Soyez jeune, soyez dans la force de l’âge, soyez dans le déclin de vos années, vous n’avez pas une chance de plus ou de moins pour être oublié par la mort. […] « Petit charbon tombé d’un foyer de comète « Que sa rotation arrondit en planète, « Qui du choc imprimé continue à flotter, « Que mon œil oublierait aux confins de l’éther « Si, des sables de feu dont je sème ma nue, « Un seul grain de poussière échappait à ma vue ? […] XXVIII Maintenant, oublions ces faibles vers, et lisons Job ; et voyons par quel admirable circuit d’une pensée qui fait le tour du monde intellectuel le grand poète et le grand philosophe passe de la foi au doute, du doute au blasphème, du blasphème à la certitude, et du désespoir d’esprit à cette résignation raisonnée, à ce consentement de l’homme à Dieu, seule sagesse des vrais sages, seule vérité du cœur comme elle est la seule vérité de l’esprit.
Si nous oublions un moment que chaque espèce tend à se multiplier à l’infini, mais que quelque obstacle, souvent caché, entrave sans cesse son accroissement, toute l’économie de la nature est incompréhensible. […] Il ne faut pas oublier que les formes de la vie, au moins celles qui habitent les mers, ont changé presque simultanément dans le monde entier, et par conséquent sous les climats les plus différents et dans les circonstances les plus diverses. […] Il ne faut pas oublier que d’après ma théorie toutes les espèces du même genre descendent d’une espèce unique ; de sorte que, si l’on trouve, dans une formation géologique quelconque, six genres ayant chacun huit espèces, et dans la formation suivante six autres genres alliés ou représentatifs ayant chacun le même nombre d’espèces que les premiers, nous en pouvons conclure qu’une espèce seulement de chacun des genres les plus anciens a laissé des descendants modifiés qui forment les six nouveaux genres.
L’entrevue n’a pas plutôt pris fin que le père a tout oublié. […] C’est dans une direction seulement qu’elle a oublié d’attacher la perception au besoin. […] Le bon sens consiste à savoir se souvenir, je le veux bien, mais encore et surtout à savoir oublier.
Il oubliait que notre civilisation réunit au christianisme l’antiquité. […] Plus exactement, l’ayant aperçue, il ne l’oublie pas ; et, comme elle lui est sensible, son lecteur aussi la sentira. […] Ils ont laissé les coquilles mêlées à des fragments de serviettes oubliées, à des débris de claies en roseau, à des noyaux d’olives. […] J’oubliais de dire que sa main gauche était toujours froide, sa main droite chaude. […] Et, s’il a oublié le prénom et le nom vrais de son poète Rustique, du moins n’a-t-il pas oublié les œuvres de ce poète.
Il oublie ce qu’est une âme individuelle, comme tout à l’heure il oubliait ce qu’est une force historique ; il sépare le mot de la chose ; il le vide et le pose à part, comme un être efficace et distinct. […] Lysis est si attentif qu’il oublie qu’on ne l’interroge point, et répond tout d’un coup à la place de son compagnon. […] Au contraire, ceux qui ont plus de constance dans le caractère abordent lourdement les sciences et oublient vite. […] Ces charmantes fleurs de politesse et de décence nous feront oublier ce charretier en habit brodé. […] Troplong oublie que les États-Unis, quoique fort étendus et compliqués, sont gouvernés par un président, un congrès et un sénat.
Il ne faut pas oublier que « le plus grand philosophe qui ait jamais existé », à son sentiment, est Helvétius. […] Ces choses-là ne s’oublient point. […] Je demande sans cesse le nom de ces inconnus que je vois tous les jours et je l’oublie sans cesse. […] N’oubliez jamais que les classes à proprement parler ne disparaissent pas. […] Elle y est omise, oubliée, peut-être méprisée ; il semble parfois qu’elle y est raillée.
Mais cette “hautaine satisfaction” est peu de chose, et, si vous m’en croyez, vous ne la rechercherez pas ; vous retournerez dans les pays civilisés, vous oublierez ce que je vous ai dit, et vous vous rattacherez aux illusions que je vous ai données ; plus vous les croirez réelles et plus vous en jouirez. […] peut-être aussi que la critique, après avoir oublié du vivant du poète qu’il n’était point un penseur pour l’adorer sans restriction, oubliera après sa mort qu’il a été le roi suprême des mots, des rythmes et des images. […] Elle les suit, les poursuit, les embrasse, les tourmente, se place sur leur chemin, couche devant leur porte, — et toujours en conservant sa vertu, quand bien même quelques-uns, gens peu délicats, auraient volontiers oublié, en faveur de sa beauté, qu’elle n’avait plus sa raison. […] je le jure, jamais, jamais je n’oublierai, je n’abandonnerai plus cette femme céleste. […] Les hommes d’action n’ont pas le temps de s’attarder dans leurs souvenirs, et le grand ministre qui devait faire l’unité de l’Italie oublia probablement sans peine l’unique épisode de sa vie où il eut cédé aux entraînements de la folle du logis.
Piron est un excellent préservatif contre l’ennui ; mais il s’en va dans huit jours, et je vais retomber dans mes langueurs. » L’abbé, dans sa citation, soit malice, soit inadvertance, oublia la dernière ligne et s’arrêta après le mais, en ajoutant un et cætera qui laissait le lecteur libre de remplir la phrase de toute espèce de malice. […] Piron enrhumé a gardé la chambre trois jours, et il dit que de plusieurs côtés on a envoyé savoir de ses nouvelles : « Voltaire, avec tant d’autres, a envoyé régulièrement chez moi ces trois jours-là ; aussi hier je ne l’oubliai pas dans mes visites. […] Édouard Fournier, et un croquis très-vif de MM. de Goncourt. — Ne pas oublier deux articles de. […] Il peut y avoir eu quelque autre mot oublié par Piron dans la rapidité du récit.
Les imaginations de Fénelon n’ont pas l’attrait de celles de Descartes, de Leibniz, de Malebranche même, qu’il a combattu dans un ouvrage subtil et oublié ; ce sont trop souvent des bizarreries qui font regretter la dextérité qu’il y déploie. […] Mais vous n’y trouverez aucune flatterie pour les peuples, et Bossuet ne se prononce pas sur le droit redoutable et mystérieux des révolutions, aimant mieux croire que les gouvernements n’oublieront pas toute modération et toute raison jusqu’à rendre nécessaire l’exercice de ce droit. […] Bossuet a un autre avantage en tout ce qui regarde cette matière si délicate de la direction : il s’y borne à des prescriptions générales et sommaires, à ce qu’un esprit d’une capacité ordinaire peut oublier ou ne pas voir. […] « J’espère, lui écrit le duc de Bourgogne, par la grâce de Dieu, non pas telle que les jansénistes l’entendent, mais telle que la connaît l’Eglise catholique, que je ne tomberai jamais dans les pièges qu’ils voudront me dresser. » Le sage Mentor a oublié le conseil qu’il donnait au roi Idoménée de ne point se mêler des affaires de religion, et d’en laisser les débats aux prêtres des dieux165.
. — Le miel de l’Hymète… il n’est bon que quand il est vieux… Alors il est dur, il faut le couper au couteau : Tenez, pendant le siège, nous avons fait la découverte d’une boîte oubliée… elle était au moins, depuis six ans, à la maison… ça été une vraie ressource. […] C’est ainsi, je ne sais à l’occasion de quelle maudite matinée, où il avait oublié ses théories, qu’il arriva chez Latouche, en s’écriant : « J’ai perdu un livre, ce matin ! […] Un somptueux dîner, arrosé d’un Hochkeimer frappé, tout à fait supérieur, mais un dîner où, entre chaque convive, une tête de chien formidable, une tête de chien de toutes les grandes espèces, demandait, et quand on le faisait attendre, demandait avec des aboiements féroces, tout prêt à manger le convive qui l’oubliait trop longtemps. […] Mais l’attirant de ce monde neuf, qui a quelque chose de la séduction d’une terre non explorée, pour un voyageur, puis la tension des sens, la multiplicité des observations et des remarques, l’effort de la mémoire, le jeu des perceptions, le travail hâtif et courant d’un cerveau qui moucharde la vérité, grisent le sang-froid de l’observateur, et lui font oublier, dans une sorte de fièvre, les duretés et les dégoûts de son observation.
Puis la prosopopée prit place dans les rhétoriques parmi les conventions oratoires ; sa vérité psychologique, de plus en plus faible à mesure que les esprits se raffinaient, fut oubliée ; on ne se souvint plus que de sa valeur esthétique et de sa vertu démonstrative. […] Si l’excitation intérieure continue à croître, l’état de l’âme doit s’exprimer par un phénomène qui lui soit égal en intensité ; alors la parole intérieure vive ne suffit plus ; l’âme a besoin de sensations fortes, de bruit et de mouvement ; la parole extérieure, qui ébranle fortement les nerfs du toucher comme ceux de l’ouïe, jaillit des lèvres ; aux mouvements de la phonation se joignent ceux de la physionomie, des bras, des jambes : on gesticule, on se promène sans but, uniquement pour se sentir vivre, comme si le degré maximum de la sensation était pour l’état mental le plus intense un complément esthétique à l’attrait irrésistible ; l’âme envahie par un sentiment violent ou par une conception vive de l’imagination n’a plus de conscience pour le milieu qui l’entoure ; elle l’oublie, elle l’ignore momentanément, et, avec lui, les convenances, la réserve, les habitudes sociales qu’il impose ; par les sensations qu’elle se donne, elle se crée un milieu artificiel en accord avec le phénomène dominant et exclusif qui la possède ; elle est tout à son rêve ou à sa passion, et ce qui s’est emparé d’elle tout entière est par là même maître absolu du corps comme de l’âme220. […] Quand il éclate, il oublie la pudeur, mais il obéit à la logique. […] Mais un jour, emporté par la situation, il s’oublia, et d’une voix retentissante : « Eh !
Il oublia complètement les leçons de circonspection que lui avait données M. […] On oublie les défauts de l’enfant ; sa vue seule fait aimer la nature et bénir la vie. Comment n’oublierions-nous pas les défauts de Michelet, quand nous apprenons de lui à aimer, à agir, à espérer ? […] N’a-t-il pas voulu être la conscience et la voix des foules anonymes, victimes obscures qui ont fait l’histoire, et que l’histoire oublie ? […] J’oubliais de dire qu’ils comptent beaucoup, surtout à Naples, sur l’augmentation de la richesse publique.
— Ne m’oublie pas, dit la mère. […] Laissez battre votre cœur, oubliez tout système en vous rappelant que vous avez vingt ans. […] Dans sa religion même, il n’oubliera pas son avantage, seulement il l’ennoblit et le sanctifie dans l’idéal du bien suprême. […] Le chant des petits oiseaux tient aussi une grande place dans toutes les chroniques champêtres, personne ne l’oublie, pas même les plus sourds. […] Que de gens, complètement oubliés aujourd’hui, ont eu des succès immenses !
Il semble que le Dante ait tellement saisi l’imagination de ses contemporains, quand il a paru, qu’aussitôt ils ont oublié tout le reste. […] Ces désinences variées des verbes et des noms étaient oubliés. […] J’oublie même les sermons de saint Bernard, qui, prononcés en latin, avaient cependant une action populaire. […] Il fait oublier le breuvage du matin, et la voix des belles chanteuses. […] Nous tâcherons de fixer votre intérêt sur quelques points généraux, au lieu de le disperser sur des noms propres, maintenant oubliés.
Combien de talents incomplets, mais qui avaient quelques parties distinguées, n’ont-ils pas pressenti et précédé le talent supérieur qui seul éclatera aux yeux de tous et qui les fera oublier !
La philosophie moderne a bien de la peine à ne pas oublier naturellement cette charité qui est le cœur du christianisme en son sens divin.
Il aime à redonner à un mot son sens primitif, qui souvent s’est oublié et perdu de vue dans l’acception figurée, et à lui rendre tous les sens qu’il avait en passant de la langue latine dans la nôtre, et que nos vieux écrivains lui avaient conservés.
Je n’ai pas été peu surpris, il y a un ou deux mois, de lire un matin (7 juin 1866), dans le journal intitulé l’Événement et qui n’est censé s’occuper que de sujets à l’ordre du jour, la critique d’un discours que j’avais prononcé autrefois sur la tombe d’un de mes amis, le docteur Armand Paulin, discours qui n’avait pas moins de neuf années de date (ce que le critique se gardait bien de dire), discours oublié de moi-même et que je n’avais jamais songé à recueillir dans aucun de mes volumes de Mélanges, publiés depuis.
Villemain (ne l’oublions pas) a donné à son heure un autre grand signal de littérature élevée et tout historique, du haut de cette chaire de la Sorbonne qu’il fondait avec éclat, aujourd’hui, dans un cadre plus modeste, plus humble en apparence, quelque chose d’essentiellement neuf et utile, de particulièrement fécond et fructueux, s’inaugure aussi : le livre de M.
La chute, comme on voit, doit être un peu oubliée dans les hymnes de cette jeune et belle âme.
Toute sorte de plans politiques l’occupent, il envoie mémoires sur mémoires aux ministres, sans oublier les mémoires de ses services et de ses droits, se fâche des gratifications pécuniaires qu’on lui accorde, et les empoche après s’être fâché.
Puis il énumère les conditions auxquelles sera soumise la réouverture de l’établissement… Rien n’est oublié ; c’est d’une prévoyance d’aliéné qui aurait beaucoup d’imagination et qui aurait subi une forte discipline scientifique.
Us oublient Leibnitz, Rousseau et quelques autres, — mais comme ils disent en leur langage : « La Patrie avant tout !
Il y met une certaine complaisance, sans se laisser oublier, bien entendu.
Madame de Coulanges et moi nous célébrâmes hier votre santé à Maintenon, et n’oubliâmes pas la chambre des élus. » Plus tard, en 1678 et 1679, l’intimité s’étant établie entre le roi et madame de Maintenon, les relations qu’elle avait conservées avec les personnes de son ancienne société, en souffrirent réellement et durablement.
Toutefois, qu’on ne l’oublie pas, l’intelligence n’est pas ici seule en jeu, il s’agit de la réalité phénoménale qui d’ailleurs conditionne, on l’a vu, l’intelligence.
Je dirai simplement qu’en ces derniers temps, Jean Moréas, le bon musicien ; le raffiné poète des Lassitudes, Louis Dumur, sans oublier Verlaine dans quelques pièces liturgiques de Bonheur, Henri de Régnier, Francis Vielé-Griffin, Gustave Kahn et combien d’autres, ont tenté de remettre en honneur l’assonance.
Ses extraits insérés dans le Journal des sçavans, en donnant à ce Journal un peu plus d’intérêt & de chaleur qu’il n’en avoit auparavant, ne firent point oublier ceux des Sallo, des Gallois & du président Cousin.
N’oublions pas surtout ce trait qui donne tant à penser : … Fait périr maint bateau ; Le tout au sujet d’un manteau.
C’est qu’un tel élève a compris le secret des hautes études, ce secret que nous cherchons à vous faire entendre et qu’il vous est trop facile d’oublier.
Mais j’allais oublier de vous parler de la couleur de la passion ; j’étais pourtant tout contre.
Passons, passons ; mais n’oublions pas que l’artiste qui traite ces sortes de sujets s’en tient à l’imitation de nature ou se jette dans l’emblème, et que ce dernier parti lui impose la nécessité de trouver une expression de génie, une physionomie unique, originale et d’état, l’image énergique et forte d’une qualité individuelle.
Despreaux en daigna parler, et notre scene a même conservé quelques vestiges ou quelques restes de cette declamation qu’on auroit pû écrire si l’on avoit eu des caracteres propres à le faire, tant il est vrai que le bon se fait remarquer sans peine dans toutes les productions dont on peut juger par sentiment, et qu’on ne l’oublie pas, quoiqu’on n’ait point pensé à le retenir.
Or, c’est justement l’étude de cette grande chose qui plane sur toute la vie de Philippe II et qui le met à part, dans l’Histoire, lui et le XVIe siècle, c’est cette grande chose qui se trouve oubliée dans le livre de Forneron, où, excepté cette grande chose, il a tout vu.
Il y a enfin (n’oublions jamais cette fondamentale différence !)
on n’eût guères attendu à l’avance ces deux poèmes du poète désolé, nostalgique, à idée fixe, des Hirondelles ; mais c’est qu’on aurait oublié l’influence de la double race de Louis Wihl.
Que la Critique le rappelle à ceux qui l’oublient !
L’auteur de Césara 25, le prêtre de l’Église Hugo, est aussi, par la même occurrence, l’apôtre de cette autre Église humanitaire qui flambe neuf et va remplacer incessamment la vieille religion divine qui avait suffi jusque-là aux plus forts et aux plus nobles esprits, mais qui ne suffit plus maintenant, même aux plus imbéciles… Or, c’est dans les intérêts de cette religion humanitaire que l’auteur de Fanfan la Tulipe, laissant là les amusettes du théâtre où il s’est oublié si longtemps, s’est mis à écrire cette grande pancarte, qui aura plusieurs cartons, et qu’il appelle Les Chevaliers de l’Esprit, titre un peu vague.
Nous demandons cependant au lecteur de l’oublier.
Le ton de leurs hymnes est imposant ; mais l’initié, en parlant à Dieu, semblait ne s’occuper que de ses propres besoins ; il oubliait que des êtres faibles, en louant leur père commun, ne doivent pas se séparer du reste de la famille, et implorer des bienfaits qui ne soient que pour eux.
À ce mot de la sagesse de Claude, tous les Romains se mirent à rire, et l’on oublia pour un moment que l’orateur était le maître du monde.
Sénèque, écrivant les Troades, pouvait-il oublier cette scène de famille, plus terrible que les fictions tragiques ?
Aucune idée de blâme n’entre pour moi dans ce retour à des particularités oubliées ; il importait seulement de bien constater l’insensible déclin d’une congrégation sage, modérée, polie, qui avait trop de fenêtres ouvertes sur le monde pour que l’air extérieur n’y entrât pas très-aisément. […] Daunou, si l’on n’oublie pas que, chez lui, le châtié et l’orné, font constamment partie du scrupule, et que le Nicole (pour prendre des noms) s’y relève du Fléchier. […] L’année même de cette mort, en août 1811, il était chargé par l’Empereur d’aller à Rome pour faire expédier en France les archives pontificales, avec recommandation très-expresse de n’oublier la bulle d’excommunication de juin 1809, s’il pouvait s’en saisir. […] On n’a pas oublié ses notices exquises sur Vanderbourg, sur M. […] Un moraliste a pu dire, en recouvrant l’amertume du résultat sous un air de grâce : Bien des honnêtes gens sont comme le Sommeil, au quatorzième livre de l’Iliade, quand Junon veut le séduire pour qu’il aille endormir Jupiter : elle lui offre un beau trône d’or, et il refuse ; elle lui offre Pasithée dont il est amoureux, et il oublie tout, il succombe. » 118.
L’activité d’esprit y paraît plus grande, et ceci n’est qu’une apparence, ne l’oublions pas ; mais cette apparence est séduisante. […] Il ne faut pas l’oublier dans l’histoire de l’humanisme. […] Bulletins blancs… On oublie quelque chose. […] Peut-être s’efforçait-il d’oublier que ce qui est vrai d’un homme d’élite ne l’est peut-être pas du genre humain. […] J’ai oublié le nom de l’auteur.
Il ne faut jamais oublier, et Platon ne l’oublie jamais, que c’est cette démocratie-là, victorieuse et enivrée de sa victoire après la chute des Trente Tyrans, s’appuyant sur des lois surannées qu’elle faisait revivre comme armes de proscription, qui a tué Socrate. […] Ils auraient pu être détestés du bas peuple, à cause de leur distinction ; mais il ne faut jamais oublier qu’à Athènes le bas peuple n’existe pas, les esclaves en tenant lieu. […] La mort de Socrate lui a appris cela et il ne l’a pas oublié et il ne veut pas que personne l’oublie. […] Cette généralisation réussit à faire oublier ou mépriser l’objet déterminé et réel, mais ne lui substitue pas un objet de véritable affection ni d’admiration véritable. […] « Il ne faut pas oublier que tous les lieux ne sont pas également propres à rendre les hommes meilleurs ou pires et qu’il ne faut pas que les lois soient contraires au climat.
Vous oubliez qu’en vertu des règlements militaires, je ne pourrais entrer dans l’armée qu’en qualité de cadet. […] — Avez-vous donc déjà oublié ce dont nous sommes convenus avant-hier ? […] Cependant Boris n’était point oublié ; tout au contraire, il était le lien de réunion. […] Le pauvre Boris n’est point oublié dans ce cercle d’affections. […] se dit l’intendant, peut être que demain notre maîtresse aura déjà oublié ce projet de mariage.
On a beaucoup critiqué cette prédominance de l’esprit historique, et l’on a dit que l’école spiritualiste, en se consumant à découvrir ce que l’on avait pensé avant elle, oubliait un peu de penser pour son propre compte. […] demain peut-être, il se fera un mouvement en sens contraire ; il naîtra un penseur audacieux qui découvrira l’âme, et rappellera à l’homme étonné et ravi la dignité, la beauté, l’originalité de sa nature et de son rôle dans la création ; il lui apprendra ce qu’il aura oublié, à regarder au-dessus de lui et non au-dessous. […] On oppose sans cesse aux philosophes contemporains Descartes et Leibniz ; mais, sans parler du rare et exceptionnel génie de ces grands hommes, qu’on n’a pas le droit d’exiger de tous ceux qui se livrent à une science, on oublie que le domaine des sciences physiques et celui des sciences morales était bien autrement restreint de leur temps que du nôtre. […] Enfin la philosophie ne doit pas oublier qu’elle est une science, et que le rôle, que le devoir même de la science est le progrès. […] Une philosophie s’abandonne elle-même lorsqu’elle oublie ou néglige les recherches théoriques ; elle ne doit s’en prendre qu’à soi, si elle se voit supplanter par d’autres écoles plus entreprenantes.
Et je vais repartir pour des travaux plus en dehors, roman, théâtre, ou l’histoire et la théologie, sans oublier les vers. […] L’adorable Chômer, notre Lamartine, ce Barbier infiniment trop oublié, le grand Vigny et jusqu’à un certain point Baudelaire, ont rimé faiblement. […] Mais écoutez ceci : « Le Capitaine Fracasse, sachez-le bien, n’est qu’un morceau de tapisserie faite d’après les tableaux plus ou moins oubliés ou empoussiérés maintenant de ces maîtres qu’on appelle Scarron, Cyrano de Bergerac et, pour mieux dire, tous les romanciers du commencement du xiie siècle, que M. […] Déclamations de tribun bourgeois faisant le populaire, qui se souvient de ses humanités beaucoup trop dans l’espèce, et de littérateur qui est à cent mille lieues d’assez oublier qu’il a trempé dans le mélodrame — mais pas convaincu, pas convaincu pour un rouge liard ! […] Le frère de cet André Chénier, qui dut aux modifications s’ensuivantes, c’est certain, cela, sa juste célébrité, Joseph Marie Chénier, Chénier, auteur correct de quelques bons écrits, secs d’ailleurs, peut-être partiellement injustement oubliés, s’insurgea, se démena, aidé par de plus subtils qui flairaient, dans l’exagération de l’œuvre vraiment géniale, jusqu’aux moindres taches, jusqu’au nez du Père Aubry incliné vers la terre, — qui n’exista jamais que dans leur imagination, tournée, elle, jusqu’à la basse caricature.
Ils ont oublié pour lui leurs habitudes d’âpre patriotisme, et quelques-uns même sont allés jusqu’à lui sacrifier, fort injustement d’ailleurs, Shakespeare. […] Si vous l’avez oublié, la lettre qui suit vous le remettra eu mémoire. […] (Vous parlez de tréteaux, mon cher Sarcey, n’oubliez pas que Molière aimait Tabarin et qu’il devait y avoir souvent dans son comique un ressouvenir du Pont-Neuf.) […] Un jeune homme de bonne famille aime les cartes et sa fiancée ; quand il gagne au jeu, il oublie son Angélique ; il y revient quand il a perdu. […] Oubliez un moment le jeu « admirable » de Coquelin et de Jeanne Samary, oubliez quelques scènes de grosse bouffonnerie qui ne tiennent nullement à la trame de la pièce, que reste-t-il, en somme, pour sujet ?
Et comment oublierions-nous Miss Eunice Morgan Schenck, directrice du département de français et doyenne de la Graduate School ? […] Ils ont été, plus qu’eux, conscients d’une discipline morale qu’ils violaient quelquefois, mais qu’ils n’oubliaient pas, et qui restait présente à leur conscience. […] Ce dernier, qui n’oubliera pas la description cartésienne des passions, sera rebelle à l’esprit qui l’anime ; et c’est à la philosophie adverse qu’il demandera, au lieu d’un remède, une complicité. […] N’oublions pas de compter parmi ces influences, à un point de départ qui semble infiniment lointain de son aboutissement, l’empirisme du sage Locke. […] Il n’est pas oublié en Angleterre, au moins dans la partie de sa philosophie qui concerne l’optimisme.
N’oublions pas non plus d’appliquer à toutes ces beautés la distinction du beau et du sublime. […] L’art a-t-il trop oublié l’humanité ? […] Ils nous procurent des plaisirs où notre personne semble moins intéressée et s’oublie davantage. […] aussi aux dépens de l’âme, oubliée, répudiée, proscrite. […] Il ne faut pas oublier que ses sujets favoris n’exigent point une couleur éclatante : il retrace le plus souvent des scènes douloureuses ou austères.
Le mot est beau, bien que le sens en soit trop oublié par ceux qui le prononcent. […] En tout cas, il est encore un point capital que je ne saurais oublier. […] Mieux vaut en oublier, surtout en parlant d’un dilettante qui excelle à ne cueillir que la fleur des choses. […] Pour comprendre Racine, il faut commencer par oublier Versailles. […] Anatole France oublie tout à fait dans ces cas-là d’être sceptique.
Et avec cela son Journal est le procès-verbal de l’existence d’un homme qui a oublié de vivre, qui n’a pas su vivre. […] Il est manifestement faux que cette splendide pompe équestre fasse « oublier le supplice ». […] Aujourd’hui, le brillant Genevois passé dans le tourbillon parisien est autant oublié à Paris qu’au bord du Léman. […] Mais il oublie ce point de fait, que ces fanges ne sont plus à traverser, qu’elles sont traversées, et que la France n’y a pas laissé ses chaussures. […] Toutes deux évidemment, mais n’allons pas trop loin, et, pour diminuer nos regrets, n’oublions pas un point capital.
Mais un instant nous l’avions oublié. […] Et j’oublie que je n’ai devant moi qu’un marbre insensible. […] Les symbolistes l’ont trop souvent oublié : toute association d’idées n’est pas réversible. […] Ne l’oublions jamais : l’art n’a d’action que s’il est sincère. […] Mais l’oublierait-on par hasard ?
Ses haines n’ont aucune ténacité, parce que la haine est un sentiment qui ne rapporte aucun bénéfice ; il croit aussi inutile de se venger que de pardonner, mais il n’oublie rien. […] Puisque la mention de cette partie intermédiaire nous permet de revenir sur nos pas, n’oublions pas de payer le tribut de justes éloges qu’ils réclament à l’excellent portrait de M. […] Enfin n’oublions pas que le cheval de Phidias fait partie de la frise d’un temple consacré à Minerve, et que cette frise était destinée à reproduire la fête des panathénées. […] La situation à laquelle se rapporte Gabrielle est aujourd’hui bien oubliée ; rappelons-la en quelques mots. […] Là où il aurait fallu une comédie satirique hardie, quelque chose comme les Précieuses ridicules de l’amour, on eut un sermon, ou mieux un plaidoyer dialogué, où les personnages, gens du palais, n’ont pas eu à prendre la peine d’oublier les habitudes de leur métier.
Et le catholicisme avec toute religion rentre dans un genre commun que ceux-là qui en sont restés à Taine oublient trop. Mais j’oublie moi-même que chercher ce genre commun ce serait aller contre la raison du voyage, contre la loi d’un genre. […] C’est probable, mais cette rectification elle-même, affinons-la, et n’oublions pas toutes les routes de mouvement qui font craquer une formule elle-même rectiligne. […] On ne saurait oublier tel aîné éminent, de culture philosophique et européenne, comme M. […] Mais n’oublions pas que, dans tout cela, ce n’est pas de philosophie qu’il s’agit, c’est de critique.
Va, tu seras sans âge… Cependant n’oublie pas le recensement dernier. » Coxcomb sent un corps rose et gras s’attacher à son âme. […] La strophe de Fort se présente toujours comme elle doit être parlée, et parlée, ne l’oublions pas, selon l’accent même de l’Ile de France. […] Notre oreille s’est affinée, comme sensibilisée à l’excès, mais notre vers parlé mériterait la critique s’il oubliait l’âge classique et la persistance de certaines habitudes. […] « Quoi de plus fastidieux qu’une symétrie, si l’on n’en fait oublier la trop claire ordonnance par la qualité expressive des morceaux ? […] Prends garde qu’une seule d’entre elles, si tu te hâtes de la saisir, ne te fasse oublier toutes les autres.
Nous allons chercher bien loin dans le passé des figures de capitaines à remettre en lumière et en honneur ; n’oublions pas et tâchons de fixer sous leur éclair celles qui passent et brillent à nos yeux dans le présent. […] Je m’oublie et je reviens bien vite à la légion étrangère. […] Chapitre oublié dans Les Girondins ou les Garonnais… On ne promène pas un maréchal de France général en chef comme une cantinière hors d’âge. ».
L’homme à qui tout succède selon ses vœux oublie de vivre. […] Plus tard, en 1825, il retrouva dans une malle, à Lyon, de vieux papiers oubliés où cette théorie était déjà ébauchée en entier ; ce travail ancien, qui le frappa comme une découverte, se rapportait probablement à l’époque de sa jeunesse où il avait tenté une réfutation du Contrat Social : tant il y avait eu antériorité instinctive et prédestination, pour ainsi dire, dans les idées de M. […] Ç’a été volontiers de tout temps mon habitude et ma méthode de critique : je cherchais à m’effacer, à m’oublier ; je n’étais plus chez moi, j’étais chez un autre pour une quinzaine, ou mieux, j’étais cet autre même et l’on m’aurait pu prendre pour son second.
J’ai vu de mon temps cette habitude cesser partout et à bon droit… Les seigneurs ne leur sont plus bons à rien ; il est tout simple qu’ils en soient oubliés comme ils les oublient… Personne ne connaissant plus le seigneur dans ses terres, tout le monde le pille, et c’est bien fait52. » Partout, sauf en des coins écartés, l’affection, l’union des deux classes a disparu ; le berger s’est séparé du troupeau, et les pasteurs du peuple ont fini par être considérés comme ses parasites. […] Faute de le connaître, ils l’oublient ; ils lisent la lettre de leur régisseur, puis aussitôt le tourbillon du beau monde les ressaisit, et, après un soupir donné à la détresse des pauvres, ils songent que cette année ils ne toucheront pas leurs rentes. — Ce n’est pas là une bonne disposition pour faire l’aumône.
Que l’on m’amène un âne, un âne renforcé Je le rendrai maître passé Et veux qu’il porte la soutane. »165 « Tout parle en cet ouvrage, et même les poissons. » C’est le propre du poëte de s’oublier lui-même, pour faire place aux enfants de son cerveau, « invisibles fantômes », qui le font taire et s’agitent, s’élancent, combattent, vivent en lui comme s’il n’était pas là. […] On a oublié la nature de l’imagination humaine. […] Jamais ce barbare ne fera un meurtre.) « A ce propos, il est bon que je vous instruise de quelques petites particularités (le joli mot) qui ne sont pas à oublier, afin que les sachant, vous y donniez ordre.
Il avait entièrement oublié Brutus, Caton, Cicéron : la liberté orageuse ne valait pas, selon lui, la peine qu’on la pleurât ; d’ailleurs les hommes pouvaient bien trahir la cause trahie par les dieux. […] Notre ami Septimus pourra vous dire que je suis loin de vous oublier, et, si vous avez été assez fier pour négliger mon amitié, mon intention n’est pas de vous rendre la pareille et de faire le fier comme vous. » Cependant Horace publiait en ce moment le premier volume (rouleau) de ses œuvres. […] Frédéric, Catherine II, Octave, devenu Auguste, avaient peu à s’envier en fait d’immoralité et d’ambition, sinon de crimes ; mais Auguste, repentant et vieilli, faisait depuis longtemps oublier Octave quand Horace, entraîné par Mécène, consentit non à l’absoudre, mais à lui pardonner.
Après qu’il eut achevé ses complies devant moi, il m’adressa des paroles si pleines de bonté, que je ne pourrai jamais les oublier tant que je vivrai. […] Il n’oublia pas de lui faire remarquer que Chiaramonti, choisi et porté par eux au pontificat suprême, leur devrait son élévation encore bien plus qu’à ceux de la faction à laquelle il appartenait. […] Je ne veux pas l’oublier au milieu de ce récit.
Je lui fis ma visite de devoir en arrivant à Londres ; il oublia de me la rendre ; je n’insistai pas : ce ne fut qu’après mon séjour à Richmond que, sur l’observation de M. de Marcellus, M. de Chateaubriand me fit une visite et m’envoya une invitation à un de ses dîners diplomatiques. […] Je t’oublie, et tu peux m’oublier : Tu ne me reverras que sur mon bouclier.
Certes, ces derniers ont rendu à l’esprit humain un éminent service ; mais leur victoire même les a fait oublier. C’est le sort de tous ceux qui combattent les préjugés d’être oubliés, sitôt que le préjugé n’est plus. […] Ne pas oublier Das ewig Weibliche à la fin de Faust, et Méphistophélès vaincu par des roses tout en blasphémant, et l’admirable épisode de Dorothée et d’Agnès dans la Pucelle : Et, se sentant quelque componction, Elle comptait s’en aller à confesse ; Car de l’amour à la dévotion Il n’est qu’un pas ; l’une et l’autre est faiblesse.
C’est en elle qu’il oublia et perdit, pleinement, le monde des sons, cet art extérieur qu’il ne devait plus comprendre, désormais. […] Faire servir cette œuvre à un tel usage, nous serait malaisé, durant que nous l’entendrions ; car cette audition nous forcerait, aussitôt, à oublier toute comparaison définie, et à percevoir, exclusivement, la Révélation immédiate d’un monde nouveau. […] N’oublions pas de citer les traducteurs français à qui l’on est redevable en partie de la réussite du dernier concert populaire.
— encore au début de sa rénovation, il continue le joug de l’opéra et les usages des théâtres d’opéra ; et voilà qu’il restitue, lui-même l’affirme, un art correspondant à l’art antique, et il oublie qu’antique signifie antique, et il appelle cela l’art de l’avenir. […] Oh, quoi que ce soit, pour que j’oublie. » Ainsi l’âme se déchire en ses deux instincts, qui lors se nomment Parsifal et Kundry ; jusqu’à l’effondrement de tout et la disparition, en l’attente des convalescences. […] Oublié de nos jours, il fut pourtant remonté à l’Opéra-comique durant la saison 2012 en collaboration avec le Théâtre Royal de la Monnaie de Bruxelles.
Mais les philosophes qui affirment le progrès de la vie humaine en durée oublient encore que tout est coordonné dans le plan divin ; que ce plan divin assigne à l’homme une durée de vie en rapport exact avec le nombre des autres hommes qui vécurent ou qui doivent vivre à côté de lui, avant lui ou après lui sur cette terre ; que l’espace de ce petit globe ne s’élargit pas au gré des rêves orgueilleux des utopistes de la perfectibilité indéfinie ; que la fécondité même de l’écorce de ce petit globe, que nous rongeons, n’est pas indéfinie dans sa production des aliments nécessaires à l’existence de l’homme ; que si une génération prolongeait indéfiniment sa vie et multipliait à proportion sa race sur la terre, d’une part cette génération sans fin et sans limite trouverait bientôt ce globe trop étroit pour sa multitude et pour ses besoins ; d’autre part, que cette génération prendrait dans l’espace et dans le temps la place des générations à naître ; privilégiés de la vie qui condamneraient au néant ceux qui sont prédestinés à vivre ! […] Je n’oublierai jamais ce regard auquel l’étonnement, la douleur, la mort inattendue semblaient donner des profondeurs humaines de sentiment, aussi intelligibles que des paroles ; car l’œil a son langage, surtout quand il s’éteint. […] L’homme affamé ne pense qu’aux aliments qui peuvent rassasier sa faim, mais l’homme sage oublie la faim elle-même, pour se nourrir seulement de son Dieu !
et quand la contemplation extatique de l’Être des êtres lui fait oublier le monde des temps pour le monde de l’éternité ; enfin quand, dans ses heures de loisir ici-bas, il se détache, sur l’aile de son imagination, du monde réel pour s’égarer dans le monde idéal, comme un vaisseau qui laisse jouer le vent dans sa voilure et qui dérive insensiblement du rivage sur la grande mer ; quand il se donne l’ineffable et dangereuse volupté des songes aux yeux ouverts, ces berceurs de l’homme éveillé, alors les impressions de l’instrument humain sont si fortes, si profondes, si pieuses, si infinies dans leurs vibrations, si rêveuses, si supérieures à ses impressions ordinaires, que l’homme cherche naturellement pour les exprimer un langage plus pénétrant, plus harmonieux, plus sensible, plus imagé, plus crié, plus chanté que sa langue habituelle, et qu’il invente le vers, ce chant de l’âme, comme la musique invente la mélodie, ce chant de l’oreille ; comme la peinture invente la couleur, ce chant des yeux ; comme la sculpture invente les contours, ce chant des formes ; car chaque art chante pour un de nos sens, quand l’enthousiasme, qui n’est que l’émotion à sa suprême puissance, saisit l’artiste. […] Un serpent l’enlace comme le Laocoon ; serrée dans les replis du monstre, elle s’oublie encore elle-même pour ne songer qu’à son époux. […] XXXVI « C’était le soir », dit le poète ; « le char conduit par Nala ébranla la ville de Damayanti du bruit de ses roues ; les chevaux de Nala, qui ne l’avaient point oublié, entendirent ce bruit, qui retentit jusque dans leur écurie.
La véritable éloquence est celle qu’on oublie. […] Prétendre avec quelques-uns que c’est l’influence d’un plus beau ciel, d’une plus belle lumière, d’une plus belle nature, c’est oublier que ce que je dis c’est en général, sans en excepter les bambochades, des tableaux de nuit et des temps de brouillards et d’orages. […] On s’oublie devant ce morceau, c’est la plus forte magie de l’art.
C’est un esprit haletant et à deux pistes, qui oublie sa passion révolutionnaire pour courir après sa fantaisie de poète, et qui, bientôt après, délaisse sa fantaisie pour courir après sa passion. […] Ces précédents historiques terribles, accablants pour un prêtre et un cardinal, qui n’oublia jamais, du moins politiquement, qu’il était cardinal et prêtre, firent de la situation de Richelieu quelque chose d’effroyablement compliqué, où un homme seul, de son agilité et de sa force, pouvait se mouvoir et agir. […] Vous revoyez passer la figure déjà dessinée, les mêmes détails, entre lesquels il est bon de ne pas oublier la mort philosophique, sans confession, et le petit éloge de la femme de Marat, épousée devant le soleil et la nature, de cette femme dévouée dont l’histoire n’aurait jamais parlé sans M.
Il date sa vie par rapport à eux : il avait sept ans quand Scaliger est mort en 1609, à Leyde, tel jour de janvier, la veille d’une éclipse : « Ce démon d’homme-là savait tout, et plût à Dieu que je susse ce qu’il avait oublié ! […] Il y aurait surtout à bien éclaircir le texte au moyen de notes claires, simples, précises ; il faudrait que, d’un coup d’œil jeté au bas de la page, le lecteur fût brièvement informé de ce que c’est que tous ces auteurs et ces ouvrages oubliés que cite continuellement Gui Patin, et que, sans être médecin, on pût comprendre dans tous les cas s’il s’agit du Pirée ou d’un nom d’homme.
Et quand ma résolution est prise, tout est oublié, hors ce qui peut la faire réussir. […] De même que, dans ce passage qu’on n’a pas oublié, il a énergiquement rendu cette puissance d’organisation fatale qui semblait faite pour engendrer les tyrannies multiples, pour perpétuer l’hydre aux mille têtes et éterniser le chaos, de même ici il rend avec une précision inaccoutumée un idéal d’ordre, d’unité, de lumière, dont il avait sous les yeux l’exemplaire vivant ; en un mot, c’est le tableau de 1802, le contraire de 1792 ; c’est le monde jeune, renaissant merveilleusement après la ruine : Une commission est formée, dit-il, pour la composition d’un Code criminel, une autre pour un Code de commerce.
Il se pose trop en homme qui a eu une belle douleur, et qui semble dire : « Faites-la-moi oublier, ce sera pour vous une gloire. » Mais c’est ainsi que sont faits les cœurs humains, et une délicate fidélité, ou même un délicat oubli, un ensevelissement profond et respecté, n’est le propre que de bien peu. […] Élevée à Maubuisson, placée ensuite à l’Abbaye-aux-Bois où elle s’ennuyait, Mlle de Châteaubriant, dès ses premiers pas dans le monde de Chantilly, y sentit se développer des instincts de dissipation, de bel esprit et de coquetterie qui désolèrent Lassay avant même qu’il en fût victime : On est trop heureux, lui disait-il, de trouver une seule personne sur qui l’on puisse compter, et vous l’avez trouvée ; vous devez du moins en faire cas par la rareté ; il me semble pourtant que vos lettres commencent à être bien courtes, et qu’elles ressemblent à celles que vous m’écrivez quand vous êtes désaccoutumée de moi ; vous avez un défaut effroyable, c’est que, dès qu’on vous perd de vue, vous oubliez comme une épingle un pauvre homme qui tout le jour n’est occupé que de vous.
Dans l’état actuel de la civilisation, la nation européenne qui a contre soi toutes les autres, quelle qu’elle soit, doit à la longue succomber ; c’est là ce qu’on ne doit jamais dire à la nation, mais ne jamais oublier. […] « Quand je songe, écrivait-il à son ancien collègue, aux épreuves qu’une poignée d’aventuriers politiques ont fait subir à ce malheureux pays ; lorsque je pense qu’au sein de cette société riche et industrieuse on est parvenu à mettre, avec quelque apparence de probabilité, en doute l’existence même du droit de propriété ; quand je me rappelle ces choses, et que je me figure, comme cela est la vérité, l’espèce humaine composée en majorité d’âmes faibles, honnêtes et communes, je suis tenté d’excuser cette prodigieuse énervation morale dont nous sommes témoins, et de réserver toute mon irritation et tout mon mépris pour les intrigants et les fous qui ont jeté dans de telles extrémités notre pauvre pays. » C’était peut-être, il est vrai, pour consoler le chef de l’ancienne Opposition de gauche et le promoteur des fameux banquets qu’il écrivait de la sorte : quoi qu’il en soit, le philosophe est ici en défaut, et il paraît trop vite oublier ce qu’il a reconnu ailleurs, que ce ne sont pas les partis extrêmes qui ont renversé Louis-Philippe, mais que c’est la classe moyenne le jour où elle fit cause commune avec eux.
Je n’oublierai jamais un voyage de deux jours que j’ai fait, au mois d’avril 1864, sur la Rivière de Gênes, au milieu d’un temps épouvantable et pendant lequel tous les détails ici énumérés par Virgile se reproduisaient avec une vérité singulière. […] Seulement cette répétition qui, chez Homère faisant parler Hector, accentuait un sentiment héroïque et belliqueux, Virgile, qui n’oublie rien et qui ne fait rien comme un autre, Virgile, en s’en emparant, la transpose aussitôt sur le mode sensible et pathétique ; il la dépayse si je puis dire, pour qu’elle ne soit pas trop reconnaissable : voilà un des traits de son art ; le coup de clairon redoublé est devenu, grâce à lui, un écho de flûte plaintive ; il a soin de le reporter, ainsi adouci, et de le confondre dans son imitation du guerrier mort, gisant si loin de son berceau : cette imitation s’en relève et prend un tour original qui n’est plus de l’Homère : c’est du Virgile, et l’on a un admirable exemple de plus du genre de beauté poétique qui lui est propre et qui se désigne de son nom.
» En vain, au début du livre, par manière de prélude, il se disait en une de ces paroles, telles que seul il les sut trouver : « La vieillesse est une voyageuse de nuit : la terre lui est cachée ; elle ne découvre plus que le ciel. » À deux pas de là, il oubliait cette vieillesse que les dieux de la Grèce ne connaissaient pas, ou il ne s’en souvenait que pour s’écrier : « Ô Rome ! […] On s’est quitté à l’aube ; à l’aube, on épie la première clarté pour écrire ce que l’on croit avoir oublié de dire dans des heures de délices.
Qu’ils sont rares ceux qui, dans l’ordre de la pensée, se fixent à temps et adhèrent sans réserve à la vérité reconnue par eux perpétuelle, universelle et sainte ; qui, non contents de la reconnaître, s’y emploient tout entiers, y versent leurs facultés, leurs dons naturels : riches leur or, pauvres leur denier, passionnés leurs passions ; orgueilleux s’y prosternent, voluptueux s’y sèvrent, nonchalants s’y aiguillonnent, artistes s’y disciplinent et s’y oublient ; qui deviennent ici-bas une volonté humble et forte, croyante et active, aussi libre qu’il est possible dans nos entraves, une volonté animant de son unité souveraine la doctrine, les affections et les mœurs ; véritables hommes selon l’esprit ; sublimes et encourageants modèles ! […] Il ne dit pas le moins du monde, comme le suppose l’auteur d’ailleurs si impartial et si sagace d’une Histoire de la philosophie française contemporaine : « Voilà des personnes dignes de foi, croyez-les ; cependant n’oubliez pas que ni vous ni ces personnes n’avez la faculté de savoir certainement quoi que ce soit. » Mais il dit : « En vous isolant comme Descartes l’a voulu faire, en vous dépouillant, par une supposition chimérique, de toutes vos connaissances acquises pour les reconstruire ensuite plus certainement à l’aide d’un reploiement solitaire sur vous-même, vous vous abusez ; vous vous privez de légitimes et naturels secours ; vous rompez avec la société dont vous êtes membre, avec la tradition dont vous êtes nourri ; vous voulez éluder l’acte de foi qui se retrouve invinciblement à l’origine de la plus simple pensée, vous demandez à votre raison sa propre raison qu’elle ne sait pas ; vous lui demandez de se démontrer elle-même à elle-même, tandis qu’il ne s’agirait que d’y croire préalablement, de la laisser jouer en liberté, de l’appliquer avec toutes ses ressources et son expansion native aux vérités qui la sollicitent, et dans lesquelles, bon gré, mal gré, elle s’inquiète, pour s’y appuyer, du témoignage des autres, de telle sorte qu’il n’y a de véritable repos pour elle et de certitude suprême que lorsque sa propre opinion s’est unie au sentiment universel. » Or, ce sentiment universel, en dehors duquel il n’y a de tout à fait logique que le pyrrhonisme, et de sensé que l’empirisme, existe-t-il, et que dit-il ?
Quelques-uns qu’on oubliait se relèvent ; quelques autres, qui font grand effort de près et quelque apparence, s’enfoncent et n’offusquent plus. […] Il ne faut pas oublier sa situation précise.
mais j’oublie que Perse n’a pas écrit sa satire ou qu’elle s’est perdue. […] Il oublie que les Mémoires d’Outre-Tombe, ce monument d’ordre composite, où tous les styles se fondent (quand ils ne se heurtent pas), où il y a innovation et rénovation de langage en même temps sans doute que tradition, et dont le titre seul est déjà une audace, donneront un complet démenti à cette théorie qui tend à nous renfermer dans une charte de style légitime, et à échafauder, à partir de M. de Chateaubriand, une barrière infranchissable, comme, avant lui, on en posait après Jean-Jacques et Bernardin.
Mais ce qui nous donne à songer plus particulièrement et ce qui suggère à notre esprit mille pensées d’une morale pénétrante, c’est quand il s’agit d’un de ces hommes en partie célèbres et en partie oubliés, dans la mémoire desquels, pour ainsi dire, la lumière et l’ombre se joignent ; dont quelque production toujours debout reçoit encore un vif rayon qui semble mieux éclairer la poussière et l’obscurité de tout le reste ; c’est quand nous touchons à l’une de ces renommées recommandables et jadis brillantes, comme il s’en est vu beaucoup sur la terre, belles aujourd’hui, dans leur silence, de la beauté d’un cloître qui tombe, et à demi couchées, désertes et en ruine. […] L’embarras du bon M. de Renoncour quand son élève veut épouser sa nièce, les représentations qu’il adresse à la pauvre enfant, en lui disant du jeune homme : Avez-vous oublié ce qu’il est né ?
Un homme, qu’après cette parole proférée, puis consignée au Moniteur, je ne crois point devoir appeler mon collègue, s’est oublié au point de dire en m’apostrophant : « Ce n’est pas pour cela que vous êtes ici. » (Oui, monsieur Lacaze, vous avez dit et vous n’avez pas rétracté cette parole que, par respect pour le lieu où nous sommes, je me contenterai d’appeler peu séante.) […] Dans ce résumé rapide, il m’est arrivé d’oublier, je ne sais comment, le livre de M.
Les estampes431 représentent dans une chaumière délabrée deux enfants, l’un de cinq ans, l’autre de trois, auprès de leur grand’mère infirme, l’un lui soulevant la tête, l’autre lui donnant à boire ; le père et la mère qui rentrent voient ce spectacle touchant, et « ces bonnes gens se trouvent alors si heureux d’avoir de tels enfants qu’ils oublient qu’ils sont pauvres » « Ô mon père432, s’écrie un jeune pâtre des Pyrénées, recevez ce chien fidèle qui m’obéit depuis sept ans ; qu’à l’avenir il vous suive et vous défende ; il ne m’aura jamais plus utilement servi. » — Il serait trop long de suivre dans la littérature de la fin du siècle, depuis Marmontel jusqu’à Bernardin de Saint-Pierre, depuis Florian jusqu’à Berquin et Bitaubé, la répétition interminable de ces douceurs et de ces fadeurs L’illusion gagne jusqu’aux hommes d’État. « Sire, dit Turgot en présentant au roi un plan d’éducation politique433, j’ose vous répondre que dans dix ans votre nation ne sera plus reconnaissable, et que, par les lumières, les bonnes mœurs, par le zèle éclairé pour votre service et pour celui de la patrie, elle sera au-dessus des autres peuples. […] Il s’assoupit, à moins que la voix vibrante ne réveille en lui par contagion les instincts de la chair et du sang, les convoitises personnelles, les sourdes inimitiés qui, contenues par une discipline extérieure, sont toujours prêtes à se débrider. — Chez le demi-lettré, même chez l’homme qui se croit cultivé et lit les journaux, presque toujours les principes sont des hôtes disproportionnés ; ils dépassent sa compréhension ; en vain il récite ses dogmes ; il n’en peut mesurer la portée, il n’en saisit pas les limites, il en oublie les restrictions, il en fausse les applications.
Il serait tout à fait oublié aujourd’hui, lui et son œuvre, si, vers 1277, âgé de vingt-cinq ans ou environ, au sortir des écoles, il n’avait donné une fin au poème de Guillaume de Lorris, qui depuis tantôt un demi-siècle restait inachevé. […] Aussi bien n’importe-t-il guère, et l’auteur à chaque moment oublie, suspend et nous fait perdre de vue sa fiction.
On admire comme il sait s’intéresser à des histoires minuscules, à des draines qui évoluent tout entiers dans les bornes d’un rond de cuir, à des Lutrin et à des Seaux enlevés, à des épopées héroï-comiques qu’il aura oubliées dans cinq minutes. […] Vous oubliez, me dira-t-on, ses histoires de curés, de moines, de religieuses Hé !
Ce n’est point dans l’espoir d’une récompense posthume qu’il se cloître en fin de compte dans les songes : Qui font oublier sans retour, Tous les masques et les mensonges Dont se leurre le pauvre Amour. […] Qu’il le veuille ou non, René Ghil appartient à l’histoire du mouvement symboliste et les anthologies le prou vent, qui n’ont gardé de l’oublier dans le dénombrement des poètes de l’École.
Si l’on voulait analyser dans les œuvres du temps la multiple influence des femmes, il faudrait noter d’abord le grand nombre de femmes écrivains qui se sont alors révélées et formées, Mlle de Scudéry, Mme de Motteville, la grande Mademoiselle, Mme Deshoulières, sans oublier les deux plus illustres, qui n’ont été connues que plus tard, mais qui ont fait en ces années-là leur apprentissage de la vie,, Mme, de Sévigné et Mme de La Fayette. […] Il ne faut jamais oublier ces paroles de la duchesse de Bourgogne à Mme de Maintenon87 : « Ma tante, se mit-elle à dire, il faut convenir qu’en Angleterre les reines gouvernent mieux que les rois ; et savez-vous bien pourquoi, ma tante ?
Le danger est aussi que l’écrivain, désireux de prêcher ses lecteurs, de les diriger en un certain sens, oublie ou dédaigne de plaire, provoque l’ennui, sacrifie la beauté, froisse et dégoûte par une intolérance mesquine. […] On n’a pas oublié la fièvre de maternité qui fit éruption dans le beau monde de Paris, quand Rousseau eut dénoncé comme de mauvaises mères les femmes qui livraient leurs enfants à des nourrices ; jusque dans les couloirs de l’Opéra, on put rencontrer des enfants à la mamelle que leurs jeunes et pimpantes mamans venaient allaiter durant les entr’actes.
Rois, jaloux de la durée de votre Empire & du bonheur de vos sujets, n’oubliez jamais que les dogmes du seul Epicure, après avoir corrompu & renversé tous les Etats de la Grece, causerent la ruine de la République Romaine, qui avoir résisté aux armes victorieuses des Gaulois ; n’oubliez jamais que les Gouvernemens les plus sages ont toujours protégé & défendu la Religion, & que de toutes les Religions, la Chrétienne est celle dont les principes & la morale sont les plus propres à soutenir, entre vous & vos peuples, cet amour réciproque qui fait le bonheur de tous.
. — « Si ce palais prenait une voix, il parlerait clairement ; quant à moi, je parle volontiers à ceux qui savent : pour qui ignore ou ne comprend pas, je ne sais rien, j’oublie tout. » — La terreur sort déjà de cette réticence de l’esclave. […] Tout enfant on l’avait oubliée, une nuit, dans le temple d’Apollon ; on la retrouva, le matin, ceinte d’un serpent noué autour de ses tempes, qui lui léchait les oreilles.
Daubigny), de venir à la fête ; je vous en conjure ; mais ne vous oubliez pas toutefois dans votre municipalité. […] faut-il que Brutus languisse oublié loin de Rome !
Dans le plaisir de la recherche, ils oubliaient la passion qui les avait inspirés. […] Cette manière d’entendre la politique pourrait avoir des inconvénients entre les mains d’un esprit corrompu, comme Machiavel, ou un peu trop indifférent, comme Aristote et quelquefois Montesquieu ; car, en se contentant d’observer comment les hommes agissent, on peut oublier comment ils devraient agir, et prendre leur conduite habituelle pour règle et pour mesure du juste et du droit.
Il est toujours clair, élégant, harmonieux, & dans le ravissement où il jette le lecteur, il oublie tous les défauts de l’auteur : ces enchantemens qui semblent appartenir à la féerie ; ce mêlange bizarre d’idées payennes & chrétiennes ; ces jeux de mots & ces concetti puériles, que le goût du siécle avoit arraché au Poëte. […] Nous ne nous occupons qu’à nous faire voir, qu’à nous faire sentir ; ils s’oublient entiérement pour ne montrer que la chose qu’ils imitent.
Si, pressé par le temps, je me contente, pour une idée que je crois neuve, d’une expression imparfaite, la formule que je confie au papier est un véritable expédient mnémonique, un moyen tel quel de ne pas oublier l’idée qui, tandis que ma main trace les caractères, est présente à mon esprit. […] Le mot sagacité vient enfin, et mon idée l’adopte comme son expression propre ; et alors seulement, mais à l’instant, elle se manifeste dans mon esprit dans toute sa plénitude… Nous éprouvons tous les jours le besoin qu’un nom, un mot rappelle à notre esprit une personne que nous devons voir, un lieu où nous devons aller, une affaire que nous devons traiter ; … on se souvient vaguement…, faute d’un mot qui aurait rappelé l’idée précise… Ainsi l’on oublie les expressions et non pas précisément les idées, puisque l’idée se montre aussitôt que l’expression se présente.
Eugénie qui aimait les oiseaux avec cette tendresse de la jeune fille, perçant comme une pointe de fleur en bouton à travers les innocentes garçonneries du premier âge, Eugénie l’oiselière se trouva un nid, dans les mains, plus grand, plus touchant et plus désolé que ceux que lui dénichait son frère Erembert, à cœur de journée, et malgré les liens secrets et mystérieux qui l’unissaient, esprit de tant d’aile, à ces autres créatures ailées, — le plus charmant symbole de nos âmes, — ce nid sans mère qui lui échéait lui fît oublier tous les autres nids. […] Si les esprits contemporains n’étaient pas troublés et rompus jusqu’à l’axe même, il suffirait, sur Eugénie de Guérin, de cette page où l’écrivain oublie jusqu’à la langue qu’il emploie et se sert des mots comme d’un doigt pour montrer les choses.
L’insensé doctrinaire du Beau déraisonnerait, sans doute ; enfermé dans l’aveuglante forteresse de son système, il blasphémerait la vie et la nature, et son fanatisme grec, italien ou parisien, lui persuaderait de défendre à ce peuple insolent de jouir, de rêver ou de penser par d’autres procédés que les siens propres ; — science barbouillée d’encre, goût bâtard, plus barbare que les barbares, qui a oublié la couleur du ciel, la forme du végétal, le mouvement et l’odeur de l’animalité, et dont les doigts crispés, paralysés par la plume, ne peuvent plus courir avec agilité sur l’immense clavier des correspondances ! […] Mais il ne faut jamais oublier que les nations, vastes êtres collectifs, sont soumises aux mêmes lois que les individus.
De même, le montagnard que son rang censitaire place dans les comices auprès de l’habitant des côtes n’oublie pas son lieu d’origine ni les relations qu’il y a contractées. […] C’est en ce sens que Jhering a pu soutenir ce paradoxe : « L’argent est le grand apôtre de l’égalité179. » Marx le dit de son côté180 : « L’argent en qui s’effacent toutes les différences qualitatives entre les marchandises, efface à son tour, niveleur radical, toutes les distinctions. » Sur le marché il n’y a plus qu’un échangiste, en face d’un échangiste — race, nation, religion, tout ce qui distingue les hommes est momentanément oublié.
Ils oublièrent leurs maux en voyant que la route des honneurs leur était ouverte désormais. […] Grâce à cette forme de gouvernement, les nations nouvellement entrées dans la civilisation, devaient rester longtemps sans communication extérieure, et oublier ainsi l’état sauvage et bestial d’où elles étaient sorties.
Dans cette ode si connue où Horace énumère tout ce qu’il nous faudra quitter bientôt à l’heure de la mort (Linquenda tellus et domus et placens uxor…), il oublie une des plus profondes douceurs, une des plus durables et des plus chères à la vie déclinante, celle de lire Horace et les Anciens : un jour viendra bientôt, charmant poëte, où nous ne te lirons plus !
Français, qui avons vu depuis notre liberté étouffée, notre patrie envahie, nos héros fusillés ou infidèles à leur gloire, n’oublions jamais ces jours immortels de liberté, de grandeur et d’espérance !
N’oublions pas, pour nous expliquer et nous justifier cette susceptibilité ombrageuse, que les pouvoirs souverains des divers États sont assez éclairés et intéressés sur ce chapitre des grands travaux publics, pour se passer du Congrès.
Sur ce point, presque tous emploient le même langage : « Je me sentais si complètement changé, qu’il me semblait être devenu un autre134 ; cette pensée s’imposait constamment à moi sans que cependant j’aie oublié une seule fois qu’elle était illusoire. » — « Quelquefois il me semble n’être pas moi-même, ou bien je me crois plongée dans un rêve continuel. » — « Il m’a littéralement semblé que je n’étais plus moi-même. » — « Je doutais de ma propre existence, et même par instants je cessais d’y croire. » — « Souvent il me semble que je ne suis pas de ce monde ; ma voix me paraît étrangère, et, quand je vois mes camarades d’hôpital, je me dis à moi-même : “Ce sont les figures d’un rêve.” » — Il semble au malade « qu’il est un automate » ; « il sent qu’il est en dehors de lui-même ». — Il ne « se reconnaît plus ; il lui semble qu’il est devenu une autre personne ».
Qu’on prenne le genre qu’on voudra, discours, histoires, romans, comédies, on verra qu’il y a peu d’œuvres qui réussissent, encore moins qui durent à travers les siècles, sans une bonne économie : et pour peu qu’on ait de curiosité, on découvrira dans la multitude innombrable des écrits oubliés, pour peu qu’on ait d’attention, on notera dans le passage incessant des écrits qui ne naissent que pour mourir, plus d’une œuvre que les plus hautes qualités, que des morceaux admirables, des beautés singulières, semblaient adresser à l’immortalité.
Comment se peut-il que d’aucuns aient même osé nier — ou renier — le maître écrivain dont nous parlons et se soient si peu respectés qu’ils oublièrent qu’une telle œuvre et un tel homme imposent tout au moins le respect ?
Il a oublié le Chat Noir où écrivaient Goudeau, Léon Bloy, Moréas, Albert Samain, la Renaissance dont j’ai parlé au début de cette étude, le Faune de Marius-André, la Conque de Pierre Louÿs, les Chroniques de Raymond de la Tailhède et bien d’autres.
Là aussi, sur cette terre où dorment le charpentier Joseph et des milliers de Nazaréens oubliés, qui n’ont pas franchi l’horizon de leur vallée, le philosophe serait mieux placé qu’en aucun lieu du monde pour contempler le cours des choses humaines, se consoler de leur contingence, se rassurer sur le but divin que le monde poursuit à travers d’innombrables défaillances et nonobstant l’universelle vanité.
Les accens même ne furent pas oubliés.
« Examinons, disions-nous encore, ce que c’est que l’homme ; oublions que nous sommes nous-même une de ces misérables et sublimes créatures appelées de ce triste et beau nom dans la création universelle ; échappons, par un élan prodigieusement élastique de notre âme immatérielle et infinie, à ce petit réseau de matière organisée de chair, d’os, de muscles, de nerfs, dans lequel cette âme est mystérieusement emprisonnée ; supposons que nous sommes une pure et toute-puissante intelligence capable d’embrasser et de comprendre l’univers, et demandons-nous : Qu’est-ce que l’homme ?
L’indigne prussienne oublie ses créanciers qui viennent sans cesse crier à ma porte.
Pour être surpris de ce que dit Aristote sur l’importance de la melopée, il faudroit n’avoir jamais vû representer des tragedies, et pour être étonné qu’il charge le poëte de la composition de la melodie, il faudroit avoir oublié ce que nous avons remarqué, et promis de prouver, comme nous le ferons ci-dessous, sçavoir, que les poëtes grecs composoient eux-mêmes la déclamation de leurs pieces, au lieu que les poëtes romains se déchargeoient de ce travail sur les artisans, qui, n’étant ni auteurs ni comediens, faisoient profession de mettre au théatre les ouvrages dramatiques.
Les lettres seules de madame de Sévigné ont parlé jusqu’au radotage de ce petit marquis de Grignan, la poupée cassée de sa grand’mère ; car, revenues à l’enfance, les grand’-mères ont toutes pour dernières poupées leurs petits-enfants… C’est aux barbouillages de sa tendresse, laissés sur son nom, oublié sans elle, que l’obscur Grignan doit, dans les ténèbres où il gît, cette lueur de phosphore.
Il y a oublié ses devoirs et sa fonction de roi ; les difficultés de son règne.
Ridicule délicieux de gens qui avaient oublié de se tâter, comme Sosie, pour voir ce qu’ils étaient !
Gervinus, il n’ose pas s’inscrire en faux contre cet Allemand qui lui impose comme tout Allemand, mais ailleurs, quand il a besoin de flétrir, je crois, les vieux catholiques intolérants, il oublie que Machiavel « est un grand cœur pur de citoyen », finement ironique seulement quand il est atroce, et il se permet une tournure hautaine.
Le bien que nous dîmes de ce recueil de poésies est peut-être oublié ; mais nous nous en souvenons toujours.