Le poëte de Millevoye meurt pour avoir trop goûté de cet arbre où le plaisir habite avec la mort ; l’extrême langueur s’exhale dans cette voix parfaitement distincte, mais affaiblie160 ; il n’a pas su dire à temps comme un élégiaque plus récent, qui s’écrie sous une inspiration semblable : Ôtez, ôtez bien loin toute grâce émouvante, Tous regards où le cœur se reprend et s’enchante ; Ôtez l’objet funeste au guerrier trop meurtri ! […] Nous avons comparé plus d’une fois la muse d’André Chénier au portrait qu’il fait lui-même d’une de ses idylles, à cette jeune fille, chère à Palès, qui sait se parer avec un art souverain dans ses grâces naïves : De Pange, c’est vers toi qu’à l’heure du réveil Court cette jeune fille au teint frais et vermeil : Va trouver mon ami, va, ma fille nouvelle, Lui disais-je.
Et de là vint que son mérite et son succès ne furent pas de pure actualité : assez d’apaisement s’était déjà fait pour que la satire ne put se passer de grâce littéraire, et que cette grâce littéraire fût savourée du lecteur.
Il a su, comme Renan, retenir la grâce et la force de deux cultures opposées ; et son charme complexe vient de là. […] Une forte, fine psychologie, vécue et sentie, non livresque et scénique, d’où l’émotion sortait d’elle-même sans violences et sans ficelles, voilà le mérite éminent des trois œuvres principales976 qu’il a écrites, où par surcroît il a mis toutes les grâces de son esprit et sa forme exquise de style : Révoltée, d’abord, où des parties supérieures semblaient réaliser soudain le théâtre qu’on cherchait, expression intense et simple de la vie intérieure : le Député Leveau (1891), étude vraie encore, peut-être plus facile et plus grosse ; le Mariage blanc (1891), hypothèse psychologique d’une infinie délicatesse et d’une profondeur morale qui ont été méconnues.
Mais il y a, dans cette fantaisie hétérodoxe et compromettante pour saint Pierre, un mélange tout à fait savoureux d’ingénuité, de grâce et de passion. […] Et c’est, je pense, de cette absence d’effort, de cette rapidité à sentir, de cette légèreté ailée que résulte la grâce, ou le charme.
Mais l’idée de donner à des maximes de morale toutes les grâces d’un art, en mêlant aux préceptes des portraits et de la satire, cette idée ne peut appartenir qu’à un esprit supérieur, à une grande nation, à une époque où toute la vie humaine a été vécue. […] Les réfutations de Voltaire sont le moins lu de ses ouvrages ; toute sa grâce et tout son bon sens n’ont pas réussi à ébranler une seule des Pensées.
Le servant du lieu était un jeune garçon d’une vingtaine d’années, blond, au vif regard bleu, qui portait, sans faiblir, à la satisfaction de Moréas, le glorieux prénom d’Amand et qui s’était installé dans la bonne grâce des poètes par l’empressement qu’il mettait à les servir au détriment des autres consommateurs. […] La preuve en est que, quelques jours après, me rencontrant sur le boulevard des Capucines, au sortir de l’hôtel où il était descendu, il vint à moi de bonne grâce : « J’approuve, me dit-il, Moréas et son école de vouloir rétablir l’harmonie grecque et de ramener chez nous l’état d’esprit dionysien.
Sa grâce, son brillant, sa pétulance, le sérieux et parfois le pathétique qui se cachaient sous ces dehors légers, du premier jour il eut tout cela. […] Il a une façon plaisante d’ordonner qui tient aux bonnes grâces de ses manières ; il ajoute toujours en riant : « Et qu’on ait bien soin de Madame !
Mais il faut comprendre que le fait même de l’imitation, le fait intime grâce auquel un écrivain s’enrôle sous telle bannière plutôt que sous telle autre, qu’il parvient à se servir avec quelque succès et quelque originalité de l’esthétique qu’il a choisie, a une cause profonde, et se ramène, comme tous ses actes, à sa constitution intellectuelle, à ses aptitudes, à ses tendances. […] Grâce à ces progrès des sciences morales, notre travail d’interprétation et d’explication doit aboutir à la connaissance complète de l’esprit dont on aura analysé les manifestations et pénétré les parties.
Ils sont, grâces aux dieux, dignes de leur patrie ; Aucun étonnement n’a leur gloire flétrie ; Et j’ai vu leur honneur croître de la moitié Quand ils ont des deux camps refusé la pitié. […] La générosité d’Orosmane, qui délivre les chevaliers chrétiens, et celle de Zaïre qui a demandé et obtenu la grâce de Lusignan, amènent la reconnaissance de Lusignan et de sa fille, et tous les malheurs d’Orosmane et de Zaïre.
Gustave Droz a des parentés plus ou moins de sang et de prétention avec l’Alfred de Musset du Spectacle dans un fauteuil ; il a, comme Alfred de Musset, le sentiment de la grâce et du caprice de la femme. […] voilà, en effet, qui obtiendra grâce dans le cœur de bien des gens, qui ne l’auraient pas faite sans cela pour les deux tiers du livre.
Lui, le satirique qui veut être critique aussi par-dessus le marché ; lui, l’esprit malin, taquin et lutin, — car sa grâce tient parfois du prestige, — a certainement bien trop d’entrain et de mouvement dans la moquerie pour pouvoir, la main encore vibrante du trait qu’il vient de lancer, être l’opérateur patient et à la main sûre qui en dépeçant l’œuvre d’un homme n’a pas pour but de le faire souffrir. […] Si vous voulez les reconnaître tous, allez les compter dans ce livre, pieux à l’esprit, qui a l’élégance d’un autel, et où ils tombent et roulent — lourdes victimes — sous les traits déliés de ce Sacrificateur aux Grâces Moqueuses qui, je l’ai dit, a de Voltaire, mais de Voltaire quand il a séché son encre pâle avec cette « poudre des ailes de papillon » dont il prenait parfois une prise dans la tabatière de Diderot.
» Il y a une grâce touchante dans cette phrase : « L’âme immatérielle, intelligente et libre, sera recueillie par son auteur. » Mais cette grâce et cette force sont à demi cachées ; l’auteur ne les étale point ; d’elles-mêmes elles se font sentir.
Saluons les gens du salon, point trop bas cependant ; nous aurions l’air de roturiers admis dans la bonne compagnie par grâce ou par mégarde, émerveillés de cet honneur extrême, grossissant aux yeux de nos amis notre bonne fortune, agenouillés en public devant nos nouveaux patrons. […] Sur cette force répandez un rayon du ciel, l’élégance, la grâce, la délicatesse : voilà la beauté !
Guizot a raconté d’un tour piquant, et même avec grâce, les premières missions scientifiques de M.
Il aime bien mieux, dans sa naïve jactance pour la gloire de son maître, ne nous faire grâce en rien de ces confessions et communions dérisoires, dont le seigneur de Ferney donnait le spectacle aux grands jours dans son église paroissiale, et de celles, plus dérisoires encore, pendant lesquelles, couché sur un lit de mort supposé, il jouait la solennité de l’agonie tête à tête avec un capucin effrayé, et, par une inexplicable débauche d’imagination, se plaisait à célébrer le scandale avec mystère.
Mais, le jour où il écrivait la Fille de Roland, cet honnête homme a, à force de sincérité, écrit, si je puis dire, une œuvre supérieure à son propre talent… Sans doute, le génie d’expression épique et lyrique n’est pas tout à coup descendu en lui par une grâce divine.
Charles Baudelaire C’est à cette grâce, à cette tendresse féminine, que Pierre Dupont est redevable de ses premiers chants.
Joseph Autran Théâtre de Ponsard : Lucrèce : Par ses familiarités charmantes, la langue de Lucrèce s’écarte, en maints endroits, du langage consacré ; non loin de certains vers dont la grâce exquise émane d’André Chénier, d’autres surviennent qui, dans leur franche et verte allure, apportent un souvenir de comédie.
Ayez de l’enthousiasme et faites-nous grâce de ces analyses pointillées. — Une gloire marchandée, versée à petits coups, convient peut-être aux écrivains à teintes grises dont vous voulez tracer un portrait composé de petites intentions rapprochées ; mais, s’il s’agit d’un poète véritable, lisez son livre et sachez vous incliner.
Les trois mots grâce (pitié, don, beauté) représentent le seul mot gratia.
Avec quelle grâce il revient au style familier, dans les vers suivans : V. 13….
Je suis toujours tenté de leur dire : « De grâce, mes chers confrères, ce n’est pas à moi qu’il faut s’adresser.
Grâce à leur réserve, le petit bijou est demeuré exquis.
Puis, on lui fait grâce : il faut dire qu’Adélaïde, la fille du gouverneur, s’intéresse à lui. […] Mais notamment dans les trois Grâces. […] Ce démon de la volupté est la grâce et le sourire de ce glacial et stupide enfer. […] s’il m’était permis d’implorer encore les Grâces et les Muses ! […] Chateaubriand n’avait probablement, pour obtenir la grâce de son cousin, qu’à demander une audience à l’empereur.
Il en a usé avec beaucoup de grâce et d’esprit. […] C’est encore très borné ; mais il y a de la grâce, de la souplesse, une agréable pureté de forme. […] Quelques-uns de ces gentils poètes ont la grâce ; mais tous nous ont paru, — vous vous en souvenez ? […] Meilhac ait un faible de plus en plus marqué pour la grâce, de ces vieux artifices traditionnels. […] Nous leur devons notre Dieu, et leurs femmes sont souvent des merveilles de grâce et d’esprit ; je leur en suis reconnaissant.
Même grâce attendrie, même charme d’émotion voilée ; seulement, cette fois, ce sont de jeunes visages que nous montre M. […] Mais cette beauté ruinée a de la grâce encore. […] Être une grâce, Emma, c’est être une puissance. […] Elle écoute leur dialogue, voit s’ébattre leurs grâces ; elle les regarde, les aime, ouvre ses bras et les serre sur sa poitrine. […] Le souvenir revêt ses grâces printanières, on l’accueille avec complaisance, on lui fait fête.
Elle a perdu la grâce de l’adolescence ; son allure s’est alourdie. […] Tout au plus est-il permis de juger que leur style manque de quelques-unes de ces grâces auxquelles nous avons accoutumé d’attacher peut-être trop de prix. […] Grâce à M. […] Il a toute la grâce et toute la légèreté d’un de ces abbés de cour qui ne croyaient pas en Dieu, mais feignaient de croire à l’amour. […] Grâce au premier, le monde continue d’exister, mais c’est grâce au second qu’il vaut de ne point disparaître.
» — Grâce ! […] — Grâce ? répéta Iérémeï en le regardant tranquillement, ma fille a crié grâce ici même, là où tu dors, chien maudit ; as-tu fait grâce ? […] Pas de goût, pas de grâce ! […] Je lui fis grâce.
Ombres sans couleur et sans grâce, Ombres noires comme charbon, Ombres froides comme la glace, Qu’importe ?
Mais voici Despréaux, amenant sur ses traces L’agrément sérieux, l’à-propos et les grâces.
Vinet n’a pas eu le même bonheur que Topffer ; il a vu son cher pays en proie aux violents, la culture de quinze années détruite en un jour, ses meilleurs amis dispersés ; il a bu tout le calice d’amertume dont était capable sa nature tendre, et il est à croire que, tout en sentant qu’il en souffrait et qu’il en mourait, sa belle âme en tirait un nouveau sujet de rendre grâces et de bénir.
Ce caractère si peu naturel, ce nous semble à nous autres de sang-froid, était pourtant devenu si naïf chez eux, qu’ils ne le démentirent jamais ; tels ils avaient été à la tribune et au club, tels ils furent à la barre et sur la charrette, se drapant et déclamant encore ; gladiateurs du peuple, ils luttèrent dans l’arène jusqu’au bout, et tombèrent avec grâce.
On lui a su gré de sa parfaite clarté ; mais les détails biographiques étaient souvent lourds et communs : nulle délicatesse, nulle grâce n’est venue les relever.
Sous la voûte tournante et constellée du ciel, par-delà laquelle résident la Trinité, la Vierge, les anges et les saints, au-dessus de l’horrible et ténébreux enfer d’on sortent incessamment les diables tentateurs, au centre du monde est la terre immobile, « où se livre le combat de la vie, où l’homme déchu mais racheté, libre de choisir entre le bien et le mal. est perpétuellement en butte aux pièges du diable, mais est soutenu, s’il sait les obtenir, par la grâce de Dieu, la protection de la Vierge et des saints8 » : lutte tragique, où la victoire assure à l’homme une éternité de joie, la défaite une éternité de supplices.
Calixte Toesca Ici, la splendeur sans défaut de la Symphonie initiale, sa profondeur d’accent et de pensée, l’harmonie parfaite et formidable de son mouvement s’allient aux grâces divines de la Fontaine des Muses pour faire de cette œuvre le plus beau des monuments.
C’est le type dans la disgrâce physique de la grâce morale ; il y a chez cet apôtre du Doute, la haute et intelligente amabilité d’un prêtre de la science.
Ce serait en effet, de temps en temps, un mot, ou un jugement ou même un chapitre intégral devant lequel la Rédaction en Chef, cette héroïne, a eu froid dans le dos et qu’avec cette grâce qui n’appartient qu’à elle, elle a lestement supprimé !
Avant cela, je ne me doutais pas qu’il y eût, dans sa grâce, aucun effort. […] Il a formé l’âme française, qui lui doit une double grâce. […] Grâce aux deux volumes que M. […] Ainsi, son immunité le caractérise ; elle est volontaire et elle a toutes les grâces d’une aubaine. […] votre style est la grâce même : il peut se permettre d’aller tout nu.
Quant à nous, en applaudissant avec tout le monde à la fraîcheur d’idées, à la vérité, il la grâce de ces jolies compositions, nous admirions encore le bon sens de l’auteur, qui sentait que ces excellents sujets de vaudeville n’étaient point propres à la comédie, et que ces pensées si légères s’effeuilleraient en se développant. […] Son art est précisément de saisir ces demi-teintes, ces nuances indécises qui craindraient le grand jour de la scène comique ; son secret est de nous montrer, à distance et de profil, certains objets qui, vus autrement, perdraient une partie de leur grâce. […] Mais pour un léger défaut, qui peut-être même était nécessaire, que de grâce, que d’agrément de détail, quel discernement utile !
Royer-Collard réservait pourtant le fond de sa pensée ; il avait sur la mort de M. de Talleyrand un jugement qu’il gardait par-devers lui, mais il ne le gardait qu’à demi, puisque parlant un jour de l’évêque de Blois, M. de Sausin, dont il respectait les vertus, il disait : « Le mot de vénérable a été fait pour lui : il est peut-être le seul auquel je dirais tout ce que je pense de la mort de M. de Talleyrand. » Je fais grâce des plaisanteries de Montrond qui ne tarissait pas sur cette signature in extremis, et qui, de son ton d’ironie amère et sèche, ne parlait pas moins que d’un miracle opéré « entre deux saintes ». […] Thiers, ministre, une influence assez particulière ; mais même avant cela, en accueillant les deux amis avec cette bonne grâce flatteuse et en les captivant par ses confidences, il savait ce qu’il faisait : il enchaînait à jamais par les liens d’une reconnaissance délicate leur entière franchise. […] Je ne puis cependant élaguer entièrement toute la partie anecdotique qui y foisonne, et qui vient comme autant de pièces à l’appui de tout ce qu’on sait et de ce qu’on a dit de la vénalité, de l’esprit d’à-propos, de l’amabilité, de la grâce, de tous les talents et vices de M. de Talleyrand.
En comparant et en suivant de près ce qu’il rend avec fidélité, ce qu’il élude, ce qu’il rachète, on voit combien il était pénétré de ces grâces. […] Ailleurs, ce n’est plus le gracieux enfant, c’est Andromède exposée au bord des flots, qui appelle la muse d’André : il cite et transcrit les admirables vers de Manilius à ce sujet, au Ve livre des Astronomiques ; ce supplice d’où la grâce et la pudeur n’ont pas disparu, ce charmant visage confus, allant chercher une blanche épaule qui le dérobe : Supplicia ipsa decent ; nivea cervice reclinis Molliter ipsa suae custos est sola figurae. […] Cela ôte de la grâce. » Je ne crois pas abuser du lecteur en l’initiant ainsi à la rhétorique secrète d’André63.
Il y a eu des signes évidents de grâce, de miséricorde dans cette mort. […] Je prie Dieu à tout moment de me faire cette grâce. […] Il s’en fait, par le mouvement, comme de grosses boules vertes roulant par milliers l’une sur l’autre avec une grâce infinie.
L’ancien ambassadeur de Prusse, Luchesini, homme d’une finesse et d’une grâce qui voilaient son habileté consommée, me rappelait au-delà des Alpes et des Apennins la figure et la sagacité du prince de Talleyrand. […] C’était une femme pleine de grâce, de simplicité et d’agréments. […] — Car les hôtes de ces solitudes sont bien rares, et il faut bien s’en défier, ajouta-t-elle avec grâce ; mais il y en a dont l’arrivée porte bonheur à une maison.
Il ne voulait pas davantage se mettre à la suite des grands, et s’en faire le « domestique » : il ne reçut de grâces que du roi, c’est-à-dire de l’État. […] Despréaux, avec une adresse perfide, se fait prier et supplier par un Père Jésuite de lui nommer l’unique moderne qui surpasse à son gré les anciens ; à ce nom de Pascal, si malignement retenu et brusquement lâché, stupeur du bon Père, qui gratifie d’une épithète injurieuse l’auteur des Provinciales ; là-dessus, voilà notre poète hors de lui, qui oublie son artificieuse ironie, et s’emballe à fond, criant, trépignant, et courant d’un bout de la chambre à l’autre, sans plus vouloir approcher d’un homme capable de trouver Pascal faux : cette merveilleuse page, dont je ne puis reproduire la couleur et la vie, donne la sensation de l’homme même : c’est bien lui, avec sa malice railleuse et sa sincérité passionnée, et toujours prenant trop au sérieux les idées pour s’en jouer avec la grâce indifférente de l’homme du monde, qui sacrifie sans hésiter n’importe quelle opinion à la moindre des bienséances. […] Il écrit à Arnauld lui-même qu’il n’a pas pris parti sur le fond de la dispute des Provinciales, et dans une lettre à Racine il se moque également de la grâce augustinienne efficace et de la molinienne suffisante.
Elles nous font l’effet de cabotines jouant des rôles de duchesses dans un théâtre de sous-préfecture : elles ont des grâces épaisses, et un étrange sans-façon, sous prétexte d’aristocratique désinvolture. Ses jeunes filles sont des répliques de l’ingénue banale ; il les a tirées de la même armoire que Scribe : de fades poupées, modestes, patientes, aimantes : la vertu, comme la grâce, réussit mal à Balzac ; son génie commence à la vulgarité et au vice. […] Il voyait distinctement cet effet, et c’est lui qui a fourni à Taine l’idée de l’Ancien Régime : par la vie mondaine, le ressort de l’énergie a été si bien détruit que la noblesse s’est trouvée, en 1792, incapable d’une résistance active : elle n’a su que mourir avec une grâce passive.
Elle répand l’agrément, la grâce sur les notions les plus abstruses. […] Et bientôt c’est, dans la philologie, l’érudition lourde d’ennui qui sait à merveille corriger un texte, mais non plus en sentir la grandeur ou la grâce ; dans l’histoire, la monographie substantielle et indigeste qu’on estime et ne lit pas ; dans la philosophie, la peur des vastes synthèses et la mise sous scellés de la métaphysique et de ses éternels problèmes ; dans le roman, au théâtre, la décroissance de la verve inventive, la froideur, la sécheresse, la vulgarité du terre à terre, l’impuissance à créer un type supérieur ; en toute matière, le style pesant, épais, scolastique, engrisaillé de termes abstraits ou hérissé de vocables rébarbatifs ; bref, tout ce que comprend d’étroit, de rogue, de fastidieux, de glacé, de mort le mot de pédantisme. […] Et en effet, j’admets volontiers que les mythes d’autrefois ont eu leur raison d’être, leur grandeur et leur grâce ; que les dieux et les déesses de l’Olympe, les fées et les lutins des légendes populaires, les anges et les démons de la religion chrétienne ont pu être, aux yeux de nombreuses générations, de commodes incarnations des forces inconnues qui agissent autour de nous et sur nous.
ils pensent que je suis Fort en peine de ma personne : Grâce à Dieu, je passe les nuits Sans chagrin, quoique en solitude. » La belle se sut gré de tous ces sentiments. […] « On me fit voir une grande fille que je considérai volontiers, et à qui la petite vérole a laissé des grâces et en a enlevé… C’est dommage ! […] Remarquez que, même dans ses Contes et dans ses Fables, il est moraliste, et de premier ordre, c’est-à-dire qu’il parle avec infiniment de perspicacité, de grâce, de malice et quelquefois de profondeur, des vertus, peu, mais des ridicules et des vices des hommes.
C’est là qu’il y a ce couplet charmant où se trouve le vers délicieux : Ni la grâce plus belle encor que la beauté… C’est l’introduction au poème d’Adonis. […] Ce qu’il y a de très heureux, ce sont des vers isolés et des couplets, peu longs en général, où La Fontaine retrouve absolument toute sa grâce et tout son charme. […] Vous savez que Thomas Corneille a traduit en vers le Don Juan de Molière, et traduit d’une façon étonnante, extraordinaire d’aisance, de souplesse et de bonne grâce.
Moins j’avais lieu de m’attendre à une grâce de sa part, plus j’en dois être pénétré. […] Ce n’est pas assez que d’en savoir plus qu’eux, il faut leur montrer que nous sommes meilleurs, et que la philosophie fait plus de gens de bien que la grâce suffisante ou efficace. […] Qu’on y voie que tous les honnêtes gens de ce pays-ci sont sensibles au choix qu’elle a fait de moi parmi ceux qui partagent ses grâces. […] Jamais grâces n’ont été moins méritées, plus inattendues ; et jamais reconnaissance ne fut plus vivement sentie et plus difficile à témoigner. […] Le Satirique, faible contre-partie du Méchant de Gresset, n’en a ni la grâce ni la légèreté.
À vrai dire, cette erreur ne nous déplaît pas : elle n’est pas sans grâce. […] De grandes grâces ont été accordées aux écrivains en ces derniers temps. […] Le roman de la grâce n’avait pas encore été écrit. […] Ce sont grâces de surcroît et dont il n’y a pas lieu de tenir compte. […] On ne nous fait grâce d’aucune catégorie, d’aucune spécialité.
Bibliographie : Le Coup de grâce, drame tiré des « Kleine Dramen », de Paul Heyse, par M. […] Retombé dans les (lots amers, il nage comme un enragé, rejoint le canot, demande grâce, supplie qu’on le recueille. […] L’amour maternel agit brusquement chez elle, à la façon de la grâce divine. […] Je l’ai appelé naguère un érotique chrétien ; et il a accepté ce qualificatif avec une extrême bonne grâce. […] Grâce à sa véhémente intervention, le mariage d’Alice et d’Octave est décidé.
Telle est d’abord la question tant controversée de la grâce. Si c’est méconnaître ou altérer en effet le caractère des Provinciales que de ne pas rappeler ce que cette question de la grâce y occupe de place, on ne peut rien comprendre et on ne comprend rien aux Pensées, si l’on n’est suffisamment informé de la question de la grâce avant de les aborder. […] Mettez la grâce : il est bien certain que vous diminuez la nature, et même que vous risquez de détruire la liberté ; mais ôtez la grâce, et donnez à la nature ce que vous enlevez à la religion : il est non moins certain que, dans l’ordre moral, selon le mot célèbre, vous avez fait de Dieu la plus inutile hypothèse. […] Laissons donc de côté les subtilités des théologiens, ou prétendues telles ; ne disputons pas de la grâce efficace par elle-même, de la grâce relativement et de la grâce absolument nécessitante ; quoique d’ailleurs ce soit là presque tout le calvinisme, tout le jansénisme et, par un certain biais, tout le catholicisme. […] C’est du Marivaux tout pur, moins la grâce et moins le bel esprit.
M. et madame Desmousseaux de Givré, qui faisaient avec tant de grâce les honneurs de ces soirées vraiment littéraires, ne sont plus. […] On s’arrachait, dans les maisons où le culte de la littérature s’était conservé, ces livres où l’exactitude de l’histoire s’accordait avec les grâces moins austères du roman. […] Grâce à ce livre, le lecteur apprend que l’auteur d’Indiana descend indirectement du maréchal de Saxe, et par conséquent de l’électeur Auguste II, roi de Pologne. […] Feuillet a déployé beaucoup de talent, d’imagination, de grâce, de finesse, de poésie. […] Ce sursis accordé, il se rendit à la cour et obtint leur grâce.
Non ; ce qui nous intéresse surtout, c’est d’apprendre qu’Aristophane ne développe pas d’intrigues, ne peint pas de caractères ; que son comique est une gaieté sans frein et une fantaisie sans bornes, animant, poétisant le tableau des mœurs publiques ; qu’il est tantôt lyrique et tantôt bas, à la fois cynique et charmant, tel enfin que Voltaire a pu l’appeler un bouffon indigne de présenter ses farces à la foire , et que Platon a pu dire : les Grâces choisissant un tombeau trouvèrent l’âme d’Aristophane . […] Grâce à Dieu, elle n’y pouvait rien comprendre. […] Je la comparerais plutôt à un orateur sacré, plein de grâce et de modestie, qui compte sa propre parole pour rien, et croit avoir fait par ses commentaires tout ce qu’il peut faire, s’il persuade à ses auditeurs de sonder d’un cœur et d’un esprit purs le texte de la Parole divine. Caractère moral de la critique D’où vient celle grâce morale répandue sur les traits et sur toute la personne d’Uranie ?
Tel paraît avoir été toujours le caractère de l’amour de Pétrarque ; s’il fut payé quelquefois de reconnaissance, de grâce et de sourire, il ne fut jamais payé d’aucun retour criminel ; c’était une folie du génie que l’on pardonnait et qu’on encourageait même dans une adoration sans mystère. […] etc. » Ce fut vers ce temps qu’il écrivit ces trois immortelles canzone, odes élégiaques surnommées par les Italiens, à cause de leur perfection, les trois Grâces de leur langue. […] Grâce à ce disciple, digne adorateur de ce maître, ce dithyrambe de l’amour et du souvenir sera bientôt rajeuni dans la langue d’André Chénier. […] XXVI Cependant Rienzi, flottant entre le bon sens, la démence et la fureur, avait fait jeter les Colonne et les princes romains dans les cachots du Capitole ; puis, après avoir préparé l’échafaud pour eux, il était monté à la tribune des harangues, et il avait demandé dans un discours d’apparat leur grâce au peuple romain ; le peuple avait applaudi à la grâce comme au supplice.
Grâce au public et à un concours dont je serai toujours reconnaissant, ce travail rapportait libéralement son salaire. […] Ce journal est nécessaire à certains égards, et commandé, pour ainsi dire, par les lois, parce que, quand quelqu’un est présenté à l’empereur pour être promu à un emploi, il doit être en état de répondre sur les charges qu’ont remplies son grand-père, son père et lui, sur les grâces qu’ils ont obtenues, sur les fautes qu’ils ont faites, sur la manière dont ils en ont été punis, sur la façon dont ils les ont réparées ou en ont obtenu grâce. » Tout le gouvernement est intellectuel dans un pays dont Confucius a écrit le code et spiritualisé toute la constitution. […] Quand elle eut reçu cette grâce, au lieu de redoubler d’attentions et de ne rien oublier pour me persuader de plus en plus qu’elle en était digne, elle n’eut plus que de l’orgueil.
Le colonel n’en était pas lui-même la moindre grâce ni le moindre mérite, car il en était par excellence la bonté. […] Son éloquence à chaînons rompus et à brillantes fusées de génie était surtout, comme celle de madame de Staël, une éloquence confidentielle de coin du feu ; il n’avait pas assez de gravité et de solidité pour une tribune, il avait assez d’inspiration, de grâce et de décousu pour un tête-à-tête. […] La grâce que je demande est donc absolument sans conséquence. […] Je sens d’ailleurs et je proteste que c’est une grâce, et que je n’y ai pas le moindre droit ; mais, pour la rendre moins difficile, ou pour rendre au moins la demande moins défavorable, je ne fais aucune difficulté de faire à M. le général Savary les trois déclarations suivantes : « 1º Si l’Empereur des Français avait l’extrême bonté de m’entendre, j’aurais sans doute l’honneur de lui parler de la maison de Savoie ; « 2º Je ne prononcerais pas le mot de restitution ; « 3º Je ne ferais aucune demande qui ne serait pas provoquée.
Voyez le plus beau des livres chrétiens, l’Imitation : on n’a pas su encore le nom de l’écrivain, on ne le saura jamais ; c’est l’homme sans nom causant avec lui-même et avec ce personnage divin qu’il appelle la Grâce. […] Grâce à Dieu, cet enfantillage a passé, et je n’envie d’autre beauté que celle de l’âme. […] Dieu répandit partout la grâce et la beauté. […] Mademoiselle de Guérin avait vingt-huit ans ; elle n’était pas jolie, selon le vulgaire, bien que les yeux, où se reflète le génie, la bouche, où s’épanouit la bonté, le contour harmonieux et délicat du visage, qui encadre le caractère, les cheveux, grâce de la figure, la taille svelte et souple, qui fait ressortir les formes du corps, la vivacité de la démarche, qui transporte la personne avec la rapidité de la pensée, fissent de cet ensemble un aspect très agréable, plus que suffisant au bonheur d’un époux.
Les cheveux flottaient sur ce front en grandes boucles, les yeux noirs perçaient comme des dards émoussés par la bienveillance ; ils entraient en confidence dans les vôtres comme des amis ; les joues étaient pleines, roses, d’un teint fortement coloré ; le nez bien modelé, quoique un peu long ; les lèvres découpées avec grâce, mais amples, relevées par les coins ; les dents inégales, ébréchées, noircies par la fumée du cigare ; la tête souvent penchée de côté sur le cou, et se relevant avec une fierté héroïque en s’animant dans le discours. […] « Il triomphait de la vulgarité que donne l’embonpoint par des manières et des gestes empreints d’une grâce et d’une distinction natives. […] « Mon frère nous accompagnait aussi quelquefois au bal ; mais, s’y étant laissé tomber malencontreusement, malgré les leçons qu’il recevait d’un maître de danse de l’Opéra, il renonça à la danse, tant le sourire des femmes qui suivit sa chute lui resta sur le cœur ; il se promit alors de dominer la société autrement que par des grâces et des talents de salon, et devint seulement spectateur de ces fêtes dont plus tard il utilisa les souvenirs. […] « Je demande grâce pour les badinages familiers que contiennent les premiers fragments que je vais citer.
Les orateurs savent combien importe le choix des mots sonores, l’arrangement des périodes qui tombent avec grâce et solennité. […] Sur telle pièce de vers qui s’épanouissait au soleil, drue, vivace, parfaite en son genre, sans désirer un inutile surcroît de grâce, le chant est venu se poser comme un oiseau sur un rameau fleuri. […] Grâce à quelque vieil air, resté dans les mémoires, telle piécette de vers a gardé une popularité qu’elle n’avait pas le droit d’espérer. […] Mme Récamier, quoique son ingénuité soit un peu défraîchie, conserve la grâce et la blancheur virginales d’un lys qui se fane dans la tiédeur close d’une petite chapelle.
Jadis, même dans la plus vaste de nos œuvres, dans L’Éducation sentimentale, si l’on ne conçoit, en effet, comme un tout La Comédie humaine ou Les Rougon-Macquart, un homme ne s’est ainsi attaqué à la tâche de donner une image adéquate et compacte de la vie, avec une pareille et si forte ardeur à saisir tout l’existant d’un coup, à le transcrire et le consigner perçu dans son extension matérielle et idéale, de temps et d’espace, de beauté, de grâce, d’énergie, de violence, de pathétique, de pensée. […] Jamais le charme mutin, léger et doux de la petite fille et de la jeune fille n’a été plus délicatement figuré qu’en ces séduisantes créatures, la Natasha et la Sonia de La Guerre et la Paix La première surtout est admirable avec ses joueries, ses petites passions, sa grâce de danseuse minuscule et son gosier d’oiseau chanteur, son premier bal, sa pleine et saine et tendre participation à l’existence de famille, ses câlineries, ses étourdissantes conversations avec sa mère, son premier amour pour le prince André, la saute subite d’ennui, de malaise, de perverse et d’égarée passion qui la détourna de son fiancé, puis sa tristesse de plante froissée, sa reprise à la vie et ce sublime revoir de son aimé agonisant et muet dans l’ombre de la mort, aux pieds de qui elle se blottit et s’apaise ; et certes Anna Karénine ne lui est pas inférieure, l’honnête femme, belle, mûre pour de hautes amours, les yeux un peu fous, rencontrant Wronski dans un bal, se donnant, se reprenant, se compromettant, fuyant enfin avec son amant et prise dès lors de l’irrémissible malaise de la créature incertaine sur son seul bien, traînant avec cet homme pourtant délicat l’existence affreuse de la femme adultère et qui se perdant par son incertitude même, battant des bras autour d’elle dans le vide, succombe enfin dans un suicide fébrile. […] Grâce aux grandes périodes qu’il a su embrasser, les personnages croissent, s’épandent et se dépouillent comme des arbres, apparaissent, brillent, vacillent et s’éteignent. […] Le sentiment d’aise est profond à lire cette merveilleuse idylle de joie, de grâce, de gaieté, d’opulence, de bonté vraie où passent en leur vieillesse bonasse les deux parents entourés des mines espiègles, tendres et fines des petites-filles, de l’enthousiaste petite personne de Petia, au milieu de la foule des hôtes et des clients, entre les servantes, l’intendant, les valets et les veneurs.
Grâce à cette situation suburbaine, il participe de trois côtés à la vue, à l’air libre, à la solitude de la campagne. […] Les jésuites qui gouvernaient cette maison d’éducation n’épargnaient rien, il faut le reconnaître, pour donner à leur enseignement et à leur discipline l’agrément et même la grâce du foyer tant regretté où l’enfant avait laissé sa mère, ses sœurs, ses vergers, ses horizons du premier âge. […] La première est placée dans le temps, la seconde dans l’étendue ; par celle-là les grâces de l’univers sont unes, infinies, toujours les mêmes ; par celle-ci elles sont multiples, finies et renouvelées : sans l’une il n’y eût point eu de grandeur dans la création ; sans l’autre il y eût eu monotonie. […] Dieu nous donna, dans ce petit tableau, une idée des grâces dont il a paré la nature…… » XXV L’heure sonna trop prompte à la lugubre horloge de la chapelle : nous aurions voulu que le temps n’eût plus d’heures ; le grand peintre d’impressions et le grand musicien de phrases nous avait enlevé le sentiment du temps écoulé.
René Boylesve apportait au roman provincial (Mlle Cloque, la Becquée, l’Enfant à la Balustrade) le style de la Princesse de Clèves, des dons d’analyse subtils et nombreux, une grâce souriante, une élégance faite d’ironie et d’émotion contenue, et surtout un cœur intelligent et indulgent. […] André Lichtenberger, Merveilles et moralités de Édouard Ducoté où persiste comme un écho de la sagesse antique, comme un reflet de la grâce légère de Lucien de Samosate. […] Ils ont un charme de vieillesse mélancolique, la grâce fanée des anciennes étoffes, l’attrait d’une masure perdue et dont les toiles brillent à la rosée, dans un massif lointain de platanes et de cèdres… Leur lyrisme hésitant et vif tout ensemble, leur mélange d’ingénuité et de réalisme, leur manque absolu de mesure et de goût leur ont valu une vogue éphémère. […] à la recherche de la troublante Nane, parce que Toulet en la raillant l’a dotée de l’inconstance, de la souplesse, du mensonge, de la niaiserie et de la grâce qui sont les grands charmes féminins.
Tu accepteras en toute bonne foi le vieux récit de la Genèse, où Jéhovah donne au premier Adam la royauté sur tout ce qui existe ; et si cette royauté est dérisoire, si tu es à la fois l’acteur et le héros inconscient d’une comédie ridicule, tu t’y prêteras de bonne grâce, puisque somme toute le meilleur pour toi est encore d’accepter la duperie et de te résigner ! […] Pour le bâtir, les soldats ont donné leurs bras ; pour le décorer, les marchands ont apporté leur or, et les artistes, leurs talents ; pour l’égayer, l’aristocratie a prodigué son esprit et ses grâces. […] La grâce aimable domine partout. […] Tu inondais de ta clarté les chimères décevantes, les ruses et les complots des consciences mauvaises, tu tenais la sauvagerie du Barbare humiliée devant ta grâce.
On a voulu voir dans cette libéralité du puissant ministre envers le futur historien une bonne grâce intéressée, une sorte de carte de visite par laquelle il lui recommandait son nom auprès de la postérité et de l’avenir. […] Sa prose a d’ailleurs de ces négligences pleines de grâce et de franchise comme on les aime dans les vers de Régnier ou de Rotrou.
» Et il le décrit, ne faisant grâce d’aucune circonstance. […] Nicolas Cornet, les questions de la grâce et du libre arbitre qui agitaient alors l’Église sous les noms de jansénisme et de molinisme sont admirablement définies, et Bossuet, par la manière libre dont il les expose, montre à quel point il est dégagé des partis et combien il plane.
Granet, dont c’était le genre, lui dit un jour : « Laissez donc ces tableaux de murailles pour les gens qui ne savent pas faire la figure. » La figure humaine, cette figure d’un être que l’Écriture nous apprend avoir été fait à l’image de Dieu, avec sa grandeur, sa noblesse, sa force, sa grâce, et surtout sa gravité et sa tristesse, c’est en effet le triomphe de Léopold Robert : il s’y est consacré et consumé. […] Pourquoi lui faire plus de grâce qu’à un autre ?
Roger-Lacassagne, nous le montrent surtout avec grâce et douceur dans la familiarité. Aux questions que lui adressait son correspondant sur l’objet commun de leurs études, sur ses chères Pyrénées, il répond modestement et avec bonhomie (octobre 1823) : « Pardonnez, de grâce, à la paresse d’un homme qui se repose de plus d’un demi-siècle de fatigue, lit encore, mais n’écrit guère, rêve souvent et ne pense plus. » Il revient plus d’une fois sur la perte cruelle de ses manuscrits et sur le regret de n’avoir pu compléter tous ses tableaux.
. — J’appris que le roi donnait à Foran 1500 francs de pension en faveur de sa conversion, outre celle de 2000 francs que le roi leur donna, à Villette et à lui, il y a quelque temps, comme chefs d’escadre ; ils sont tous deux nouveaux convertis, et le roi répand volontiers ses grâces sur ceux qu’il croit convertis de bonne foi. » — « 10 mars. — Le roi donne au marquis de Villette, cousin-germain de Mme de Maintenon et chef d’escadre, une pension de 3000 fr. ; il s’est converti depuis peu. » Ces sortes de pensions et de faveurs sont à l’infini : elles sont décernées hautement, données de bon cœur et de bonne foi, non pas comme motif de la conversion, mais après la conversion et comme marque de satisfaction du prince pour un retour à la règle. […] s’écriait l’orateur sacré en terminant, c’est pour cela même que vous multiplierez les jours de cet auguste monarque, et que vous le conserverez, non seulement pour nous, mais pour vous-même ; car, avec une âme aussi grande, avec une religion aussi pure, une religion aussi éclairée, avec une autorité aussi absolue que la sienne, que ne fera-t-il pas pour vous, après ce que vous avez fait pour lui ; et par quels retours ne reconnaîtra-t-il pas les grâces immenses que vous avez versées et que vous versez encore tous les jours sur lui ?
Les principaux de ces poètes, ceux qui avaient le plus d’avenir, se rattachaient à l’ordre d’idées et d’affections inaugurées dès le commencement du siècle par M. de Chateaubriand, et dont la Restauration favorisait le réveil ; et, pour cette autre initiation qui tient plus particulièrement à la forme poétique, ils aimaient à se réclamer d’André Chénier, non pas tant pour l’imiter directement que par instinct de fraîcheur, de renouvellement, et par amour pour cette beauté grecque dont il nous rendait les vives élégances et les grâces. […] C’est ainsi qu’il a quelquefois du nerf et de la netteté brillante dans la grâce.
M. d’Ormesson allait toujours recevoir le roi et l’accueillait de bonne grâce : « Sans M. d’Ormesson on ne se réjouirait point dans Paris, dit un jour Henri IV en entrant ; c’est le père de la jeunesse. » Mais quand il avait reçu le roi et l’avait conduit dans la salle du bal, M. d’Ormesson se retirait et s’allait coucher, de bonne heure, laissant son monde en train de plaisirs. […] Il faut qu’ils craignent, ajoute l’honnête d’Ormesson, que recevant si mal une grâce de Dieu, il les en punisse.
Tantôt c’est la femme politique toute pure, sans la galanterie ou sans rien du moins qui y ressemble par la grâce, la femme politique âpre, active, ardente, desséchée comme la joueuse qui a passé des nuits autour du tapis vert, ayant besoin de tenir les cartes à tout prix et de jouer la partie de l’Europe pour ne pas mourir comme d’inanition, pour ne pas hurler d’ennui. […] Tout ce qui est bon et facile aux yeux de la nature lui paraît, à elle, périlleux ou mauvais, vu des yeux de la grâce ; et réciproquement.
Il arrivait pourtant à Sismondi, dans le beau temps de Coppet, et quand la conversation, à certains jours, était des plus vivement engagées entre Jean de Muller, Benjamin Constant et Schlegel, d’être si fort émerveillé de tout ce qui se disait d’étonnant, qu’il en était comme abasourdi ; c’est Bonstetten qui nous l’apprend, et qui l’en raillait avec bien de la légèreté et de la grâce : « Le bon Sismondi est complètement abasourdi ; il m’avouait hier que tout lui semblait maintenant d’une crasse ignorance ; je dus le consoler. […] Elle est pleine de bonté et de grâces pour Mme de Staël ; elle n’est pas moins jolie qu’il y a deux ans, et cependant j’aime qu’elle reparte ; partout où elle se trouve, elle est la destruction de la vraie conversation.
on a fait tout cela pour Louis XIV ; nous savons maintenant jour par jour le compte de ses maladies, de ses indispositions, la nature de ses fièvres, le sujet et la matière de ses indigestions ; on ne nous fait grâce de rien. […] Les médecins liront avec intérêt toute cette description mémorable en son genre, et même, quand on est à demi profane, on partage presque l’enthousiasme du savant et pieux Vallot qui dit en finissant : « Cette évacuation (une très abondante sécrétion finale par les voies urinaires) continua neuf jours de cette même force, et fut tellement avantageuse qu’elle acheva ladite guérison de Sa Majesté, sans aucun accident et sans aucune rechute, et même sans aucun ressentiment de la moindre incommodité du monde ; de manière qu’après cette parfaite guérison, le roi s’est trouvé beaucoup plus fort, beaucoup plus vigoureux et plus libre de toutes ses actions, tant du corps que de l’esprit, et l’on peut dire avec vérité que Dieu a conduit cet ouvrage par des voies si extraordinaires et par des secours et des grâces si particulières, s’étant servi des causes secondes en une conjoncture qui semblait devoir être plutôt destinée au miracle qu’à l’industrie et l’expérience des médecins. » Vallot ne fait là que délayer le mot d’Ambroise Paré : « Je le traitai, Dieu le guarit.
Satan crie grâce et élève clameur de Haro : Haro, Lucifer ! […] De grâce, ne comparons pas Jean Michel ni même les frères Gresban à Sophocle.
C’est injuste, car si nous avions eu de quoi, nous aurions fait comme les autres ; et celui que vous me jetez sans cesse à la tête (ilium tu tuum, ce fils modèle élevé aux champs), si vous étiez homme, vous le laisseriez faire maintenant, tandis que l’âge le permet, plutôt que d’attendre qu’il ait mené votre convoi, trop tard à son gré, pour s’en aller faire après coup toutes ces mêmes choses, dans un âge moins propice. » Je paraphrase un peu ; chez Térence, chaque nuance et intention est indiquée par de simples mots bien jetés, bien placés et qui laissent à la pensée toute sa grâce (ubi te expectatum ejecisset foras, alienore ætate post faceret tamen). […] Au xviiie siècle, la race des attiques se perd : Voltaire est, quand il le veut, le modèle de l’urbanité ; mais l’atticisme léger, cette grâce un peu nue, cette exquise simplicité n’a plus sa place.
Il faut l’entendre nous raconter sa vie, et en prose d’abord ; car sa prose a du naturel et de la grâce : « C’est là que j’ai passé, dit-il, loin des distractions et des entraînements du monde, de 1808 à 1816 ou 17, bien des semaines ou des mois de la belle saison et de l’automne, quelquefois avec un ami, le plus souvent tout seul, et alors dans une solitude si profonde, si complète, que je demeurais des jours entiers sans faire usage de la voix. […] Je ne voudrais pourtant pas, en l’annonçant et la louant comme je l’ai fait, paraître aucunement demander grâce pour elle.
Aussitôt nommé, il en avait fait part au général de l’armée d’Italie, il faut voir en quels termes : ce sont ses premières avances, et elles sont d’une vivacité, d’une grâce toute spirituelle et toute voltairienne. […] La grâce, le goût, l’art de l’insinuation, il faut qu’il les ait eus au plus haut degré pour que, dans ses Mémoires sobres et sévères, Napoléon, racontant ce qui se passa à son retour de l’Italie et de Rastadt, et la manière dont il fut accueilli par le Directoire, les fêtes qu’on lui donna, ait songé à distinguer celle du ministre des affaires étrangères.
Le talent, ce don, cet instrument un peu particulier et qui ne suit pas nécessairement la loi de la vérité intérieure, a gagné chez M. de La Mennais en souplesse, en variété, en grâce et en coloris, sans perdre en force, à mesure que sa rigueur de foi a été davantage ébranlée. […] On prendrait, d’après notre sèche discussion, une idée bien inexacte du dernier livre de M. de La Mennais, si l’on ne s’attendait pas cependant à y trouver un vrai charme de récit, et, sauf le deuil de la foi perdue, auquel peu de lecteurs seront sensibles, bien des richesses d’une grande âme restée naïve, La gaieté elle-même n’en est pas absente : je n’en veux pour preuve que cette page légère où se jouent toutes les grâces d’ironie d’une plume laïque et mondaine.
Seulement M. de Lamartine, bien qu’il n’aille pas moins à pleines voiles dans cette idée, a gardé dans la forme, dans l’application en politique, dans l’extrême tolérance pour les personnes, tout ce qui faisait de lui dès l’abord un poëte d’harmonie, d’onction et de grâce ondoyante ; il procède toujours par voie d’expansion et non d’éruption. […] Il vous initie à tout, et il n’y aurait qu’à le remercier pour tant de bonne grâce et d’aimable confidence, s’il ne partait de là pour jeter, en littérature et en poésie, certaines façons de voir qu’il est impossible d’accepter par rapport à l’art en général, et par rapport à son propre talent, car ce serait une ruine.
L’intimité surtout avait mille grâces avec lui : il y portait un tour affectueux et de bon ton familier ; il s’y livrait en homme qui oublie tout le reste, et en prenait au sérieux ou en déroulait avec badinage les moindres caprices. […] La Fontaine manque un peu de souffle et de suite dans ses compositions ; il a, chemin faisant, des distractions fréquentes qui font fuir son style et dévier sa pensée ; ses vers délicieux, en découlant comme un ruisseau, sommeillent parfois, ou s’égarent et ne se tiennent plus ; mais cela même constitue une manière, et il en est de cette manière comme de toutes celles des hommes de génie : ce qui autre part serait indifférent ou mauvais, y devient un trait de caractère ou une grâce piquante.
Il s’arrête un instant à l’anthropologie préhistorique, disserte sur les mégalithes, effleure l’anatomie, la physiologie, définit, en passant, l’amour avec des grâces lourdes, parvient à la pathologie et s’y multiplie. […] Nous sommes bien heureux vraiment que, à la suite d’une observation si détaillée, l’auteur n’ait pas ajouté un chapitre d’histologie, et nous ait fait grâce de l’autopsie » 86.
À l’Académie, comme dans la distribution des grâces royales, il semble que deux influences se balancent, et que deux courants se font sentir : ou plutôt le même courant porte l’argent du roi vers Despréaux et vers Perrault, jette à l’Académie tantôt Racine et tantôt Quinault, La Bruyère à la suite de Fontenelle. […] Dieu me garde de penser qu’elle saisisse les chefs-d’œuvre des grands écrivains surtout par leurs parties inférieures et caduques, et qu’elle n’en sente pas la vraie grandeur et la grâce intime !
Grâce à cette chasteté qui, pour ne pas corrompre les imaginations, « détruit le sentiment dans l’expression », l’âme s’intéresse à la description de son enveloppe, parce que c’est elle-même qui la décrit. […] Son cygne, je dis le sien, « est fier de sa noblesse et de sa beauté. » Il ôte au cygne de la nature le mérite de sa grâce, qui est de s’ignorer elle-même.
Il y avait dans Mallarmé un faune certes ; je lui trouvai certains jours le geste et la grâce d’un tailleur pour dames idéal. […] L’esquisse merveilleuse s’éparpillait en croquis légers ; la haute théorie s’enguirlandait d’anecdotes charmantes qui, exquises dans leur grâce ou plaisantes en leur malice, valaient un rire juste et sobre. » « On entrait chez Mallarmé, écrit encore un poète de la génération suivante, M.
Bourget à qui Marie-Anne de Bovet enseigna les grâces mondaines va, comme un vulgaire romantique, pleurer en plein air. […] Grâce à lui, nous avons la « satisfaction », sans jamais prendre la peine de connaître ce dont il s’agit, d’en « tirer une leçon morale, chrétienne, intéressante et substantielle ».
À propos de Pinel, par exemple, l’un de ceux qu’il a le mieux connus, et qui était tout l’opposé de lui, qui manquait essentiellement d’élocution et de faconde, Pariset caractérise en termes excellents ce style coupé, sans liaisons, sans cohérence, dépourvu de grâce et de souplesse. […] Pourtant, de telles grâces ressemblent trop à ces fausses beautés poétiques par lesquelles d’habiles versificateurs se piquaient d’éluder élégamment le mot propre ; elles ont l’air d’un jeu et ne survivent pas au petit succès du moment.
Grâce à lui, on sait à point nommé quand et par qui chaque objet de consommation et de luxe a été introduit dans Rome. […] Il rend à Tacite en grâce ce que celui-ci lui prête en autorité.
« Enfin, il fit si bien, dit Retz, qu’il se trouva sur la tête de tout le monde, dans le temps que tout le monde croyait l’avoir encore à ses côtés. » On ne dira pas que je suis insensible aux grâces persuasives de Mazarin ; mais là où je me sépare un peu de M. de Laborde et de ses ingénieuses apologies, c’est dans l’admiration générale du personnage et du caractère. […] Il en laissait avilir la plus belle prérogative, c’est-à-dire les grâces et les bienfaits ; il savait être illibéral en promettant et quelquefois même en donnant ; il accordait trop visiblement à ceux dont il avait peur, et retenait tout dès qu’il pouvait tout.
Les seules parties de son enseignement qui aient été recueillies, le Tableau de la littérature du Moyen Âge, et surtout celui de la littérature au xviiie siècle, sont des modèles de goût, d’élégance dans les recherches et dans l’exposition, et de bon sens rapide revêtu de grâce. […] Qu’on lise les huit articles qu’il a publiés dans le Journal des savants (août 1851-avril 1852), et qui ne sont pas finis ; les deux articles qu’il a publiés dans la Revue des deux mondes (1er août 1851 et 15 mai 1852) : c’est une peinture toujours nouvelle, toujours recommençante, et ne craignant pas même de se recopier (il n’y a pas de redites en amour)16, de cette personne « aux grâces immortelles », et à qui il ne reconnaît plus de défauts.
Honneur de mes cheveux gris, mon fils, mon cher fils, par où ai-je mérité de mon Dieu les grâces dont il me comble dans mon cher fils ! […] Comme musicien, comme jeune homme agréable et sans conséquence, il fut introduit, vers 1760, dans la société de Mesdames Royales, filles de Louis XV : « J’ai passé quatre ans, disait-il, à mériter leur bienveillance par les soins les plus assidus et les plus désintéressés, sur divers objets de leurs amusements. » Il était l’âme de leurs petits concerts ; il s’insinuait avec grâce, avec respect, avec tout ce qu’on peut croire, jusqu’à exciter l’envie des courtisans.
Voici un sujet que je m’étais proposé depuis longtemps pour un jour de fête, pour une Fête-Dieu ou pour une fête de Marie ; car il y entre de la sainteté, de l’onction, de la grâce mêlée à la science, et un pieux sourire. […] Dans ces volumes de l’abbé Gerbet, les introductions, les dissertations sur la symbolique chrétienne et sur l’histoire de l’Église, conduisent à des observations pleines de grâce ou de grandeur, à de beaux et touchants tableaux.
Il compose peu ses sujets à l’avance ; il se fie à sa grâce, en les laissant aller devant lui. […] L’un a pour muses la fantaisie, la grâce et la passion : l’autre a la passion, l’étude et la réalité.
C’est un fantaisiste ; c’est une imagination très vive qui pousse devant elle ; c’est un esprit flaireur et, mieux que flaireur, c’est un esprit découvreur, mais qui se grise souventes fois avec ses découvertes ; c’est par-dessus tout, enfin, un humouriste, ayant cette faculté délicieuse de l’humour, qui tient tout à la fois de la gaieté et de la mélancolie, et qui se permet d’aller, mais en se faisant pardonner à force de grâce, jusqu’à l’extravagance. […] Sainte-Beuve préparait longuement sa leçon, il l’élaborait, la mâchait, la remâchait, la mastiquait et la répétait à des chaises rangées en rond, autour de lui, dans son triste salon chocolat ; tandis que Chasles jouait avec la sienne comme un chat avec un oiseau, et la débitait pétillante, avec des grâces félines et une voix qui n’était, par exemple, ni celle d’un chat ni celle d’un tigre, mais bien la voix la plus spirituelle, la plus mélodieuse et la plus caressante qu’on pût entendre.
Le romancier qui soutient trop une thèse (voilà le défaut, malgré la grâce et les ressources de son talent), pose en fait que tous les gouvernements sont, (l’essence, les ennemis de la pensée, de l’art, de la poésie, ce qui n’est pas nécessairement, et il le prouve (on prouve tout ce qu’on veut quand on a de l’esprit et de l’invention dans l’esprit) par trois romans historiques qu’il a comme incrustés dans un premier roman, qui est la base même de sa thèse, discutée entre Stello, le poète spleenétique, et le docteur Noir, son médecin. […] … Quel rapport, direz-vous, existe-t-il entre Pascal, — le mâle Pascal, mâle jusqu’à la monstruosité, — janséniste, misanthrope, lycanthrope, génie effaré et terrible, et Vigny, femme par la pitié, grâce par le génie ; Vigny de la « Tour d’ivoire », sur lequel on exécute, quand on en parle, la symphonie en blanc majeur de Théophile Gautier ; Vigny, albâtre et albatros, qu’on pourrait très bien faire seigneur de Cinq-Cygnes, car il en entre certainement plus de cinq dans la composition de sa personne et de sa Muse… Quel rapport ?
À la délicatesse infinie, aux grâces soutenues, aux nuances choisies de son style, on reconnaît le rayon pâle et charmant d’un jour affaibli qui s’éteint. […] Les grâces ravissantes, le style divin, la nonchalance, la vivacité, l’enthousiasme de Platon couvrirent bientôt l’éclectisme d’une moisson de fleurs ; ce fut un jardin après un souterrain. — Mais le jardin était étroit ; Platon n’avait fait qu’indiquer le monde idéal ; ses dialogues semblaient un préambule plutôt qu’un voyage ; d’ailleurs son principal ouvrage, le Parménide, paraissait inintelligible.
Il en garda une grâce, mais superposée, si l’on peut dire, à une très vigoureuse virilité. […] Je trouve souvent, je l’avoue, plus de précision et de force que de grâce dans les descriptions de Rousseau, qui d’ailleurs eut à créer, en partie, le vocabulaire du genre et comme son outillage verbal. […] Génies mélodiques, analogues au sien par la veine heureuse et la grâce. […] non, mais souffle du ciel, zéphyre aux grandes ondes aériennes : j’entends le fort Zéphyre des poètes anciens, chargé de germes et d’odeurs et qui, partout où il passe, promène de beaux frissons où se joue la lumière… Car, tandis qu’on accorde à Lamartine l’abondance et la grâce, on semble lui refuser la force et le pittoresque, ou plutôt on ne songe plus à se demander s’il les a. […] L’évêque est convaincu qu’il y a, dans le sacrement de l’ordre, une « grâce » qui changera l’âme du nouveau prêtre, qui lui communiquera la force de résister aux tentations et de tenir ses engagements sacerdotaux.
Grâce à Dieu, non ! […] Les Grâces étaient trois, les Muses étaient neuf ; Et c’est là ce qui fait sacré le nombre douze, Et treize fatal. […] Grâce à l’appui occulte de l’Allemagne incarnée dans son chancelier, M. de Bismarck, qui y jouale rôle hypocrite « d’honnête courtier », l’Angleterre et l’Autriche se partagèrent les dépouilles des vaincus. […] » dit le général Stroukof à ses officiers, et le matin du 2 janvier, avec un faible détachement de cavalerie, en tout neuf escadrons, il se jette, à la grâce de Dieu, tête baissée, au cœur de la Turquie. […] Une grâce aisée, une modestie naturelle cachait le sérieux de son esprit ; une tendresse presque féminine servait de voile à la fermeté de son caractère.
Jamais, dans les vrais siècles de grandes et vertueuses œuvres, on n’a songé ainsi à étaler cette plainte secrète ; on travaillait, on mûrissait, et se sentir mûrir console des fleurs qu’on n’a plus : on croyait à ce perfectionnement intérieur qui va à l’inverse des grâces riantes et qui, en définitive, sait s’en passer.
Tantôt c’est un oiseau de mer qui rase l’écume de ses ailes, et suit avec grâce les contours des vagues ; tantôt c’est un coursier qui s’abat, se redresse et frémit d’effroi.
Derrière cette vérité, notre Molière en aperçoit une autre, plus universelle, plus humaine, moins étroitement chrétienne : les dons isolément les plus précieux, naissance, beauté, amour, grâce, courage, esprit, intelligence, corrompus par leur assemblage même, tournés eu monstrueuse scélératesse par le dérèglement et l’impunité, et portant pour fruits l’égoïsme féroce, le scepticisme insolent, le libertinage capricieux.
Vous me permettrez donc d’y regarder d’un peu près et me ferez la grâce de ne point m’accuser d’immoralité avant d’avoir lu mes conclusions.
La Loire est une femme : elle a la grâce — et de terribles caprices.
Grâce à ce sortilège, Villiers dompta les mauvaises aventures où d’autres auraient sombré, et il lui fut accordé d’écrire ces drames et ces contes, ces ironies et ces lyrismes par lesquels il demeure pour nous, amis de la première ou de la dernière heure, le maître inoubliable et absolu.
Une lettre de madame de Sévigné, du 6 novembre, raconte avec sa grâce ordinaire comment le roi, sous le nom d’un certain Langlée, espèce d’aventurier qui tenait un jeu à la cour, lui donna la plus belle robe dont on eut jamais eu l’idée : « M. de Langlée a donné à madame de Montespan une robe d’or sur or, rebrodé d’or, rebordé d’or, et par-dessus un or frisé, rebroché d’un or mêlé avec un certain or qui fait la plus divine étoffe qui ait jamais été imaginée : ce sont les fées qui ont fait cet ouvrage en secret.
D’ailleurs, malgré leur grâce ou leur langueur, ni prairial, ni brumaire n’auraient pu, de longtemps, évoquer tout ce qu’il y a pour nous dans le triste octobre ou dans le clair mai : Tunc etiam mensis madius florebat in herbis.
Grâces lui soient donc rendues, ainsi qu’à cette jeunesse puissante qui a porté aide et faveur à l’ouvrage d’un jeune homme sincère et indépendant comme elle !
Sous les différences que maintiennent entre eux les sociétés particulières ou les races spéciales auxquelles ils appartiennent, il faut que nous ayons retrouvé leurs ressemblances, grâce auxquelles nous les posons comme faisant également partie de la société humaine, du genre humain.
« C’est Dodoche », nous disait avec fierté, un petit bonhomme qui lui faisait vis-à-vis, et Dodoche flatté d’être regardé par les trois seuls hommes en chapeaux du bal, prenait soudain à bras-le-corps sa danseuse, et la jetait avec une grâce adroite dans l’orchestre. […] Un monsieur arrive, mince, maigre, rêche, la barbe pauvre, l’œil dissimulé sous ses lunettes ; mais sa figure, un peu effacée, s’anime en parlant, et son regard prend de la grâce en vous écoutant. […] Mon regard suit, au bout de la chaise où la main s’appuie, ce corps de femme vaporeux et remuant, toute cette dislocation voluptueuse et harmonieuse, de la grâce qui s’assouplit, de la légèreté qui se travaille. […] la vilaine et l’antipathique race que ces Normands, avec leurs paroles avares, leur sourire de paysan qui vous attrape, leur teint rouvant sur lequel il semble qu’il y ait du givre, leurs sourcils blancs, leurs yeux de faïence, leurs regards aigres comme leurs pommes, leur rapacité sans la grâce et la polichinellerie du Midi. […] Alors, avec une grâce charmante, il donna sur la joue du vieux, une petite tape de gronderie amicale — et passa dans l’effort de ce geste.
Il trouve à Ronsard la grâce de la force, « la grâce des lions lorsqu’ils sont amoureux » ; il aime son « emportement de geste si impérieux dans la caresse ». […] On se plaît à la grâce fine, à l’aisance familière et noble de son style. […] Pouvoir prochain, grâce suffisante, que vous occupez peu ce monde de fanfreluches ! […] J’imagine sa grâce frêle de jeune fille, non point jolie, mais charmante de douceur et de langueur fine. […] Le sage de Platon porte son manteau « avec grâce et en homme libre ».
Tu es la seule source de toutes les grâces, la seule vraie beauté ! […] Grâce à elles, vous serez peut-être “actif et utile”, et, si vous mourez sans connaître votre nature ni votre sort, vous laisserez peut-être après vous une grande renommée, et en tout cas un bon souvenir à vos proches et à vos amis. […] Toute la grâce du sujet est dans la conception même d’une si charmante affectation de naïveté. […] M. de Amicis évite le plus souvent cet écueil, grâce à son enjouement et à sa souplesse, grâce aussi à un tact qui l’abandonne rarement. […] Mais, en même temps, il conserve tous ses doutes « sur la rigueur logique dont on se sert pour établir certaines vérités religieuses », et repousse sans hésitation la doctrine protestante sur la question de la grâce.
Et il me semble que je devine à peu près pourquoi les meilleurs de nos poètes n’ont pas réussi à peindre la grâce de l’enfance : c’est que, en vérité, c’est trop difficile. […] Chez l’enfant, justement, la grâce est quelque chose d’indécis ; ce sont des sentiments à peine ébauchés ; c’est une parole encore incertaine. […] C’est le mérite de Victor Hugo d’avoir conservé à l’enfant dans certaines pièces, comme la pièce intitulée À des oiseaux envolés, ou celle qui est intitulée L’Enfant de Louis, toute sa grâce. […] à ce qu’il se jette, respectueux et timide, aux pieds de la jeune fille et lui demande de lui faire la grâce de devenir sa femme. […] Verlaine, dans l’intervalle, étant passé grand homme, plusieurs de mes amis l’invitèrent à dîner et me firent la grâce de me convoquer à ces agapes extra littéraires.
Il crut que la jeune fille venait lui demander grâce et eut un méchant sourire. […] Les détracteurs se taisent, devant ces pages de force et de grâce, en attendant qu’ils crient des éloges avec affectation. […] J’ai envie de demander grâce et en même temps la haine des Morticoles. […] La duchesse d’Orléans, femme de Philippe-Égalité, ne trouve non plus grâce devant elle, et rien n’est plus curieux que le récit qu’elle fait de son mariage avec le député Rouzet, amant de la propriétaire de l’hôtel de Nantes. […] » Celle-ci ne se fit-pas attendre, pas plus que la rentrée en grâce du jeune militaire, que nous retrouvons à la Malmaison, séjour charmant sur lequel il donne de précieux détails.
Il s’en est acquitté avec une bonne grâce et une dextérité de parole qui ne lui a pas fait défaut en d’autres circonstances plus graves et dans de vraies luttes, où il avait en face des adversaires : ici il n’avait en présence que des amis ou des curieux.
Soumet, nous dit-on, dans la vie privée, avait de l’esprit, de la grâce, une sorte de courtoisie romanesque qui se conciliait d’une manière assez aimable avec les vanités du poëte et de légers ridicules.
Puis pendant des siècles, une à une, les provinces qui entreront dans l’unité nationale recevront la langue de France, et mêleront à son esprit leur génie original : ce sera la rude et rêveuse Bretagne, réinfusant dans notre littérature la mélancolie celtique, ce sera l’inflexible et raisonneuse Auvergne, Lyon, la cité mystique et passionnée sous la superficielle agitation des intérêts positifs ; ce sera tout ce Midi, si varié et si riche, ici plus romain, là marqué encore du passage des Arabes ou des Maures, là conservant, sous toutes les alluvions dont l’histoire l’a successivement recouvert, sa couche primitive de population ibérique, la Provence chaude et vibrante, toute grâce ou toute flamme, la Gascogne pétillante de vivacité, légère et fine, et, moins séducteur entre ces deux terres aimables, le Languedoc violent et fort, le pays de France pourtant où peut-être les sons et les formes sont le mieux sentis en leur spéciale beauté.