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755. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Vinet) qui fit l’oraison funèbre du défunt ; cette action ne laissa pas d’étonner un peu les mœurs extrêmement timides du pays et, on peut le dire, celles de l’orateur lui-même. […] Et si, par la délicatesse exquise de sa modestie, il sort un peu de la manière plus couramment démocratique des mœurs de son pays, il y rentre tout à fait par cette énergie et cette faculté de résistance, qui ne s’affiche pas, mais se retrouve toujours. […] Quand il nous signale en une langue les divers systèmes de mots qui disparaissent ou s’introduisent selon les changements plus ou moins graves survenus dans les mœurs, il montre l’un ou l’aufre de ces cortéges mobiles qui se retire avec le temps, laissant à la vérité dans la langue, dit-il, des allusions et des métaphores qui ne peuvent s’en détacher, mais toutefois emportant, ainsi qu’une épouse répudiée, la plus grande partie de sa dot.

756. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

.), romans et nouvelles de mœurs et de société (Arthur, Cécile, etc., etc.), romans historiques enfin (Latréaumont, Jean Cavalier). […] Ils n’existent que dans le drame moderne ou dans le roman. » Je ne nie pas qu’il n’y ait mainte fois de la charge et du cumul dans l’expression ; mais, pour prendre le meilleur selon moi, le plus habile et le plus raffiné des romans de mœurs de M. […] Sue pour les futurs romans de mœurs qu’il produira.

757. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

On y apprend beaucoup de détails piquants de mœurs, et à connaître en somme (pourvu qu’on le lise avec contradiction) toute cette poésie du second âge. […] Nisard, après être entré dans son sujet sans trop de parti-pris peut-être, et avec l’idée de peindre surtout les mœurs romaines par les poëtes, est vite arrivé à concevoir que ce cadre était tout naturellement ouvert à une protestation motivée contre le goût et les prétentions d’une école qu’il craignait d’avoir d’abord servie, et qu’il jugeait sage de répudier. […] Eu même temps qu’il célèbre les maisons de campagne de ses amis, il parle de leurs mœurs, de leurs goûts, de leur âme.

758. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

D’après le peu qu’on vient de lire sur le caractère, les mœurs et les habitudes d’esprit de Racine, il serait déjà aisé de présumer les qualités et les défauts essentiels de son œuvre, de prévoir ce qu’il a pu atteindre, et en même temps ce qui a dû lui manquer. […] Nous nous sommes déjà expliqué sur notre admiration pour Phèdre ; pourtant, on ne peut se le dissimuler aujourd’hui, cette pièce est encore moins dans les mœurs grecques que Britannicus dans les mœurs romaines.

759. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Les conseils du Mentor à son élève, son souci continuel et respectueux pour la gloire de cet aimable marquis ; ce qu’il lui recommande et lui permet de lecture, le Télémaque, la Princesse de Clèves ; pourquoi il lui défend la langue espagnole ; son soin que chez un homme de cette qualité, destiné aux grandes affaires du monde, l’étude ne devienne pas une passion comme chez un suppôt d’université ; les éclaircissements qu’il lui donne sur les inclinations des sexes et les bizarreries du cœur, tous ces détails ont dans le roman une saveur inexprimable qui, pour le sentiment des mœurs et du ton d’alors, fait plus, et à moins de frais, que ne pourraient nos flots de couleur locale. […] Prévost avait étudié sur les lieux, et admirait sans réserve l’Angleterre, ses mœurs, sa politique, ses femmes et son théâtre. […] Et quant à la ressemblance avec l’Arcadie et le pays de Céladon, que l’écrivain anglais signale avec quelque malice, lui, il ne s’en effarouche aucunement, car il est persuadé, dit-il, « que dans l’Arcadie et dans le pays de Forez, avec des principes de justice et de charité, tels que la fiction les y représente, et des mœurs aussi pures qu’on les suppose aux habitants, il ne leur manquoit que les idées de religion plus justes pour en faire des gens très-agréables au Ciel100. » Après six années d’exil environ, Prévost eut la permission de rentrer en France sous l’habit ecclésiastique séculier.

760. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

« Car, disait Longin traduit par Boileau, lorsqu’en un grand nombre de personnes différentes de profession et d’âge, et qui n’ont aucun rapport ni d’humeurs ni d’inclinations, tout le monde vient à être frappé également de quelque endroit d’un discours, ce jugement et cette approbation uniforme de tant d’esprits, si discordants d’ailleurs, est une preuve certaine qu’il y a là du merveilleux et du grand. » Quand à la diversité des âges, des humeurs et des professions s’ajoute celle des races, des époques et des mœurs, l’uniformité d’approbation sera une marque bien plus certaine et plus indubitable encore de l’excellence des ouvrages. […] La comédie, enfin, n’imitera que les mœurs de cour et de salon, ce qu’il y a de plus convenu, extérieur et accidentel, ce qu’il y a de moins humain dans l’homme. […] Il a voulu garder la mythologie, à laquelle une nation chrétienne ne pouvait pas croire, il a voulu garder l’épopée, qu’un siècle de civilisation raffinée et de raison mûrie ne pouvait pas refaire ; et pour assurer une existence artificielle à ces choses si particulièrement attachées aux mœurs et à l’esprit des temps antiques, il a dû les dénaturer et leur attribuer une valeur fictive et toute de convention, selon les préjugés les plus étroits du goût contemporain.

761. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Elles trouvent faveur d’abord auprès de la partie de l’aristocratie anglo-normande et française, qui commençait à subir l’influence de ce Midi où la vie était plus facile, tout égayée de luxe éclatant et d’amour raffiné, en qui la poésie aux formes riches, les sentiments noblement subtils des troubadours insinuaient des mœurs plus douces, et le désir inconnu des commerces aimables et du bien-être raffiné. […] Les aventures, les exploits, la chevalerie, les tournois, la religion, n’y tiennent que peu ou point de place, encore que l’on y trouve des évêques et des couvents, et que les mœurs extérieures soient celles de l’Angleterre et de la France du xiie  siècle. […] C’est pour leur plaire, et à tout le beau monde, qu’il prodigue les détails de mœurs délicates, les peintures de la vie aristocratique.

762. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Je laisse l’anachronisme perpétuel des costumes et des mœurs, qui n’éclate pas seulement dans les scènes comiques : si les ouvriers de la tour de Babel sont des maçons du xve  siècle, Lazare partant pour la chasse, un faucon sur le poing, sur les lèvres un refrain de chanson nouvelle, est un galant seigneur du même temps. […] Car il n’appartient qu’aux époques de réflexion raffinée de goûter l’imitation des mœurs étrangères ou inconnues : l’instinct spontané de la foule inculte ne réclame que l’imitation des mœurs connues et familières.

763. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

Sa peinture de l’homme est juste, un peu banale ; c’est l’homme de Montaigne, de La Rochefoucauld et de Pascal : égoïste, léger, inconstant, toujours en deçà et au-delà du vrai, prenant pour raison sa fantaisie, son habitude et son intérêt, incapable d’un sentiment profond et durable, plus capable d’un grand effort d’un instant que d’une vertu moyenne et constante, allant aux belles actions par vanité, ou par fortune, soumis à la mode dans ses mœurs, dans ses idées comme dans son vêtement. […] Tout est excellent, tout est neuf dans le chapitre de l’Histoire : il veut qu’une histoire soit philosophique par l’explication des causes, par l’étude des institutions et de leurs transformations, dramatique par la peinture des mœurs, des caractères, par la vraie et vive couleur du récit. […] Éditions :Les Caractères de Théophraste, traduits du grec avec les Caractères ou les Mœurs de ce siècle, Paris, Michallet, 1688 (réimprimé chez Jonaust, Paris, 1867) ; 4e édit. 1689 ; 8e édit. 1694.

764. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Les revues d’avant-garde sont pleines de manifestes où l’on s’élève contre le préjugé des mœurs. […] Chevrier dans la Revue indépendante (nºs d’août 1884 et de février 1885) réclame la liberté de la chair comme corollaire de la liberté de conscience et propose que tout être humain soit maître souverain de son être et de son corps comme de sa pensée, que le goût de l’individu soit la seule loi de ses passions et décrète que la morale, définie règle des mœurs, est une atteinte à la liberté. […] Il juge la morale, simple affaire de convention, de mode, et de préjugé, nuisible surtout à l’œuvre d’art, ce qui ne l’empêche pas de condamner, en son nom, les « mauvaises mœurs » à travers les écrits de son temps.

765. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Si les Ouvrages d’esprit ont une influence marquée sur le génie & les mœurs d’une Nation, on ne peut douter que les Lettres n’intéressent le Gouvernement, & que les Ecrivains qui s’opposent à leur dégradation, n’aient des titres à sa protection & à ses récompenses. Cependant, par une fatalité des plus décourageantes, on a vu l’Ecrivain qui a montré le plus de zele pour les principes du goût, des mœurs & de la Religion, le plus de talent & de confiance à les défendre contre les attentats de la nouvelle Philosophie ; on l’a vu, dis-je, toute sa vie en proie aux persécutions & le martyr de sa fermeté. […] Je tâche de les lire, comme les ont lues de tout temps les Sages & les Littérateurs éclairés : les Sages, pour n’y admettre que des mœurs, des sentimens, des caracteres, des maximes propres à donner à l’ame de l’énergie & des vertus ; comme les Littérateurs éclairés, pour condamner & rejeter les vains efforts de l’Art, les bizarreries de l’imagination, le clinquant de la fausse parure, la manie des sentences & des déclamations.

766. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

Si l'on veut se convaincre davantage de l'audace ou de la stupidité des Détracteurs de la Religion, qu'on compare les mœurs & les temps. […] Nous sommes bien éloignés de vouloir avilir nos Contemporains : mais quelle comparaison entre ces temps de grandeur & d'élévation, de franchise & de bonne foi, où la soumission religieuse contenoit les esprits, fixoit les sentimens, régloit les mœurs, & ce temps de vertige où tout paroît permis, où l'on n'est retenu par aucun frein, où l'on craint plus de manquer aux bienséances qu'à la vertu, où les rangs décident la Justice, où l'intérêt public est continuellement sacrifié à l'intérêt particulier ? […] Il est dit dans le même Arrêt, si flétrissant pour les mœurs actuelles, que le nombre des enfans exposés augmentoit tous les jours, & que la plupart provenoient aujourd'hui de nœuds légitimes, de maniere que les asiles institués dans l'origine, pour prévenir les crimes auxquels la crainte de la honte pouvoit induire une mere égarée, devenoient par degrés des dépôts favorables à l'indifférence criminelle des parens.

767. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

Le duc de Richelieu, au contraire, était opposé à celle-ci : il avait un autre candidat en vue, une grande dame ; car il semblait que, pour devenir maîtresse du roi, la condition première fût d’être dame de qualité, et l’avènement de Mme Le Normant d’Étiolles, de Mme Poisson, comme maîtresse en titre du roi, fit toute une révolution dans les mœurs de la Cour. […] On vit alors aussi le plus singulier spectacle, un roi de Prusse héroïque et cynique aux prises avec trois femmes, trois Souveraines acharnées à sa perte, et qu’il qualifiait toutes les trois énergiquement, l’impératrice Élisabeth de Russie, l’impératrice Marie-Thérèse et Mme de Pompadour, et s’en tirant avec elles en homme qui n’est habitué ni à aimer le sexe ni à le craindre ; et, d’autre part, Louis XV disant naïvement de ce roi dont il n’avait pas su être l’allié, et dont il était l’ennemi si souvent humilié et battu : « C’est un fou qui risquera le tout pour le tout, et qui peut gagner la partie, quoique sans religion, sans mœurs et sans principes. » Le plaisant est que Louis XV se croyait des mœurs et des principes plus qu’à Frédéric, et il en avait en effet un peu plus, puisqu’il le croyait.

768. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Deux passages précieux de Tacite, qu’on lit dans les Mœurs des Germains, appuient cette tradition et nous donnent lieu de conjecturer que l’usage dont il parle était celui de tous les premiers peuples : Non casus, non fortuita conglobatio turmam aut cuneum facit, sed familiæ et propinquitates ; duces exemplo potius quàm imperio, si prompti, si conspicui, si ante aciem agant, admiratione præsunt. […] Telles sont les mœurs du nouveau monde et d’une grande partie de l’ancien. […] On a retrouvé les mêmes mœurs dans les Indes occidentales : les pères y vendaient réellement leurs enfants ; et en Europe les Moscovites et les Tartares peuvent exercer quatre fois le même droit.

769. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

sont-ce ses Contes, son Dictionnaire philosophique, son Essai sur les Mœurs des Nations, et cette multitude de pamphlets sans nom lancés à tout propos contre l’Évangile et l’Église ? […] De même qu’un honnête homme évite l’entretien des femmes perdues de mœurs et des hommes déshonorés, de même un chrétien doit-il éviter la lecture des ouvrages qui n’ont fait que du mal au genre humain.

770. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

Qui verra disparoître l’enceinte des murs, les habis, les coutumes, & les mœurs ; & dans une affection généreuse & universelle, frappera cette barbare intolérancea, qui oppose Loix à Loix, homme à homme, & qui le rend à la fois aveugle & furieux ? […] Les différentes générations d’hommes, & leurs opinions diverses passent sous ses yeux avec leurs Villes, leurs mœurs, leur culte & leurs loix.

771. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre premier. La critique et la vie littéraire » pp. 1-18

Mais l’autre avait tort aussi bien, et ses propres articles le condamnaient : sans doute la vie littéraire n’était pour lui qu’un prétexte à causeries d’histoire et mœurs, mais tout de même lui advenait-il de parler des livres et, bon gré mal gré, de les juger, soit de leur assigner non leur valeur absolue (ce qui n’a pas de sens), mais celle qu’ils prenaient à ses yeux. […] Le ministre qui a conquis la Tunisie et le Tonkin a été mille fois plus maltraité que le général qui a livré Metz et la France à l’ennemi ; on les a mis en parallèle comme La Bruyère a fait pour Corneille et Racine, et leurs crimes bien pesés et compensés, ce n’est pas le ministre qui a été trouvé le moins coupable… Il ne s’agit pas d’introduire ces gracieusetés dans les mœurs des lettres, de revenir au seizième siècle où, pour Scaliger, quiconque entendait autrement que lui Tite-Live était au moins un scélérat.

772. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Ses mœurs ne furent point à l’abri de la critique : on l’accusoit d’aimer les femmes. […] Les gens sensés regardèrent toujours Lacombe & la Guyon, comme deux personnes de bien dont l’esprit étoit aliéné, mais dont il falloit respecter les mœurs.

773. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Dans le premier, on établit que la poësie est un des plus grands fléaux dont le genre humain puisse être affligé ; qu’elle est directement contraire aux bonnes mœurs, & à la tranquillité des états, à leur forme de gouvernement, aux sages loix, aux usages respectables, à la religion, au commerce, enfin à tous les arts utiles. […] A l’égard de l’impression que peuvent faire les maximes hasardées par les poëtes, il est aisé, disoit-on, de la prévenir, en ne laissant rien passer au théâtre & à l’impression qui soit contre les bonnes mœurs, contre les loix & le gouvernement.

774. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Par ce moyen, la poésie procure deux avantages considérables à l’humanité : l’un, d’adoucir les mœurs des hommes comme l’ont fait Orphée, Linus et Homère ; l’autre, de rendre leur sensibilité raisonnable et de la renfermer dans de justes bornes, comme l’ont pratiqué les poètes tragiques de la Grèce. […] Il en trouve six, qui sont le sujet ou la fable, les mœurs, les sentiments, la diction ou le style, la musique et la décoration.

775. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

Mais, avant cette dernière révolution de Lesbos, liée désormais aux destins d’Athènes et lui donnant son peintre de mœurs, Théophraste, que de passions violentes et frivoles avaient agité cette île, l’avaient remplie de violences et de corruption, sans y diminuer l’éclat des arts ! […] L’affinité de leurs âmes était merveilleuse ; tous deux purs, de mœurs délicates, et divers dans leurs travaux, selon la loi de la nature : elle, par son fuseau, s’élevant à l’art de Minerve, et lui, dans ses labeurs, recueillant les dons du dieu Mercure ; elle ayant sa lyre, et lui passionné pour les livres ; elle aimée d’Aphrodite, et lui d’Apollon ; lui le premier des jeunes gens ; elle privilégiée parmi les filles. » Enfin Sapho, dans des paroles perdues dont s’est inspiré Catulle, comparait la jeune fille à ce fruit défendu, et « conservé dans sa fleur pour celui qui doit le cueillir ».

776. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre IV. — Molière. Chœur des Français » pp. 178-183

Représentation des mœurs sociales dans le cercle de la vie privée249, le drame comique a pour condition l’observation250.

777. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Roumanille, Joseph (1818-1891) »

Roumanille obtint ce succès du premier coup ; et comme, en toute occasion, il continua de chanter, ici un conte joyeux, là une élégie, comme il joignait d’ailleurs à cette œuvre de rénovation poétique un apostolat social et défendait les vieilles mœurs au milieu des fièvres de 1848, il devint bientôt le chef d’un travail d’esprit qui fut un véritable événement, pour la Provence, durant plusieurs années.

778. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 202-207

Duclos a fait de plus estimable, ce sont, sans contredit, ses Considérations sur les mœurs de ce Siecle, & les Mémoires qui en sont la suite.

779. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 220-226

L’Auteur, à chaque Regne, indique, avec autant de méthode que de précision, les révolutions, les mœurs, les événemens les plus remarquables ; fait connoître les Savans, les Hommes de Lettres, les Artistes qui se sont le plus distingués, & caractérise, en peu de mots, le moral de chaque Souverain, tantôt par des réflexions, & tantôt par des anecdotes aussi piquantes, que bien présentées.

780. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 293-297

Il fait aimer le premier, par l'adresse avec laquelle il présente, d'un côté, la douceur & la politesse ingénieuse de ses mœurs, & de l'autre, les divers agrémens de son style ; il fait admirer Montesquieu, en le représentant sous les traits précieux qui caractérisent l'Homme bienfaisant, le Moraliste profond, le Philosophe conséquent, & le Législateur des Nations.

781. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 309-314

Nous touchons presque au temps d'une corruption générale, suite funeste de l'extinction des vertus & de ces mœurs si pures, dont la Religion est une source intarissable, & qui ont fait la gloire de nos Ancêtres….

782. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 387-391

Palissot a réparé depuis cette injustice, en convenant, dans la derniere édition de ses Œuvres, que M. l’Abbé Trublet ne manquoit ni d’esprit ni même d’une certaine finesse ; & que, si au lieu de marquer du respect pour la Religion & les mœurs, il se fût jeté dans le parti de la nouvelle Philosophie, il eût eu son Brevet de célébrité comme tant d’autres ; peut-être même, ajoute-t-il, en eût-on fait un homme de génie.

783. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Préface »

Ainsi il y aurait, entre les esprits, des liens électifs plus libres et plus vivaces que cette longue communauté du sang, du sol, de l’idiome, de l’histoire, des mœurs qui paraît former et départager les peuples ; ceux-ci ne seraient pas divisés par d’irréductibles particularités comme l’école historique moderne s’est appliquée à le faire admettre ; la France, l’Allemagne plus encore, dont la littérature est grecque et cosmopolite, aurait conservé intacte une sorte d’humanité générale et large, toute à tous, sensible à l’ensemble des manifestations spirituelles de l’espèce, payant cet excès de réceptivité par quelque défaut de production originale, le compensant en universelle intelligibilité, réduite à emprunter souvent et à ouvrer pour ainsi dire à façon, mais travaillait pour le monde, plutôt foyer de réflexion, de convergence et de rayonnement que flambeau proprement et solitairement éclatant.

784. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Homère, et le grammairien Thestorides. » pp. 2-6

On reconnut Homère à son talent de rendre la nature avec une noble simplicité ; à sa poësie vive, pleine de force, d’harmonie & d’images ; à son érudition agréable, lorsqu’il décrit l’art de la guerre, les mœurs & les coutumes des peuples différens, les loix & la religion des Grecs, le caractère & le génie de leurs chefs, la situation des villes & des pays.

785. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre VII. Le Fils. — Gusman. »

Alzire, malgré le peu de vraisemblance des mœurs, est une tragédie fort attachante ; on y plane au milieu de ces régions de la morale chrétienne, qui, s’élevant au-dessus de la morale vulgaire, est d’elle-même une divine poésie.

786. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre V. Moralistes. — La Bruyère. »

quelle innocence de mœurs !

787. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre III. Du temps où vécut Homère » pp. 260-263

Il n’est pas si facile d’accorder cette recherche et cette délicatesse dans la manière de vivre, que nous observions tout à l’heure, avec les mœurs sauvages et féroces qu’il attribue à ses héros, particulièrement dans l’Iliade.

788. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre I. Objet de ce livre. — Retour de l’âge divin » pp. 357-361

Dans ce conseil éternel, il ramena les mœurs du premier âge qui méritèrent mieux alors le nom de divines.

789. (1883) Le roman naturaliste

Le roman moderne, le roman de mœurs contemporaines était là, mal remis de la perte de Balzac, « tirant l’aile et traînant le pied » : M.  […] Prenons-le pour ce qu’il est : une peinture des mœurs de province, tournée systématiquement au grotesque4 ; rien n’y manque et l’œuvre est achevée. […] Zola n’a pas vu pour quelle part le roman historique avait contribué à l’élargissement du roman de mœurs, il n’a pas vu non plus pour quelle autre part y avait contribué le roman de George Sand. […] Il y a tels coins de la grande ville, certains côtés des mœurs parisiennes, il y a telles physionomies que personne, peut-être, n’a su rendre comme M.  […] Précisément par ce qu’ils contenaient de conforme ou, comme on disait alors, d’analogue aux mœurs de leur temps.

790. (1890) Dramaturges et romanciers

Dumas fils, la comédie sentimentale, la comédie de mœurs. […] Leurs caractères et leurs mœurs sont en parfait accord avec leurs noms. […] Que de prétendues études de mœurs n’ont décrit que celles des laquais !  […] Augier a eu trouvé sa voie définitive en adoptant résolument la comédie de mœurs. […] Il n’en va pas ainsi de la comédie de mœurs, telle qu’on l’entend aujourd’hui surtout.

791. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

La liberté des mœurs du théâtre a de tout temps invité les biographes à l’anecdote. […] L’Histoire de Charles XII paraît, qu’on se dispute comme un roman, suivie bientôt du Siècle de Louis XIV et de l’Essai sur les mœurs. […] Voltaire savait le monde, il connaissait la vie, il avait une expérience déjà longue des hommes, des mœurs, de la société de son temps et de son pays. […] L’Essai sur les mœurs n’a pas cessé d’être un livre bon à consulter, en même temps qu’agréable à lire. […] Je me doutais qu’on attribuerait la plus sotte et la plus effrénée démence à ceux qui ne prêchent que la sagesse et la pureté des mœurs.

792. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Et c’est ici que se place le croquis de mœurs diplomatiques. […] Ce ne sont pas, Dieu merci, des études de mœurs mondaines. […] Jules Case semble nous signifier que Louise Deschamps est la victime de son mari, et de la loi, et des mœurs publiques. […] Le bon goût, le bon sens, les bonnes mœurs, tout cela se tient. […] Dupont, est une remarquable comédie de mœurs.

793. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Un monde nouveau, bourgeois, plébéien, occupe désormais la place, attire les yeux, impose sa forme dans les mœurs, imprime son image dans les esprits. […] Une race nouvelle, engourdie jusque-là, donne le signal : l’Allemagne, par toute l’Europe, imprime le branle à la révolution des idées, comme la France à la révolution des mœurs. […] C’est la sympathie seule qui peut retrouver les mœurs éteintes ou étrangères, et la sympathie ici est interdite. […] Autour de lui et après lui, le roman de mœurs, dégagé du roman historique, a fourni une littérature entière et gardé les caractères qu’il lui avait imprimés. […] Et les causes qui ont fait avorter chez lui et ailleurs le roman historique ont fait réussir chez lui et les autres le roman de mœurs.

794. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Son seul tort est, à mon avis, de considérer la littérature ainsi qu’une chose morte ou plutôt immuable, sans aucun rapport avec les civilisations qui se succèdent et les mœurs qui se transforment. […] Il dénonce les mœurs littéraires de son époque. […] Avec le suffrage universel et les mœurs électorales actuelles, le niveau intellectuel de notre parlement ne peut être que d’une médiocrité dégoûtante. […] Ils préconisaient un art qui ne pouvait convenir ni à notre époque, ni à nos mœurs, ni au milieu dans lequel nous vivons. […] Les mœurs électorales et le suffrage, — serait-il restreint, — sont peu dignes, je l’avoue, de la gent poétique.

795. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

On peut réduire à cinq chefs l’éducation publique ; les humanités, la rhétorique, la philosophie, les mœurs et la religion. […] Mœurs et religion. […] On voudrait enfin qu’on joignit à ces différentes études, celle des beaux-arts, et surtout de la musique, étude si propre pour le former le goût et pour adoucir les mœurs, et dont on peut bien dire avec Cicéron : Hæc studia adolescentiam alunt, senectutem oblectant, secundas res ornant, adversis perfugium et solatium præbent. […] J’ai déjà touché ceux qui en résultent par rapport aux mœurs ; mais je veux parler ici d’un autre qui n’est que trop commun, surtout dans les lieux où on élève beaucoup de jeune noblesse : on leur parle à chaque instant de leur naissance et de leur grandeur, et par là on leur inspire, sans le vouloir, des sentiments d’orgueil à l’égard des autres. […] Dans cet art comme dans tous les autres, dit très bien Fréret (Histoire de l’Académie des Belles-Lettres, tome XVIII, page 461), il faut distinguer les beautés réelles, de celles qui étant abstraites, dépendent des mœurs, des coutumes et du gouvernement d’une nation, quelquefois même du caprice de la mode, dont l’empire s’étend à tout, et a toujours été respecté jusqu’à un certain point.

796. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Mais rendez-nous donc et le Polythéisme, et la barbarie de mœurs, et le fanatisme étroit de la cité grecque ou romaine ! […] Bien des commotions, sans doute, et d’innombrables changements ont eu lieu dans cet espace de temps si long ; les mœurs, les lois, les croyances, se sont modifiées sans cesse : mais toutes ces évolutions s’accomplirent dans le sein du même ordre social et religieux ; et, pendant qu’elles s’accomplissaient, le système lui-même, dans son essence, restait immuable et vivait toujours de la même vie. […] Or quel droit, encore une fois, avez-vous à opposer à la liberté dans les mœurs poussée jusqu’à la plus extrême licence ? On dit, tout le monde dit : La société croule par les mœurs ; la volupté a tout envahi ; l’amour du plaisir a tari toutes les sources pures où la vie sociale s’alimentait. […] Mais si, scindant la formule, vous dites : Nous voulons conserver l’égoïsme, et nous voulons pourtant que les mœurs règnent, vous êtes d’absurdes tyrans.

797. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXII » pp. 286-290

Mais quelles mœurs littéraires et quand on sait les mobiles de ces attaques !

798. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIX » pp. 316-320

Alors en effet on se plaisait à concevoir une sorte de drame à la fois réel et idéal, qui reproduirait avec étude et fidélité les mœurs et les personnages de l’histoire, y associerait les passions éternelles de la nature humaine, et ferait parler le tout d’un ton plus simple et plus sincèrement poétique à la fois qu’on n’avait osé jusqu’ici.

799. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXIII » pp. 332-336

Le poëte a évidemment voulu peindre avant tout le pays et les mœurs ; la fable (si fable il y a), l’action romanesque qu’il a jetée à travers, n’est qu’un prétexte et tient peu de place, trop peu sans doute.

800. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ch.-V. de Bonstetten : L’homme du midi et l’homme du nord, ou l’influence du climat »

Ce qu’il a donc vu de piquant et de tranché dans les mœurs du nord et du raidi, il le raconte dans ce livre, et en fait sentir le rapport avec le climat.

801. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Judith (1845-1917) »

Nul érudit ne connaît mieux qu’elle, et plus à fond, cet Orient de jadis et d’aujourd’hui : pas un détail de costume, pas un trait de mœurs en ces pages de lumière polychrome qui ne soit conforme à ce qui fut, à ce qui est réellement.

802. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pailleron, Édouard (1834-1899) »

[Le Théâtre et les Mœurs (1889).]

803. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 527-532

Est-ce par des phrases philosophiques, par des ironies indécentes, par un style épigrammatique, par un ton & par des manieres conformes aux mœurs énervées de notre temps, qu’on prétendroit nous retracer, dans la plus noble des fonctions, cette élévation, cette force, cette vive sensibilité, & sur-tout cette décence qui caractérisoit chez les Romains les Défenseurs des Loix & les fléaux de l’iniquité ?

804. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 381-387

L. de F. traite cet Auteur d’Hypocrite de mœurs.

805. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 532-537

Les Philosophes ont bien pu tenter de le décrier dans le Public, parce qu’il a dédaigné leurs suffrages & s’est élevé contre leur cabale ; ils ont pu, au mépris de la tolérance & de l’honnêteté qu’ils ne cessent de recommander, l’accabler de leurs Brochures ; M. de Voltaire, entre autres, a pu venir à bout, par ses Diatribes quelquefois plaisantes & souvent abjectes, d en imposer aux Beaux-Esprits de Province & aux petits Esprits de la Capitale ; il n’en sera pas moins vrai que M. de Pompignan est un de ces hommes qui font le plus d’honneur à notre Littérature, par leurs talens & par leurs mœurs.

806. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Voix intérieures » (1837) »

Le résultat de l’art ainsi compris, c’est l’adoucissement des esprits et des mœurs, c’est la civilisation même.

807. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre IV. Pourquoi les Français n’ont que des mémoires. »

Quand Voltaire s’est soumis à une censure légitime, il nous a donné Charles XII et le Siècle de Louis XIV ; lorsqu’il a rompu tout frein, il n’a enfanté que l’Essai sur les Mœurs.

808. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Alcide Dusolier »

Le romancier à la manière anglaise, et c’est la bonne, — le roman est la meilleure gloire de l’Angleterre, — le romancier de la vie familiale et des mœurs intimes, avec de la profondeur sous la bonhomie, de l’attendrissement sous la gaîté, il y a telles pages, comme un Paysage disparu et le Vieux salon, de ces Propos littéraires et pittoresques, que je vous donne et que vous prendrez pour des chapitres exquis — mon Dieu !

809. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Appendice. Histoire raisonnée des poètes dramatiques et lyriques » pp. 284-285

De même Horace parut à l’époque de la plus haute splendeur de Rome ; et chez les Italiens ce genre de poésie n’a été connu qu’à l’époque où les mœurs se sont adoucies et amollies.

810. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre III. Coup d’œil sur le monde politique, ancien et moderne, considéré relativement au but de la science nouvelle » pp. 371-375

Mais sous la zone tempérée, où la nature a mis dans les facultés de l’homme un plus heureux équilibre, nous trouvons, en partant des extrémités de l’Orient, l’empire du Japon, dont les mœurs ont quelque analogie avec celles des Romains pendant les guerres puniques ; c’est le même esprit belliqueux, et si l’on en croit quelques savants voyageurs la langue japonaise présente à l’oreille une certaine analogie avec le latin.

811. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

quel étalage de mœurs galantes et seigneuriales ! […] Comment le moyen âge a dégénéré. —  Diminution du sérieux dans les mœurs, dans les écrits et dans les œuvres d’art. —  Besoin d’excitation. —  Situations analogues de l’architecture et de la littérature. […] Insensiblement le sérieux diminue dans les écrits comme dans les mœurs, dans les œuvres d’art comme dans les écrits. […] Les mœurs du temps les suggèrent ; car les usages et les goûts de la société ont commencé, et la fiction, ainsi conçue, ne fait que transporter dans les livres les conversations qui s’échangent dans les salles et sur les chemins. […] Aujourd’hui il étudie la machine compliquée du cœur, découvre les suites de l’éducation primitive ou de l’habitude dominante, et trouve la comédie de mœurs ; demain il ne prendra plaisir qu’aux événements curieux, aux gentilles allégories, aux dissertations amoureuses imitées des Français, aux doctes moralités tirées des anciens.

812. (1898) Émile Zola devant les jeunes (articles de La Plume) pp. 106-203

Mais vous pensez bien qu’une idée surgie ainsi à l’improviste, qu’un mode inusité de sensibilité vont offenser, troubler, bouleverser les anciennes mœurs, auxquelles nous conformions auparavant notre existence, qu’il va s’accomplir une révolution intellectuelle, destinée à modifier nos vieilles manières de méditer, notre goût de la nature et nos façons de frissonner. […] Elle tient plutôt à l’état actuel de nos mœurs, aux funestes méthodes de notre enseignement philosophique, à une infinité de petites circonstances secondaires, enfin, qui ne sont point négligeables. […] Cet être tendrement passionné, véhément adorateur des simples mœurs et des sites naturels, s’effaroucha toujours des préjugés sociaux, des préceptes a priori de la morale artificielle, de toutes les complications actuelles qui s’opposent au rouage harmonieux et logique de l’éternelle humanité. […] À ces jeunes gens si avides d’exploits, la vie, la société et les mœurs de leur temps paraissaient donc impraticables. […] Car elle n’a cherché en lui que le détail de mœurs et les peintures de nudité, à la façon de ces adolescents qui errent dans les musées en quête de chairs offertes à leur rêve inassouvi.

813. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Troisième partie. Dictionnaire » pp. 243-306

Les Écrivains et les Mœurs. […] Soc. du Mercure de France, 1905, in-18. — Sénac de Meilhan : Essai sur l’esprit et les mœurs de ce temps (réédition) Sansot et Cie, 1905, in-18. […] Léautaud : Les Poètes d’aujourd’hui, Soc. du Mercure de France, Paris, 1905, 10e édition, in-18. — Henry Bordeaux : Les Écrivains et les Mœurs, Paris, Plon et Cie, 1900 in-18 et Revue Hebdomadaire, 12 octobre 1901. — J.  […] Œuvres. — Chairs d’Ambre, roman, in-16, Soc. du Mercure de France, 1900. — Le Çof, roman de mœurs kabyles, Soc. du Mercure de France, in-16, 1902. — En outre deux romans : Les Fantômes (publié à l’« Effort » janvier-août 1898) et Genulphe et Janufette (en coll. avec Jean Viollis) publié à la Grande France, 1903. […] in-18, 1900. — Célina Landrot, romans de mœurs calédoniennes, Mercure de France, 1904, in-18. — Les Rêves Unis, poèmes, id.

814. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Quelquefois aussi nous dansons avec les jeunes filles de Bizaccio, un des divertissements qui lui fait le plus de plaisir ; mais plus souvent nous restons assis au coin du feu, et nous y revenons souvent sur l’esprit qu’il prétend lui être apparu à Ferrare ; et véritablement il m’en parle de telle sorte que je ne sais trop qu’en dire et qu’en penser. » Pendant cette douce détente de l’âme et de l’adversité du poète, son poème, revu et perfectionné, se multipliait en Italie et en France avec la rapidité surnaturelle d’une œuvre qui correspondait précisément au siècle, aux mœurs, à la religion, aux contrées de l’Europe, dans lesquelles il devenait, en naissant, national. […] C’est l’histoire imaginaire, l’histoire altérée par les fables, l’histoire encadrée dans la poésie, mais enfin l’histoire, c’est-à-dire le récit, conforme aux temps, aux mœurs, aux costumes, aux événements, d’une des grandes races qui ont apparu sur la scène du monde, ou d’un des grands faits qui ont imprimé leur trace profonde sur la terre. Le poète qui chante un de ces récits doit donc le chanter avec les accents et les images que la riche imagination lui prête ; mais il est tenu aussi à le chanter dans un mode sérieux, conforme à la réalité de la nature humaine à l’époque où il la met en scène, conforme surtout à la vérité des mœurs de ses héros ; en un mot, le poème épique, pour être national, humain, religieux, immortel, doit être vrai, au moins dans l’événement, dans la nation, dans le caractère et dans le costume de ses personnages. […] Qu’est-ce que les mœurs ? […] Mais un rêve chanté en vers immortels, mais un roman tissu et raconté avec une telle prodigalité d’imagination, de piété, d’héroïsme, de tendresse, que le lecteur, oubliant les temps, les lieux, les mœurs, en suit du cœur les touchantes aventures avec autant d’intérêt que si c’était une histoire ; mais des scènes qui rachètent par le pathétique des situations et des sentiments l’inconséquence et l’étrangeté de la conception ; mais un charme comparable à l’enchantement de son Armide, charme qui découle de chaque strophe, qui vous enivre de mélodie comme le pavot d’Orient de ses visions, et qui vous livre sans résistance aux ravissantes rêveries de cet opium poétique ; mais un style surtout coloré de telles images, et chantant avec de telles harmonies, qu’on s’éblouit de sa splendeur, et qu’on se laisse volontairement bercer de sa musique, comme au roulis d’une gondole vénitienne pendant une nuit d’illumination à travers les façades de palais de la ville des merveilles.

815. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Ce philosophe perdit peu à peu son crédit, et il paraît que, se voyant disgracié, il devint le défenseur des mœurs anciennes et des usages de ses pères, en s’opposant aux honneurs divins qu’on voulait rendre au conquérant macédonien. […] Quoique cette cérémonie ne passât pas à leurs yeux pour une marque d’idolâtrie, elle n’était pas moins étrangère aux mœurs des Macédoniens, et devait nécessairement leur paraître un acte humiliant et digne de vils esclaves. […] Je lui préfère de beaucoup le système actuel complété par les mœurs publiques, et appuyé sur de bonnes lois. […] « C’est par l’éducation qu’il convient de ramener à la communauté et à l’unité l’État qui est multiple, comme je l’ai déjà dit ; et je m’étonne qu’en prétendant introduire l’éducation, et, par elle, le bonheur dans l’État, on s’imagine pouvoir le régler par de tels moyens, plutôt que par les mœurs, la philosophie et les lois. […] « Quant à cette forme dernière de la démagogie, où l’universalité des citoyens prend part au gouvernement, tout État n’est pas fait pour la supporter ; et l’existence en est fort précaire, à moins que les mœurs et les lois ne s’accordent à la maintenir.

816. (1903) Le problème de l’avenir latin

Les anciennes mœurs sont abolies. […] Le primitif qui s’approprie les mœurs de l’extrême maturité fausse le développement de son être entier. […] Ici il n’y a ni raffinement de mœurs, ni épanouissement de culture intellectuelle, ni souplesse, ni délicatesse, ni élégance. […] Quant aux mœurs, aux idées, aux consciences à bouleverser, à renouveler — sinon la révolution n’est qu’un mot — on n’a pas le temps d’y songer. […] L’universel scepticisme, la facilité de vivre, l’esprit, les mœurs, le goût qui y règnent en font comme le play-ground du monde.

817. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

Les mœurs et les spectacles des peuplades sauvages effrayaient, à la fin du dix-huitième siècle, la France civilisée ; des membres humains encore palpitants devenaient les trophées des grandes journées révolutionnaires, et des têtes coupées, arborées sur des piques, tenaient lieu de drapeau. […] Ainsi l’auteur des Considérations ne se trompe point sur la véritable cause de la révolution française : c’est la double licence des idées et des mœurs de l’âge précédent. […] Il y trouva les mœurs du directoire, et rien, dans son éducation première, ne l’avait armé pour lutter contre cette corruption du sensualisme qui débordait de toute part. […] On peut dire que, dans ce voyage, il se trempa dans les mœurs de tous les pays qu’il parcourut, et que ses regards s’étendirent avec les perspectives qui s’ouvrirent devant lui. […] C’était l’époque de l’empire, c’était l’heure de l’incarnation de la philosophie matérialiste du dix-huitième siècle dans le gouvernement et dans les mœurs.

818. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Qu’on lise les auteurs d’une époque, si on veut connaître les mœurs de cette époque. […] C’est grâce à ces intelligences commerciales que le roman qui ne devait être que le miroir de la vie sociale est devenu le type le plus critiqué du faux goût, des fausses mœurs, de la fausse observation, du faux intérêt. […] Être à même de traduire les mœurs, les idées, l’aspect de mon époque, selon mon appréciation, en un mot faire de l’art vivant, tel est mon but. » Ceci est net. […] Les tableaux à personnages s’adressent moins aux yeux qu’à l’esprit ; c’est l’histoire coloriée des mœurs, l’étude des physionomies. […] Un jeune dandy parisien à qui le malheur donne quelques jours de sensibilité qui, forcé de lutter corps à corps contre la fortune et d’adopter des mœurs californiennes, s’y pétrifie, y devient un égoïste dur et basé, oublie Eugénie et perd à son insu les trésors de sa chaste tendresse et les dix-sept millions du père Grandet.

819. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Les auteurs les plus voisins du temps d’Homere disent-ils qu’il a bien peint les moeurs de son siecle ? […] Il n’y a point d’autorité pour me faire trouver des moeurs héroïques, quand je les sens grossieres et brutales, ni le vrai caractere des passions dans les endroits où je les sens démenties. […] Du reste, en quoi intéresse-t-il l’état, les moeurs, ou la mémoire même de ce grand poëte ? […] Je ne les appelle point grossiers, par l’innocente simplicité des moeurs qui seroit en effet très-respectable, mais par l’ignorance des arts et de la véritable morale ; ce qui est sans doute une imperfection bien réelle. […] La fable est un discours inventé pour corriger les moeurs par des instructions déguisées sous l’allegorie d’une action.

820. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Ce petit pays, qui n’est pas un démembrement du nôtre, a tenu dès lors un rôle très-important par la parole ; il a eu son français un peu à part, original, soigneusement nourri, adapté à des habitudes et à des mœurs très-fortes ; il ne l’a pas appris de nous, et nous venons lui dire désagréablement, si quelque écho parfois nous en arrive : Votre français est mauvais ; et à chaque mot, à chaque accent qui diffère, nous haussons les épaules en grands seigneurs que nous nous croyons. […] Mais Genève n’est pas une province, c’est bien sérieusement une patrie, une cité à mœurs particulières et vivaces ; on ne s’en détache pas aisément, et peut-être on ne le doit pas. […] Et d’ailleurs, il faut le reconnaître, tout change ; Genève est en train de se modifier, de perdre ses vieilles mœurs et son à parte, plus même qu’il ne lui conviendrait. […] Ce ne fut pas comme livre seulement, mais comme homme que Rousseau agit sur son jeune compatriote ; le site, les mœurs, les peintures retracées et présentes contribuaient à l’illusion : « Durant deux ou trois ans, a pu écrire M.

821. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

En six siècles, ils ont fait à peine un pas hors des mœurs et des sentiments de leur inculte Germanie ; le christianisme qui a trouvé prise sur eux par la grandeur de ses tragédies bibliques et la tristesse anxieuse de ses aspirations, ne leur apporte point la civilisation latine ; elle demeure à la porte, à peine accueillie par quelques grands hommes, déformée, si elle entre, par la disproportion du génie romain et du génie saxon, toujours altérée et réduite, si bien que pour les hommes du continent, les hommes de l’île ne sont que des lourdauds illettrés, ivrognes et gloutons, en tout cas sauvages et lents par tempérament et par nature, rebelles à la culture et tardifs dans leur développement. […] Ce qui s’est développé ce sont les mœurs énergiques et militaires ; ce qui a régné, c’est l’esprit actif et positif ; ils ont laissé les lettres et les élégances aux nobles francisés de la cour. […] Mais ils sont patriotes autant que novateurs, conservateurs autant que révolutionnaires ; s’ils touchent à la religion et à la constitution, aux mœurs et aux doctrines, c’est pour les élargir, non pour les détruire ; l’Angleterre est faite, elle le sait, et ils le savent ; telle que la voilà, assise sur toute l’histoire nationale et sur tous les instincts nationaux, elle est plus capable qu’aucun peuple de l’Europe de se transformer sans se refondre, et de se prêter à son avenir sans renoncer à son passé. […] C’est un homme du siècle, souvent un homme du monde, souvent de bonne famille, ayant les intérêts, les habitudes, les libertés des autres, parfois une voiture, des gens, des mœurs élégantes, ordinairement instruit, qui a lu et qui lit encore.

822. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

La pudeur moderne nous interdirait d’en faire seulement l’analyse ; mais les mœurs italiennes du temps étaient si peu scrupuleuses en matière de décence et de religion que cette facétie comique eut un succès classique et prolongé à Florence, et que le pape Léon X, dans ses voyages en Toscane pour revoir sa famille, fit représenter devant lui deux fois la Mandragore pour amuser le sacré collège. […] Bientôt ces empereurs d’Orient, distraits de l’Italie ou déshérités de ses plus belles provinces, se bornent à posséder Ravenne, Mantoue, Padoue, Bologne, Parme, se maintiennent quelques années dans l’indépendance ; mais bientôt les Toscans eux-mêmes (Étrusques) sont subordonnés aux Lombards, barbares d’origine, italianisés de mœurs ; les papes, à qui Théodose cède entièrement Rome, par indifférence pour la possession de ces ruines, s’accroissant en importance par l’autorité spirituelle du pontificat sur ces barbares christianisés par leur chef, Rome devient capitale sacrée en face de Ravenne, capitale profane. […] Le climat et les mœurs lui rendent la vie si gaie et si douce que la vie lui devient plus chère qu’aux peuples du Nord, qui ont si peu à perdre en la risquant. […] Ses ministres réformateurs et philosophes, tels que Tanucci et Acton, introduisaient dans la législation, dans l’administration, dans la marine et dans l’armée de son royaume, tout ce qui, dans les principes et dans les progrès modernes, n’offensait pas jusqu’à la révolte les mœurs féodales des provinces et les superstitions du bas peuple de la capitale.

823. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Ajoutez que le roman est bien réellement une forme, et non la moindre, de l’histoire des mœurs. […] les mœurs contemporaines n’en ont-elles pas aussi ? […] Le primitif roman d’aventures est devenu roman de sentiment, puis roman de caractères, enfin roman de mœurs et de milieux. […] En fait d’antiquité, ils ne connaissent que la plus proche, une antiquité de cent cinquante ans ; et encore de cette antiquité ils ne connaissent bien que les mœurs et la vie mondaine.

824. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Puis sur les planches je ne trouve pas le champ à de profondes et intimes études des mœurs, je n’y rencontre que le terrain propre à de jolis croquetons parisiens, à de spirituels et courants crayonnages à la Meilhac-Halévy ; mais, pour une recherche un peu aiguë, pour une dissection poussée à l’extrême, pour la récréation de vrais et d’illogiques vivants, je ne vois que le roman ; et j’avancerais même que si par hasard le même sujet d’analyse sérieuse était traité à la fois par un romancier et un auteur dramatique, — l’auteur dramatique fût-il supérieur au romancier, le premier aurait l’avantage et le devrait peut-être aux facilités, aux commodités, aux aises du livre. […] Les journalistes qui me disaient que ma tentative était absurde, et que seules les mœurs de la bourgeoisie présentaient de l’intérêt, ne se doutaient guère, que plus de cent ans avant, quand paraissait Marianne, les gazetiers jetaient à Marivaux qu’il n’y avait uniquement que les aventures de l’aristocratie qui pouvaient intéresser le public, qu’au fond les mœurs des bourgeois étaient de basses mœurs, indignes de la lecture d’un homme qui se respecte.

825. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

L’Histoire de ta littérature anglaise, l’Essai sur La Fontaine, la plupart des traités composant la Philosophie de l’art, sont consacrés à démontrer, avec une admirable éloquence, que tout écrivain et tout artiste considérable porte dans son œuvre la trace des facultés marquantes de sa race, des caractères saillants du pays, de l’époque, des mœurs qui l’ont formé, et qu’ainsi, cette assertion admise, on peut remonter de l’œuvre à l’auteur et de celui-ci à la société et la nation dans lesquelles il a vécu. […] En général, la condition dans laquelle un artiste a vécu, les hasards auxquels il a été mêlé, la situation prospère ou infortunée de la nation à laquelle il a appartenu, l’état des mœurs, relâchées ou guerrières, rigides, pacifiques, luxueuses, austères, laisseront probablement dans son œuvre un reflet, une trace ; mais cette influence n’a rien de fixe ni de constant. […] Shakespeare a pénétré en France au moment du romantisme, quand nos lettrés commencèrent à se germaniser et il avait pénétré bien auparavant en Allemagne : il avait été oublié en Angleterre pendant les deux siècles où notre influence et nos mœurs y dominèrent ; sa gloire renaquit quand l’Angleterre reprit possession d’elle-même littérairement et socialement. […] Nous voyons clairement comment un artiste libre des influences de la race, du goût et des mœurs ambiantes, créant une œuvre qui est le signe de son âme, d’une âme dont le caractère n’est ni national ni actuel, ni conforme à celles dont les œuvres sont à l’apogée du succès, détache de la masse vague du public et attire à lui, comme par une force magnétiquedx, une foule d’hommes.

826. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

., exécutèrent des pirouettes tout aussi prestes : les mœurs et les événements imposaient de semblables virements de conscience. […] On peuplait, lors de la publication d’Atala, le Jardin des Plantes de Paris d’animaux sauvages importés d’Égypte et enlevés de la Hollande : ils excitaient la curiosité des Parisiens, qui couraient en foule les contempler, les observer et qui lisaient avec avidité les détails fournis par les journaux sur leurs mœurs, leur attachement aux gardiens. […] L’amour se proclamait alors la passion maîtresse, celle qui remplacerait toutes les autres et remplirait l’existence : mais cet amour était une passion d’un genre nouveau, que jamais auparavant l’humanité n’avait ressenti : la bourgeoisie révolutionnaire avait tout bouleversé, les lois, les mœurs et les passions. […] Le Bourgeois a pris sa revanche : maintenant c’est son tour de mépriser les artistes, qui adoptent ses mœurs et ses idées, et qui singent son faste grossier et son inartistique manie de bibelots et de bric-à-brac.

827. (1870) La science et la conscience « Chapitre III : L’histoire »

Retrouver l’immuable dans le variable, l’unité dans la diversité, en un mot, la loi dans le fait, saisir les mêmes traits, les mêmes caractères dans cette variété d’actions, de pensées, d’institutions, de mœurs, de langues, que nous présentent les annales du monde, telle est l’idée fixe de Vico. […] La nature y joue aussi son rôle par l’influence extérieure des climats et des situations géographiques, et aussi par le travail interne des causes ethnographiques et économiques, double action qui concourt, avec les causes politiques et morales, à former les instincts, les tempéraments, les mœurs, les aptitudes des races et des nations. […] La critique moderne y voit, à côté du génie propre de l’individu, le génie de la race, du peuple, de l’époque où est né l’orateur, le poëte, l’artiste, le romancier ; elle montre l’individu se nourrissant de la substance, s’inspirant de l’âme de ce génie, recueillant et méditant ses traditions, ses mœurs, ses idées, ses sentiments, tous les éléments de sa vie passée ou présente, pour les reproduire par une création véritable de son génie personnel. […] Voilà encore une fatalité que nos historiens excellent à expliquer en montrant comment Rome ne pouvait ni conserver les mœurs de la république avec les dépouilles du monde soumis, ni gouverner et administrer sa conquête par un sénat libre devant l’institution militaire qui avait fait cette conquête et devenait de plus en plus nécessaire pour la maintenir.

828. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Les belles époques de la comédie ont-elles été suivies d’améliorations dans les mœurs ?  […] L’âge des plus beaux sermons, je vous le demande, a-t-il donc été suivi d’une si grande amélioration dans les mœurs ?

829. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Flaubert, voyageur en Orient, en Syrie, en Egypte et dans le nord de l’Afrique, a cru pouvoir, à l’aide du paysage où il sait si bien lire, à l’aide des mœurs et des physionomies de race plus persistantes là qu’ailleurs, et moyennant des inductions applicables aux peuples de même souche et aux civilisations de même origine, rapprocher et grouper dans un même cadre une masse de faits, de notions, de conjectures, et il s’est flatté d’animer cet ensemble qu’il appellerait Carthage, de manière à nous intéresser en même temps qu’à nous initier à la vie punique si évanouie, et qui n’a laissé d’elle-même aucun témoignage direct. […] en nous développant et en nous peignant à plaisir des personnages et des mœurs si étranges, si semblables de tout point à des monstruosités, à force de s’y enfermer et d’y vivre, il croira n’être que vrai, réel, et ne faire que reproduire une image exacte ou équivalente de ce qui se passait ou qui existait en effet.

830. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

On voit passer devant soi une suite de peintures de mœurs fort contrastées, prises chacune sur le vif dans les régimes successives que l’auteur a traversés et qu’il a trouvé moyen de railler, tout en les servant. […] Partout ailleurs ce sont plutôt de fidèles impressions de mœurs, des coins de société ou de politique, des anecdotes.

831. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Sans doute, il y a des œuvres qui ont la prétention de n’avoir aucune tendance ; de refléter, avec l’indifférence d’un miroir, les mœurs environnantes ou le spectacle de la nature. […] On oublie trop souvent qu’une œuvre littéraire n’a pas toujours pour but essentiel de plaire ; qu’elle s’efforce en bien des cas de persuader, de convaincre, de changer les âmes, et, par leur intermédiaire, les mœurs et les lois.

832. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

Au sortir de cette enfance mystique, vers l’âge de quinze ans, le jeune Anselme, qui avait fort profité aux études et aux lettres, ne concevait rien de préférable à la vie monastique, qu’il se représentait comme une vie toute de paix, d’étude, de prière et de bonnes mœurs, de conversations spirituelles et de méditations solitaires : il saura bientôt en réaliser le modèle en lui. […] Rempli au-dedans de la lumière pénétrante de la sagesse, il savait, dit-on, si sûrement discerner les mœurs des personnes de tout sexe et de tout âge, que, lorsqu’il en discourait ensuite, il semblait, en l’écoutant, qu’on se sentait révéler les secrets de son propre cœur.

833. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIX. Mme Louise Colet »

Elle n’est encore ici que la toute petite Révoil d’avant le mariage, la petite pensionnaire au corsage plat, aux bras plats, à l’esprit plat, au style plat, à toutes les platitudes, et on ne devinerait jamais que de ce vibrion — de cet insignifiant infusoire sortirait un jour cette organisation turbulente, imprécatoire et spumeuse qui a fait sur tout ce qui fut longtemps sacré parmi les hommes, la Religion, l’Église, la Papauté, les Rois, les anciennes Mœurs, ce qu’elle fit un soir sur la figure du capitaine d’Arpentigny… Tous les ouvrages de cette perdue d’esprit sont là pour l’attester. […] Évidemment ce n’est plus là de l’histoire littéraire abaissée, mais des mœurs modernes avachies.

834. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

L’expérience a cent fois démenti cette croyance : pas plus que le communisme d’État n’a pu s’installer en Chine, la religion chrétienne aux Indes, la constitution fédérale au Mexique, l’égalité légale n’a pu encore s’imposer aux mœurs dans l’Empire ottoman51. […] Dareste, Études d’Histoire du Droit, p. 112. — Lyall, Études sur les mœurs religieuses et sociales d’Extrême-Orient, p. 238. — Tocqueville, Démocratie en Amérique, I, p. 299. — Seignobos, Histoire politique de l’Europe contemporaine, p. 599.

835. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Baudelaire.] » pp. 528-529

Le savant Brunck l’aurait recueillie dans les Analecta veterum poetarum ; le président Bouhier et La Monnoye, c’est-à-dire des hommes d’autorité et de mœurs graves, castissimae vitae morumque integerrimorum, l’auraient commentée sans honte, et nous y mettrions le signet pour les amateurs.

836. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « VII » pp. 25-29

L'auteur, homme d’esprit, corrompu, et qui jouit à bon droit d’une très-mauvaise réputation de mœurs, voyage bien ; c’est ce qu’il fait de mieux.

837. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXI » pp. 281-285

transformation du journal la presse et des mœurs littéraires. — son prospectus. — chateaubriand, alexandre dumas, napoléon, principaux collaborateurs. — influence sur les lettres.

838. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XII. Du principal défaut qu’on reproche, en France, à la littérature du Nord » pp. 270-275

Les devoirs de la vertu, ce code de principes qui a pour appui le consentement unanime de tous les peuples, reçoit quelques légers changements, par les mœurs et les coutumes des nations diverses ; et quoique les premiers rapports restent les mêmes, le rang de telle ou telle vertu peut varier selon les habitudes et les gouvernements des peuples.

839. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 348-354

Il leur a reproché de corrompre le goût par des paradoxes & des exemples, les mœurs par des principes qui tendent à troubler & à renverser toute société.

840. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « De la peinture. A propos d’une lettre de M. J.-F. Raffaëlli » pp. 230-235

Raffaëlli poursuit en exhortant à l’étude passionnée et universelle de l’homme dans toute l’étendue de la société et dans toute la série de ses conditions, de ses manières d’être, de ses mœurs et de ses types.

841. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre II. Amour passionné. — Didon. »

Ne s’appuyant point sur la gravité du mariage, ou sur l’innocence des mœurs champêtres, ne mêlant aucun autre prestige au sien, il est à soi-même sa propre illusion, sa propre folie, sa propre substance.

842. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VI. Amour champêtre. — Le Cyclope et Galatée. »

L’égalité de leurs mœurs, et le peu de variété de leurs idées nécessairement teintes des images des champs, devaient aussi rappeler le retour des mêmes sons dans le langage.

843. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VIII. Bossuet historien. »

Tacite, Mœurs des Germains, 33.

844. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre III. Massillon. »

Convenez de leurs maximes, et l’univers entier retombe dans un affreux chaos ; et tout est confondu sur la terre ; et toutes les idées du vice et de la vertu sont renversées ; et les lois les plus inviolables de la société s’évanouissent ; et la discipline des mœurs périt ; et le gouvernement des États et des Empires n’a plus de règle ; et toute l’harmonie des corps politiques s’écroule ; et le genre humain n’est plus qu’un assemblage d’insensés, de barbares, de fourbes, de dénaturés, qui n’ont plus d’autres lois que la force, plus d’autre frein que leurs passions et la crainte de l’autorité, plus d’autre lien que l’irréligion et l’indépendance, plus d’autres dieux qu’eux-mêmes : voilà le monde des impies ; et si ce plan de république vous plaît, formez, si vous le pouvez, une société de ces hommes monstrueux : tout ce qui nous reste à vous dire, c’est que vous êtes dignes d’y occuper une place. » Que l’on compare Cicéron à Massillon, Bossuet à Démosthène, et l’on trouvera toujours entre leur éloquence les différences que nous avons indiquées ; dans les orateurs chrétiens, un ordre d’idées plus général, une connaissance du cœur humain plus profonde, une chaîne de raisonnements plus claire, enfin une éloquence religieuse et triste, ignorée de l’antiquité.

845. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 20, de la difference des moeurs et des inclinations du même peuple en des siecles differens » pp. 313-319

Section 20, de la difference des moeurs et des inclinations du même peuple en des siecles differens Il arrive encore des temps dont les évenemens font penser qu’il étoit arrivé quelque altération physique dans la constitution des hommes.

846. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de l’Évangile » pp. 89-93

Pour les esprits qui ne passent pas leur vie à couper en quatre des fils de la Vierge avec de microscopiques instruments, il n’y a que trois femmes en nature humaine et en histoire : La femme de l’Antiquité grecque (car la matrone romaine, qui tranche tant sur les mœurs antiques, n’est qu’une préfiguration de la femme chrétienne), la femme de l’Évangile, et la femme de la Renaissance, — pire, selon nous, que la femme de l’Antiquité, pire de toute la liberté chrétienne dont la malheureuse a si indignement abusé.

847. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Quel homme serait plus capable que celui-ci d’écrire l’histoire de la peinture espagnole ou vénitienne, de représenter dans un ample tableau les mœurs de la Renaissance florentine ou de la croisade castillane ? […] Nos appartements sont ridicules, nos mœurs artificielles et nos théâtres étouffants. […] Il n’y en a point dans nos Facultés de Droit : pourtant tous ceux qui s’occupent d’histoire savent par expérience que le document le plus instructif sur les mœurs et le caractère d’une nation est l’ensemble de ses lois civiles, car elles régissent la vie privée de chaque citoyen ; on a sous les yeux le tableau des mœurs, si aux lois écrites on ajoute les coutumes régnantes. […] Pendant des siècles, les lois, la religion, les mœurs, les cérémonies ont travaillé à faire l’athlète accompli, la parfaite statue vivante. […] Il avait séjourné ou voyagé en Suisse, en France, en Allemagne, en Angleterre, dans les Pays-Bas, et observé sur le vif les constitutions, les gouvernements et les mœurs.

848. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Et ce qu’il y a d’effréné aussi dans la Révolution ne peut lui déplaire : ce redoublement de vie, ce mélange des mœurs anciennes et des mœurs nouvelles, les passions et les caractères en liberté. […] Parmi ces révolutions en est-il quelques-unes qui, par l’esprit, les mœurs et les lumières du temps, puissent se comparer à la révolution actuelle de la France ?  […] Les mœurs, dit-il, sont l’obéissance à ce « sens intérieur » qui nous montre l’honnête et le déshonnête, pour faire celui-là et éviter celui-ci. […] Elle s’augmente surtout par les mauvaises mœurs et bouleverse les empires. […] Ce coin de Bretagne, ces vieilles gens, ces vieilles mœurs, ce château de Combourg, cette enfance rêveuse et passionnée, il n’y a rien au-dessus de cela.

849. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Donnez une base solide à votre bonheur par votre raison et par votre conduite ; et, croyez-moi, votre bonheur profitera à votre beau et original talent que personne ne vous contestera. » Quelle juste leçon donnée à ceux qui cultivent l’art du comédien, et qui sont trop tentés d’oublier que cet art brillant, loin d’être l’ami des mœurs déréglées et de ne jamais mieux s’inspirer que dans le désordre, a besoin, comme tous les arts où il s’agit avant tout d’exceller, d’une juste économie de la vie et de beaucoup de conduite ! […] On l’a vu tout à l’heure motiver son refus en disant : Je suis républicain : il restera tel encore par ses mœurs, ses habitudes, sa simplicité, tel aussi par un certain accent d’indépendance et de civisme quand il écrira à Andrieux, à Lemercier ; mais avec d’autres, et peu à peu, il tournera ou retournera insensiblement au royaliste ; cela est surtout sensible dans ses lettres à MM. de Rochefort, Odogharty de La Tour, etc. ; il blanchira peu à peu, il se bourbonisera, jusqu’à ce qu’en 1814 et en 1816 il ait pris la teinte marquée que lui voulaient ses amis d’alors, et qui est surtout sensible dans les portraits posthumes qu’ils ont faits de lui. […] Que si pourtant l’on voulait un contraste et dans l’ordre tragique également, on n’aurait qu’à se ressouvenir du vieux Crébillon, celui qui, avant Ducis, avait le plus osé en terreur sur notre scène, à se le représenter comme il était, dans sa rue des Douze-Portes au Marais, un rude vieillard aussi, gai, conteur, mais cynique ; la pipe à la bouche ; avec son entourage de femmes, de chats et de chiens ; colossal de taille, à mine de lion, mené par le nez comme un enfant ; de la race toute crue des vieux et naïfs Gaulois, et rappelant les mœurs de Mathurin Regnier !

850. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Que si la juridiction du jury me paraît nécessaire dans une bonne loi de presse, il me paraîtrait surtout indispensable, dans certains cas où la loi, dans sa rédaction douteuse, laisse place à trop de latitude pour l’accusation, où elle permet trop de confondre ce qui est outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs et ce qui n’est qu’une attaque théorique à des croyances religieuses qu’on est libre de ne point partager et même de combattre. […] Aux yeux du moraliste, cet article inscrit dans une loi paraîtra un jour bien digne d’une époque où ceux qui respectent le moins la règle des mœurs, qui sont les plus habitués à manquer aux devoirs de la famille, à préférer constamment la mauvaise compagnie à la bonne, à violer les convenances et à friser le scandale, qui semblent même les plus disposés par moments à s’en faire gloire avec fatuité, sont en même temps les plus jaloux d’être soustraits à la médisance publique et se montrent les plus offensés si la chronique les effleure. […] Mais je veux espérer encore qu’on n’y réussira pas, et que la nation française de tout temps si ingénieuseà donner des ridicules à qui en mérite, ne déchoira pas trop ; que les mœurs réagiront dès le premier jour contre l’abus de la loi.

851. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Et ce n’est pas seulement sur la bataille des défilés de la Hache qu’il a des informations si complètes ; cette Carthage dont les historiens romains parlent trop peu, ce sénat de marchands praticiens, cette religion monstrueuse et subtile, ces temples hideux, ces divinités infâmes, les mœurs publiques, les mœurs privées, tout enfin lui a été révélé avec la plus minutieuse exactitude. […] Montesquieu avait dit : « Les anciennes mœurs, un certain usage de la pauvreté rendaient à Rome les fortunes à peu près égales ; mais à Carthage des particuliers avaient les richesses des rois. » Que ces traits simples et forts parlent bien autrement à l’imagination !

852. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

fait le maître de la maison, c’est un costume de comédie… Oui, une personne de ma famille qui, dans une pièce de théâtre, a rempli un rôle de couvent et voulut se faire peindre avec les habits de son rôle… Des mœurs, Messieurs, que vous aimez, des mœurs du xviiie  siècle… Ma famille adorait la comédie. […] Enfin un journal moral (moral dans le sens de journal des mœurs) du xixe  siècle.

853. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

Mai C’est une drôle de chose — et personne ne l’a remarqué — que le grand monument littéraire de l’atticisme, des élégantes mœurs, du délicat esprit d’Athènes, Aristophane enfin, soit le plus gros monument scatologique de la littérature de tous les peuples. […] Il affirme que si nous aimons, nous aimerons ensemble, et que les lois et les mœurs doivent faire une exception en faveur de notre dualité phénoménale. […] Ses dialogues des courtisanes semblent nos tableaux de mœurs.

854. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

Le plus souvent l’historien est comme le prophète après coup ; il cherche dans les mœurs, dans les lectures favorites, dans les circonstances de la vie les causes qui ont déterminé telle ou telle œuvre, et il ne s’aperçoit pas que toutes ces circonstances s’expliquent par les raisons mêmes qui ont produit l’œuvre : le génie intimement lié avec le caractère moral. […] Zola, a Quel peuple de mœurs violentes !  […] Les génies d’art ne meuvent pas les corps, mais les âmes : ils modifient les mœurs et les idées.

855. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Assurément, s’il n’y avait dans ce volume que la personnalité de Marc-Aurèle, dont il porte le nom, l’examen serait bientôt fait d’un livre qui partage la niaiserie d’un Sganarelle impérial, trompé et content, digne, dans ses mœurs privées, de la comédie, mais dans ses mœurs publiques, tout aussi vulgairement atroce que les empereurs qui voulurent empêcher de croître, en l’arrosant de sang, le chêne catholique qui à chaque versée poussait et croissait d’un empan de plus ! […] Il était imbibé déjà de ces idées chrétiennes qui montaient alors comme le flot déchaîné d’une inondation et qui pénétraient de toutes parts dans sa législation et dans ses mœurs, et M. 

856. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Quelles données, sinon celles des mœurs contemporaines ? […] Comment séparer les mœurs et le gouvernement, sans mutiler la réalité par un effort d’abstraction impossible à prolonger ? […] Quelle tranquillité de mœurs se respire encore dans les récits de l’ex-secrétaire du duc de Morny ! […] Entre les études de mœurs que nous donne M.  […] Il avait compté, — lui, l’auteur des Études de mœurs !

857. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Leurs costumes, leurs mœurs, leur langage, sont d’une incontestable rusticité. […] Le naturalisme du Moyen-Âge se manifeste véritablement en représentant soit les mœurs, soit les sentiments et les caractères. […] La peinture des mœurs : mœurs féodales, populaires, bourgeoises Ce sont les mœurs surtout que le naturalisme du Moyen-Âge reflète. […] « Il embrassera d’un coup d’œil ses chers contemporains et trouvera des leçons plus utiles à leur donner dans le tableau des mœurs actuelles. » C’est là la vraie source de l’inspiration. […] » Pourquoi dédaigneriez-vous les paysans et leurs mœurs rustiques ?

858. (1886) Le roman russe pp. -351

Arrivés païens, les Tartares passent à l’Islam, restent Asiatiques, et façonnent aux mœurs orientales leurs sujets russes. […] Puis la Pologne l’entraîna dans son orbite agitée ; cette Italie du Nord a laissé à son ancienne vassale quelque chose de ses mœurs magnifiques et turbulentes. […] Tout, dans ce milieu, lui parlait d’un âge fabuleux à son déclin, d’une poésie primitive encore vivante dans les mœurs. […] En ce siècle de mœurs violentes, un supplice était le plus attrayant des spectacles, non-seulement pour la populace, mais pour les classes supérieures. […] Les divers métiers y passent, des scènes de mœurs rapides et justes, des traits touchants où l’âme résignée du paysan se révèle d’un mot.

859. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

« C’étaient pour la plupart des hommes d’aspect grave, de mœurs douces et d’esprit orgueilleux. […] Voilà des mœurs ! […] Au théâtre, des spectateurs dont les mœurs sont parfaitement cyniques sont en toute sincérité épris de pudeur et de saine morale. […] Et douze bourgeois pacifiques, amis de l’ordre et de la régularité des mœurs, rapporteront un verdict d’acquittement. […] Voici donc un homme dont le caractère semblait sociable, dont les mœurs étaient régulières, la conduite droite et raisonnable.

860. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 92-99

Qu’il nous soit seulement permis d’ajouter, que, si la Religion avoit besoin de suffrages pour triompher des efforts de l’impiété, un tel homme seroit bien propre, par ses lumieres & par ses mœurs, à confondre la présomption qui l’attaque, & à faire rougir les vices qui la déshonorent.

861. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Art français » pp. 243-257

Et avec l’inconnu et l’inédit de ces documents authentiques et sincères, nous essayons aujourd’hui, dans ce livre, de faire connaître à la France son grand peintre de mœurs.

862. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre X »

La beauté d’un mot est tout entière dans sa pureté, dans son originalité, dans sa race ; je veux le dire encore en achevant ce tableau des mauvaises mœurs de la langue française et des dangers où la jettent le servilisme, la crédulité et la défiance de soi-même.

863. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Louise Labbé, et Clémence de Bourges. » pp. 157-164

Louise Labbé, sur-tout, étoit décriée pour ses mœurs.

864. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre troisième. »

Chacun d’eux résolut de vivre en gentilhomme, Sans rien faire… Voilà un trait de satyre qui porte sur le fond de nos mœurs, mais d’une manière bien adoucie.

865. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 31, de la disposition du plan. Qu’il faut diviser l’ordonnance des tableaux en composition poëtique et en composition pittoresque » pp. 266-272

Enfin ses personnages sont habillez de caprice, et comme dans ses autres tableaux, il y contredit ce que nous sçavons positivement des moeurs et des usages du peuple dans lequel il choisit ses acteurs.

866. (1912) L’art de lire « Chapitre XI. Épilogue »

Il me répondit qu’il avait sa méthode, et que, dès qu’un de ceux pour qui la salle de lecture est une salle de conversation venait s’accouder à son fauteuil, il s’endormait immédiatement, ce qui, dans une salle de lecture, comme à un cours public, est dans les moeurs, ne peut froisser personne et n’a pas besoin qu’on s’en excuse.

867. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Ce n’est pas le nombre qui manque : la chanson de Roland, Garin le Loherain, Ogier le Danois, Berthe aux grands pieds, il y en a une bibliothèque ; bien plus, alors les mœurs sont héroïques et les âmes sont neuves ; ils ont de l’invention, ils content des événements grandioses ; et malgré tout cela, leurs récits sont aussi ternes que ceux des bavards chroniqueurs normands. […] Gabeurs, gausseurs, nos pères ont en abondance le mot et la chose, et la chose leur est si naturelle que, sans culture et parmi des mœurs brutales, ils sont aussi fins dans la raillerie que les plus déliés. […] Ils gardèrent leurs mœurs et leur langue. […] Ils font corps avec eux par la communauté des intérêts, par la ressemblance des mœurs, par le voisinage des conditions ; ils les prennent pour représentants ; il les élisent 140. […] Ici il a d’autres mœurs : c’est Robin Hood, un vaillant outlaw, qui vit librement et audacieusement dans la forêt verte, et fait en franc cœur la guerre au shérif et à la loi142.

868. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Il ne s’arrête pas au placage des descriptions de mœurs ou de costumes, et de même que, dans ses poésies, on l’a vu moins soucieux que ses contemporains de ce qu’on appelle la couleur locale, de même, dans ses nouvelles on le retrouve peu enclin à aiguiser la curiosité du lecteur par des peintures de faits matériels. […] Si un poète est épris de ces anciennes mœurs, au point de choisir pour sujet de ses chants, ce qui est fort naturel, que n’imite-t-il Goethe ? […] Dans de pareilles mœurs intellectuelles, il y avait peut-être de la grossièreté et comme un dernier vestige de la barbarie mourante ; à la grossièreté la force sert quelquefois de noyau, et ici c’était le cas. […] Mais, au fond, qui peut mettre en doute la douceur et les mœurs bienveillantes d’hommes habitués de longtemps au travail pacifique de la pensée ? […] si les mœurs romaines s’étaient établies dans la Germanie vaincue, que de choses seraient différentes.

869. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Des siècles, des pays étudiez les mœurs. […] Humanistes, ils l’étaient encore ces beaux esprits de la fin du xviie  siècle qui de très bonne foi ont cru quelque temps qu’on pouvait et qu’on devait donner à la France les mœurs de Sparte, ou plutôt, ce qui est très significatif de l’état d’esprit en question, les mœurs à la fois de Sparte, d’Athènes et de Rome ; en un mot, — qui est juste quoique ridicule, — des mœurs classiques. […] Le contraste est très curieux et presque dramatique entre les deux correspondants, et l’incident que constituent leurs relations est une espèce de petit roman de mœurs. […] C’est qu’aussi bien il n’a pas cessé de voir derrière toute, question littéraire une haute question morale ; c’est qu’il n’a pas séparé les questions de goût des questions de mœurs, considérant que le goût est l’image même des mœurs, et, à son tour, influe sur elles. […] Selon les mœurs de l’École d’alors, le travail, sans être banni, ni même méprisé, ni même négligé, n’était pas, pour tout dire, la règle générale.

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