez les uns comme chez les autres, une émotion profonde.
Et, par une exagération singulière, ces émotions mélancoliques se manifestent fréquemment chez Heine, pour des objets vagues, nuls, ou tels qu’ils suscitent chez la plupart des hommes, de la joie. […] Dans ce retour sur soi, la vue claire de la part de vanité, de sottise et de fausseté qui souille ses plus délicates émotions, lui suggère sa raillerie suicide. […] Il en a condensé les incidents et les émotions dans son Intermezzo, cette suite de petites pièces, chantantes comme des musiques, vagues comme un chuchotement, toutes pénétrées de larmes, de rayons de lune et de sourires. […] Une race aussi homogène et aussi nettement caractérisée doit laisser dans l’organisation intellectuelle de ses représentants une série d’émotions et d’idées puissamment intégrées. […] Son ironie, son esprit et sa sensibilité, la variabilité organique de ses émotions, la clairvoyance de son analyse survécurent à sa parole et à la plupart de ses membres.
Il y a toute une éducation de la sensibilité, qui met de l’ordre et des nuances dans le chaos des émotions, qui surtout rend nettes et perceptibles les impressions confuses et faibles, qui développe le tact de l’âme, et fait qu’au plus léger attouchement elle frémit de joie et de peine, enregistrant les moindres phénomènes comme un instrument délicat. Sans doute c’est l’affaire à la réflexion de lire dans l’âme les émotions ; et c’est en appliquant à l’observation intérieure la même attention qu’à la réalité externe, qu’on s’habituera à démêler ses sentiments. […] Ce n’est pas impuissance ou grossièreté de nature, mais rudesse et manque de culture, qui fait que devant une œuvre d’art, un poème, un paysage, on reste morne et muet, sans émotion, que factice, sans idée, que convenue, sans parole, que banale, Par cet effort de conscience, on contraindra les sentiments à se préciser : le nuage confus des émotions se divisera, et de l’obscure vapeur qui bout dans l’âme surgiront des couleurs et des formes, de plus en plus nettes et délicates.
Il doit avoir pour objet une communication immédiate, et publique des émotions, et pour moyen l’union entière et libre des trois arts aujourd’hui séparés. […] » des émotions traduites. […] Aussi, naturelle paraît l’émotion que ressentit Wagner lorsque, vers 1857, il connut l’œuvre philosophique d’Arthur Schopenhauer. […] Mais Wagner n’est pas un musicien, il est un dramaturge, voulant produire la vie entière, non telle ou telle émotion. […] Une observation : lorsqu’il dit le « motif de la bannière », le « motif de la profonde émotion ce Sachs », M.
De deux choses l’une, en effet : ou l’auteur de Louise, en écrivant son roman, a obéi à la vocation décidée du romancier dont il nous donnera plus tard d’autres témoignages, ou il a cédé à la pression d’un de ces souvenirs personnels qui font trouver dans l’émotion qu’on éprouve le talent qu’il faut pour la communiquer ; et, dans l’un ou l’autre cas de cette alternative, nous sommes au-dessus du métier. […] Aussi l’esprit, qui a soif de clarté, l’esprit impatienté peut-il fermer le livre mécontent, inassouvi, et regrettant l’intérêt qu’il a pris à toute cette histoire et l’émotion que l’auteur a su lui donner. […] La seule composition qu’il y ait, en effet, dans une œuvre si peu combinée, c’est sa conduite en ligne droite jusqu’au dénouement, et le dénouement, qui doit être l’émotion suprême et en même temps l’idée du livre, agrafant l’esprit et ne Lâchant plus le souvenir. […] Eh bien, demandez à ces livres palpitants l’émotion passée, demandez-leur l’idée qu’ils résument et expriment par leur conclusion même ! […] Vous avez l’émotion.
Le fond de la poésie de La Fontaine, c’est cette spontanéité, cette richesse des émotions, qui, dans la vie réelle, en font le plus incorrigible des fantaisistes ; c’est la simplicité, l’absolue et immobile raie irréflexion (en un sens) de l’expression qu’il leur donne. […] Mais dans ces cadres traditionnels, La Fontaine a versé toute la richesse de sa nature, de ses émotions, de ses expériences. […] C’est une combinaison unique de représentation impersonnelle et d’émotion personnelle. […] Mais le bonhomme avait son idée : il ne se voyait pas savant, mais poète et artiste, et derrière chaque vérité conçue par son esprit il sentait se lever toutes les émotions de son cœur, toutes les images de ses sensations. […] On désigne cette poésie du nom de poésie légère, ne pouvant l’appeler lyrique ; il y manque en général la passion, l’émotion, la profondeur ; et il y manque l’art.
Mais si nous nous intéressons aux émotions qui ne sont pas les nôtres, c’est que nous sommes hommes, et le poète est homme : nous avons en commun avec lui la nature et la source des émotions. […] Entre ces émotions particulières de l’individu et ces conditions essentielles de l’humanité, qui, réunies, forment l’objet du lyrisme romantique, restent l’intelligence avec la réflexion et les facultés discursives, et les vérités universelles d’ordre rationnel : deux choses que le romantisme laisse de côté. […] Nous avons vu, en deux maîtres de la langue, en Rousseau et en Chateaubriand, ces deux grandes tendances se déterminer, et de l’un à l’autre, les facultés discursives, le raisonnement, les idées s’atténuer, l’émotion grandir et la puissance poétique. […] Il fallait avoir vécu loin des salons, et n’avoir pas subi le joug du discours latin, pour faire des mots la sincère et simple image de l’émotion ou de la sensation. […] La religion, jadis, drainait, canalisait dans la vie individuelle et dans le domaine littéraire, l’émotion et la pensée métaphysiques : quand, par le progrès de la philosophie, elle a cessé de faire son office pour les classes supérieures de la nation, alors tous les sentiments qu’elle enfermait dans certains actes de la vie et certains genres de littérature, ont inondé toute la vie et toute la littérature.
Or, la tendance du mouvement à se continuer existait dès la première expérience : toutes les représentations et émotions de l’animal poursuivant ou déchirant sa proie étaient accompagnées d’exertion motrice : c’était mieux qu’un simple penchant, c’était une mise en action. […] Mais, sous un autre rapport, il y a sentiment d’impuissance à réaliser pleinement, par le moyen d’une pure idée, les sensations et émotions de plaisir attachées au jeu. […] Nous verrons plus loin que l’expression des émotions est, en définitive, l’expression des appétitions mêmes qui y répondent ; d’où il suit que tout mouvement expressif présuppose un mouvement appétitif. […] Au contraire, les mouvements qui suivent une représentation, une émotion et une appétition, ont des antécédents psychiques assignables ; et même ils ne peuvent recevoir une explication adéquate sans l’introduction des éléments psychiques. […] — On nous dit cela, mais les mouvements ont beau être explicables mécaniquement par des mouvements antérieurs, cette explication mécanique laisse en dehors la représentation, l’émotion, l’appétition, la motion même.
Voici une image puis une autre et leur ensemble constitue une vibrante émotion. […] Les choses sont autant d’émotions en puissance et recueillent notre propre exaltation. […] Chaque fois que je les relis je me sens pénétré de la même émotion indéfinissable. […] Le poète représenté ainsi comme une série d’émotions qui se prolongent, ne redoute rien tant que de figer ces émotions, que d’en arrêter l’élan dans des formes trop rudes. […] Un poème s’adresse d’abord au cœur, est l’expression figurée d’une émotion.
Lui, il se voit par le dedans, il plonge en son fond, il sent immédiatement ses émotions et ses désirs. […] Il dramatise enfin toute son existence extérieure et intérieure sans pouvoir éteindre cette soif d’émotion qui le brûle. […] Il produit des émotions et des images, non des idées : et il ordonne, il exprime ces émotions et ces images, non pas selon la loi du vrai, mais selon la loi du beau. […] Ainsi le procédé qui consiste à éveiller par des tableaux pittoresques ou pathétiques toutes les vagues religiosités endormies dans nos âmes, à escompter rapidement ces émotions au profit du catholicisme, avant qu’on ait eu le temps de se reconnaître, ce procédé, au point de vue pratique, s’est trouvé souverain : il répondait exactement au besoin en ne visant qu’à créer de nouvelles associations dans les âmes. […] En un sens, Chateaubriand rétablissait la religion sur une équivoque et un malentendu ; il fondait la croyance sur des émotions de poète et d’artiste, et triomphait par un prestige qui éblouissait les esprits.
Je ne puis admettre, comme clichés, chaleur bienfaisante, perversité précoce, émotion contenue, front fuyant, chevelure abondante, ni même larmes amères, car des larmes peuvent être amères et des larmes peuvent être douces. […] Emotion contenue n’est pas plus ridicule qu’émotion dissimulée ; quant à front fuyant, c’est une expression scientifique et très juste qu’il suffit d’employer à propos.
Lors même, en effet, que ces pensées seraient clairement exprimées, lors même que la périphrase serait absente et laisserait voir nettement les objets que le poète a voulu désigner, les sentiments qu’il s’est proposé de traduire, l’émotion émotion par le lecteur demeurerait encore assez tiède ; car c’est à peine s’il est permis d’attribuer au poète une émotion sincère. […] Serait-il condamné à chercher constamment des émotions nouvelles ? […] Hugo, où trouver une page qui respire une émotion sincère ? […] Une pareille menace, loin d’ajouter à l’émotion, diminue la pitié qu’inspirait Henri. […] Sandeau n’aurait plus le même sens, et Marianna, autrement encadrée, ne produirait pas la même émotion.
Puis, le drame était repris, et l’ennui des actions sans intérêt, des émotions vulgairement fausses et des banalités. […] Haydn, Grétry, les musiciens du dernier siècle, connaissaient un art tout de ténue et plaisante émotion. […] L’opéra était purement une splendeur ; de belle musique, riche de toutes les richesses instrumentales et vocales, des danses, des cortèges, des décorations gaies à la vue ; assemblement de tous les luxes, l’opéra véritablement était le séjour de plaisir d’où venait l’émotion très commode d’une vie vague et très bonne. […] Mais toujours c’est la fable du Mendelssohn qui s’enfle et qui s’enfle, Voltaire reprenant la tragédie de Racine ; on est, de nature et d’éducation, incapable des grandes émotions totales, et l’on s’acharne à celles là, uniquement : ainsi les très misérables musiciens expriment faussement des émotions fausses. […] Maintenant revient le premier motif des instruments à cordes, avec la puissante expression de l’émotion d’une âme profondément saisie ; tranquillisé et apaisé, il atteint l’extrême sérénité d’une douce et bien heureuse résignation.
Une nation devenue libre, dont les passions ont été fortement agitées par les horreurs des guerres civiles, est beaucoup plus susceptible de l’émotion excitée par Shakespeare, que de celle causée par Racine. […] Les modernes, et surtout Shakespeare, trouvent de plus profondes sources d’émotions dans la nécessité philosophique. […] Il faut, pour qu’un poète dramatique se perfectionne autant que son talent peut le permettre, qu’il ne s’attende à être jugé, ni par des vieillards blasés, ni par des jeunes gens qui trouvent leur émotion en eux-mêmes. […] Ce n’est pas comme excitant une trop forte émotion, mais comme détruisant quelquefois jusqu’à l’illusion théâtrale, qu’elles me paraissent susceptibles de critique. […] Les spectateurs refuseraient peut-être leur attendrissement à la plainte volontaire ; ils s’abandonnent à l’émotion que fait naître une douleur qui ne répond plus d’elle.
L’image est le plus souvent hallucination pure, comme l’émotion n’est qu’agitation vaine. […] La personne coïncide alors avec cette émotion ; jamais pourtant elle ne fut à tel point elle-même — elle est simplifiée, unifiée, intensifiée. […] A l’opposé de l’émotion infra-intellectuelle, elle restait sous la dépendance de la volonté. […] Une émotion de ce genre ressemble sans doute, quoique de très loin, au sublime amour qui est pour le mystique l’essence même de Dieu. […] Remarquons qu’une émotion d’ordre supérieur se suffit à elle-même.
Les graces de la gallerie du Luxembourg et plusieurs autres tableaux n’auroient pas été défigurez, si leurs possesseurs les eussent vûs sans émotion ; car tous les tableaux ne sont pas du genre de ceux dont parle Aristote, quand il dit : qu’il est des tableaux aussi capables de faire rentrer en eux-mêmes les hommes vicieux, que les preceptes de morale donnez par les philosophes. […] Ainsi leur émotion seule nous touche subitement ; et ils obtiennent de nous, en nous attendrissant, ce qu’ils n’obtiendroient jamais par la voïe du raisonnement et de la conviction. […] C’est que l’émotion des autres nous émeut nous-mêmes, et ceux qui joüent gros jeu nous émeuvent davantage, parce qu’eux-mêmes ils sont plus émus.
Les émotions causées par les poésies ossianiques, peuvent se reproduire dans toutes les nations, parce que leurs moyens d’émouvoir sont tous pris dans la nature ; mais il faut un talent prodigieux pour introduire, sans affectation, la mythologie grecque dans la poésie française. […] Mais on peut toujours juger si les images de la nature, telles qu’elles sont représentées dans le Midi, excitent des émotions aussi nobles et aussi pures que celles du Nord ; si les images du Midi, plus brillantes à quelques égards, font naître autant de pensées, ont un rapport aussi immédiat avec les sentiments de l’âme ; les idées philosophiques s’unissent comme d’elles-mêmes aux images sombres. […] Le frémissement que produisent dans tout notre être de certaines beautés de la nature, est une sensation toujours la même ; l’émotion que nous causent les vers qui nous retracent cette sensation, a beaucoup d’analogie avec l’effet de l’harmonica. […] Il faut alors qu’il cherche dans le cœur humain les sources de l’émotion, qu’il fasse sortir d’une expression éloquente, d’un sentiment de l’âme, d’un remords solitaire, les fantômes effrayants qui doivent frapper l’imagination.
Et jusqu’au débarbouillage chez le pharmacien, angoisse, émotion, pendant des secondes qui paraissent éternelles. […] la bonne émotion de couper son livre vierge, et dans la moite fraîcheur du brochage encore mouillé ! […] Que c’est donc beau la vraie émotion et le poignant de la réalité d’une sincère douleur ! […] L’avocat, c’était Lachaud, l’innocenteur patenté des assassins, un acteur de bas drame, apportant à son client une fausse émotion, une fausse sensibilité, une déclamation gesticulante et ambulatoire. […] Le président lui lit la déclaration du jury, et sa voix mordante et ironique de vieux juge dans tout le procès, en cette lecture est pénétrée d’une émotion grave.
Tout ce que celle-ci a dans le cœur et veut exhaler, l’autre l’exprime ; mais quand elle n’a plus rien à lui inspirer, quand elle sommeille, l’autre veut exprimer quelque chose encore ; il se propose, il provoque autour de lui des sujets de sentiment, il grossit à son gré ses émotions légères ; c’est un organe à part qui réclame son exercice et sa pâture. […] Ces talents inférieurs à leur sensibilité, d’une expression bien souvent en deçà de l’émotion, ces talents qui ne parviennent à rendre ce qu’ils veulent que rarement, et une fois dans leur vie peut-être, ont un charme particulier à côté des autres plus grands ; ils sont très-sincères. […] On n’y releva pas assez les belles émotions lyriques du Prologue, la fervente et sérieuse Introduction aux Temps modernes, et la fin du chant de Waterloo. […] M. de Lamartine le pensait aussi, lorsqu’à la lecture de ce dernier volume et sous l’émotion de cet amer sanglot, il écrivait à Mme Tastu les vers suivants, lui, le consolateur affligé, qui en avait déjà adressé de si pénétrants à Mme Desbordes-Valmore : Dans le clocher de mon village Il est un sonore instrument, Que j’écoutais dans mon jeune âge Comme une voix du firmament. […] Contre l’émotion qui réveille une larme A tort on se défend.
Mais c’est là le contraire de l’entraînement d’un « tempérament », et la vanité, chose toute cérébrale, n’a rien à voir avec l’émotion primesautière de don Juan, quand son regard se croise avec celui d’une femme, qu’il voit désormais seule là où il s’est rencontré avec elle… Ne faisons pas à l’amoureux l’injure de mettre de la vanité dans ce besoin de plaire, de connaître et de posséder, que nous flairons en lui à première vue, odor d’amore. […] Le trait caractéristique de don Juan, c’est l’émotion auprès de celles-ci, émotion profonde, naïve, sincère, égale et peut-être supérieure en intensité à l’émotion réglée des hommes qui mêlent l’idée du devoir aux choses de l’amour, encourant par là le juste anathème du poète ! […] Il a montré, presque avec émotion et en condamnant sur ce point les railleries vulgaires, ce qu’il y a de touchant dans l’amour, des femmes qui ont un peu dépassé l’âge de l’amour, des amantes mûries et meurtries, qui s’attachent à leur dernière passion avec fureur et avec mélancolie, parce qu’après il n’y aura plus rien, et qui, pour se faire pardonner, pour s’absoudre elles-mêmes et sans se douter du sacrilège, mêlent à leur suprême amour de femme un sentiment d’équivoque maternité.
Le Lac, quoique la langue en ait vieilli par endroits, me paraît un absolu chef-d’œuvre ; et, pour l’unité, la simplicité, l’émotion, l’emporte à mes yeux sur la Tristesse d’Olympio et le Souvenir. […] Les femmes aiment la spiritualité, la douceur ; elles n’ont pas besoin de revêtir leurs émotions d’un caractère exceptionnel, leur cœur étant très accessible à la poésie des sentiments communs ; par là et par d’autres traits, il semble que l’âme du grand poète, qui avait exprimé ces choses avec tant de puissance, appartienne elle-même au type féminin, si l’on ajoute à ce type la force qui s’y joint pour former la figure de l’ange. […] Émile Deschanel Ce n’est pas sans émotion que nous avons abordé l’étude de cet être unique, dont la vie et l’œuvre sont un monde. […] Delà ce chant qui est la voix du cœur qui médite, un chant où tout se dispose pour la complète libération de l’âme, un chant où les émotions allégées semblent venir du fond d’un rêve. […] L’hymne n’est qu’une méditation qui s’exalte, soit à l’appel tumultueux des émotions intérieures, soit devant le spectacle des embellissements que répandent sur le monde la beauté et l’héroïsme.
Une chose a mille divers reflets ; elle est, en nous, à la fois colorée et musicale et abstraite et figurée ; elle nous impressionne par tous nos sens, en toutes nos capacités d’émotions ; et l’art qui la voudrait complètement exprimer, la dirait en toutes ses impressions, pour tous les sens, et musicalement et picturalement et poétiquement, en tous ses reflets. […] … voyons, pourtant, dans la Chose dont l’expression nous séduit, voyons les multiples aspects, les résonnances cachées, les attirances, les échos subtils qui d’elle, par tous côtés, s’éveillent : comprenons comment la Chose est littérairement, comment musicalement, comment plastiquement ; et, — quoique nous ne pourrons pas dire toutes ces compréhensions variées, par, chacune, son langage propre, — ayons en nous, néanmoins, l’émotion, complète, de la Chose vivante. Ayons en nous l’émotion complète de la Chose vivante, et, dans nos œuvres spéciales de littérature ou de musique, il se trouvera que nous la mettrons ; ayant vu tous les reflets, notre unique langage en gardera la marque ; ayant connu toute l’impression, notre poème ou notre tableau en sera imprégné ; la Chose sera exprimée, très fortement ; et notre œuvre, tout particulière, aura de très mystérieux palpitements d’universelle Clairvoyance. […] Et, pendant ces trente heures, nous possède la cause précise du voyage ; la pensée des Représentations, pour lesquelles nous admettons ce dur effort, accapare, forcément, notre esprit ; l’importance du but croît, selon l’importance de l’effort : cette chose connue, la Fête Bayreuthienne se fait, en ces longues heures de voyage, mystérieusement obsédante : la jouissance difficilement acquise sera, certes, puissante ; l’extraordinaireté du pèlerinage prépare l’émotion d’une non commune révélation, d’une haute cérémonie, de quelque chose grande. […] Le peintre peut rechercher la dimension musicale en essayant de toucher tous les sens et la plus grande gamme d’émotions.
Mais la terreur chiliastique diffère essentiellement des émotions « fin de siècle ». […] Ils ne peignirent pas des vues sobrement conçues, mais des émotions. […] Le mot plein de résonances que celui-là emploie a en soi un sens rationnel ; il est de plus fait pour éveiller en tout homme sain des émotions ; les émotions éveillées se rapportent enfin à l’objet du poème. […] Le refrain est un excellent moyen pour révéler un état d’âme dans lequel prédomine une forte émotion. […] Il n’exprime pas une aperception déterminée, mais une émotion générale de l’animal.
Si on a vu le fait qu’on raconte, on en évoque l’image, avec tout le cortège des émotions qu’il a suscitées. […] Chacun de ces détails enfonce insensiblement l’émotion dans le cœur du lecteur en déterminant l’image vivante du fait. […] Aussi, quand de l’armée arrivèrent les détails de sa mort, quand affluèrent les renseignements des témoins oculaires, Mme de Sévigné, lisant, écoutant tout avec émotion, coordonnant les détails dans son esprit si net, dressant toutes les circonstances dans son imagination si vive, ne fit que décrire à sa fille la vision intérieure qu’elle avait du fait en ses moindres particularités. […] Voilà qui double reflet dramatique du récit, qui prépare l’âme à l’émotion, l’esprit à l’intelligence du fait.
Non, il n’est pas de tragédie écrite qui égale, en intensité d’émotion, cette tragédie sans paroles. * * * Puisque j’ai dû au docteur Eugène Doyen quelques-unes de mes émotions les plus rares — émotions artistiques, car le bon sorcier était beau à voir ; il respirait la force et la joie dans sa fonction salutaire et sanglante, et je sentais le « drame » conduit par une main délicate et forte, et cette main elle-même dirigée par une intelligence audacieuse et inventive ; — puisque, d’autre part, ce poète du scalpel m’apparaît comme un des hommes les plus évidemment prédestinés à diminuer parmi nous la somme du mal physique, pourquoi ne vous le dirais-je pas ?
Il y a là, il faut le dire, une abondance singulière et une vitalité puissante, toute la plantureuse confusion d’un esprit qui se cherche et s’exerce dans tous les sens, à travers les zigzags de toutes ses fantaisies, obéissant à des poussées disparates, à des intuitions subites, aux soubresauts d’une verve capricieuse, à tout ce que l’instant fait passer d’émotions, d’images et de rythmes en une âme extraordinairement vibrante et attentive, prompte à les saisir au passage et à en fixer la nuance, la forme ou le mouvement. […] Typographiées comme de la prose, elles sont écrites en vers et supérieurement mouvementées… Ce poète est une perpétuelle vibration, une machine nerveuse sensible au moindre choc, un cerveau si prompt, que l’émotion, souvent, s’est formulée avant la conscience de l’émotion.
Il correspond à ce que nous avons de meilleur en nous : l’émotion de l’homme devant l’homme. Parfois, un certain sentiment religieux agrandit cette émotion et la verse sur le monde.
Georges Rency « Il faut y voir seulement l’expression sincère d’émotions différentes selon la grâce et la variété des jours. » — « Ils sont la guirlande, un peu frivole, d’une adolescence studieuse et contemplative. » Et, il est vrai, ces vers ne sont que cela, mais c’est assez pour qu’ils soient délicieux. […] Il lui a plu d’inscrire, en de fraîches bucoliques, les palpitations de son âme selon les saisons et les jours, et de restreindre, en quelques strophes aux charmantes cadences, l’émotion de ces heures décisives où l’homme et le paysage semblent plus étroitement communier.
Dans le recueil que nous donne aujourd’hui le nouveau poète que j’ai le plaisir de vous présenter, vous trouverez l’émotion, la belle candeur, tour à tour forte et charmante de la jeunesse — la jeunesse ! […] J’y sens un précieux renouveau de la bonne humeur française, rajeunie par un mélange mesuré d’émotion tendre, aussi éloignée que possible de la fadeur sentimentale qui définit la romance.
Il a toujours dosé homœopathiquement les émotions qu’il nous a données, et cela sans calcul, sans parti pris d’art, mais naturellement, M. […] Rassis promptement, comme toutes les âmes tièdes, d’une grande émotion de jeunesse, il se voua discrètement à des études qu’il avait d’abord partagées, — on sait avec qui, — et il les continua seul. […] Jules Sandeau ricane comme un petit journal, au nez même des personnages qu’il met en scène, et, par là, tue l’émotion avant qu’elle soit née, en la tarissant dans sa source. […] Il y en a de plus d’une espèce dans ce livre, où l’on cherche vainement la simplicité, la grandeur, l’émotion, et une beauté sombre.
La loi qui la régit s’énonce ainsi : « Les actions, les sensations, pensées ou émotions présentes tendent à raviver celles qui leur ressemblent, parmi les impressions ou états antérieurs. » L’association par contiguïté sert surtout à acquérir, l’association par ressemblance sert surtout à découvrir : elle joue un rôle prépondérant dans le raisonnement et les divers procédés scientifiques. […] La loi générale de ce mode d’association s’établit ainsi : « Des actions, sensations, pensées, émotions passées sont plus aisément rappelées, quand on les associe par contiguïté ou ressemblance avec plus d’une impression ou d’un objet présent. » Les associations composées résultent de contiguïtés seules, de ressemblances seules, de contiguïtés et ressemblances réunies. […] VI Jusqu’ici nous n’avons eu en vue que la résurrection, le réveil littéral des sensations, images, émotions, suites de pensées antérieures. […] De même pour les émotions. […] Nous allons la retrouver amplement exposée, sous le titre des Emotions.
Faut-il se montrer bien difficile et exiger de l’émotion et de la vie de quelqu’un qui a du goût, de l’habileté et de la délicatesse dans l’expression des sujets qu’il choisit ? […] Ce sont là d’excellents exercices préparatoires pour le jour où M. des Rieux aura de l’émotion ; et l’on parle de supprimer les études classiques !
Paul Gérardy sont de courte haleine, trop courte parfois, mais, l’habitude qu’on lui sent de la fréquentation des esprits philosophiques les plus abstraits, encore qu’elle gêne presque toujours l’émotion vivace et lyrique, l’aide à donner à ses poèmes une signification très vaste ; quelquefois, à vrai dire, vague et brumeuse. Mais si son émotion est encore trop souvent purement intellectuelle, ce recueil permet de dire que M.
Jules Janin Le prêtre, le cloitre, la chapelle, la première communion, le refuge, la semaine sainte, émotions du moment mêlées d’une façon intime aux émotions toutes personnelles, vous les retrouvez à peu près les mêmes dans tous les recueils de cette époque, mais jamais elles n’ont été plus vraies que dans les vers d’Alexandre Guiraud… À tout prendre, la vie de ce poète, si calme dans son travail, si recueilli dans son succès, si modeste dans son triomphe, fut une vie heureuse, facile, abondante, entourée d’estime, de bienveillance, d’amitié.
Mais ces pièces ont en général ceci de commun, qu’elles sont d’actualité, nées des circonstances et d’une particulière émotion des esprits. […] Car ce sont leurs sentiments, leurs affections, leurs haines, leurs prospérités et plus souvent leurs malheurs, dont les poètes bourgeois font la matière de leurs vers : et ainsi leur œuvre est lyrique, par accident, peu ou prou, juste dans la mesure où leur tempérament est capable d’émotion lyrique. […] Il a trouvé le lyrisme à sa vraie source : l’émotion personnelle et profonde. […] Voilà le bon et le vrai lyrisme : et c’est pourquoi il ne fallait pas oublier le pauvre diable qui, le premier chez nous, dans la laide et vulgaire réalité de cette vie, a recueilli un peu de pure émotion poétique.
Il est légitime que l’émotion qui se dégage pour lui d’un moment d’histoire, il la veuille formuler en une légende personnelle. […] Le cas normal du roman historique, c’est une histoire thème d’une légende, prémisse évocatoire et propitiatrice à la sympathie, bon cadre mutuellement connu pour replacer où il les a ressenties les émotions que l’artiste veut communiquer. […] Des aventures, des hommes, des princes, des caractères, des héros, des femmes merveilleuses et d’émotion, des âmes qui s’exaltent et crient et s’acharnent et s’apaisent, du malheur qui s’obstine, et du lyrisme, et du cœur, et des larmes. […] Parmi les conjonctures les plus extrêmes, d’un îlot de déportés jusqu’à un trône de l’Europe orientale et jusqu’à un radeau de naufragés, de définitives figures se mesurent à la vie, apprennent pour les avoir entiers sentis le désastre et le bonheur, et reviennent désemparés et las du jeu d’enfer dont ils ont épuisé toutes les émotions.
Les intellectualistes croient à une rationalisation progressive des sensibilités, à l’avènement d’une humanité qui ne serait plus guidée par des émotions et des sentiments, mais par les seules idées. […] Bergson, l’écrasement de la conscience individuelle (par le mot qui en est l’expression impersonnelle et sociale) n’est aussi frappant que dans les phénomènes du sentiment27. » Qu’une émotion profonde, une mélancolie indéfinissable, que le souvenir heureux ou triste d’une heure lointaine émergent du fond de notre passé et envahissent notre être tout entier ; le frisson de cette émotion ne pourra se propager dans l’atmosphère opaque qui nous sépare d’autrui de la même façon que se propage une onde lumineuse ou sonore. L’émotion, quand elle arrive, traduite par le mot, dans la conscience d’autrui, est déjà flétrie et décolorée.
Tous, ils ne font des vers que pour réaliser ou caresser telle ou telle forme poétique, non pour exprimer des sentiments vrais et se soulager de leurs émotions en les faisant partager. […] Le poète l’explique à la première page, et déjà vous sentez, dès ces premiers vers, sous la suavité du coloris, les deux forces de sa poésie, le touchant regard en arrière de sa rêverie et la palpitation contenue de son émotion : Tu voudrais savoir pourquoi sous ce titre J’accouple mes chants…………………….. […] L’émotion compte tant sur elle-même, quand elle est sincère, que trop souvent elle se contente d’être. […] M. de Beauvoir, qui joint à cette émotion une fraîcheur près de laquelle parfois les fleurs de l’hortensia paraîtraient glauques, et les blancheurs du magnolia, des vélins jaunis, manque de netteté de lignes et d’articulation ferme sous cette adorable couleur.
Puisque, dans les représentations scéniques qui sont plus particulièrement à l’usage du peuple, dans cette suite de tableaux compliqués et vastes où il se dépense souvent tant d’artifice et de talent, les auteurs ne visent point à cette reproduction entière et profonde de la nature, qui est le suprême de l’art, puisqu’ils font des sacrifices à l’appareil, à l’émotion, et, pour tout dire, à l’effet, il est tout simple qu’on leur demande plus ouvertement de pousser au bien plutôt qu’au mal, et à la vertu plutôt qu’au vice. […] Anicet-Bourgeois et Michel Masson, qui a été représenté avec succès au théâtre de la Gaîté : il lui a semblé que le ton général de ce drame, l’émotion qui en résulte, le triomphe des bons principes et de quelques sentiments naturels et généreux, compensaient les invraisemblances d’ailleurs admises ou exigées dans le genre, et que ces qualités ici n’étaient point compromises, comme il arrive trop souvent, par des scènes accessoires où le vice en gaieté se montre et devient, quoi qu’on fasse, le principal attrait. […] La littérature dramatique a été prise au dépourvu ; on lui demande presque le contraire de ce qu’on était accoutumé à désirer d’elle depuis longtemps ; on lui demande des émotions vives, profondes et passionnées, mais pures s’il est possible, et, dans tous les cas, salutaires et fortifiantes ; on lui demande, au milieu de toutes les libertés d’inspiration auxquelles le talent a droit et qui lui sont reconnues, de songer à sa propre influence sur les mœurs publiques et sur les âmes, de se souvenir un peu, en un mot, et sans devenir pour cela trop sévère, de tout ce qui est à guérir parmi nous et à réparer.
., qui, contenant toujours l’affirmation du fait, y ajouteront l’émotion que l’écrivain en éprouve et veut communiquer. […] En effet, si l’on sent vivement, la conception peut être en retard sur l’émotion ; l’intelligence n’arrive pas à se mettre au même pas que la sensibilité et l’imagination : alors la figure qui traduira le désir ou la passion sera vague et n’offrira point une idée claire à l’esprit. […] Il faut que la réduction de la figure au mot propre soit une véritable amputation qui laisse la phrase, l’idée, l’émotion incomplètes et mutilées.
On exalte, sans y regarder, la Fille Élisa, roman écrit, selon la déclaration de l’auteur, pour « parler au cœur et à l’émotion de nos législateurs » et auquel, en effet, les parlementaires ont pu s’intéresser sans effort, roman dont l’émotion demeure à la préface, livre pauvre d’humanité et mince de littérature, bien loin, ce me semble, des chefs-d’œuvre que fabriquait, avec son frère, M. […] Zola déroule la collection extraordinaire de ses décors, de ses milieux, de ses personnages, et cette collection est infiniment plus que la reproduction savante de la complexité d’un pays en un temps ; c’en est une synthèse émue. — Il est certain que l’émotion qui crée cette œuvre ne fait pas broncher l’artiste fort qui la dit, mais à cela quel mal ?
4° Redondance, vide, irréalisme inadéquat par simplification :, par a) Vocabulaire (1°) b) Trop de répétitions et d’antithèses verbales (3°, 5° a a′ et 6° d a′ et b′) c) Simplicité des âmes (6° d b′) d) Vague des époques et des lieux (6° a et b) e) Nullité fréquente des sujets (6° c a′, b′ et c′) f) Prédominance générale de l’expression sur l’exprimé 5° Émotion générale de suspens et de surprise par : a) Antithétisme général b) Recherche du bizarre (6° a, 4°, 6° da***) 6° Émotions accidentelles et négligeables de réalisme II — Analyse psychologique A. […] Conclusions générales De 1830 à 1888, la plupart et les mieux doués des lettrés français ont accusé fortement ou faiblement une prédominance d’idées verbales sur les idées réelles ; les liseurs : une prédominance semblable moins accusée, atteignant spécialement la jeunesse ; les auditeurs théâtrals : une atonie et une infériorité mentale générale, marquée par un irréalisme, une inexpérience et une irréflexion complètes, accompagnées d’une prédilection sensible pour les moyens d’émotion purement sensuels ; les décors, les costumes, la sonorité des mots.
Boschot s’y révèle poète philosophe, et l’on voit bien, d’abord, qu’il a beaucoup lu Sully Prudhomme et Alfred de Vigny, ensuite et surtout qu’il est capable par lui-même d’une pensée forte, pénétrante et triste… Mais ce n’en est pas moins un poète cher au cœur et d’une singulière puissance d’émotion. […] André Rivoire Ce sont de véritables symphonies que ces poèmes, et les vers y sont délicieux ; il en est de très doux, comme atténués de sourdines ; d’autres, çà et là, éclatent et montent comme des cris… et voici qu’après d’indécis murmures, tout à coup, des strophes éloquentes se poussent l’une l’autre d’un large mouvement… Ce livre d’émotion, de pensée, d’harmonie, est original et reste simple.
Une gradation insensible y élève notre émotion de la simple curiosité à l’angoisse, de la vibration patriotique aux méditations inquiètes du philosophe et du moraliste. […] Les personnes qui les ont lus, depuis la Terre qui meurt jusqu’à Donatienne et au Blé qui lève, savent quelle émotion et quel souvenir charmé elles en ont gardés. […] En même temps que son esprit s’aiguisait d’ironie et se formait par une observation directe, l’émotion traditionaliste entrait en lui et agissait fortement sur toutes ses facultés. […] Boylesve est un vrai classique : il l’est dans le sens français, c’est-à-dire qu’il subordonne l’émotion à la raison, mais qu’il ne dédaigne aucun des éléments d’art propres à la première de ces facultés. […] Ses dons d’analyse sont variés ; son élégance de moraliste intelligent et indulgent se revêt d’une grâce souriante où s’amalgame un mélange d’ironie et d’émotion contenue.
Dante nous guida, comme l’avait guidé Virgile, dans ce monde peuplé de tant d’émotions et de terreurs. […] La mission de l’art c’est de « reproduire dans l’âme l’émotion ineffable de la beauté ». […] Schlegel, lui rappelle d’avance le but nécessaire de l’art, et assigne la beauté pour limite à l’émotion. […] Si l’émotion qui ennoblit est le but, n’acceptez que ce qui la sert, repoussez ce qui l’entrave. […] Aimez ce qui est bien ; sentez ce qui est grand et jugez d’après votre émotion.
Sainte-Beuve L’auteur, pour peu qu’il s’apaise un jour et qu’il rencontre les conditions d’existence et de développement dont il est digne, me paraît des plus capables de cultiver avec succès la poésie domestique et de peindre avec une douce émotion les scènes de la vie intime ; car si Mme Blanchecotte (ce qui est, je crois, son nom) a de la […] Ceux qui aiment exclusivement les tableaux voyants, les couleurs brillantes et criardes, les éclats de la passion sensuelle, ne goûteront point ces chants, ceux qui aiment les émotions tendres, les sentiments élevés, les accents purs, les liront et les reliront avec plaisir.
Plus de ces mots hardis, saisissants, passionnés ; plus de ces métaphores vives et originales ; plus de ces phrases imitatives, de ces sons choisis, qui transforment les sentiments en sensations et pénètrent notre corps des émotions de notre âme. […] Quand on ne cherche que le vrai, on ne mêle pas son émotion à ses arguments ; on respecte trop la vérité universelle pour y empreindre ses sentiments personnels ; c’est une lumière pure, dont on s’écarte pour ne pas l’offusquer. […] Tout sera régulier, uniforme, sentencieux, sévère ; et notre recueil de préceptes, démontré par un recueil d’exemples, laissera le lecteur sans émotion, mais convaincu. […] Ils parlent eux-mêmes, avec esprit, véhémence ou tendresse ; ils discutent, et les réponses jaillissent sans qu’on les cherche ; ils délibèrent, et les raisonnements pressés s’ordonnent sans qu’on les range : le poëte écoute et ressent leurs émotions ; il raconte les détails, car les détails apparaissent d’eux-mêmes quand l’image de l’objet est vive et expresse. […] Pour soulever une émotion violente, il faut un amas de traits pathétiques.
— Véhémence de son émotion et de sa sympathie. — Intensité de sa croyance et de sa vision. — Past and Present. […] Nul n’a contemplé avec une émotion plus puissante les astres muets qui roulent éternellement dans le firmament pâle et enveloppent notre petit monde. […] Heine se moque de ses émotions au moment où il s’y livre. […] Car il le façonne et façonne le nôtre à l’image de son propre esprit ; il le définit par les émotions qu’il en tire et le figure par les impressions qu’il en reçoit. […] Car les hommes n’ont pas fait de grandes choses sans de grandes émotions.
xxxv), cherchée, cueillie autrefois si fraîche dans la serre un jour de carnaval, avec tant d’émotion, offerte à Mme Hautcastel à l’heure du bal, et qu’elle ne regarde même pas ! […] 35. « La lecture du Lépreux m’avait touchée, dit Mme Olympe Cottu dans sa préface ; j’en parlai à un ami auquel une longue et douce habitude me porte à confier toutes mes émotions ; je l’engageai à le lire. […] Ma vie est sans variété, mes jours sont sans nuances ; et cette monotonie fait paraître le temps court, de même que la nudité d’un terrain le fait paraître moins étendu. » Le simple et doux Lépreux fit son chemin dans le monde sans tant de façons et sans qu’on lui demandât, rien davantage ; il prit place bientôt dans tous les cœurs, et procura à chacun de ceux qui le lurent une de ces pures émotions voisines de la prière, une de ces rares demi-heures qui bénissent une journée. […] Mais il suffira de donner ici sa jolie pièce du Papillon, qui, pour la grâce et l’émotion, ne dépare pas. le souvenir de ses autres écrits. […] — Il aimait à parler avec éloges d’un écrivain génevois spirituel qui est un peu de son école pour le genre d’émotion et pour l’humour.
Un âge aride, que la gloire et la vertu pouvaient honorer, mais qui ne devait plus être ranimé par les émotions du cœur, la vieillesse s’est enrichie de toutes les pensées de la mélancolie ; il lui a été donné de se ressouvenir, de regretter, d’aimer encore ce qu’elle avait aimé. […] Toutes les fois que le cours des idées ramène à réfléchir sur la destinée de l’homme, la révolution nous apparaît ; vainement on transporte son esprit sur les rives lointaines des temps qui sont écoulés, vainement on veut saisir les événements passés et les ouvrages durables sous l’éternel rapport des combinaisons abstraites ; si dans ces régions métaphysiques un mot répond à quelques souvenirs, les émotions de l’âme reprennent tout leur empire. […] Un certain degré d’émotion peut animer le talent ; mais la peine longue et pesante étouffe le génie de l’expression ; et quand la souffrance est devenue l’état habituel de l’âme, l’imagination perd jusqu’au besoin de peindre ce qu’elle éprouve.
Les premiers mouvements de la reconnaissance ne laissent rien à désirer, et dans l’émotion qui les accompagnent, tous les caractères s’embellissent ; on dirait que le présent est un gage certain de l’avenir ; et lorsque le bienfaiteur reçoit la promesse, sans avoir besoin de son accomplissement, l’illusion même qu’elle lui cause est sans danger, et l’imagination peut en jouir, comme l’avare des biens que lui procurerait son trésor, si jamais il le dépensait. […] La bonté ne demande pas, comme l’ambition, un retour à ce qu’elle donne ; mais elle offre cependant aussi une manière d’étendre son existence et d’influer sur le sort de plusieurs ; la bonté ne fait pas, comme l’amour, du besoin d’être aimé son mobile et son espoir ; mais elle permet aussi de se livrer aux douces émotions du cœur, et de vivre ailleurs que dans sa propre destinée : enfin, tout ce qu’il y a de généreux dans les passions se trouve dans l’exercice de la bonté, et cet exercice, celui de la plus parfaite raison, est encore quelquefois l’ombre des illusions de l’esprit et du cœur. […] Si vous rencontrez Almont, quand votre âme est découragée, sa vive attention à vos discours vous persuade que vous êtes dans une situation qui captive l’intérêt, tandis que, fatigué de votre peine, vous étiez convaincu, avant de le voir, de l’ennui qu’elle devait causer aux autres ; vous ne l’écouterez jamais sans que son attendrissement pour vos chagrins, ne vous rende l’émotion dont votre âme desséchée était devenue incapable ; enfin, vous ne causerez point avec lui, sans qu’il ne vous offre un motif de courage, et qu’ôtant à votre douleur ce qu’elle a de fixe, il n’occupe votre imagination par un différent point de vue, par une nouvelle manière de considérer votre destinée ; on peut agir sur soi par la raison, mais c’est d’un autre que vient l’espérance.
On n’ignore plus que ce jeune poète a proposé comme le plus sublime des motifs d’émotion et le plus émotif des sujets pathétiques l’héroïsation du Travail humain, l’Épopée des Fonctions et des Métiers. […] Ce sont de semblables idées, — absolument inédites jusque-là, — que M. de Bouhélier s’est plu à développer dans certains chapitres de son dernier ouvrage : L’Hiver en Méditation, et qui sont intitulés l’Émotion, le Pathétique Romanesque, le Destin. […] « Ce lieu où de telles émotions brûlent et exténuent les amants, je voudrais que personne n’y entrât sans vénération.
Le poëte nous présente successivement, pour ainsi dire, cinquante tableaux qui nous conduisent comme par dégrez à cette émotion extrême, qui fait couler nos larmes. […] Le poëme est long-temps à ébranler l’ame avant que de la conduire à l’émotion qui la fait pleurer. […] Ce poëte nous fait passer par differens dégrez d’émotion, et pour nous rendre plus sensibles au malheur de la victime, il nous laisse imaginer durant un temps qu’elle soit échappée au coûteau du sacrificateur.
L’émotion sentimentale est toujours moindre, l’émotion artistique est quelquefois beaucoup plus forte. […] Chose curieuse, l’émotion sentimentale fut, ce m’a semblé, tout aussi forte, et de plus je m’aperçus d’un mérite incroyable de composition, d’un art, assurément tout instinctif, des préparations des dispositions prises en vue d’amener un effet final, ou en vue d’éclairer d’avance certaines particularités de caractère par où s’expliquent les incidents et les péripéties ; je m’aperçus, en un mot, que le roman, s’il n’était pas aussi bien écrit que je l’eusse désiré, était aussi bien construit qu’une nouvelle de Maupassant.
Domaine réservé, comment y pénétrer si nulle analogie n’existe, nulle correspondance entre des épreuves qui la bouleversent toute et nos propres émotions ! […] » puisque l’émotion, c’est justement l’étincelle qui fait jaillir la lumière dans l’âme du poète. […] Ici, c’est l’émotion intime qui suscite la qualité de l’accent. […] Elle le concentre en elle, elle en est ravagée, mais plutôt en mourir que dévoiler le mystère de ses troublantes émotions ! […] Elle subordonne son émotion à la vision d’un maître et les influences se révèlent, disons mieux : elle se révèle à travers ces influences.
Quoiqu’elle l’ignorât, en entrant dans cette chambre elle tressaillit, et comme on lui demandait la cause de son émotion : « J’ai, dit-elle, l’impression distincte d’être venue autrefois dans cette chambre. […] Le mouvement, une fois produit, se creuse mécaniquement un canal dans la masse cérébrale ; par cela même la résistance diminue, et avec la résistance l’émotion agréable ou pénible qui avait été pourtant la cause première de tout le reste. […] En vertu de cette loi de « diffusion nerveuse », les mouvements réflexes peuvent, de telle cellule ébranlée sous l’influence d’une émotion, se propager aux cellules plus ou moins voisines : c’est une série de contre-coups. […] En somme, c’est toujours l’émotion résultant de l’appétit qui est le premier ressort, le primum movens ; l’intelligence en est le substitut progressif et l’abréviation. La mémoire intellectuelle est un ensemble de signes au moyen desquels la conscience arrive à renouveler les idées par leurs contours sans renouveler les émotions et efforts qui en occupaient primitivement le fond.
Enfin, lorsque dans ces récits d’où la personnalité morale de l’auteur est presque absente, un peu d’émotion vient à se glisser, le ton change encore. […] Maupassant et Pierre Loti, pour ne citer que deux auteurs, nous ont communiqué des émotions d’art autrement profondes et complètes. […] Pour lui tout y est souvenir, habitude, émotion. […] Il a raison encore, parce que la description prolongée suspend l’action et arrête l’émotion, cette petite cloche dont la vibration, plus ou moins forte, doit s’entendre toujours. […] Les écrivains auxquels manque ce don d’émotion ne peuvent être, dans la littérature de fiction, que des descriptifs.
On trouve, dans ce dialogue, ce que les grandes pensées ont d’autorité et d’élévation avec l’expression figurée nécessaire au développement complet de l’aperçu philosophique ; et l’on éprouve, en lisant les belles pages de Montesquieu, non l’attendrissement ou l’ivresse que l’éloquence passionnée doit faire naître, mais l’émotion que cause ce qui est admirable en tout genre, l’émotion que les étrangers ressentent lorsqu’ils entrent pour la première fois dans Saint-Pierre de Rome, et qu’ils découvrent à chaque instant une nouvelle beauté qu’absorbaient, pour ainsi dire, la perfection et l’effet imposant de l’ensemble. […] La beauté noble et simple de certaines expressions en impose même à celui qui les prononce, et parmi les douleurs attachées à l’avilissement de soi-même, il faudrait compter aussi la perte de ce langage, qui cause à l’homme digne de s’en servir l’exaltation la plus pure et la plus douce émotion. […] Cet éloge si simple d’un grand homme, cette gradation qui donne pour dernier terme de la gloire les affections de son pays, fait éprouver à l’âme la plus profonde émotion.
Cette lettre où l’émotion intime s’encadre dans une vision de paysage, c’est une méditation lyrique. […] Le monde ne peut subsister sans les convenances ; les convenances interdisent la libre expansion de l’individualité ; l’émotion intense, l’émotion sincère est de mauvais ton. […] Enfin la langue des livres et des salons est un système délicat de signes aptes à représenter des idées ; elle est indigente de formes figuratives des choses concrètes, vide de propriétés évocatrices des émotions.
Vous avez immolé en vous l’émotion personnelle, vaincu la passion, anéanti la sensation, étouffé le sentiment. […] Plus d’émotion, plus d’idéal ; plus de sentiment, plus de foi ; plus de battements de cœur, plus de larmes. […] Leconte de Lisle ne voit que spectacles étranges et saisissants, qu’il reproduit avec une science consommée, sans que son émotion intervienne. […] Mais alors que d’autres se crurent quittes envers l’art et envers eux-mêmes quand ils eurent poussé tel quel le cri arraché à leur chair sanglante par le hasard des heures mauvaises, Leconte de Lisle se haussa toujours jusqu’à une parole d’humanité universelle et voulut que toute glose devint inutile en éliminant de ses poèmes une allusion indiscrète aux événements particuliers qui leur avaient donné naissance, et, comme il refusait fièrement d’avertir et d’apitoyer, on déclara par arrêt sommaire que ses strophes étaient dénuées de sens et indigentes d’émotion.
Mais ce qui domine et enveloppe l’instruction et la biographie, la morale et l’histoire, dans ces oraisons funèbres, c’est l’émotion personnelle de l’orateur. […] Par là, plus largement encore que dans les Sermons, se répand la poésie, poésie de la nature ou poésie du coeur, tableaux pittoresques, ou émotions exaltées. […] Il débite des choses sensées en termes propres ; ses sermons sont tout unis, sans variété, sans émotion : les déductions sont exactes, les portraits fidèles ; les divisions, les subdivisions rigoureuses et multiples. […] Il y a réellement de la chaleur dans Bourdaloue : une sincérité profonde, le désir et le plaisir de rendre la vérité sensible, la charité aspirant à l’utilité des âmes, dégagent insensiblement, à travers le tissu serré des raisonnements, une émotion de qualité très pure et très fine, qui va au cœur : émotion d’autant plus puissante qu’elle ne fait rien pour s’étaler. […] Cet ancien professeur de rhétorique avait une vraie foi, une émotion sincère, et de là une forte éloquence qui éclatait parfois : mais à l’ordinaire il ne pouvait se tenir d’amplifier sa matière, avec force hyperboles et grands mouvements.
Il fut poète, comme plus tard orateur et homme d’État, par inspiration, par besoin du cœur : ce fut une fonction de sa vie morale, d’ennoblir par le vers ses émotions intimes ; jamais il ne voulut en faire un exercice professionnel, jamais même un pur jeu d’artiste. […] Puis Lamartine sentit le besoin d’objectiver son sentiment : du lyrisme personnel il tâcha de passer à l’épopée symbolique, où les émotions d’ordre universel se dépouillent des expressions trop directement subjectives de l’élégie ou de l’ode, et s’élargissent en s’apaisant. […] Partout le poète prend un objet hors de lui pour y diriger notre émotion ; il fait élection d’un héros, Moïse, un loup, Jésus, une bouteille que l’océan jette au rivage. […] Souvent l’émotion, très douce, s’atténue au point que la poésie retournerait au ton de l’épître classique, n’étaient l’ampleur sonore des vers et la splendeur rayonnante des images. […] Et de fait, sans idées ni émotions, il a rendu les fragments du monde extérieur qui tombaient sous son expérience.
Il a fondé toute sa politique, toute sa religion, toute sa morale sur l’instinct et l’émotion. […] De là l’émotion, la passion ; elle enveloppe le raisonnement, elle est le véhicule de la persuasion. […] Notre goût fait aujourd’hui quelques réserves : il y a trop de tension, trop d’élan, trop d’effusion ; l’émotion est trop complaisamment projetée au dehors, filée ou soufflée. […] Mais cette éloquence n’a tant de prise sur les âmes que par ce qu’elle enveloppe et communique d’émotion lyrique. […] C’est que cette sincérité ne tient pas aux faits, elle est dans l’émotion même qui les altère ou les suppose : avec des débris incomplets de réalité, des traces confuses de sentiments, Rousseau reconstruit le poème de son existence.
II Tout l’appareil des descriptions, des personnages, de la composition, de la forme qui sont les moyen par lesquels l’auteur tend à reproduire fictivement certaines parties et certains aspects de la réalité, forment au total un spectacle dont la beauté se mesure à l’importance et à l’intensité des émotions qu’il suscite. […] L’œuvre s’étage péniblement, elle pousse ça et là ses murs bas, gris, et à demi dressés ; elle est conduite telle qu’elle à sa fin et enserre en ses linéaments confus un immense domaine et une énorme foule ; on y entre fatalement, on y erre, on y reste, et ce n’est point une émotion rassérénante que l’on éprouve à pénétrer dans ce lieu d’ombres ; attiré d’abord et retenu comme par un enchantement, on sent se relâcher la forte main du magicien lui-même, et c’est abandonné, doutant, percevant la vague et menaçante présence d’un nihilisme transcendant, que l’on parcourt l’immense palais peuplé de souffles, déserté, désolé, assombri, et d’où se retire peu à peu l’esprit du maître vers de lointaines retraites d’indifférence. […] L’émotion de sympathie cordiale que suscite le spectacle de vies humaines bien conduites et heureuses, s’attache à l’union aimante de Lévine et de sa femme Kitty, à la noblesse naturelle de leur condition que tempèrent si véridiquement la médiocrité de leurs pensées, leurs inclinations simples comme leurs manières, tous les incidents ordinaires de leur ménage, des singuliers accès de jalousie du mari à la transformation graduelle de la femme en une ménagère sans grand génie. […] Toutes les visions dont le souvenir nous est ainsi présenté, lotîtes les émotions dont on est ainsi saisi, ont existé d’abord et ont frémi dans l’âme du grand écrivain qui les a fixées à jamais eu son œuvre. […] Pour ceux qui connaissent la bienfaisance de l’art, son efficacité à rehausser la vie d’émotions intenses et nobles dont est retirée la souillure de la douleur et de l’égoïsme, c’est par ses œuvres mêmes que Tolstoï paraîtra avoir accompli, sans le savoir, la mission qu’il s’est assignée sur le tard.
Elle écrivait alors, comme elle le dit, sous l’empire d’une émotion, non d’un système. […] Et, tout d’un coup, voici que mon émotion s’arrête et se glace. […] Pierre Leroux ; courez après mon émotion, essayez de la ressaisir, elle est bien loin. […] Les plus beaux jours du talent étaient revenus, l’émotion publique les reconnaissait et les saluait. […] Les émotions des sens ne nous suffisent pas.
On dira peut-être que l’émotion esthétique, qui est commune à tous les hommes, est la preuve que les qualités de nos sensations sont aussi les mêmes pour tous les hommes et par là sont objectives. Mais si l’on y réfléchit, on verra que la preuve n’est pas faite ; ce qui est prouvé, c’est que cette émotion est provoquée chez Jean comme chez Pierre par les sensations auxquelles Jean et Pierre donnent le même nom ou par les combinaisons correspondantes de ces sensations ; soit que cette émotion soit associée chez Jean à la sensation A que Jean appelle rouge, tandis que parallèlement elle est associée chez Pierre à la sensation B que Pierre appelle rouge ; soit mieux parce que cette émotion est provoquée, non par les qualités mêmes des sensations, mais par l’harmonieuse combinaison de leurs relations dont nous subissons l’impression inconsciente. Telle sensation est belle, non parce qu’elle possède telle qualité, mais parce qu’elle occupe telle place dans la trame de nos associations d’idées, de sorte qu’on ne peut l’exciter sans mettre en mouvement le « récepteur » qui est à l’autre bout du fil et qui correspond à l’émotion artistique.
Or, tout dans son œuvre impérissable me verse le vin du ravissement et de l’émotion. […] Je dois reconnaître toutefois qu’au contact de Musset j’ai frissonné avec une émotion plus pénétrante, plus intime, plus douce à mon souvenir. […] J’y ai puisé ma plus pure émotion d’art et de pensée. […] L’œuvre de Victor Hugo est un musée où l’on pénètre toujours avec une émotion religieuse. […] Il n’a pour diriger ses amours vers son Pressentiment que la certitude passagère de ses émotions.
trop généraux doivent épingler nos émotions et les faire saigner. […] Bientôt je vois mon virus dans vos yeux ; je vous injecte mon émotion ; ma douleur est vôtre, vous vous traînez sur mes pas. […] Or, les termes se dérobent pour décrire le caractère particulariste et individuel d’une émotion ainsi contemplée à sa source. […] Il foule ses émotions jusqu’à-ce que jaillisse l’huile essentielle, jusqu’à crier le cri ultime de la vie. […] Il devient l’idée même incarnée, l’émotion palpable, le frère jumeau du moi.
Si l’émotion passionnée manque souvent à la poésie, la sublime émotion des idées ne fait pas moins défaut à la musique. […] Il arrive que les poètes ennuient par leur sécheresse ; ils ne satisfont pas toute l’âme, faute d’émotion : car l’émotion est la route du rêve. […] Il cherche seulement à les sauver tous ensemble par l’amour et les émotions les plus tendres. […] Une littérature purement intellectuelle et cérébrale, qui fuit avec horreur toute espèce d’émotion. […] La situation éloigne, c’est-à-dire excite à l’émotion artistique […].
Thème à Variations (Notes sur un art futur) C’est une opinion surannée, où vivent divers stylistes, que tout est dit, qu’il s’agit de prendre garde à la décoration de nos émotions, de peur que nos émotions n’expirent de l’indifférence universelle.
Les races latine et anglo-saxonne ont une séparation très marquée, une cloison dure entre la raison et l’émotion. […] Voilà la vie d’un être beau, glorieux, apte aux émotions et aux jouissances. […] Plus que ses devanciers, il possède l’émotion qui brise. […] Cette émotion, chez un poète comme Heredia, un vocable vibrant la suscite. […] Une épithète trop riche peut arrêter l’émotion, et le cœur se desserre si l’on sent l’artifice.
Cette observation de Wagner montre que ce serait une erreur de croire, comme certains, que le mouvement manque chez l’homme civilisé pour l’expression des émotions : il est moins visible parce qu’il est plus délicatement manifesté. […] Quand Parsifal la baptise, elle incline la tête très bas, jusqu’à terre, comme succombant à l’émotion : elle s’étend à terre, secouée par les sanglots ; puis le regard de Parsifal semble l’attirer à lui, elle relève la tête et le regarde avec un calme pénétré, tandis qu’il l’embrasse au front. […] Ses gestes sont lourds et gauches : il a l’air étonné comme un innocent (c’est le mot populaire qui peut le mieux rendre l’expression allemande : thor) ; il pleure, rit, brusquement ; les émotions le trouvent sans force, et le récit de la mort de sa mère le fait souffrir comme une blessure ; il bondit pour étrangler Kundry, puis tombe inanimé : c’est bien là le sauvage, le grand enfant. […] Nous avons montré dans le premier acte cette émotion intérieure que l’innocent éprouvait devant la passion du Gral, cette douleur compatissante qui le frappait au cœur. […] Le Journal de Bruxelles : Quel spectacle, depuis que le monde existe, a jamais été offert à l’imagination et à l’âme, qui donne d’aussi fortes et d’aussi nobles émotions que les opéras de Wagner ?
Pour pénétrer plus avant dans la nature de ce sentiment de contraste, il faut, selon nous, outre la sensation proprement dite et ses combinaisons, introduire dans le problème trois autres éléments : l’émotion agréable ou pénible, la réaction intellectuelle de l’attention, la réaction motrice de la volonté. C’est sous forme d’émotion que s’est révélé primitivement à nous le changement. […] A l’origine, il n’y eut pas même besoin que le sentiment de la ressemblance ou celui de la différence se dégageât des émotions et mouvements semblables en fait ou différents en fait : le mécanisme de la vie suffisait pour produire des mouvements semblables dans des circonstances semblables, des mouvements divers dans des circonstances diverses. […] Outre qu’il ne rend compte ni de la sensation même, ni de l’émotion, il ramène la formation de la pensée à un jeu d’impressions passives et reçues toutes faites du dehors ; il méconnaît la part de la réaction dans le cerveau. […] Quant aux diverses opérations « intellectuelles » qu’on oppose aux « sensitives », nous allons voir tout à l’heure, en les examinant plus en détail, qu’elles sont une combinaison ou un développement de la sensation, de l’émotion et de la volonté.
L’émotion est le battant de l’âme. […] Les deux plus habituelles de ces émotions inspiratrices du chant dans l’âme humaine sont l’amour et l’adoration. […] J’en fus tellement frappé, et elles se gravèrent tellement dans la mémoire des gens du château, par suite de l’émotion de la scène qui les suspendit, que je me les rappelle en ce moment aussi nettement qu’au moment où elles résonnaient du creux de la vallée dans mes oreilles d’enfant. […] Les grandes émotions, même celle de la mort, sont lyriques. […] Les gardes nationales, les fédérés, les sociétés populaires, les enfants, les femmes, toute cette partie des populations qui vit des émotions de la rue et qui court à tous les spectacles publics, volaient à la rencontre des Marseillais.
Ses vers intransigeants ne condescendent point aux faiblesses ni aux habitudes du troupeau, n’entrent point dans ses émotions, ne le bercent ni le secouent. « Leconte de Lisle ? […] Un petit poème indien ou gothique se peut ciseler sans émotion. […] Leconte de Lisle ne voit que des spectacles étranges et saisissants, qu’il reproduit avec une science consommée, sans que son émotion intervienne. […] Deux ou trois fois seulement une émotion intervient, un accent d’élégie, d’autant plus pénétrant que le poète n’en est point coutumier. […] Le mépris des émotions vulgaires et le pessimisme spéculatif donnent, je ne sais comment, un orgueil délicieux.
Ces trois genres d’excitations nervoso-musculaires seraient impliqués dans chaque sensation, perception, image, conception, émotion, désir, volition, etc. […] La conscience de la pensée renferme toutes ces phénomènes de pensée et d’émotion qui regardent plutôt le psychologue. […] Dans le second groupe nous pouvons mettre les sensations, les instincts, ou appétits, et les émotions qui représentent l’activité morale. […] Les émotions ont leur racine profonde dans notre personnalité. […] De même, l’émotion peut être considérée comme la forme de sensibilité cérébrale qui est déterminée par les connexions avec les ganglions de sensation des viscères267. » Et ainsi se trouverait justifiée l’opinion populaire qui place dans les « entrailles » la principale source des émotions.
Tous, de « leurs grands yeux bretons, malades d’idéal et de passion voilée », ils regardent, dans le verre plein, le paysage d’hier et l’émotion qui s’y attache. […] D’ordinaire le spectacle qui dans l’un ou l’autre cadre s’agite, c’est un être isolé, une âme de profondeur et d’émotion. […] Malheureusement, il ne se contente pas de dire son émotion ; il veut l’analyser et on s’aperçoit immédiatement qu’il ne comprend rien au poète dont il parle. […] Il rencontre une blonde dont la beauté le frappe et, comme il veut dire son émotion avec quelque détail, il loue chez la nouvelle venue ce qu’il loua chez les autres. […] La pensée s’embarrasse parfois et hésite comme à des lèvres de bègue une émotion trop intense.