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795. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

Il a pour horizon, au midi, de beaux jardins, des vergers, et la citadelle de Spandau. […] L’un, sensible à la séduction des femmes, lié avec les plus belles actrices des théâtres de Berlin ; l’autre, absorbé dans les livres, et ne recherchant que les savants. […] Tous ses désirs tendaient à amener chez lui, en qualité d’épouse, la belle Caroline Dawscherode. […] Ils suivirent en sortant de là une belle forêt de châtaigniers, sur un chemin étroit et pierreux qui se dirige vers les hauteurs du volcan. […] Mais un spectacle plus beau, plus agréable, s’offrit à Humboldt, dans la nuit du 4 au 5 juillet.

796. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

Il est très vrai que la plus belle poésie est faite d’images, mais d’images expliquées. […] Notre poésie a toujours trop ressemblé à de la belle prose. […] Avez-vous rencontré, fût-ce chez sainte Catherine de Sienne ou chez sainte Thérèse, plus belle effusion mystique ? […] On a beau fermer les volets : toujours quelque fente laisse passer un rayon qui les attire. […] Ici, une idée fort belle : Elle ne savait pas que l’enfer, c’est l’absence.

797. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

la plus belle place est encore à l’esprit. […] Ce qu’on appelle la société est loin d’être favorable au développement des jolies mœurs et des beaux caractères. […] Au village, il trouvera la grossièreté, l’ignorance, l’inintelligence des choses fines et belles. […] Ils seront beaux, ils seront aimables, ils seront poétiques. […] On aura beau faire, ces pratiques modernes ne seront jamais que niaises.

798. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Il me rappelle ces beaux abbés du dix-huitième siècle, si corrects dans leur doctrine, si indulgents dans le commerce de la vie, l’abbé de Bernis, par exemple. […] Baudelaire, qui les a cueillies et recueillies, n’a pas dit que ces Fleurs du mal étaient belles, qu’elles sentaient bon, qu’il fallait en orner son front, en emplir ses mains, et que c’était là la sagesse. […] Il est difficile que quelque chose de beau ou de bon se produise sans que cette société, qu’on dit si matérielle et si endormie, n’en reçoive quelque agitation. […] Un peintre étale au beau milieu d’un salon une toile ambitieuse, d’un dessin douteux et d’une couleur équivoque, on dit au public : C’est du Véronèse ; il s’y rue, et il applaudit. […] » Je ne crois pas que jamais plus beau cantique ait été chanté à la gloire du Poète, ni qu’on ait jamais exprimé en plus beaux vers la noblesse de la douleur et la résignation des âmes privilégiées.

799. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Mais comme le divorce entre eux n’est pas nouveau, Et que peu de beaux corps, hôtes d’une belle âme, Assemblent l’un et l’autre point, Ne trouvez pas mauvais que je ne cherche point. […] Tout cela est absolument honorable et c’est un beau moment devant lequel on aime à s’arrêter dans la vie de La Fontaine. […] Le Louvre vous inspirera de plus belles choses, de plus nobles et de plus grandes idées que ne l’aurait jamais fait le Parnasse. […] La Fontaine, évidemment, n’a pas eu une belle vie. On ne peut pas dire, quelque indulgence que l’on puisse avoir pour lui, on ne peut pas dire qu’il ait eu une belle vie.

800. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

L’histoire littéraire est une branche de savoir, émancipée depuis Bacon, lequel a là-dessus une belle page. […] Pour elles, la page blanche de l’esprit n’aura reçu tout d’abord que des notions justes, et l’introduction à la connaissance du beau se passera de ratures. […] En parlant du Tasse, il a dû s’interdire d’entrer dans les jardins d’Armide ; il ose pourtant indiquer Clorinde, la belle guerrière, Clorinde qui du moins mourra chrétienne et baptisée. […] les principes sont posés, la méthode est donnée, et l’habile professeur a pris toute sa revanche dans la partie du poème didactique qui s’applique à l’étude et à l’amour des champs, et dont il a trouvé de si beaux et si doux exemples, de Virgile à Lamartine. […] Il ose dire, par exemple, que la tragédie classique est morte et de sa belle mort « de mort naturelle » ; que le drame est désormais la seule forme possible.

801. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vigny, Alfred de (1797-1863) »

La belle imagination de l’auteur s’est fortifiée en se purifiant ; son style, sans rien perdre de sa flexibilité, de sa fraîcheur et de son éclat, a perdu les défauts qui le déparaient. […] Je l’aimai de l’amitié qu’on a pour un beau ciel. […] L’épée et la plume étaient dignes de sa main loyale ; s’il souffrit toujours, c’est parce qu’il ne voulut jamais rester étranger à la misère des siens, et nulle mauvaise pensée ne troubla l’ineffable sincérité de son beau sourire ! […] On relira éternellement cette page du Mont des Oliviers, et, à travers ces beaux vers et ces magnifiques pensées, on peut entendre comme le sanglot viril du poète. […] Et, d’une manière générale, jusque dans ses plus belles pièces, — jusque dans Éloa, jusque dans sa Maison du Berger, — sa liberté de poète est perpétuellement entravée par je ne sais quelle hésitation ou quelle impuissance d’artiste.

802. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 29, qu’il est des païs où les ouvrages sont plûtôt apprétiez à leur valeur que dans d’autres » pp. 395-408

Cette inaction, l’occasion continuelle de voir de beaux tableaux, et peut-être aussi la sensibilité des organes plus grande dans ces contrées-là que dans des païs froids et humides, rendent le goût pour la peinture si general à Rome, qu’il est ordinaire d’y voir des tableaux de prix jusques dans des boutiques de barbiers, et ces messieurs en expliquent avec emphase les beautez à tous venans, pour satisfaire à la necessité d’entretenir le monde, que leur profession leur imposoit dès le temps d’Horace. […] Les italiens presque aussi amoureux de la gloire de leur nation que les grecs le furent autrefois, sont très-jaloux de cette illustration qu’un peuple s’acquiert par la science et par les beaux arts. […] Mais les italiens ne pensent pas de même sur les beaux arts. […] Le Poussin que nous vantons tant aujourd’hui, fut mal soutenu par le public lorsque dans ses plus beaux jours il vint travailler en France, mais quoi qu’un peu tard, les personnes désinteressées et dont l’avis est conforme à la verité se reconnoissent, et prenant confiance dans un sentiment qu’elles voïent être le sentiment du plus grand nombre, elles se soulevent contre ceux qui voudroient faire marcher de pair deux ouvriers trop inégaux. […] Si les beaux tableaux sont presque tous renfermez à Paris dans des lieux où le public n’a pas un libre accès, nous avons des théatres ouverts à tout le monde où l’on peut dire, sans craindre le reproche de s’être laissé aveugler par le préjugé de nation presque aussi dangéreux que l’esprit de secte, qu’on représente les meilleures pieces de théatre qui aïent été faites depuis le renouvellement des lettres.

803. (1762) Réflexions sur l’ode

Lucrèce en est un bel exemple. […] La Motte a prétendu que ce qu’on appelle dans l’ode un beau désordre, est au contraire le chef-d’œuvre de la logique et de la raison ; le tout à l’avantage des odes didactiques qu’il a rimées. […] contentez-vous d’en lire de belles. Vous en trouverez de cette espèce (et ce sont peut-être les meilleures) ou il n’y a ni fureur poétique, ni invocation, ni que vois-je, ni que sens-je, ni prétendu beau désordre. […] Toute poésie, on en convient, perd à être traduite ; mais la plus belle peut-être est celle qui y perd le moins.

804. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pierre Dupont. Poésies et Chansons, — Études littéraires. »

Sans le mare clausum, sa défense régicide et ses fonctions de secrétaire chez Cromwell, Milton eût donné probablement un Paradis retrouvé aussi beau que son Paradis perdu. […] Pierre Dupont me paraît légèrement chétif en comparaison de ce robuste jeune homme qui aurait mordu, avec ses dents si belles, dans toutes les jouissances de la civilisation et de la vie, comme dans un morceau de pain blanc ! […] Ceux qui s’obstinent à voir un bel élégiaque dans Hégésippe n’y connaissent rien. […] C’est un ennemi de la guerre qui finit une de ses plus belles chansons (non paysanne, celle-là ! mais belle !)

805. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Vous jouirez d’une belle courbe de pensée historique. […] Quel beau problème à agiter dans une assemblée de cardinaux ! […] Jaloux dans La Fin d’un beau jour. […] Elles sont belles avec vingt-quatre ou douze chants. Elles seraient belles avec quarante-huit ou six.

806. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — J — Joncières, Léonce de »

Il me faut bien avouer que les beaux vers sonores de M. de Joncières, coulés en un métal très pur et dans un moule d’une rigueur voulue, m’ont enchanté par leur musique, déjà connue peut-être, mais dont le temps ne m’a jamais lassé. […] À la vieille terre d’Égypte, toujours mystérieuse au seuil des civilisations, nourricière des races spiritualistes invinciblement, gardienne des religions et des traditions augustes, il a emprunté le décor de ces courts poèmes et aussi la mélancolie qui, des grands yeux de pierre des Sphynx, se répand encore sur l’humanité comme l’ombre du plus beau rêve que l’homme ait conçu. […] L’auteur, un peintre dotaient, est coloriste, et c’est à l’Orient qu’il a demandé la magie de son soleil et les sujets de ses belles envolées de poète.

807. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

Il est beau, grandement beau, énormément beau, avec du bleu du ciel dans les yeux, avec le charme du chantonnement de l’accent russe, de cette cantilène où il y a un rien de l’enfant et du nègre. […] — Le beau est simple, reprend Saint-Victor, il n’y a rien de plus beau que les sentiments d’Homère, c’est éternellement jeune… Voyons Andromaque, c’est plus intéressant que Mme Marneffe ! […] C’est plus beau, mille fois plus beau qu’Homère, que la « Retraite des Dix Mille », que tout. […] Il y a de la belle passion désintéressée dans les haines du critique. […] Comme repos, c’est coupé de pipettes, que Flaubert brûle vite, et de dissertations littéraires, et de thèses tout à fait en opposition avec la nature de son talent, et d’opinions de parade et de chic, et de théories assez compliquées et assez obscures, sur un beau, non local, non spécial, un beau pur, un beau de toute éternité, un beau, dans la définition duquel il se perd et s’embrouille, mais dont il s’esquive assez spirituellement par cette phrase : « Le beau, le beau… c’est ce par quoi je suis vaguement exalté ! 

808. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Il est tout frisotté, avec une figure joufflue, de beaux yeux caressants, un petit air endormi. […] que c’était beau !  […] Il y a, chez presque tout le monde un respect, admiratif pour le beau qui ne leur parle pas leur langue. […] On cause santé, et comme quelqu’un fait à la princesse compliment de sa belle santé, elle dit : « Oh ! […] Le beau pour lui est toujours la nature : le beau trouvé comme le beau à trouver… Et encore pour lui le corps humain actuel, dans les beaux échantillons, offre d’aussi beaux modèles que la Grèce.

809. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

L’écrivain a beau lâcher la bride à l’improvisation, sous le jet rapide de la plume, secouant sur le papier, comme le petit chien du conte, toutes les pierreries d’un beau style, l’œil exercé en découvre aisément la trame habilement tissée. […] Les belles fleurs jaunes, les belles fleurs rouges, que ces madras courant Bordeaux sur des tiges souples et remueuses. […] Maurice Bourges, et lui paraît une causerie vive, fringante, alerte, et quant au finale tout entier, il le trouve beau sans restriction. […] On aura beau faire et béait écrire le jugement en matière d’art est dominé par la sensation ; il l’explique, la coordonne et ne la supplée en aucun cas. […] C’est une si belle chose, pour un journal qui n’encombre pas la curiosité publique, de savoir disparaître à propos !

810. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine de Boileau »

Par un des beaux matins des premiers jours d’automne, Le long de ces coteaux qu’un bois léger couronne, Nous allions, repassant par ton même chemin Et le reconnaissant, ton Épître à la main. […] Était-ce donc présage, ô noble Despréaux, Que la hache tombant sur ces arbres si beaux Et ravageant l’ombrage où s’égaya ta muse ? […] Si le même conseil préside aux beaux ouvrages, La forme du talent varie avec les âges, Et c’est un nouvel art que dans le goût présent D’offrir l’éternel fond antique et renaissant. […] Toi dont la ferme idée Fut toujours de justesse et d’à-propos guidée, Qui d’abord épuras le beau règne où tu vins, Comment aurais-tu fait dans nos jours incertains ?

811. (1874) Premiers lundis. Tome I « Bonaparte et les Grecs, par Madame Louise SW.-Belloc. »

La Grèce était sous ses yeux ; il ne pouvait ne pas y penser, « La Grèce attend un libérateur, a-t-il dit depuis ; ce serait une belle couronne de gloire ! […] Mais déjà il en avait changé ; l’Égypte paraissait à son ambition une plus belle arène. […] Et que le rossignol, de sa voix pure et belle, Me raconte que mai fleurit encor nos champs. » Le précis de la guerre durant ces quatre dernières années est un résumé, un peu oratoire, des nombreuses relations récemment publiées. […] Il est beau, il est consolant sans doute de voir, dans les mouvements des peuples, les inspirations de l’esprit de Dieu, et, dans le sentiment qui les pousse au bien-être, la marque infaillible et divine qu’ils l’atteindront ; il serait doux de penser que les obstacles apparents contre l’affranchissement des Hellènes n’en sont que des moyens dans l’ordre de la providence ; qu’Ali-Pacha, par exemple, a servi la Grèce en détruisant les Armatolikes et en renversant les peuplades libres ; que surtout les puissances d’Europe la servent par leur politique indifférente ou ennemie ; que la Russie la sert, que l’Autriche la sert, que la France et Soliman-bey aident à son triomphe : tout cela, encore une fois, serait doux à croire.

812. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Deshays  » pp. 134-138

l’affreuse, mais la belle poésie ! […] Les beaux accessoires ! […] Tout est beau dans le St Benoit qui près de mourir vient recevoir le viatique à l’autel, et l’acolyte qui est derrière le célébrant ; et le célébrant avec son dos voûté, et sa tête rase et penchée ; et le jeune enfant vêtu de blanc qui est à genoux et à côté du célébrant, et le second acolyte qui placé debout derrière le saint le soutient un peu, et les assistants. […] La tête en est belle ; mais on se rappelle le même sujet peint dans un des tableaux placés autour de la nef de Notre-Dame ; et l’on sent tout à coup que le peintre de ce dernier a mieux entendu l’effet des ténèbres sur la lumière artificielle.

813. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VI »

Qui niera cette belle découverte ? […] Il ne s’agit pas de dire : « Taine a écrit en coloriste parce qu’un beau jour il s’est reconnu coloriste. » Non, Taine a voulu peindre ; il a voulu colorer, et il a essayé, il a travaillé, il a lu, il s’est assimilé les auteurs, et c’est ainsi qu’il s’est découvert un talent qu’il n’aurait peut-être pas soupçonné sans cela.‌ […] Le mot de Sarcey lui semble « une belle autorité ». […] Voilà le fait indéniable, qui confirme nos théories, et les plus belles plaisanteries du monde n’y changeront rien.‌

814. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Il s’inquiète peu si sa matière mettra son esprit dans le plus beau jour. […] Il semble qu’il se soit peint dans un portrait de saint Paul, un des plus beaux qu’il ait tracés. […] C’est à jamais le plus beau jugement des temps modernes sur l’antiquité. […] Lui aussi a parlé de notre belle langue ; c’est une de ces grandeurs auxquelles il s’est intéressé. […] Mme de Main tenon, qui ne voulait point le perdre, en rend un beau témoignage.

815. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

On l’appelait Belle de son prénom, abréviation d’Isabelle ou d’Arabelle. […] Hier je rencontrai une belle dame bien parée ; je demandai son nom, c’était encore le même. […] Ma mère a beau gronder depuis ce jour-là, cela ne trouble pas ma joie. […] Voilà un beau propos pour une jeune fille ! […] nous fimes là une belle affaire ! 

816. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

. —  Belle ordonnance de ses plans. —  Franchise et précision de son style. —  Vigueur de sa volonté et de sa passion. […] Ils viennent de le sauver, tant mieux ; la méchanceté en sera plus grande et plus belle. « Torture-les bien, Mosca !  […] Sir Dauphine lui détache une femme prétendue silencieuse, la belle Épicœne. […] Écho, réveillée par Mercure, pleure le beau jeune homme « qui, maintenant transformé en une fleur penchée, baisse et détourne sa tête repentante, comme pour fuir la source qui l’a perdu, dont les chères grâces se sont ici dépensées sans fruit comme un beau cierge consumé dans sa flamme. […] Il a beau vieillir, son imagination, comme celle du Titien, reste abondante et fraîche.

817. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Une de ces poésies les plus pathétiques est l’ode qu’il adressa à Lucrézia et à Léonora, les deux sœurs de son persécuteur, les deux amies de ses belles années. […] La belle et pieuse Léonora avait été au moins sa Providence à la cour de son frère pendant les plus brillantes années de sa jeunesse. […] Le Tasse restera à jamais aussi le poète des beaux jours de la vie où l’imagination sourit à ses premiers songes. […] Il faut encore remarquer que les idées du Tasse ne sont pas d’une aussi belle famille que celles du poète latin. […] « Mais enfin l’heure fatale qui doit finir la vie de Clorinde est arrivée : Tancrède atteint son beau sein de la pointe de son épée.

818. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

On se demande ce qui les arrête, pourquoi ils ne sont ni plus féconds, eux si faciles, ni plus certains, eux autrefois si ardents ; on se pose, comme une énigme, ces belles intelligences en partie infructueuses. […] Le miroir en son sein est devenu plus large, plus net et plus reposé que jamais, d’une sérénité admirable, bien qu’un peu glacée, un beau lac de Nantua dans ses montagnes. […] Jouffroy gagna le doctorat avec deux thèses remarquables, l’une sur le Beau et le Sublime, et l’autre sur la Causalité. […] » Dans ses leçons sur le Beau, qui par malheur n’ont été nulle part recueillies, M.  […] Il ne s’applique point à la fermeté de Pascal ; sa forme, à lui, quand il lui en faut une, est belle et ample, mais lâchée, comme on dit.

819. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

Ils sont assez beaux, assez nombreux, assez merveilleux pour que nous nous abîmions pendant les siècles des siècles dans une ineffable contemplation des facultés de l’âme. […] Le château, malgré sa belle architecture italienne et ses traces d’antique élégance, était devenu ainsi une magnifique ferme. […] Les soupirs des plus beaux et des plus riches garçons du voisinage n’étaient pas mieux accueillis. […] XVI Cette soirée fut sans doute la plus belle et peut-être la seule belle de la vie du pauvre Didier jusqu’à ce jour. […] Jamais je ne vis rien de si pathétiquement beau que cette Niobé de chaumière sur le corps de son fiancé, au clair de la lune.

820. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Ce sont les spiritualistes, les idéalistes, les gens bien pensants et les plus belles âmes du monde qui nous disent : — Napoléon fut un monstre ? […] Sully-Prudhomme est austère et beau, d’une beauté toute spirituelle, et qui se sent mieux à la réflexion. […] Et si parfois nous avons conçu quelque chose de plus beau ou de plus harmonieux que la réalité, n’avions-nous point l’art pour fixer notre rêve ? […] Ces vers sont nobles et beaux ; ils sont remarquables de netteté, de justesse et de concision. […] Et vraiment, cette plainte, revenant à intervalles réguliers, nous avait semblé plus belle que les froides effusions des deux bienheureux.

821. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Mirabeau est dès l’abord plus ouvert, disant tout, contant ses idées comme ses amours, cœur chaud et brusque, tête ardente, féconde, incohérente, — un brûlot, comme il dit, un vrai volcan : il jette feu et flammes, parfois de beaux jets, souvent de la fumée, des scories, de la cendre et des cailloux. […] Quoi qu’il en soit de ces aperçus toujours sujets à conjectures et qui demanderaient bien des développements, tel était, dans le plus beau de son rôle et dans l’ensemble de sa physionomie, l’homme qui, à vingt-deux ans, se mit à causer de toutes choses par lettres avec Vauvenargues ; et ici nous n’avons plus qu’à les laisser parler l’un et l’autre. […] Comme Socrate, il aimait les jeunes et les beaux pour les diriger à la vertu. […] Vous voyez l’âme de votre ami toute nue ; je ne doute pas qu’au travers de ses défauts, vous n’y trouviez quelque chose de digne d’intéresser une aussi belle âme que la vôtre. […] un homme de condition est-il bien placé de passer les plus belles années de sa vie à Verdun ?

822. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

. — Il y avait encore la marquise de Boufflers, la digne mère du léger et spirituel chevalier, l’amie du bon roi Stanislas et qui faisait les beaux jours de la petite Cour de Luné-ville à l’époque où Mme du Châtelet et Voltaire y étaient invités. […] Tous les contemporains s’accordent à dire qu’elle était fort belle, et cette beauté, bien que de celles qu’on appelle délicates, se soutint longtemps. […] Si vous avez été assez heureuse pour mettre votre projet à exécution, vous êtes presque dans le même état que moi ; vous êtes présentement à errer sur les bords de la même belle rivière, peut-être avec les mêmes livres à la main, un Racine, je suppose, ou un Virgile, et vous méprisez tout autre plaisir et amusement. […] Je suis en vérité assez vulgaire pour vous souhaiter vivacité, santé et gaieté en tout état de fortune ; la belle consolation pour nous, vraiment, de voir le titre de princesse inscrit sur une tombe, quand nous nous dirons qu’elle renferme ce qu’il y avait de plus aimable au monde !  […] Rousseau et où elle avait eu occasion de nommer Mme de Boufflers, elle ajoutait : « On dit qu’elle épousera le prince de Conti ; il serait, je crois, beau et sage de le refuser.

823. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

Le jugement rendu par le Parlement dans l’affaire du collier fut un coup de tonnerre qui acheva de réveiller Marie-Antoinette d’un beau songe. […] À Strasbourg elle écrit à sa mère, et avec elle, elle est plus optimiste, elle voit plus en beau, elle lui dit tout ce qui peut la rassurer et montrer le côté serein des choses (8 mai 1770) : « Quel bon peuple que les Français ! […] On a beau être Dauphine de France, on n’en est pas moins, quoi qu’on fasse, une étrangère. […] Je me vois toujours auprès d’elle ou sur ses genoux dans le grand salon de la Burg où Joseph nous pinçait. » Marie-Antoinette eut beau faire, elle regardait toujours du côté de Vienne et regrettait cet âge d’or du passé. […] Une fort belle lettre de Marie-Antoinette, déjà reine, nous la montre vers l’âge de quatorze ans se jetant dans la piété avec ardeur et demandant à entrer en religion.

824. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Elle a cela pour elle, Que les sots d’aucun temps64 n’en ont pu faire cas, Qu’elle nous vient de Dieu, — qu’elle est limpide et belle, Que le monde l’entend et ne la parle pas. […] M. de Lamartine, en moisson dans l’Orient, a chanté de beaux chants de départ ; Béranger va nous donner ses adieux. […] Qu’il ose donc, sous de beaux symboles, à l’exemple du chantre de Pollion, toucher quelques points de la transformation profonde qui s’opère ! […] Dans Don Paez enfin, en parlant de Juana : Comme elle est belle au soir ! […] L’orgueil, c’est la vertu, l’honneur et le génie ; C’est ce qui reste encor d’un peu beau dans la vie, La probité du pauvre et la grandeur des rois ; quand Frank avait dit cela, le chœur avait su divinement répondre : Frank, une ambition terrible te dévore.

825. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Ce digne père, homme très remarquable, ayant quitté le service à trente-quatre ans, épousa une fille de finances de Paris, très belle, de plus de sens que d’esprit. […] J’aimais déjà la magnificence ; j’achetai une jolie chaise de poste, un bel équipage de cheval, de très bonnes cartes… » On aura remarqué ce trait de caractère : J’aimais déjà la magnificence . […] Dans le beau portrait qu’il a tracé d’un général qui remplit toutes les conditions du commandement, il n’oublie pas celle-ci : « Un général doit être aussi magnifique que sa fortune le lui permet. » Ce n’est pas mon fait ici de suivre pas à pas Marmont dans tous les degrés de sa carrière. […] Dans cette ruine finale, où, malgré les éclairs d’héroïsme, on voit qu’il n’espérait plus, il eut de belles journées, des heures où il retrouvait le soleil de sa jeunesse. […] Et moi, je crois qu’il faut dire, en embrassant toute la condition humaine : « Il est mieux qu’il ait vécu pour montrer ce que peut le malheur, la force des circonstances, une certaine fatalité s’attachant, s’acharnant à plus d’une reprise à une belle vie, un cœur généreux ressentant l’outrage sans en être abattu, sans en être aigri, et finalement une belle intelligence trouvant en elle des ressources pour s’en nourrir et des résultats avec lesquels elle se présente aujourd’hui, en définitive, devant la postérité. » 1.

826. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Un ambassadeur de Perse en Moscovie écrira à Usbek sur les Tartares une demi-page, qui serait aussi bien un chapitre de L’Esprit des lois (lettre lxxxi) ; Rica, tout à côté, fera la critique la plus fine du babillage des Français et des diseurs de riens en société : puis Usbek dissertera sur Dieu et sur la justice dans une lettre fort belle et qui porte loin. […] Qui ne sait le beau trait de sa vie, lorsqu’à Marseille où il allait souvent visiter sa sœur, il voulut un jour se promener hors du port dans une barque ? […] Enfin il y donne un autre mobile encore et qu’il ressentait également, l’utilité du public et du monde : « N’est-ce pas un beau dessein que de travailler à laisser après nous les hommes plus heureux que nous ne l’avons été ?  […] J’ai parlé tout à l’heure de l’utile : Montesquieu y joignait une idée du beau. […] Laissons les regrets, et acceptons avec respect cette forme unique et souveraine de considérations qui est proprement la sienne, cette forme née d’un esprit si haut et si ferme, et portant l’empreinte d’un moule qui, avec les beaux accidents qui le caractérisent, ne s’est rencontré qu’une fois

827. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Le plus beau, le meilleur de ce repas a été dévoré, mais à ces reliefs on peut juger encore de la magnificence de ce prodigue qui, sans avoir un sou, donna aux riches de son temps des fêtes merveilleuses avec son esprit seul, et y mangea sa gloire en y dépensant son génie. […] Rien de plus triste en réalité que cette brillante destinée… Pour moi, du moins, qui ai la faiblesse d’aimer Rivarol lorsque je devrais le condamner, — et qui ramasserais comme un trésor les points et les virgules tombés de sa plume, persuadé que je serais qu’ils devraient pétiller de quelque chose encore, — je ne connais rien de plus lamentable que cette ruine anticipée d’une gloire qui ne se leva jamais, que cette déperdition d’un génie qui aurait pu être si beau ! […] Mais on savait moins que celle de Rivarol, qui semblait de feu, eût résisté froidement à l’universel vertige et qu’il lui eût opposé, sur le bord même du gouffre, un front aussi beau et aussi impassible que le front de Séraphita sur la cime du Falberg ! […] Et je n’ai rien vu de plus beau, je l’avoue, que cette martingale de bon sens politique mise à l’hippogriffe de l’imagination, et qui est plus forte que l’imagination et les passions d’un homme, qui avait de l‘une comme un poète, et des autres comme un homme de parti. […] En histoire, l’asiatique chez Rivarol reployait sa pourpre, laissait là ses ornements, comme une femme, plus belle sans eux, ôte ses bijoux quand elle est belle.

828. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie militaire du général comte Friant, par le comte Friant, son fils » pp. 56-68

Auparavant, dans la campagne d’Italie, il avait combattu dans la division de Bernadotte sous les yeux du général Bonaparte et avait pris une belle part à toute la seconde moitié de cette immortelle campagne (1797). — Les lettres qui lui sont adressées par le général Bernadotte à cette date et depuis, sont écrites encore du style républicain et sur le pied d’égalité. […] La belle journée de récompense et d’honneur pour le général Friant fut à Witebsk, dans cette pause utile qu’y fit l’empereur en août 1812, et qui, par malheur, ne fut pas un temps d’arrêt assez long. […] » Friant indiqua Dorsenne et rappela quel beau colonel ou chef de brigade il était en Égypte. « C’est vrai, dit l’empereur, mais il y a encore tel et tel », et il en nomma d’autres. — « En ce cas, ce n’était pas la peine de me consulter », répliqua Friant. — « Allons, Friant, ne vous fâchez pas, on prendra Dorsenne. » Friant, grièvement blessé à la bataille de la Moskowa, se trouvait encore retenu à Paris à l’ouverture de la campagne de 1813. […] » disait-il à la journée d’Austerlitz, en menant au feu le 15e léger dont les deux tiers étaient détachés ailleurs et qui était réduit à 500 hommes, et le petit 15e se piquant d’honneur fit des prodiges. — Maintenir en belle humeur une troupe de braves au moment où on les force de rester en ligne immobiles sous les boulets, leur rendre de cet entrain qu’on perd aisément à demeurer au feu l’arme au bras, n’est point un talent à mépriser. […] Mis à la retraite le 31 août suivant à l’âge de cinquante-sept ans, exclu de tout service et de toute faveur sous la Restauration, il mourut, fidèle à ses dieux, le 24 juin 1829, à Gaillonnet, non loin de sa province natale, et voulut être enterré dans l’humble cimetière de Seraincourt. — Il ne se peut de vie militaire plus belle, plus pleine, plus simple, plus une, plus exactement enchâssée dans l’époque héroïque où son profil toujours se détachera.

829. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « À M. le directeur gérant du Moniteur » pp. 345-355

Je me fais ces questions, je reste ouvert et attentif aux réponses qui m’arrivent de temps en temps du dehors, et je ne me laisse pas détourner par cette fin de non recevoir très à la mode depuis quelques années, la morale et le beau. […] Le grand Gœthe, le maître de la critique, a établi ce principe souverain qu’il faut surtout s’attacher à l’exécution dans les œuvres de l’artiste, et voir s’il a fait, et comment il a fait, ce qu’il a voulu : « Il en est beaucoup, disait-il, qui se méprennent, en ce qu’ils rapportent la notion du beau à la conception, beaucoup plus qu’à l’exécution des œuvres d’art ; ils doivent ainsi, sans nul doute, se trouver embarrassés quand l’Apollon du Vatican et d’autres figures semblables, déjà belles par elles-mêmes, sont placés sous une même catégorie de beauté avec le Laocoon, avec un faune ou d’autres représentations douloureuses ou ignobles. » Il y a donc, selon lui, une part essentielle de vérité, qui entrait dans les ouvrages des anciens, dans ceux qu’on admire et qu’on invoque le plus, et c’est cette part de vérité, cette nature souvent crue, hideuse ou basse, moins négligée des anciens eux-mêmes qu’on ne l’a dit, qu’il ne faut point interdire aux modernes d’étudier et de reproduire : « Puisse, s’écriait Gœthe, puisse quelqu’un avoir enfin le courage de retirer de la circulation l’idée et même le mot de beauté (il entend la beauté abstraite, une pure idole), auquel, une fois adopté, se rattachent indissolublement toutes ces fausses conceptions, et mettre à sa place, comme c’est justice, la vérité dans son sens général !  […] J’ai eu beau me tâter, je n’ai pu me repentir ; mais, mon cher directeur, je suis pourtant resté un peu effrayé de voir à quel point la critique littéraire devient difficile, quand on n’y veut mettre ni morgue ni injure, quand on réclame pour elle une honnête liberté de jugement, le droit de faire une large part à l’éloge mérité, de garder une sorte de cordialité jusque dans les réserves, Depuis, en effet, que j’ai parlé des deux romans qui, dans ces dernières années, ont le plus piqué l’attention du public et auxquels je n’avais accordé, ce me semble, que des éloges motivés et tempérés, je n’ai cessé, en toute occasion, d’être dénoncé par des confrères vigilants comme un critique peu moral, presque un patron d’immoralité. […] Feydeau compose ses livres et ne les écrit pas au fur et à mesure, par feuilletons), le style qui, avec ses défauts, est si marqué et si expressif, n’ont pas obtenu l’attention qui était due ; on n’a pas rendu justice, non seulement à de très beaux tableaux très bien exécutés, tels que l’incendie et des paysages de marine, mais à des scènes dramatiques fort vigoureuses, à celles de la falaise entre Daniel et Louise, entre Daniel et Cabâss, à la scène de la dernière partie dans laquelle Daniel, comptant n’avoir affaire qu’à sa belle-mère, rencontre chez elle tous ses ennemis réunis et en a raison un à un, s’en débarrasse successivement, les culbute et les évince, jusqu’à ce qu’il ait réduit le débat à n’être que ce qu’il devait être d’abord, un duel à deux et sans témoins. […] Il y a de jolis et tranquilles tableaux d’intérieur, un très beau tableau en action, traité avec furie et sûreté de pinceau, celui de l’enlèvement.

830. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre premier. Pour faire des Tragédies qui puissent intéresser le public en 1823, faut-il suivre les errements de Racine ou ceux de Shakspeare ? » pp. 9-27

Le public, qui ne jouit pas d’ailleurs d’une extrême liberté, aime à entendre réciter des sentiments généreux exprimés en beaux vers. […] c’est que le public ne veut que de beaux vers. […] C’est comme dans les ballets de la rue Pelletier ; l’action doit être faite uniquement pour amener de beaux pas, et pour motiver, tant bien que mal, des danses agréables. […] Une des choses qui s’opposent le plus à la naissance de ces moments d’illusion, c’est l’admiration, quelque juste qu’elle soit d’ailleurs, pour les beaux vers d’une tragédie. […] Ç’aurait été un beau raisonnement à faire à François Ier à Marignan, que de lui dire : Gardez-vous de vous servir de votre artillerie, César n’avait pas de canons ; est-ce que vous vous croiriez plus habile que César ?

831. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

Parfois on voit mieux une belle statue, un beau tableau, une scène d’art en fermant les yeux et en fixant l’image intérieure, et c’est à la puissance de susciter en nous cette vue intérieure qu’on peut le mieux juger les œuvres d’art les plus hautes. […] En d’autres termes, le critique par excellence est celui qui sait le mieux admirer ce qu’il y a de beau, et qui peut le mieux enseigner à admirer. Dans la connaissance qu’on prend d’un beau livre, d’un beau morceau de musique, il y a trois périodes ; la première, quand le livre est encore inconnu, qu’on le lit ou qu’on le déchiffre, qu’on le découvre en un mot : c’est la période d’enthousiasme ; la seconde, lorsqu’on l’a relu, redit à satiété : c’est la fatigue ; la troisième, quand on le connaît vraiment à fond et qu’il a résonné et vécu quelque temps en notre cœur : c’est l’amitié ; alors seulement on peut le juger bien. […] Parfois même la présence du laid, dans une œuvre d’art dont nous avons à rendre compte, nous réjouit comme celle du beau, mais d’une tout autre manière, à cause de ce mérite qu’elle nous procure de la signaler. « Oh !

832. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Grèce antique »

S’il l’avait sue, ce beau chimérique aurait probablement moins rêvé ! […] … À travers ce beau tableau, non de la Grèce, mais des républiques de la Grèce, — espèces de Cyclades de l’histoire, sans esprit général, sans cohésion et sans unité, et que Lerminier nous peint les unes après les autres avec un pinceau si lumineux et si pur, — ne voit-on pas tout ce qui nous sépare de cette Grèce qui a tant pesé dans les destinées de la pensée européenne, moins pour sa gloire que pour son malheur ?… N’est-elle pas pour nous une étrangère, une ennemie, — une belle ennemie, si l’on veut, mais une ennemie ? […] La force y fait tout : l’État et la famille ; une force de brigands, qui se changent peu à peu et se drapent en législateurs et en sages, mais qui, même alors, n’en est pas moins la force des brigands de caverne, lesquels ont laissé leur empreinte sur cette terre, belle comme un butin, depuis les vaincus de Thésée jusqu’aux Pallikares ! […] Cette religion du vrai a été chez eux soumise aux profanations de l’amour artistique du beau, et Thucydide et Hérodote lui-même, l’Homère en prose, comme on l’a dit, nous ont parlé de la Grèce bien plus comme ils la comprenaient que comme elle fut.

833. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexandre de Humboldt »

Seulement, jusque-là, ne nous étonnons pas que Humboldt, qui est moins un savant, dans le sens profond et découvrant du mot, qu’un magnifique beau parleur scientifique, tienne toute l’oreille et toute l’attention d’un public, pour lequel il a voulu, et presque exclusivement, parler ! […] un beau parleur scientifique, voilà Humboldt ! […] l’essentiel, c’est « l’expression noble, qui ne manquera jamais, si elle l’est, l’effet grandiose de la nature », dit ce tulipier de la phrase, et pardonnez-nous de l’avoir appelé : un beau parleur scientifique, après cela ! […] Cet amour des faits, dans une nation qui n’a jamais beaucoup rêvé, mais dont le beau front pensif savait méditer, même sous la tente, cet amour des faits a fait accepter à la France, comme un des siens, cet Allemand, — mais Allemand de Berlin, — qui ne rêvait pas et qui s’occupait d’empiler les faits comme un statisticien français du xixe  siècle. Le Kosmos, cette pyramide de faits, cette colonne Vendôme de grains de poussière superposés, lui a paru, tout inachevé qu’il est, beaucoup plus beau et surtout plus utile (la toquade du temps, l’utile !)

834. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Quoiqu’il fut mon collaborateur au Constitutionnel, M. de Mouy, je ne collabore pas à sa thèse sur les sentiments d’amitié, uniquement d’amitié, et de maternité adoptive, qu’il se contente de voir en Madame Geoffrin pour l’homme le plus beau, le plus poétique et le moins corrompu de son siècle ; car il était tout cela, Poniatowski ! […] » Plus beau que Richelieu, il avait une âme, et Richelieu n’en avait pas. […] Le jet de jeunesse et l’autocratique fantaisie de Catherine II pour Stanislas-Auguste avaient été pour lui un sentiment dont il porta sur son beau et noble front, jusqu’au tombeau, la mélancolie ! […] Le visage est si correctement beau qu’on en dirait une au lieu d’un homme, sans la coiffure, qui est celle des hommes de ce temps. […] a placé un sablier, qui soutient une de ces belles mains tant embrassées par Madame Geoffrin dans ses lettres.

835. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXIV. Alexandre de Humboldt »

Seulement, jusque-là, ne nous étonnons pas que Humboldt, qui est moins un savant, dans le sens profond et découvrant du mot, qu’un magnifique beau parleur scientifique, tienne toute l’oreille et toute l’attention d’un public, pour lequel il a voulu, et presque exclusivement, parler ! II Oui, un beau parleur scientifique ! […] L’essentiel, selon lui, n’est point du tout le coup de râteau plus ou moins bien jeté sur les notions des sciences physiques contemporaines et qu’il n’a pas toutes ramassées ; non, l’essentiel, c’est « l’expression noble qui ne manquera jamais, si elle l’est, l’effet grandiose de la nature », dit ce tulipier de la phrase, et pardonnez-nous de l’avoir appelé « un beau parleur scientifique » après cela ! Du reste, il n’y a pas que ce beau langage, à triple détente ou à triple illusion, qui fait croire peut-être aux savants qu’ils sont des poëtes, — aux poëtes qu’ils sont des savants — et aux ignorants sans imagination (la foule) qu’ils sont des poëtes et des savants tout à la fois, il n’y a pas que cette langue confuse qui plaît aux esprits troublés, dont elle augmente le trouble, avec quoi l’on puisse expliquer la popularité de Humboldt et le prosternement général devant son génie. […] Cet amour des faits, dans une nation qui n’a jamais beaucoup rêvé, mais dont le beau front pensif savait méditer, même sous la tente, cet amour des faits a fait accepter à la France, comme un des siens, cet Allemand, — mais Allemand de Berlin, — qui ne rêvait pas et qui s’occupait d’empiler les faits comme un statisticien français du dix-neuvième siècle, Le Kosmos, cette pyramide de faits, cette colonne Vendôme de grains de poussière superposés, lui a paru, tout inachevé qu’il est, beaucoup plus beau et surtout plus utile (la tocade du temps, l’utile !)

836. (1864) Le roman contemporain

Savez-vous où vous allez avec ce beau système ? […] Elle est haute et belle ! […] Belle théologie ! […] Fantine était belle et resta pure autant qu’elle put. C’était une jolie blonde avec de belles dents.

837. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Le siècle ne se serait pas reconnu dans cette belle peinture, et la leçon qu’a voulu lui donner M.  […] si la foi vous avait manqué, vous alliez donc périr dans cette fange où vous avez traîné vos plus belles années ! […] Mais il avait de très beaux yeux, la main blanche, des dents blanches et des cheveux noirs. […] Capricieuse, fantasque, aujourd’hui philosophe, lisant du grec ou livrée à des méditations esthétiques, demain rieuse emportée, se roulant sur les tapis ; aimant « les beaux chiens, les beaux chevaux, les belles pipes, les beaux hommes » ; abandonnée à l’intimité d’une soubrette et d’un page libertin ; sans frein dans ses goûts, sans mesure dans ses plaisirs, ouvrant son salon à des femmes décriées, et la nuit, déguisée, se glissant sous le toit d’un étudiant allemand, qu’importe ? […] Là finit le beau rêve de Saint-Julien.

838. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

tant d’effets si beaux le ventre les opère ! […] Que fait notre analyse sur les beaux modèles, si non de les décomposer exactement pour savoir le mystère de leur composition ? […] Alors cette règle, favorable en tous points à l’illusion théâtrale, est la plus belle de toutes. […] la jambe en devient-elle « Plus tortue, après tout, et la taille moins belle ? […] Trop de gens sont intéressés à la trouver belle.

839. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « VI » pp. 22-24

La vraie Lucrèce est réellement belle. […] En tête de chaque morceau figure une épigraphe latine, bien attachée comme un beau clou d’or. Mais un est si à bout des beaux vers qu’il est plus que possible que ce recueil n’aura qu’un succès limité entre artistes et gens du métier. — Décidément l’École finit ; il faut en percer d’une autre : le public ne se réveillera qu’à quelque nouveauté bien imprévue.

840. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Paul Chalon »

Les plus belles œuvres d’art et les plus beaux livres, ce ne sont peut-être pas ceux que nous avons, mais ceux qui devaient sortir de l’âme de tous ces jeunes morts. […] Un Dieu moissonne les adolescents de génie et les belles jeunes filles, afin que ses élus soient un jour réjouis par leur beauté et par leurs chants ; et le printemps éternel sera fait de ces printemps humains brusquement interrompus… Je livre cette idée consolante et déraisonnable à quelque poète spiritualiste.

841. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Désaugiers, Marc-Antoine-Madeleine (1772-1827) »

Hippolyte Babou Tonin Désaugiers n’est qu’un Boufflers d’arrière-boutique, un épicurien de comptoir ou de bureau, qui, de ses voyages en Amérique, n’a pas rapporté de plus belle découverte que la suivante : J’ai, par terre et sur l’onde, Visité l’étranger, Dans tous les coins du monde Où j’ai pu voyager J’ai vu boire et manger, qui, de son contact avec les événements et les hommes, n’a retiré, pour règle de sa vie, que cette maxime de philosophie et de morale : Aimons bien, buvons bien, mangeons bien. […] Il a beau être gourmand et ivrogne, c’est une âme ! […] Sainte-Beuve Je puis assurer les élégiaques et les rêveurs que Lamartine, qui effleura cette vie de l’Empire dans sa jeunesse, apprécie fort et sait très bien rappeler à l’occasion certaines des plus belles chansons de Désaugiers.

842. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 266-268

C’est lui qui a fait la plus grande partie des Chansons, sur lesquelles le célebre Lambert a mis les airs les plus beaux & les plus touchans. […] Il fut imprimé au Louvre sur le plus beau papier, & orné de figures magnifiques. […] Chapelle répondit à l’Auteur, qui lui en avoit envoyé un exemplaire, par un Rondeau qu’il finit ainsi : De ces Rondeaux un Livre tout nouveau A bien des gens n’a pas eu l’art de plaire ; Mais quant à moi, je trouve tout fort beau, Papier, dorure, image, caractere, Hormis les vers, qu’il falloit laisser faire A la Fontaine.

843. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 409-411

M. de Voltaire & M. d'Alembert qui pensent trop souvent d'après ce Poëte, ont beau dire qu'on doit s'attacher à sa Langue, & renoncer aux Langues mortes, dans lesquelles, selon eux, il est impossible de bien écrire, ils ont oublié, sans doute, que c'est en étudiant la Langue de Virgile, d'Horace, de Cicéron & de Tacite, celle d'Homere, de Sophocle, de Démosthenes, & de Thucydide, qu'on peut se former le goût pour bien écrire dans la sienne. […] Sera-ce dans la plupart de nos Tragédies modernés qu'ils puiseront cette force tragique, cette élévation, ce naturel, cette belle simplicité, qui sont les parties essentielles de l'Art ? […] & les dégoûter de l'étude des Anciens, n'est-ce pas vouloir anéantir la saine & belle Littérature ?

844. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Et quant à ce qui est beau, grand et décidément immortel, pourquoi hésiterait-on à le constater, à le saluer aussitôt qu’on le rencontre ? […] Or, comment ignorer cette première et féconde moitié d’une belle vie ? […] Les oiseaux, les fleurs, une belle soirée de la fin d’avril, une belle nuit lunaire commencée le soir avec le premier rossignol, achevée le matin avec la première hirondelle, ces choses qui donnent le besoin et le désir du bonheur, vous tuent !  […] Flins y obtient une part moins belle que dans l’Essai, mais très-satisfaisante encore. […] On suit les trois belles nièces de Grétry avec la foule dans les allées des Tuileries ; on reconnaît la belle madame de Buffon à la porte d’un club, dans le phaéton du duc d’Orléans. 

845. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

* * * — Dans le nu, peint, sculpté, décrit, quelques-uns ne voient que la ligne du Beau. […] Cette fois-là, dans la même salle, je me suis mis aussi nu qu’un ver, j’ai endossé des lunettes bleues, et le conseil de révision me trouvant trop bel homme pour être myope, me nomma à la majorité des voix : hussard. […] Ce qui m’a plus frappé, et ce qui est vraiment une belle chose, ce sont les encriers syphoïdes du Conseil municipal : on les voit, ils sont ouverts au public, ces grands jours-là. […] Un beau livre ! […] s’écrie l’original catholique, je ne connais rien de beau comme une grande fête dans Saint-Pierre, les cardinaux qui lisent leurs bréviaires, dans ces poses insolemment renversées des pendentifs, avez-vous vu, avez-vous vu ?

846. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Un écho de Méphistophélès, ce corrupteur du bien et ce moqueur du beau, se fait entendre de loin dans tous les livres de cette jeune école. […] Ici une imitation de la scène des sorcières de Shakespeare défigure un peu cette belle œuvre. […] Je ne suis ni demoiselle ni belle, et je n’ai besoin de personne pour me conduire à la maison. […] — « Quel dommage, dit la belle enfant, de ne pouvoir ainsi me montrer ni dans la rue ni dans l’église ! […] Elles sont les plus beaux éclairs de paroles qui entrouvrent aux regards l’âme mystérieuse du grand poète.

847. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Que de fois les beaux coursiers, dans la tristesse et l’abattement de mon cœur, ont osé combattre, ont osé vaincre les livres et les vers ! […] Cette possibilité devint si vraisemblable, qu’un beau jour, ne pouvant plus y tenir, je ne confiai qu’à mon ami où je voulais me rendre, et, feignant une excursion à Venise, je me dirigeai du côté de l’Allemagne. […] Je fis tout ce trajet en douze jours, et j’avais beau courir, je croyais à peine changer de place. […] Elle était très belle et fort commode. […] Nous les franchîmes gaiement, et nous crûmes renaître, le jour où nous retrouvâmes notre beau et harmonieux pays.

848. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Un beau jour, demain peut-être, sera établi un grand livre de la dette de la toilette publique. […] Ce sont des larmes dans la voix et de très beaux vers écrits sur le coup, larmes et vers mêlés, brouillés dans une fureur sourde, qui appelle à grands cris des coups, des batteries, des duels. […] Vous ne trouverez plus sur les corps modernes les attitudes grandies et raidies à Rome par la vie à la dure, en beaux gestes longs et tranquilles, en poses héroïques à larges tombées de plis. […] C’était beau, ce fouaillement de l’argot de la Bourse par ce grand dédaigneux de l’argent. […] Toutes vous entourent pour un soda, vous embrassent pour un soda, vous lichent pour un soda ; il y en a même qui vous promènent en vous offrant à l’admiration des autres, et en criant : « Qu’il est bel homme ! 

849. (1903) La renaissance classique pp. -

Quelle belle raison de vivre ! […] La débilité mentale de la génération contemporaine de ce beau livre a causé les plus étranges confusions. […] Tout le ciel a la belle couleur d’ambre des raisins d’automne. […] … Ô ma France, nulle part je ne t’ai vue si belle que dans ces lieux où tu triomphais sous tes justes maîtres ! […] Tu leur montrais le chemin des réalités et tu édifiais dans ta pensée l’univers à la fois le plus exact et le plus beau.

850. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Dans sa belle biographie de Wagner, M.  […] La part qu’il s’est choisie me paraît la plus belle. […] De là vient que leur sens nous échappe, et qu’elles nous semblent si belles. […] Jules Lemaître, du beau roman de M.  […] Couperus n’en est pas moins un beau livre.

851. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Du soleil frise aux nuques des héroïnes, et, sans pudeur, de belles vierges robustes nous présentent leur belle gorge sensuelle dans la corbeille de leurs mains. […] Il aura glorifié les chairs et les belles terres fécondes. […] La partie sociale de l’œuvre, la parfois très belle ordonnance des rythmes, lui échappa, certes ! […] — et l’énorme succès de librairie est dû, avant tout, aux pages où le maître décrit, avec la belle simplicité qui sied, des actes de vie et d’amour des hommes et des animaux. […] Puis à vous qui avez écrit de très belles pages de critique sur la Littérature artificielle, je ferai quelques reproches sur l’artificialité de vos interprétations.

852. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

En ce temps, monseigneur, qu’elle est comblée de tant de merveilles, de prospérités et de victoires, c’est un trop bel avantage d’être Français pour n’avoir pas du cœur et de l’ambition. […] Les voici, monseigneur, représentés et par la plume et par le burin, qui paraissent avec les plus beaux ornements de leur grandeur royale ; et, tout chargés qu’ils sont de palmes et de couronnes, je prends la hardiesse de les offrir à l’auguste majesté de leur successeur. […] La fin de la dédicace est employée à montrer la France aussi florissante par les arts de la paix que s’il n’y avait point de guerre, les bâtiments et les Louvres qui s’élèvent, l’émulation dans les lettres, et l’Académie française qui en est l’interprète, prenant note de tant de beaux titres pour les transmettre aux siècles à venir : Et je m’estimerais heureux si je pouvais joindre mes travaux à tant de beaux ouvrages qu’elle prépare pour votre gloire, et vous témoigner par quelque effort comme je suis, de Votre Éminence, le très humble, très obéissant et très fidèle serviteur, Du Mézeray. […] Il a de belles paroles qui lui échappent sans qu’il y songe. […] Il aura, en se perfectionnant, de ces rapidités de récit qui sont même d’un grand écrivain ; parlant, dans l’Abrégé chronologique, des premiers succès de Conradin en Toscane : « Ces beaux commencements, dit-il, trahirent le jeune Conradin et le flattèrent pour le mener à la mort. » Il ne faut point faire, toutefois, comme Perrault, et aller jusqu’à comparer Mézeray à Thucydide ; les discours qu’il place dans la bouche de certains de ses personnages ont de la pensée sans doute, mais on a très bien remarqué que Mézeray écrit d’abondance et n’a point de phrase, c’est-à-dire de forme à lui ; il suffit que sa diction soit naturelle, sincère, expressive, sa narration pleine et bien démêlée.

853. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Il le redit en cent façons frappantes de vérité : « On commence par les passions ; les doutes viennent ensuite. » Ces doutes, il n’essaye pas de le dissimuler, étaient déjà dans le beau monde le langage le plus commun de son temps. […] C’est par cette ouverture pénétrante que Massillon s’attaquait au vif à l’incrédulité de son temps, à celle qui était le propre des hommes de plaisir, qui était encore de bel air et de prétention bien plus que de doctrine, et qui pouvait s’appeler du libertinage en réalité. […] Les Sermons de Massillon ne sont pas de ces ouvrages qui s’analysent : on ne les réduit pas à plaisir, on ne coupe point à volonté dans ces beaux ensembles de mœurs traités si largement, dans ces vastes descriptions intérieures où rien de successif n’est oublié : on pourrait tout au plus en présenter des morceaux étendus et des lambeaux. […] Je ne sais rien de plus beau ni de plus vrai que le sermon pour le troisième dimanche de carême, qui traite des passions et de leurs suites, de la satiété incurable, de ce vide immense et précoce qui était alors le malheur de quelques-uns, et qu’on a vu depuis la maladie d’un grand nombre. […] car, malgré tout, c’est bien cela que Voltaire veut dire : « Tu as beau me prêcher, tu n’es pas de mes ennemis ! 

854. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Mais Buffon a beau faire, il a beau traiter avec assez peu d’égards « le peuple des naturalistes », il a beau, à l’occasion d’un détail concernant les intestins des oiseaux de proie, dire en grand seigneur : « Je laisse aux gens qui s’occupent d’anatomie à vérifier plus exactement ce fait », il est devenu naturaliste lui-même, au sens le plus exact du mot. […] Je considérais l’autre jour, au musée du Louvre, le buste de Buffon, par Augustin Pajou : il y est représenté déjà vieux ; le contour de l’œil, les tempes ridées et un peu amaigries le disent : mais c’est une belle tête, digne, haute, noblement portée. […] La physionomie est belle d’ailleurs : elle est bien de « ce grand et aimable homme », comme l’appelait Gibbon. […] En relisant l’article du « Chien », à propos des espèces, soit animales, soit végétales, que l’homme s’est appropriées tout entières, et qu’il a transformées par l’art à force de les travailler, j’y trouve ce beau passage sur le blé, cette plante tout humaine : Le blé, par exemple, est une plante que l’homme a changée au point qu’elle n’existe nulle part dans l’état de nature : on voit bien qu’il a quelque rapport avec l’ivraie, avec les gramens, les chiendents et quelques autres herbes des prairies, mais on ignore à laquelle de ces herbes on doit le rapporter ; et comme il se renouvelle tous les ans, et que, servant de nourriture à l’homme, il est de toutes les plantes celle qu’il a le plus travaillée, il est aussi de toutes celle dont la nature est le plus altérée. L’homme peut donc non seulement faire servir à ses besoins, à son usage, tous les individus de l’univers, mais il peut encore, avec le temps, changer, modifier et perfectionner les espèces ; c’est même le plus beau droit qu’il ait sur la nature.

855. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Né en 1613, entré dans le monde à seize ans, toute sa première jeunesse se passe sous Louis XIII ; c’est là qu’il est chevaleresque et romanesque, c’est là qu’il est dévoué, c’est là que son ambition première et généreuse se déguise à elle-même en pur amour, en sacrifice pour la reine persécutée, et se prodigue en mille beaux actes imprudents que Richelieu sut rabattre sans les trop punir. […] La conduite de La Rochefoucauld pendant la Fronde, on peut l’affirmer en général, n’a rien de beau. […] Il est de grandes âmes en naissant, qui, sorties de belles et bonnes races longuement formées à la vertu, et qui, puisant dans cet héritage de famille une ingénuité généreuse, se portent tout d’abord vers le bien de leurs semblables avec tendresse, avec effusion et sacrifice. […] Comme on le respecte beaucoup, on attend qu’il ait fini pour glisser un mot ; mais il a trouvé l’art de ne jamais finir ; car, ayant respiré en toute hâte au milieu d’une parenthèse, il repart et court de plus belle, si bien que la parole lui reste toujours, que sa phrase commencée dans un salon se continue dans un autre ; que dis-je ? […] Cousin est l’exagération, et le propre de cette belle époque est la mesure.

856. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Bossuet en particulier, qui aimait Santeul et qui avait raison de l’aimer (car celui-ci a tracé du grand évêque, en beaux vers, un portrait des plus vivants), Bossuet faisait le fâché ou l’était un peu, tandis que d’autres, l’abbé de Fénelon, l’abbé Fleury, Nicole, après avoir lu la pièce en question, se montraient plus indulgents. […] L’ombre d’une faute contre la religion vous a fait peur ; vous vous êtes abaissé, et la religion elle-même vous a inspiré les plus beaux vers, les plus élégants, les plus sublimes que vous ayez jamais faits. […] Comme, à travers l’austère discrétion du solitaire, on retrouve dans ces derniers mots les restes d’un homme ami des belles lettres ! […] Cet office, qu’avaient autrefois rempli avec plus ou moins de distinction et de goût les Boisrobert, les Voiture, les Sarasin, les Marigny, Santeul le remplissait à Chantilly avec une belle humeur qui ne le cédait à celle de personne et avec une verve intarissable. […] Arnauld, il l’avait aimé, il fit une belle épitaphe.

857. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Journal d’Olivier Lefèvre d’Ormesson, publié par M. Chéruel » pp. 35-52

Il demeurait rue Beaubourg, qui était alors une des belles rues. Il venait chez lui de belles dames et des princes. […] M. de Sévigné, quand il se présente pour épouser, lui agrée : « Il est beau et cavalier bien fait, et paraît avoir esprit. » Mais pendant que le mariage se traite et que M. d’Ormesson intervient comme conseil principal pour les arrangements, M. de Sévigné se bat en duel (28 mai 1644) et reçoit à la cuisse une blessure que, dans le premier moment, on croit mortelle. […] Mais la belle humeur chez elle fut toujours irrésistible. […] Enfin jamais homme de sa profession n’a eu une plus belle occasion de paraître, et ne s’en est mieux servi. » (Lettre de Mme de Sévigné à M. de Pomponne, du mercredi 17 décembre 1664.)

858. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

C’est encore une assez belle part. […] « Devant nous se déployait comme dans un immense panorama le beau royaume d’Andalousie. […] C’était plus grand que les plus vastes perspectives de l’Anglais Martynn, et mille fois plus beau. […] Bel œillet aux vives couleurs, Pourquoi tomber dans la fontaine ? […] On comprend qu’on soit quelque peu tenté d’être matérialiste, quand la matière est si riche et si belle.

859. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Le cœur d’un homme vaut tout l’or d’un pays, ce beau vers d’un poète du Moyen-Age lui a paru avoir dû se réaliser et avoir trouvé son écho en bien des provinces de notre France. […] Germain pour ses beaux travaux sur la Commune de Montpellier33. […] De cette justice rendue à de belles et bonnes parties du Moyen-Age, M.  […] » Un tonnerre d’applaudissements éclata à ce beau moment, à ce magnifique mouvement du discours : nous sommes encore nous-mêmes sous le coup de ces applaudissements. […] la belle tolérance, et d’une espèce toute nouvelle, que celle qui a sa source non dans le mépris de tout, mais dans la foi profonde à quelque chose !

860. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

En arrivant par mer en vue de ce beau pays, on peut contempler en terrasses successives toutes ses productions : au bas l’oranger, l’olivier et le laurier sur le rocher nu et dans les torrents à sec ; au milieu le chêne et le hêtre sur les prairies verdoyantes ; enfin, au sommet, les forêts de pins qui, l’hiver, se couvrent de neige. […] Zeller paraît croire que le principe de ce développement préexistait en germe dès l’origine, et il s’autorise avec raison de cette belle parole de Tacite : « Pourquoi Lacédémone et Athènes, si puissantes par les armes, ont-elles péri, si ce n’est pour avoir repoussé les vaincus comme des étrangers ? […] Si Bossuet a hautement défini au moral l’esprit public des Romains dans les beaux temps de la République, M.  […] Renan a écrit à cette occasion deux beaux articles58, qui ne font que présager ce qu’il payera d’hommages sentis au meilleur des princes, dans la suite de l’ouvrage où il doit montrer les progrès du Christianisme en présence du dernier effort et de l’épanouissement suprême de l’ancienne philosophie. […] N’ai-je pas raison de dire qu’il y a eu concours sur ce beau nom, et que chaque talent est venu mettre son trait respectueux à l’expression dernière de cette figure bienfaisante ?

861. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Mérimée, bien qu’il se prodigue peu, n’a pas épuisé ses plus beaux contes, et qu’il est pour longtemps en fonds de fertilité à cet égard. […] Par respect pour le beau même, mieux envisagé et pleinement senti, à quoi bon le tenter encore, l’aller offenser peut-être, à moins de quelques retours irrésistibles ? […] Les nouveaux sujets qui l’occupent désormais promettent, non pas un mélange, mais bien un emploi uni et concerté de ses facultés les plus belles. […] Et puis, pour accomplir son stratagème, qu’elle est belle et féroce, se glissant sans bruit dans l’ombre le long de l’enclos ! […] Cicéron ne s’en passait pas ; si corrompu qu’on fût à Rome à cette date, il y avait encore dans quelques âmes de beaux restes de ce ce qu’on peut appeler la religion romaine (jus), des fantômes, si vous voulez, mais de beaux fantômes.

862. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Entre le bien et le beau, le rapport est si intime que quelques-uns, comme Gœthe, ont pensé que la morale n’est que l’esthétique appliquée à la vie ; idée qui n’a pas été étrangère à Platon. […] Et certes, quand on y pense, on ne peut s’empêcher de trouver un peu vaines ces recherches qui ont pour objet de fixer l’essence du bien et du beau. […] C’est celle qui procède subjectivement ; elle ne recherche point ce qu’est le beau ; aux définitions déjà données, elle n’essaie pas d’en ajouter une nouvelle, également quoique autrement insuffisante : elle se borne à l’étude des phénomènes internes, c’est-à-dire des effets que le beau produit sur nous. […] « Depuis l’aurore de la spéculation philosophique, la nature du beau a été un sujet de discussions. […] D’ailleurs, nous autres modernes habitués à la doctrine de la pluralité des causes, nous ne répugnons nullement à admettre non pas un beau en soi, mais des beaux.

863. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Il était beau, d’une magnifique prestance, d’une physionomie heureuse. […] Mazarin fut certainement un grand ministre ; mais je crois que ce fut surtout comme négociateur au-dehors, comme celui qui ménagea le traité de Münster et qui conclut la paix des Pyrénées ; c’est à titre de beau joueur diplomatiqued qu’il a sa place assurée et véritablement hors d’atteinte. […] Il en laissait avilir la plus belle prérogative, c’est-à-dire les grâces et les bienfaits ; il savait être illibéral en promettant et quelquefois même en donnant ; il accordait trop visiblement à ceux dont il avait peur, et retenait tout dès qu’il pouvait tout. […] s’il y a, dans ce regret de quitter de si belles choses et de si beaux tableaux, un semblant de la passion de l’Italien et du noble amateur, il y a un autre sentiment encore : si le premier mot semble d’un artiste, le second est d’un avare. […] [1re éd.] c'est à ce titre de beau joueur diplomatique

864. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

beaucoup d’esprits qui, à cette heure, accepteraient sans nausées toutes ces explications qui nous font horreur, à nous, car elles sont la déification absolue de la matière ; et Michelet a beau raffiner et broyer menue sa poudrette, il est, de fait, aussi matérialiste que La Mettrie et que Chaussier. […] Le livre de l’Amour pourrait donc, malgré tout, même dans les conditions désagréablement physiologiques où il est placé, faire son chemin, qui serait une belle route, mais heureusement le ridicule y est et le rire prend. […] » Il ressemble au papa Croizeau du roman de Balzac, qui dit : « belle dame !  […] Il nous fait toujours l’effet d’un enfant qui écoute un beau conte, — un de ces contes merveilleux auxquels le privilège de l’enfance est de croire, et son inconvénient… de vouloir nous le répéter ! […] C’est toujours Vadius chez les belles dames : Nous l’avons, en dormant, madame, échappé belle !

865. (1767) Salon de 1767 « Peintures — [autres peintres] » pp. 317-320

Belle. Belle n’est rien. […] Le Bel. […] Que la déesse est belle, voluptueuse et noble !

866. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — II »

Si nous interrogeons notre conscience, nous lui devons ce témoignage, et, fût-il apporté par le plus humble, je n’en vois pas qui puisse faire un son plus beau parmi tant de paroles qu’on va jeter sur son cercueil.‌ […] Ainsi, vers la moitié de ce siècle, les personnes d’une vie morale un peu intense se trouvaient dans cette alternative également fâcheuse de déserter les belles besognes de la critique moderne parce qu’elles n’y pouvaient contenter leurs aspirations religieuses, ou de s’y maintenir, mais en atrophiant une part de leur être. […] Les jeunes gens et les femmes, à une certaine heure, suivirent l’auteur de la Vie de Jésus, l’aimèrent comme un apôtre, parce qu’il portait dans ses bras les beaux trésors héréditaires mêlés au bagage de la critique moderne.‌ […] Nous n’entendons plus que comme une belle poésie la façon dont il confond le sentiment religieux et la curiosité scientifique.

867. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

Le récit qu’elle a fait de cette mort égale les beaux récits qu’on a des morts les plus touchantes ; il s’y trouve en chemin de ces mots simples et qui éclairent toute une scène : « … Je montai chez elle. […] Elle s’entendait bien aux procès, et l’empêcha de perdre le plus beau de ses biens en lui fournissant les moyens de prouver qu’ils étaient substitués. […] ma belle, qu’avez-vous à crier comme un aigle ? […] la belle proposition de n’être plus chez moi, d’être dépendante, de n’avoir point d’équipage et de devoir mille écus !  […] Elle avait, nous l’avons dit, avec Boileau plus d’un rapport de droiture d’esprit et de critique irréfragable, et était à sa manière un oracle de bon sens dans son beau monde.

868. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre (2e partie) » pp. 5-80

— Je lui demanderais, reprit le chevalier, si cette nuit lui paraît aussi belle qu’à nous.” […] « Mon cher chevalier, les cœurs pervers n’ont jamais de belles nuits ni de beaux jours. […] Je mets au premier rang une écriture belle et aisée. […] Son nom fut pour sa famille son plus bel héritage. […] Il les portait toutes sur son beau visage d’inspiré, d’où semblait sortir d’un recueillement sacré un perpétuel oracle.

869. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Les négociations ne furent terminées qu’après sa mort, mais en 1819 sa veuve revint à Chambéry avec sa belle famille, chercher quelques débris de son antique opulence. […] Il nous accueillit à Rivsalta, belle maison de plaisance qu’il habitait pendant l’été. […] C’était beau, enivrant et menaçant comme une révolution à sa première heure. […] On disait que le marquis Torregiani, très bel homme, au visage toscan voilé par une empreinte de tristesse, y venait tous les jours. […] Il avait beau avoir écrit cette parodie de l’amour intitulée Don Juan.

870. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Certes la belle page est plus difficile à écrire que la belle action à faire58 ; mais celle-ci est d’une bien autre importance. […] Les autres poètes font des vers et même de fort beaux, mais on y sent le travail et la composition. […] Mais qu’est-ce que la belle nature ? […] Ici, la même nature est belle ; là, elle est laide. L’arbre qui est beau dans l’avenue d’un château, n’est pas beau à l’entrée d’une chaumière, et réciproquement.

871. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

ils ont la valeur de ces beaux éclairs d’horizon qui nous font pressentir deux mondes. […] Au milieu de ces arbres pressés, il y en avait un plus beau que les autres « par le développement de ses rameaux et par la majesté générale de ses proportions » ; c’était un tulipier, le roi des forêts américaines. […] Éternelle histoire, mais d’une variante toujours plus belle dans son inépuisable cruauté ! […] Pour mieux montrer l’abjection de la Bohème littéraire, nous choisirons son plus beau cadavre. […] Dieu lui avait donné des facultés singulièrement belles, puissantes et rares ; il n’en tira point le parti qu’il en eût pu tirer.

872. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Petite de taille, d’un visage régulier avec de beaux yeux bleus, elle avait quelque chose d’angélique et de puritain, un caractère sérieux et ferme, une sensibilité pure et élevée. […] Enfin les beaux jours me la rendront tout à fait rétablie, j’espère, et je ne demande rien plus ardemment à Dieu. […] « Cher Félix, c’est triste et beau de se ressouvenir. […] — Je désirerais bien (et beaucoup d’autres sans doute avec moi) que ces beaux articles soient réunis en livret par Sainte-Beuve. […] Les beaux vers ne sont pas rares, mais on croirait que la plupart ont été dictés plutôt par l’esprit que par le cœur.

873. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Jamais langue plus belle, plus riche, plus fine, plus libre, ne fut parlée par des hommes de plus d’esprit et de meilleure race. […] Giraud n’a rien négligé pour nous la montrer sous son plus beau jour, pour nous donner la clef de la considération dont elle parvint, malgré tout, à s’entourer en vieillissant, et pour la distinguer des Marion de l’Orme, des Sophie Arnould et de leurs pareilles. […] L’idée de faire de l’amitié un pur trafic n’est pas assez belle d’ailleurs pour être si fort revendiquée. […] Il n’a eu à traverser aucune des grandes ou des belles folies qui transportent une âme, ne fût-ce qu’à une heure sublime de la jeunesse. […] Elle a été très-aimable sans avoir jamais été belle ni jolie.

874. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Avant de quitter le château paternel, Arthur aimait sa cousine Hélène, pauvre, mais belle, digne et pure, et qui elle-même l’aimait. […] C’est dans les années 1688 et 1689 qu’éclata dans le Dauphiné et le Vivarais la première épidémie de fanatisme et de prophétie ; la belle Isabeau était une des prophétesses. […] Cette dévouée Toinon, qui ne songe qu’à sauver son beau capitaine Florac, a par moments quelques faux airs de la Esmeralda suivant son Phœbus. […] Le réveil de ce camp agreste eût été beau au matin sous l’ardent soleil, au sein de cette végétation rare et forte, aux hautes odeurs. […] Pour avoir une juste idée de Louis XIV et ne plus être tenté d’en parler à la légère, il faut avoir lu au complet le beau Recueil des pièces diplomatiques publiées par M.

875. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

Adolphe Retté, mais avec plus de simplicité et une personnalité très distincte, il étonne et captive par l’invention qui de strophe en strophe se renouvelle ; plus que personne il tire tout de son propre fonds et son vers est un vers de Griffin avant d’être un beau vers. […] Tandis que M. de Régnier, beau magicien des formes, crée en elles et par elles. […] Pour lui, le sens des belles formes n’a pas dû être, comme chez d’autres, développé par l’étude, la comparaison, la « mesure » de toutes choses qui se fait en nous vers l’adolescence ; il a compris sans doute l’eurythmie aux premiers mots qu’il ouït prononcer, au premier paysage dont s’éblouit son regard d’enfant. […] (J’ai soin de dire apparent, car il n’est de plus belle simplicité que la simplicité conquise par le travail.) — M.  […] Il créa certes ainsi de très beaux vers, mais dont l’apparat un peu étranger masquait une plus silencieuse et plus sûre noblesse.

876. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Il ne consentait pas à reconnaître dans ses œuvres un plus bel endroit, et il ne souffrait pas qu’on le lui montrât. […] On y pleure non seulement du pathétique de l’aventure, toujours poignante, quoique toujours attendue, mais de l’émotion du beau qui poétise toutes ces pages. […] Dans ce qu’il écrivit pour les lettres en ce temps-là, les belles pages sont plus rares que les belles phrases. Mais la politique n’a pas seule à s’imputer la corruption d’un grand talent et d’une belle langue. […] Mais combien qui sont restées belles, et qui de jour en jour entrent plus avant dans la lumière des œuvres qui demeurent !

877. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Et rien ne la dit, rien ne la montre comme une image, cette belle gravure des Comédiens-Français de Watteau. […] — On a souvent essayé de définir le Beau en art. […] Le Beau est ce qui paraît abominable aux yeux sans éducation. Le Beau est ce que votre maîtresse et votre bonne trouvent d’instinct affreux. […] mon cher, DIIS IGNOTIS, c’était un bel autel des Athéniens.

878. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Et les quatre malheureux étaient là, prisonniers, captifs de la loi, gardés par trois cents cocardes tricolores sous les belles ogives de Vincennes. […] Et c’est ainsi qu’un alliage d’égoïsme altère et dénature les plus belles combinaisons sociales. […] Un conseil de brahmines serait beau prenant en main la cause du paria. […] Elle veut mener désormais meilleure vie et rester digne de sa dernière belle action. […] Il s’est bien prononcé çà et là quelques belles et dignes paroles.

879. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

Les plus belles donneraient leur plus beau bracelet pour une onglée. […] Il faut convenir que c’était trop beau ! […] M*** s’est passionné comme on se passionne au bel âge. […] Tu sais que ces soldats sont les plus beaux hommes de l’Angleterre. […] Quand la soirée est belle, c’est un charmant voyage d’un quart d’heure.

880. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Oberman, édition nouvelle, 1833 »

qu’on ne me dise pas qu’Oberman et René ne sont que deux formes inégalement belles d’une identité fondamentale ; que l’un n’est qu’un développement en deux volumes, tandis que l’autre est une expression plus illustre et plus concise ; qu’on ne me dise pas cela ! […] René est beau, il est brillant jusque dans la brume et sous l’aquilon ; l’éclair d’un orage se joue à son front pâle et noblement foudroyé. […] Oberman est sourd, immobile, étouffé, replié sur lui, foudroyé sans éclair, profond plutôt que beau ; il ne se guérit pas, il ne finit pas ; il se prolonge et se traîne vers ses dernières années, plus calme, plus résigné, mais sans péripétie ni revanche éclatante ; cherchant quelque repos dans l’abstinence du sage, dans le silence, l’oubli et la haute sérénité des cieux.  […] Latouche, qui a donné sa mesure comme homme d’esprit, mais qui ne l’a pas donnée pour d’autres facultés bien supérieures qu’il a et qui lui pèsent, a lu Oberman avec anxiété, en fils de la même famille, et il en a visité l’auteur dans ce modeste jardin de la Cérisaye, sous ce beau lilas dont le sage est surtout fier. […] Ampère, Albert Stapfer ; dans une correspondance curieuse et touchante que j’ai sous les yeux, et qui, entre les mains de l’ami qui me la confie, pourra devenir un jour la matière d’un beau livre de souvenirs, je lis d’autres noms encore de cette jeune intimité ; j’en lis un que j’efface, parce que l’oubli lui vaut mieux ; j’en lis deux inséparables, qui me sont chers comme si je les avais connus, parce qu’un grand charme de pureté les enveloppe, Edmond et Lydia, amants et fiancés.

881. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Auguste Vitu » pp. 103-115

Il était jeune, spirituel et beau (beau ! […] Sorti de ce procès triomphant, ce qu’il avait été avec sa parole devant ses juges il le fut, avec sa plume, devant la France entière, jusqu’à ce matin du 10 août 1792 où, allant défendre le Roi, beau comme toujours, intrépide comme toujours, il fut assassiné par Théroigne de Méricourt et par des hommes plus lâches qu’elle ; car ils se mirent à deux cents pour frapper Suleau, qui avait son sabre et qui se défendit. […] « Ce beau et insolent Léandre » (comme l’appelle spirituellement Vitu), qui toucha à la hache révolutionnaire avec une intrépidité aussi méprisante que Charles Ier lui-même, qui la cinglait du bout de sa canne, avait un sens politique très sûr dans sa tête téméraire. […] Moraliste et politique tout à la fois, ainsi qu’il l’a supérieurement prouvé dans son beau fragment sur Paul-Louis Courier, ce faux canonnier à cheval, ce faux vigneron, ce faux républicain, ce faux bonhomme et ce faux écrivain, qui fit de la vieille prose française comme Vanderburgh fit de vieux vers, Auguste Vitu n’a pas, vous le voyez, en dépouillant Courier de sa morale et de sa politique, craint d’attaquer une de ces idoles qui prennent racine sur les piédestaux du préjugé ou des partis.

882. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Th. Gautier. Émaux et Camées »

Oui, l’œuvre sort plus belle D’une forme au travail               Rebelle ; Vers, marbre, onyx, émail ! […] Gautier, dans les plus belles pièces d’Émaux et Camées. […] Précisément dans Émaux et Camées, il y a un grand nombre de vers qui ont cet affreux défaut d’être éloquents, et ce sont les plus beaux que M.  […] Il a beau écrire Diamant du cœur, pour dire une larme et vouloir pétrifier tous ses pleurs pour en faire jaillir un rayon plus vif, dans son amour de l’étincelle, l’émotion est plus forte que sa volonté. […] Vous y revoyez particulièrement le fini d’expression auquel devait nécessairement atteindre un écrivain qui travaille la langue avec la lampe de l’émailleur, et qui, tout matérialiste qu’il pût être, rentrait, par la perfection même de sa forme, dans cette sphère de l’Infini, auquel il ne croit pas et qu’on retrouverait dans ses vers encore, — ne fût-il pas panthéiste comme il l’est devenu, — par la raison unique et suffisante qu’ils sont de beaux vers !

883. (1774) Correspondance générale

Beau, beau. […] en voici une belle occasion. […] Je n’ai aucun mérite à cette belle résignation. […] mon ami, le beau voyage que j’ai fait ! […] C’est un assez beau rôle.

884. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

On reste confondu d’admiration quand on pense qu’elle est en même temps chantée dans les plus beaux vers imitatifs de la plus belle des langues ! […] « Ils sont servis par la captive Hécamède, à la belle chevelure. […] « Aussitôt, dit le poète, la belle Junon, docile aux ordres de son époux, vole des sommets de l’Ida jusque dans le vaste Olympe. […] « La belle Briséis, semblable à la belle Vénus, aperçoit, en sortant de la tente d’Agamemnon, le corps du bon Patrocle, son protecteur dans le temps qu’elle appartenait à Achille ; elle meurtrit son sein, elle ensanglante son cou délicat, son doux visage ; elle s’écrie en pleurant : Ô Patrocle ! […] Cela est beau d’exécution, mais inopportun et fastidieux.

885. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Ses vers sont grands comme la mer et beaux comme les statues des cathédrales gothiques. […] Aussi la belle (source nous apparaît-elle de loin, sous la forêt, avec tout le torrent argenté de ses belles ondes. […] L’ouvrier inconnu d’un seul beau poème est parfois aussi mon poète. […] Vous avez entre les mains un beau poète. […] Selon moi, Baudelaire a écrit les plus beaux vers de la langue française et je le préfère à Victor Hugo.

886. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Les femmes sont belles, et pourraient se passer de l’être ; elles ont tout ce qui peut faire valoir la beauté, et même y suppléer. […] Mlle de Challes, une autre de mes voisines, était une fille faite ; grande, belle carrure, de l’embonpoint : elle avait été très bien. […] Si quelques-unes de ces fleurs vous paraissent belles, vous pouvez les prendre sans crainte, et vous ne courrez aucun risque en les portant sur vous. […] Lorsque je rentrais dans ma chambre, j’étais quelquefois surpris d’y trouver des vases de fleurs nouvelles, ou quelque beau fruit qu’elle avait soigné elle-même. […] La délicieuse tranquillité qu’inspire un bonheur certain était empreinte sur leurs belles physionomies ; ils marchaient lentement ; leurs bras étaient entrelacés.

887. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Beau métier, vraiment, et bien honorable ! […] Ce n’est pas là un enfant que l’on puisse amuser avec de belles paroles. […] Délivré de ces odieuses ténèbres qui si longtemps, dans ma folie, ont obscurci ma mémoire, je puis donc enfin te reconnaître, ô la plus belle des femmes ! […] Le poète indien surpasse Tibulle dans ses plus beaux vers, mais c’est un Tibulle sacré. […] Là aussi était notre cabane de feuillage… Voici la demeure de la belle Vasanti, tendre amie de Sita, nymphe officieuse de ces bois antiques.

888. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Dans le beau siècle dont nous parlons, ce devoir rigoureux, cet avertissement attentif et salutaire se personnifiait dans une figure vivante, et s’appelait Boileau. […] Ainsi de La Fontaine, qu’il fallut tirer de ses dizains et de ses contes où il se complaisait si aisément, pour l’appliquer à ses fables et lui faire porter ses plus beaux fruits. […] Racine, un peu plus que Corneille sans doute, dut pénétrer dans ses arrière-pensées ; il est permis pourtant de croire que ce que nous savons aujourd’hui assez au net par les révélations posthumes était beaucoup plus recouvert dans le moment même, et qu’en acceptant le sujet d’une si belle main, le poëte ne sut pas au juste combien l’intention tenait au cœur. […] La lutte du cœur plutôt que celle des faits, tel est en général le champ de la tragédie française en son beau moment, et voilà pourquoi elle fait surtout l’éloge, à mon sens, du goût de la société qui savait s’y plaire. […] Quant à l’Antiochus, il est suffisant. — Ainsi, pour conclure, nous devons à mademoiselle Rachel non-seulement le plaisir, mais aussi l’honneur d’avoir goûté Bérénice, et il ne tient qu’à nous, grâce à elle, de nous donner pour plus amateurs de la belle et classique poésie en 1844 qu’on ne l’était en 1807.

889. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Dès les premières semaines, on peut voir l’idée qu’il se faisait de l’état réel du parti par les conversations très belles et très sérieuses qu’il tint avec le duc de Bouillon, le frère aîné de Turenne, et la meilleure tête entre tous ces grands qui s’étaient mis de la faction. […] Ce n’est pas qu’il se dissimule les dispositions secrètes du Parlement et les procédés de cette compagnie : malgré ces belles paroles qui se disent aux grands jours, « le fond de l’esprit du Parlement est la paix, et il ne s’en éloigne jamais que par saillies », qui sont vite suivies de retours. […] Retz a beau avoir pour lui les lanternes, qui étaient les tribunes de ce temps-là, il a beau avoir les jeunes têtes du Parlement, le banc des Enquêtes qui est tout à sa dévotion : cette « sainte cohue », comme il l’appelle, qui sait si bien crier quand elle a le mot d’ordre, ne suffit pas, et le premier président Molé ne se laisse pas faire. […] Lors des conférences multipliées qu’il eut de nuit au Palais-Royal et ailleurs avec la reine, il est à croire que dans ces oratoires mystérieux, où elle le recevait pour conférer plus librement, il essaya s’il ne pourrait pas intéresser en elle la femme ; qu’il regarda souvent ses belles mains, dont Mme de Motteville nous a parlé ; qu’il eut l’air par instants rêveur et distrait aux questions mêmes de la politique ; mais la coquetterie de la reine ne prit pas à ce manège ; son cœur était fixé. […] Il mourut le 24 août 1678, tendrement regretté d’elle et loué dans des termes qui sont la plus belle oraison funèbre, laissant l’idée de l’homme le plus aimable et du commerce le plus aisé, et d’un délicieux et parfait ami.

890. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Elle est fort belle. […] et qu’il s’y trouve de belles choses, variées, abondantes à plaisir ! […] Dechartre avait le goût, l’amour, la folie des belles mains… Celles-là le ravissaient. […] Avec quelle tendresse je regardais ses yeux si beaux, si câlins ! […] Presque toute la seconde partie du livre est belle et tragique.

891. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gille, Valère (1867-1950) »

La Cithare est une glorification du génie libre et créateur de l’Hellade antique, soit que l’auteur célèbre Salamine, … île aux beaux oliviers, Ô nourricière des colombes ! […] Voici cette dédicace : « Aux poètes Iwan Gilkin et Albert Giraud, à mes chers amis, en souvenir de notre campagne littéraire pour le triomphe de la tradition française en Belgique. » Voilà les sentiments qui se manifestent en pays belge pour la tradition française, et qu’il est si doux de lire en première page de beaux et bons livres écrits en pure et belle langue française.

892. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Bellengé » p. 204

Il m’a semblé qu’il y avait du goût, même de la poésie, dans cette composition ; du luxe, de la couleur, qu’une urne dont je n’ai pas parlé et qui est parmi les fruits, et que le vase étaient bien peints ; le vase de belle forme et de belle proportion, le ramage de verdure jetté avec élégance, et les fleurs et les fruits bien disposés pour l’effet. […] Il y a du même artiste sur un buffet de marbre à droite un vase de bronze beau, élégant et bien peint ; autour de ce case, de gros raisins noirs et blancs, et d’autres fruits ; le sep auquel ces raisins sont encore attachés descend du haut d’un vase de terre cuite à large panse ; il y a autour de ce second vase des pêches et des fruits.

893. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

J’avais dû à un heureux hasard, ou mieux, à une indication délicate, de le lire il y a déjà quelque temps, et j’en avais extrait pour moi quelques belles et douces pensées. […] Mme de Castellane n’a rien oublié de tout cela ; elle se rappelle parfaitement ma mère et sa belle figure pâle, notre salon vert, et mille détails qui m’ont confondue de la part d’une personne qui a tant vécu dans le grand monde et tant vu de choses. […] Je m’empressai de m’éloigner, et m’arrêtant à quelque distance, j’eus l’indicible bonheur de voir la mère regagner courageusement son nid et distribuer à sa jeune famille deux belles chenilles vertes. […] Mme de Sévigné a bien parlé de ces belles matinées de cristal de l’automne. […] [NdA] Ce beau monsieur, homme d’esprit, qui est si peu militaire et qui fait de l’ironie en 1808, n’était autre que M. 

894. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Nous en sommes à la période ascendante de la gloire de Catinat et au plus beau moment de sa carrière militaire. […] Il était en belle passe et à la veille d’être maréchal de France ; en vieillissant il était devenu un parti. […] Elle est jeune et plus belle que jamais. […] Grupel se glisse dans la place le 22 septembre, à la faveur d’un travestissement qui le rendait méconnaissable ; il est porteur de belles paroles. […] Un rayon brille sur ce point de la vie de Catinat, un beau rayon d’automne ; c’est l’endroit le plus lumineux de sa carrière, son moment de plein éclat.

895. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Mais ce serait trop beau ; et, quand on le pourrait à force de talent, la disposition même des sujets, et, pour ainsi dire, l’ingratitude des lieux, ne répondraient pas. […] Ampère est un des plus beaux exemples de la combinaison utile des deux vocations après une lutte laborieuse ; il en est sorti une seconde vocation composée, plus vraie, plus ferme et bien assise. […] En le lisant je me suis surpris plus d’une fois à penser que rien n’est beau comme le bon sens, lorsqu’il triomphe de la passion qu’on y sent subsister, qu’on y voit s’abaisser et frémir d’un air de noble coursier sous le frein. […] C’est bien le cas d’appliquer et de conseiller ici le beau, mot de Sidoine : Legebat cum reverentia antiquos et sine invidia recentes. […] Nous comptons bien pourtant que, ces verves une fois épuisées et satisfaites, il reviendra à son beau livre commencé ; il nous doit surtout le moyen age et la Renaissance, deux parties si neuves encore).

896. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Elle a fourni aux gens du bel air des types à imiter, des maladies littéraires et distinguées à colporter. […] On ne veut plus que des mots nobles, choisis, des mots de « bel usage ». […] Il dut intéresser à son sort les beaux yeux de Julie d’Angennes. […] Car fut sauvé, mais il put se vanter de l’avoir échappé belle. […] Est-il en guerre avec le beau sexe ; il ne connaît qu’une façon de le combattre : c’est de le fuir.

897. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Le père et Camille ont beau pardonner, Paul aura beau se repentir, toute intimité est entre eux à jamais détruite. […] Valtravers ne prétend nullement à la main de sa belle cousine. […] La scène est charmante, elle brille d’esprit et de belle humeur. […] Dans Un beau Mariage, il s’agissait d’une expérience de chimie à faire sauter un quartier. […] Emile Augier a beau faire, il ne nous fera pas croire de leur part à cet excès de naïveté.

898. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Je pleurai d’abord beaucoup ; mais je trouvai le lendemain la messe du roi si belle, que je consentis à me faire catholique à condition que je l’entendrais tous les jours, et qu’on me garantirait du fouet. […] Elle reparut à Versailles, au souper du roi, le 10 février 1707, « belle comme un ange4 ». […] Elle sait changer de ton dès qu’il le faut, et proportionner sa touche à ses personnages : « Mlle de Rambures avait le style de la famille des Nogent dont était madame sa mère : vive, hardie, et tout l’esprit qu’il faut pour plaire aux hommes sans être belle. […] Elle vécut peu et tristement ; elle avait, disait-on, un beau teint pour éclairer sa laideur. » Il faut être Hamilton ou femme pour trouver de ces traits-là. […] À la fin du xviie  siècle, c’est-à-dire au plus beau moment de notre passé, on se plaignait déjà ; c’était l’âge d’or de l’urbanité pourtant.

899. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

Je ne sais pas quel mets nous eût paru meilleur que nos raves et nos châtaignes ; et en hiver, lorsque ces belles raves grillaient le soir à l’entour du foyer, ou que nous entendions bouillonner l’eau du vase où cuisaient ces châtaignes si savoureuses et si douces, le cœur nous palpitait de joie. Je me souviens aussi du parfum qu’exhalait un beau coing rôti sous la cendre, et du plaisir qu’avait notre grand-mère à le partager entre nous. […] Il se souvient même du menu de son premier dîner à la Bastille, de son ordinaire qui, grâce au gouverneur, fut aussi copieux que succulent ; et Vaucluse se recommandait trente ans après encore à sa mémoire par l’arrière-goût des belles écrevisses et des excellentes truites qu’il y avait mangées, non moins que par les réminiscences platoniques de Pétrarque. […] Voilà donc Marmontel comme nous avons tous été, logé rue des Maçons-Sorbonne, et ensuite petite rue du Paon, allant au café Procope, vivant à crédit, en quête d’un libraire, composant une belle tragédie pour l’hiver prochain et rédigeant, en attendant, avec un ami, un petit journal (L’Observateur). […] Logé chez Mme Geoffrin, il était de tous les dîners d’artistes, de tous ceux des gens de lettres, et même des petits soupers mystérieux où, assis entre la belle comtesse de Brionne, la belle marquise de Duras et la jolie comtesse d’Egmont, il lisait ses Contes moraux dans leur primeur.

900. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Les hommes sont ainsi faits ; le ton qu’on passe aisément à un homme de belle taille, on ne le pardonne pas de même à un petit. […] S’ils n’ont pas fait tous les beaux vers de leur temps, ils les ont du moins favorisés, aidés et protégés ; surtout ils n’ont laissé à personne l’occasion et la gloire d’en trouver de sanglants et d’immortels contre eux-mêmes. […] Mais La Harpe ne s’arrêta pas aux beaux jours ou à ce qui pouvait passer pour tel : son enthousiasme survécut au 10 août, au 2 septembre, au 21 janvier. […] Récamier, neveu des plus jeunes, et apparemment des plus jolis, dut s’habiller en femme, en belle dame, et, dans cet accoutrement, il alla s’installer chez M. de La Harpe, c’est-à-dire dans sa chambre à coucher même. […] Il y avait pourtant quelque chose qui tenait plus avant au cœur de La Harpe converti que l’amour des belles dames et que le goût de la bonne chère, c’était la passion littéraire proprement dite, la démangeaison du critique, et il n’y put jamais résister.

901. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

On était au plus beau moment du règne de Louis XIV. […] En français, au contraire, il traduit ; il cite, il enchâsse de belles pensées, de jolis traits, de beaux et riches exemples et, au milieu de la bonhomie de son style, cela aussitôt se distingue. Rollin, dans sa modestie qui descend à l’humilité, ne se donne jamais que pour un traducteur, un divulgateur, un colporteur de belles choses tirées des anciens, et qu’il tâche d’assortir avec choix, en les appropriant à la jeunesse chrétienne. […] Son sujet n’est le plus souvent qu’un prétexte à de beaux extraits tirés de Cicéron, de Pline, d’Homère, dont il nous fait passer sous les yeux les beautés choisies. […] Rollin lui-même désarme quand il déclare en commençant et qu’il répète en toute occasion n’aspirer à rien de plus, dans son Histoire, qu’à être « un bon compilateur. » On passe donc sur son absence continuelle de discussion et de critique, heureux de trouver chez lui un beau cours naturel de narration et un parfum de moralité salubre qui s’y mêle.

902. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Le plus beau pays du monde. […] La seule belle venue. […] Il a beau tomber de l’eau. […] Et ils auraient beau faire. […] Saluons huit, en deux strophes, des plus beaux vers de ce plus beau poème.

903. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

Ce fut (sans citer que très peu les Pères) la substance et comme le tissu de tout ce qu’ils ont de plus beau, plus fort et plus décisif, fondé sur l’Écriture, qu’il possède admirablement. […] Le second, d’environ trente-deux ans, a une belle physionomie, l’air fin, le son de la voix plus beau et plus soutenu, l’action plus agréable, une prononciation charmante, a puisé le christianisme dans les mêmes sources, car ils ont les mêmes principes et ont même étudié ensemble et de concert. […] — L’abbé Bayle, le dernier biographe de Massillon, a beau dire : cette quantité de propos, de bruits, d’anecdotes et de médisances qui s’appuient et concourent de toutes parts dans le même sens, ont bien leur gravité.

904. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre Premier »

La nécessité qui a fait doubler émoi par émotion est beaucoup moins évidente, et l’on ne voit pas bien que la langue qui avait émouvoir ait fait, en acceptant émotionner, une acquisition très importante ni très belle. […] Sur près de deux mille mots purement latins en sion et tion, il n’y en a pas vingt qui puissent entrer dans une belle page de prose littéraire ; il y en a moins encore qu’un poète osât insérer dans un vers. […] Au point de vue esthétique, si imperméabilisation et prestidigitateur par exemple, manquent vraiment de beauté verbale, il y a moins d’objections contre beaucoup de leurs frères latins, et d’autres, fort nombreux, sont très beaux et très innocents7. […] Il loue en ces termes insidieux : « il est beau et doux à l’oreille. ».

905. (1927) Approximations. Deuxième série

Pour Du Bos, le dialogue sur l’Âme et la Danse est un des plus beaux : il transcrit en mots le spectacle de la danse. […] Pourtant, en cette minute, ce lieu n’est beau que pour toi. […] Marinette n’a nul goût pour la dispute, mais qu’on l’y pousse, le beau carnage, le savoureux butin ! […] Beaux chatoiements éphémères vus semble-t-il à la fois au fil du courant et sous l’eau. […] Avec La Fin d’un beau jour au contraire le moteur est au point et le livre prend son vol.

906. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Il a beau montrer ses cornes, on lui soutient que ce sont des oreilles, on les lui tire pour le lui prouver. […] Aussi bien les auteurs ont eu beau s’ingénier à plaider, tour à tour, les deux causes, c’est, en fin de compte, le gentilhomme qui gagne la sienne devant le public. […] Il est jeune, beau, fier, de fine race et de grand cœur. […] Rêve creux de dandy, migraine de petite maîtresse que ces beaux souhaits ! […] Son plan est fait ; un procès en séparation peut seul la rendre à son monde ; ce procès, elle l’aura, elle y jouera le beau rôle.

907. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Qui n’a pas surtout épié de l’oreille ces musiques de la nuit sereine dans les beaux climats de l’Orient, dans les belles saisons de l’Occident, sur les margelles des eaux courantes, sur les rives des grands fleuves, au bord retentissant de la mer ? […] « Le mélodieux musicien chanta ensuite Bacchus, Bacchus toujours jeune et beau. […] Bacchus, toujours jeune et beau, créa le premier les joies de l’ivresse. […] Regarde la belle Thaïs à tes côtés ; prends ce que les dieux t’envoient ! […] Vous entendrez combien ces sonates sont belles ; je puis vous assurer que Dieu fait tous les jours de nouveaux miracles dans cet enfant.

908. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Allez, vos formes sont trop belles pour vêtir des métaphysiques ! […] Elle naîtra, cette belle littérature, dans la bienheureuse semaine — oh si proche ! […] Le chœur d’hommes est très beau. […] J’ai admiré, encore, quelques images très légères et vraies, par Madame Morizot, et un très beau tableau de M.  […] Se rappelle-t-on les dernières années de Louis Lambert, dans le beau roman de Balzac ?

909. (1886) Le naturalisme

N’est-ce pas ce qu’on a écrit de plus grand et de plus beau en fait de roman ? […] Rousseau sut voir le paysage et la nature et les décrire en pages éloquentes et belles. […] Le monarchiste le plus monarchiste ne ferait rien d’aussi beau. […] Ses formes ne sont pas belles, ni sa démarche agile. […] J’incline à comparer les beaux fruits de l’esprit humain avec l’émeraude, qui est une belle pierre mais dont on trouve rarement un échantillon qui n’ait une petite tache ou un petit défaut.

910. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Rien n’est vrai que le beau. […] Henry, qu’elle est belle, la vie d’artiste ! […] L’attitude, qui est belle, est rassurante. […] C’est trop beau ! […] Cette mort de Jean-Christophe est assez belle.

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