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30. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

C’est par la lecture d’une pièce qu’on échappe aux prestiges de la représentation ; c’est en lisant que l’on n’est plus dupe du jeu des acteurs, de l’énergie de leur déclamation et de la sorte d’empire et de possession qu’ils exercent sur nous. […] Il faut faire grande attention aux entrées et aux sorties des acteurs, à leurs mouvements, indiqués quelquefois par le texte, à l’attitude que ce qu’ils disent suppose qu’ils doivent avoir, aux jeux de physionomie que leurs paroles permettent d’imaginer. […] Point de jeu de scène. […] Au contraire, quand Agamemnon réveille Arcas et lui dit : « Oui, c’est Agamemnon, c’est ton roi qui t’éveille », il y a jeu de scène évident et il n’y a point conversation commencée qui continue. […] Ici, je crois qu’il y a jeu de scène.

31. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VI. Des éloges des athlètes, et de quelques autres genres d’éloges chez les Grecs. »

Quoique le sang des hommes n’ait pas toujours été fort respecté, nous concevons pourtant qu’il y ait eu des pays où on l’a honoré de quelques larmes ; on conçoit un peu moins les éloges prodigués aux athlètes ; nous savons cependant que les vainqueurs des jeux étaient célébrés par des chants publics. […] De là tous ces jeux et l’importance qu’on y mettait. Que parlons-nous de jeux ?

32. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

. — Aux Variétés : Nouveau Jeu, comédie en sept tableaux, de M.  […] Mais, je l’avoue, le Nouveau Jeu me plaît davantage, et me plaît même infiniment. […] Le « nouveau jeu » est de tous les temps. […] Le nouveau jeu est simplement le nihilisme moral. […] Le « nouveau jeu », c’est une gourme qu’on jette, et cela ne tire pas à conséquence.

33. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

La vérité vraie est que l’auteur est la nature, et que, dans la vie morale comme dans la vie physique, tout se fait et s’explique par le jeu des forces naturelles. […] Si le philosophe professe la spiritualité du principe pensant, le physiologiste explique toute la vie morale en subordonnant l’activité de l’âme à la sensibilité, cette sensibilité au jeu des fibres, et le jeu des fibres à l’action des objets. […] Nos physiologistes ne comprennent, ne soupçonnent pas autre chose, ne voyant la vie psychique qu’à travers le jeu des organes cérébraux. […] Si ce n’est pas la raison et la réflexion qui constituent proprement la liberté, elles en rendent le jeu plus manifesté. […] Parce que, l’être humain n’étant conçu par eux que comme la simple résultante du jeu des organes, il est tout à fait impossible d’expliquer comment un pareil être pourrait jouir d’une activité spontanée.

34. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Neufville, Frédéric de »

Neufville, Frédéric de [Bibliographie] Le Jeu sanglant (1896). […] Gustave Kahn Le Jeu sanglant, de M. 

35. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

Il en est de même pour l’adulte, quand il s’abandonne au jeu spontané de l’imagination. […] On peut pousser le jeu plus ou moins avant, s’enfoncer dans le merveilleux ou s’en retirer. […] Quand elle ne serait qu’un jeu, l’art a droit au caprice. […] Nous profiterons de cette occasion qui nous est donnée de mettre en jeu notre imagination. […] On peut jouer magistralement du cœur humain sans se laisser prendre soi-même à ce jeu.

36. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

En effet, nous pourrons souvent le remarquer, le jeu libre des éléments tient une place importante dans l’invention. […] Ils sont en bien des cas le produit du jeu spontané, quoique surveillé, des idées et des images, de tous les petits systèmes qui vivent dans l’esprit. […] La tendance mise en jeu se manifeste par une expression générale. […] Elles aussi supposent des tendances générales et des occasions qui les mettent en jeu. […] Le jeu des tendances et des désirs se dessine nettement ainsi que leurs rapports avec les faits qui se présentent successivement.

37. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XV. La littérature et les arts » pp. 364-405

Que de locutions françaises seraient inexplicables, si l’on ne remontait aux jeux qui ont tour à tour amusé nos ancêtres ! Ces jeux peuvent avoir disparu depuis longtemps ; mais quelque dicton, quelque métaphore entrée dans le langage courant en conservent le souvenir. […] Nous félicitons un habile homme de savoir tirer son épingle du jeu, et beaucoup de personnes ignorent qu’elles font là un emprunt à un jeu de petites filles. […] Mater, signifiant dompter, abattre, est une réminiscence du jeu d’échecs. Les jeux de cartes ont fourni aussi beaucoup d’expressions et nous permettent de constater un lien de plus avec la littérature.

38. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

tout le monde l’est, à cette heure, en France, et à tous les jeux, — jeux de bataille, jeux politiques, jeux électoraux ! […] Il a une mise au jeu superbe, et m’est avis qu’il gagnera la partie ! […] Dans les Chroniques de Bachaumont qu’il a intitulées : Les Femmes du monde, ce sont en effet les femmes, si puissantes en France sur l’opinion, et qui, selon ce qu’elles sont, l’élèvent ou l’abaissent, ce sont les femmes qui sont en jeu, ou plutôt en représentation, dans tous les détails de leur vie mondaine ; — et dans le roman d’Octave Feuillet, ce sont les femmes encore, puisque le sujet du livre est un mariage dans le monde.

39. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Ce divertissement passager devint un usage annuel, puis sacrifice public, ensuite cérémonie universelle, enfin spectacle public profane : car, comme tout était sacré dans l’antiquité païenne, les jeux et les amusements se tournèrent en fêtes, et les temples à leur tour se métamorphosèrent en théâtres ; mais cela n’arriva que par degrés. […] Sophocle et Euripide coururent après lui la même carrière ; et en moins d’un siècle, la tragédie grecque, qui avait pris forme tout d’un coup entre les mains d’Eschyle, arriva au point où les Grecs nous l’ont laissée : car, quoique les poètes dont je viens de parler, eussent des rivaux d’un très grand mérite, qui même l’emportèrent souvent sur eux dans les jeux publics, les suffrages des contemporains et de la postérité se sont néanmoins réunis en leur faveur. […] Mais dans un spectacle qui doit peu durer, les passions vives peuvent jouer leurs jeux, et de subalternes qu’elles sont dans le poème épique, devenir dominantes dans la tragédie, sans lasser le spectateur, que des mouvements trop lents ne feraient qu’endormir. […] Après cet effort, il lui était bien moins difficile de transporter de l’épopée à la tragédie, ce qui s’appelle intrigue ou nœud ; car il est plus aisé de faire oublier le poète et le narrateur, quand on vient à brouiller différents intérêts et à nouer le jeu de divers personnages, que quand on veut mettre les spectateurs au fait d’une action, sans qu’ils s’aperçoivent qu’on ait eu dessein de le faire. […] Piqué par le concours de différents projets et de diverses passions dont on a mêlé le jeu, il attend la main qui doit délier le nœud gordien.

40. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VIII. »

On y trouve une censure amère de ces jeux guerriers liés aux mœurs, à la religion des Grecs, et que Pindare devait célébrer. […] En effet, qu’un homme puissant au pugilat vienne chez un peuple, eût-il la supériorité dans les cinq combats, fut-il le premier à la lutte et à la course, ce qui est le suprême degré de force dans les jeux, la ville, pour cela, n’en sera pas mieux gouvernée. […] Xénophane faisait bien d’autres reproches encore à l’inutilité et à la dépense des jeux. La durée de l’institution devait lui répondre et montrer comment ces jeux armaient le courage et préparaient la résistance que rencontra Xercès. […] Empédocle, en effet, né dans Agrigente, avait, nous apprend Aristote, rem porté le prix de la course équestre dans les jeux de la soixante-onzième olympiade.

41. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Sous ce portique circulaire, tous les seigneurs qui ont l’entrée de la chambre pourront assister ensemble au jeu d’un nouveau jet d’eau. […] Les occupations du roi. — Lever, messe, dîner, promenades, chasse, souper, jeu, soirées. — Il est toujours en représentation et en compagnie. […] Je n’ai pas besoin de dire que le soir, à son jeu, à son bal, à son concert, la foule afflue et s’entasse. […] À Fontainebleau, trois spectacles par semaine, les autres jours jeu et souper. […] Estampes, bal masqué, bal paré, jeu du roi et de la reine, salle de spectacle (1745).

42. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier après les funérailles »

Quand il n’était point brisé par la fatigue et succombant à la défaillance, il se relevait aussitôt et redevenait le Nodier de vingt ans par la verve, par le jeu de la physionomie et le geste, même par l’attitude. […] Il aimait le sommeil, comme La Fontaine, et il l’a chanté en des vers délicieux, peu connus et que nous demandons à citer, comme exemple du jeu facile et habituel de cette fantaisie sensible : LE SOMMEIL. Depuis que je vieillis, et qu’une femme, un ange, Souffre sans s’émouvoir que je baise son front ; Depuis que ces doux mots que l’amour seul échange Ne sont qu’un jeu pour elle et pour moi qu’un affront ; Depuis qu’avec langueur j’assiste à la veillée Qu’enchantent son langage et son rire vermeil, Et la rose de mai sur sa joue effeuillée, Je n’aime plus la vie et j’aime le Sommeil ; Le Sommeil, ce menteur au consolant mystère, Qui déjoue à son gré les vains succès du Temps, Et sur les cheveux blancs du vieillard solitaire Épand l’or du jeune âge et les fleurs du printemps. Il vient ; et, bondissant, la Jeunesse animée Reprend ses jeux badins, son essor étourdi ; Et je puise l’amour à sa coupe embaumée Où roule en serpentant le myrte reverdi.

43. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VII. Le théâtre français contemporain des Gelosi » pp. 119-127

Les acteurs étaient toujours obligés d’en revenir à la vieille Farce, à la Farce « garnie de mots de gueule », aux jeux des pois pilés, qui continuaient d’avoir la faveur populaire. […] Nous pouvons, du reste, assister à un jeu des pois pilés (c’était le nom populaire qu’on donnait aux Farces de l’Hôtel de Bourgogne), aussi facilement que nous avons assisté aux représentations des Gelosi. […] Ce fut la fin de la farce de ces beaux jeux, mais non de ceux que voulurent jouer, après, les conseillers des aides, commissaires et sergents, lesquels, se prétendant injuriés, se joignirent ensemble et envoyèrent en prison MM. les joueurs ; mais ils furent mis dehors le jour même, par exprès commandement du roi, qui appela les autres sots, disant Sa Majesté que, s’il fallait parler d’intérêt, il en avait reçu plus qu’eux tous, mais qu’il leur avait pardonné et pardonnerait de bon cœur, d’autant qu’ils l’avaient fait rire jusqu’aux larmes.

44. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

D’abord ils ne se quittaient pas, ils passaient douze heures ensemble ; puis, après quelques mois, ce ne fut que sept ou huit heures ; puis il fut évident que l’amour du jeu se glissait comme une distraction à la traverse. On a toute cette chronique par Mme de Sévigné : « Mme de Coulanges maintient que La Fare n’a jamais été amoureux : c’était tout simplement de la paresse, de la paresse, de la paresse ; et la bassette (jeu de cartes) a fait voir qu’il ne cherchait chez Mme de La Sablière que la bonne compagnie » (8 novembre 1679). […] Charmez-vous l’ennui, le malheur au jeu, toutes les autres disgrâces de M. de La Fare ?  […] Du reste, il eut des amis avec qui il vécut familièrement ; il introduisit les plaisirs et les jeux, et amollit par là les courages. […] et n’est-ce pas le cas d’appliquer ici le mot de Vauvenargues : « La plus fausse de toutes les philosophies est celle qui, sous prétexte d’affranchir les hommes des embarras des passions, leur conseille l’oisiveté, l’abandon et l’oubli d’eux-mêmes. » La Fare nous explique d’ailleurs qu’il ne s’agit point d’une paix sobre et recueillie comme l’entendraient certains philosophes ; la sienne était remplie de gaieté, de gros jeu, de festins, de beautés d’opéra, et ne ressemblait pas mal à une ode bachique continuelle.

45. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Talleyrand avait deux moyens de faire et d’accroître sa fortune, le jeu d’abord, l’agiotage, et ensuite quand il fut au pouvoir, les cadeaux et douceurs qu’il recevait des puissances grandes ou petites pour les servir. Quant au jeu, il commença de bonne heure, et sa réputation était faite dès le temps de la Constituante. […] Quant à leur moralité, celle de l’un n’a pas été exemplaire plus que celle de l’autre : l’évêque surtout est particulièrement blâmé à cause du nombre et de la publicité de ses galanteries, de son goût pour le jeu et principalement pour l’agiotage auquel il se livra sous le ministère de M. de Calonne, avec qui il était très lié. […] Ce qu’il recevait ainsi par canal direct était plus sûr que ce qu’il pouvait gagner au jeu de bourse, et qui était toujours plus ou moins aléatoire. […] c’est perdre une partie à beau jeu.

46. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Il excelle à marquer les origines insensibles du sentiment, les filets ténus dont le torrent se formera : dans le Jeu de l’amour et du hasard, un contraste de l’esprit et de la condition éveille l’attention de Dorante sur Silvia, celle de Silvia sur Dorante. […] Diderot a l’idée d’un jeu plus vrai que n’était le jeu des comédiens français en son temps ; et c’est ce qu’il a traduit par sa théorie des tableaux. Dans son triste Père de famille, il note non seulement le décor et le costume, mais la position de chaque acteur en scène, ses changements de place, ses attitudes, ses jeux de physionomie. […] Le Méchant même de Gresset494 n’en est pas exempt : c’est une piquante satire d’un caractère mondain, de l’homme à bonnes fortunes du milieu du siècle, égoïste, persifleur, se faisant un jeu, par « noirceur », de diffamer et compromettre les femmes. […] Puis viennent : la Surprise de l’amour, 1702 ; le Jeu de l’amour et du hasard, 1734 ; les Fausses Confidences, 1737 ; l’Épreuve, 1740, aux Italiens ; le Legs, 1736, à la Comédie-Française.

47. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 7, que les genies sont limitez » pp. 67-77

Il arrive donc aux hommes, dans toutes les professions, ce qu’il leur arrive dans la science des jeux. Un homme parvenu dans un certain jeu au point d’habileté dont il est capable n’avance plus, et les leçons des meilleurs maîtres, ni la pratique même du jeu, continuée durant des années entieres ne peuvent plus le perfectionner davantage.

48. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre II. Quelques traditions sur Pindare. »

Horace s’est souvenu de cette légende, lorsqu’il raconte « que sur le Vultur Apulien, en dehors de la terre d’Apulie, sa nourrice, comme il gisait enfant, accablé par le jeu et le sommeil, de fabuleuses colombes le couvrirent d’un vert feuillage. […] On rapporte qu’il mourut tout à coup, au milieu même des jeux publics d’Argos. […] Quelques vers grecs, d’une date inconnue mais ancienne, consacrent par de touchants détails la fin du poëte dans les fêtes d’Argos32 : « Protomaque et Eumétis33 aux douces voix pleuraient, filles ingénieuses de Pindare, alors qu’elles revenaient d’Argos, rapportant dans une urne ses cendres retirées des flammes d’un bûcher étranger. » La gloire du poëte grandit sur sa tombe, placée dans le lieu le plus remarquable de Thèbes, près de l’amphithéâtre des jeux publics.

49. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IV. Mme Émile de Girardin »

Il y a dans le vicomte de Launay, que quelqu’un a appelé avec assez de justesse un chevalier de Malte de bal masqué, des contours d’esprit trop gracieux et trop révélateurs ; il y a dans ses mouvements trop de langueur et de légèreté vive pour qu’on puisse se méprendre à ce jeu d’un déguisement impossible. […] Seulement, si la spontanéité de ses facultés passait bien souvent par-dessus les faux cadres dans lesquels posait sa pensée, nul ne put croire tout d’abord que, la plume à la main, cette Belle Impétueuse, qui se faisait un peu trop de rayons autour de la tête avec ses longs tire-bouchons d’or pût se maintenir, comme en ces Lettres parisiennes, femme du monde spirituelle, moqueuse et adorablement frivole, dans cette simplicité qui devait être une compression, et que nous avons tant admirées dans Mlle Mars, à la scène, car le talent de Mme de Girardin dans ses Lettres parisiennes rappelle le jeu de Mlle Mars, comme dans ses Poésies les cris de Mme Desbordes-Valmore rappellent le pathétique de Dorval. […] La femme des Lettres parisiennes (car je ne me déciderai jamais à dire l’auteur d’une chose où il y a si peu d’auteur) est si exactement femme, dans ses lettres, — comme Mlle Mars l’était en son jeu, ce jeu d’une légèreté de bulle de savon et qui semble s’être évaporé comme une apparition féerique, — que, plus la chose qu’elle dit est petite, plus elle a de grâce à l’exprimer !

50. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Mais la Grèce, même à ce jour de folle joie, dans l’amphithéâtre des jeux Isthmiques156, n’était plus qu’une affranchie et ne retrouvait pas l’inspiration en sortant de la servitude. […] Mais tu ne croiras pas, avant d’avoir inondé ces plaines de ton sang, et jusqu’à ce que ce fleuve apporte des milliers de tes morts dans la vaste mer, à l’extrémité de la terre fertile, et que ta chair serve de pâture aux poissons, aux oiseaux, et aux bêtes féroces qui habitent ces terres. » Puis, de cette réminiscence homérique appliquée si tragiquement aux blessures récentes de Rome, la même prédiction, le même texte mystérieux, passait à d’autres révélations plus consolantes : « Romains, disait-il, si vous voulez chasser l’ennemi et ce chancre dévorant qui vous est venu de loin, il faut, c’est mon avis, consacrer des jeux qui, chaque année, se renouvellent pieusement pour Apollon, le peuple en acquittant une partie et les citoyens le reste, chacun pour soi. À ces jeux présidera le préteur qui sera chargé de rendre la justice à tout le peuple et aux plébéiens. […] C’était au sénat même qu’était porté le fragment de cet hymne ; c’était là qu’on en délibérait, et qu’on instituait solennellement ces jeux Apollinaires, dont la dédicace et le dieu devaient annuellement ramener pour la rudesse romaine des chants de reconnaissance et un luxe d’hommages rapprochés de l’élégante mythologie de la Grèce. […] Rome était bien loin de ce progrès et de cet accord heureux des arts, lorsqu’elle commença d’imiter la poésie grecque, et d’introduire, après les jeux sanglants du cirque, ou parfois à leur place, quelques chants mêlés à des scènes dramatiques.

51. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Et cependant, jusque dans ces faibles reliques conservées par le hasard de quelques citations grammaticales, on peut encore, plus que dans les odes sur les quatre grands jeux de la Grèce, reconnaître le caractère profondément religieux du poëte. […] Mais c’est surtout par la croyance à l’âme immortelle et à l’avenir des méchants et des justes, que ce caractère du poëte se montre, soit dans les trop rares fragments de ses cantiques perdus, soit même dans les odes consacrées aux jeux athlétiques, où il ramène un sentiment, dont son cœur surabonde. […] Et cependant, lorsqu’il la célèbre, au nom d’un de ses enfants, Aristomène, vainqueur aux jeux olympiques, ce qu’il loue en elle, c’est l’amour de l’équité civile, et ce qu’il lui recommande, c’est la haine des troubles populaires. […] Hercule fonda les jeux olympiques des prémices de la guerre. […] « Ô fils de Saturne et de Rhée, qui tiens sous ta loi le seuil de l’Olympe, la couronne des jeux et le cours de l’Alphée, daigne, adouci par nos chants, transmettre leur héritage à toute leur lignée !

52. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 8, des differens genres de la poësie et de leur caractere » pp. 62-63

Les épigrammes, dont le merite consiste en jeux de mots, ou dans une allusion ingenieuse, ne nous plaisent que lorsqu’elles sont nouvelles pour nous. […] Pour ne point mettre en jeu les poëtes modernes, les épigrammes de Martial, qu’on sçait communement, ne sont point celles où il a joüé sur le mot, mais bien les épigrammes où il a dépeint un objet capable de nous interesser beaucoup.

53. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Th. Ribot. La Philosophie de Schopenhauer » pp. 281-296

Fatalité de la tête orgueilleuse de l’homme qui veut percer tous les mystères : la métaphysique est le jeu d’échecs, enchanté ou maudit, où celui qui y joue une fois est condamné à jouer toujours ; car la partie contre les problèmes de l’être et de la vie ne finit jamais ! Jeu terrible, où l’esprit humain se fait lui-même échec et mat. […] Ribot ; ceux qui veulent prendre rigoureusement la mesure du système de Schopenhauer peuvent recourir au commentaire qu’il nous donne sur sa philosophie, commentaire détaillé, technique, germanique et ennuyeux pour qui ne croit pas à la métaphysique et qui ne s’intéresse pas à la manière de jouer de ce jeu sans fin… Mais pour qui cherche dans les méditations de l’esprit la certitude et la sécurité intellectuelles, pour qui croit que la vérité n’a pas été placée par un être ou un ensemble de choses incompréhensiblement moqueur hors de la portée et de la main de l’homme, les différences de force cérébrale attestées par la différence des systèmes importent peu si les résultats sont les mêmes, s’ils viennent se rejoindre dans les mêmes négations et se briser contre l’Χ inconnu, qui, dans toutes les philosophies de l’heure présente, a été mis à la place de Dieu ! […] Il a cru, comme tous les métaphysiciens, que la métaphysique est une science, et non un exercice… et il s’est trouvé semblable à l’enfant qui fait avec un jeu de dominos des constructions superbes, qui toujours s’écroulent… Il ne reste jamais que des dominos !

54. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

Mécanisme des passions, brutalité des instincts, caractères d’hommes, paysages, tristesse des choses, effroi de l’inexpliqué, jeux de l’amour et de la mort, tout cela s’y trouve noté brièvement et infailliblement, dans un style dont la simplicité et la sobriété sont égales à celles de Voltaire, avec quelque chose de plus serré, de plus prémédité, de plus aigu. […] Et un jour il triche au jeu, non par désespoir, non pour sauver sa maîtresse de la misère, mais pour voler. « Quand j’ai triché ce Hollandais, je ne pensais qu’à gagner vingt-cinq napoléons, voilà tout. […] (Les Ames du Purgatoire.) — Une statue antique de Vénus va, la nuit, étouffer dans ses bras d’airain un beau garçon qui, par jeu, lui a passé au doigt son anneau de fiançailles.

55. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 210-213

Le dialogue est juste & concis, le comique des personnages est tiré de la pensée, quelquefois de la situation, & ne consiste point dans des jeux de mots ou de froides saillies, ressources ordinaires des Auteurs médiocres. […] Avec autant de parties estimables, ses Pieces manquent, en général, du côté de l’intrigue, & leurs dénouemens ne répondent pas au jeu & à la vivacité des Scenes.

56. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Avant Louis Racine, un autre disciple de Boileau, Jean-Baptiste Rousseau, outrant l’art, et du même coup l’abaissant, écrivait dans son Êpître à Marot : Le jeu d’échecs ressemble au jeu des vers. Savoir la marche est chose très unie ; Jouer le jeu, c’est le fruit du génie. Comparer, même dans une pièce marotique, l’art des vers à un jeu n’est pas d’un poète. Boileau avait parlé de la hauteur de l’art des vers ; combien ce jeu d’échecs du disciple nous met loin de là ! […] Cependant, pour inventer, à la fin du dix-huitième siècle, parmi tous ces fades jeux d’esprit où achevait de s’énerver et de se perdre l’art des vers, une poésie jeune, fraîche, parfumée, qui nous transporte au milieu de vrais champs et nous ramène en nous-mêmes ; pour faire apparaître, parmi toutes ces fleurs de papier peint, un si charmant bouquet de fleurs naturelles, il fallait plus que les grands sentiments d’André Chénier, plus que sa raison supérieure ; il fallait ce qui peut s’appeler du même nom en religion et en poésie, il fallait la grâce.

57. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Il est peut-être temps de cesser le jeu. […] Aujourd’hui, il s’agit du jeu, dont MM.  […] Le jeu est partout et comporte tous les degrés. […] Rien donc de plus normal que le jeu, et même dans ses excès. […] Le jeu, pour ces variétés d’épileptiques, n’aurait été qu’un dérivatif.

58. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IX. »

Il nous reste à suivre, avant cette époque, le jeu de la lyre dans les soins, les passions, les plaisirs familiers de la vie. […] Simonide est un précurseur de Pindare, dans ce culte de la gloire publique si bien assortie à l’imagination des cités libres de la Grèce ; il est le chantre des jeux guerriers et des athlètes vainqueurs ; il écrit en vers l’épitaphe de Léonidas et des siens. […] » Simonide aussi donna l’exemple de cette poésie domestique qui célébrait des victoires dans les jeux publics, ou des joies et des douleurs de famille.

59. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IV. Petits Symbolards » pp. 49-52

C’est le jeu du Petit Symbolard. […] Dans le modèle de luxe, le jeu se complique.

60. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 100-103

Nous n’établirons pas l’éloge de ses talens sur quatre couronnes obtenues à l’Académie des Jeux Floraux, ni sur trois autres décernées par l’Académie Françoise. […] Il seroit cependant injuste de refuser des éloges à quelques Odes de M. le Chevalier de Laurés, pleines de verve & d’enthousiasme, principalement dans celle qu’il a faite sur le Jeu.

61. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre III. Le comique de caractère »

Il est aisé de voir, en effet, que tout jeu d’idées pourra nous amuser, pourvu qu’il nous rappelle, de près ou de loin, les jeux du rêve. […] Ces jeux d’esprit évoluent d’ailleurs vers le jeu de mots à mesure que les relations établies entre les idées deviennent plus superficielles : peu à peu nous arrivons à ne plus tenir compte du sens des mots entendus, mais seulement du son. […] L’absurdité comique nous donne donc d’abord l’impression d’un jeu d’idées. Notre premier mouvement est de nous associer à ce jeu. […] Pendant un instant au moins, nous nous mêlons au jeu.

62. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 23, quelques remarques sur le poëme épique, observation touchant le lieu et le tems où il faut prendre l’action » pp. 179-182

Les autres sont presque devenus pour nous les évenemens d’une histoire étrangere, d’autant plus que nous n’avons pas le soin de perpetuer le souvenir des jours heureux à la nation par des fêtes et par des jeux annuels, ni celui d’éterniser la memoire de nos heros, ainsi que le pratiquoient les grecs et les romains. […] La pompe d’un carousel et les évenemens d’un tournois, sont des sujets plus magnifiques par eux mêmes que les jeux qui se firent au tombeau d’Anchise et dont Virgile sçait faire un spectacle si superbe ?

63. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

À la différence de tant d’hommes distingués et d’écrivains de renom qui, ayant eu une partie de leur fortune viagère, en ont une autre partie durable et immortelle, Voiture a tout mis en viager : il n’a été qu’un charme et une merveillle de société ; il a voulu plaire et il y a réussi, mais il s’y est consumé tout entier ; et aujourd’hui, lorsqu’on veut ressaisir en lui l’écrivain ou le poète, on a besoin d’un effort pour être juste, pour ne pas lui appliquer notre propre goût, nos propres idées d’agrément, et pour remettre en jeu et dans leur à-propos ces choses légères. […] Il naviguait à fleur d’eau sur les courants du jour, s’amusant à y suivre ou à y précéder les autres, et à y faire mille jeux ; déroulant ses flatteries, dérobant ses malices. […] On peut dire de lui qu’il jouait franc jeu tous les jeux de son temps, et, naissance à part, tous ces beaux seigneurs avec qui il vivait l’eussent avoué pour un des leurs. […] Cela dit, n’insistons plus sur le sérieux de Voiture, et laissons-le revenir à ses jeux, à ses folâtreries, à toutes ses gentillesses raffinées et galantes ; coquet, friand, fripon, dameret, aussi gâté que Ver-Vert, aussi lascif que le moineau de Lesbie.

64. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XX. Des Livres de facéties, des recueils d’anecdotes & de bons mots. » pp. 381-385

Le comique tombe souvent sur des querelles entre l’Eglise anglicane & la presbytérienne, & sur des jeux de mots particuliers à la langue angloise. […] Applications heureuses de passages connus, historiettes, apologues, contes, bons mots, naïvetés, saillies, reparties ingénieuses, apophtegmes, sentences, maximes, proverbes, pasquinades, jeux de mots, pointes, équivoques, quolibets, turlupinades, tout s’y trouve réuni & avec beaucoup de clarté & de méthode.

65. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

Sans parler des maîtres de la philosophie officielle, dont l’enseignement, donné sous forme spiritualiste ou kantienne, fonde la morale sur cette croyance, un penseur comme Amiel en vient à ce compromis de formuler que si l’homme n’est pas libre absolument, du moins il y a du jeu dans le mécanisme de nécessité qui le contraint. […] Si tôt que l’équilibre moral est rompu, voici, par excès d’impulsion, ou par faiblesse de certains centres d’inhibition, parabolition d’un certain ordre de représentations, voici la folie pure et simple, ou plus dangereuse pour celui qu’elle possède, la folie par accès avec ses formes les plus incompréhensibles pour l’homme normal, la folie homicide, la tendance irrésistible au suicide, la kleptomanie, le vampirisme, le mysticisme, le jeu, l’avarice. […] Tant que ces fils sont en nombre normal et si surtout ils sont bien enchevêtrés, si leur jeu est rapide et imprévu, l’automate est pris pour un homme libre : il est responsable et les conséquences de cette conception bovaryque s’exercent à son égard avec toute leur rigueur. […] Il suffit, pour expliquer comment se forme l’illusion d’un moi unique, de montrer le jeu de ces instincts divers dans la conscience. […] Or à considérer dans son détail le jeu de cette illusion qui réussit à se faire agréer, il apparaît que l’homme de toutes les époques se montre préoccupé à la fois d’améliorer sa vie immédiate, son bien-être terrestre et de s’assurer, par-delà cette première existence, un bonheur plus parfait et plus durable en une seconde existence qu’il imagine.

66. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Dès l’âge de vingt et un ans (ce qui ne veut pas dire qu’il fût majeur, on ne l’était alors qu’à vingt-cinq), on le voit émancipé, lié avec des enfants de famille dont il va faire ses camarades de jeunesse, et bientôt chef de la troupe dite de l’Illustre Théâtre qui s’amuse à jouer la comédie dans les jeux de paume aux faubourgs de Paris. […] Son nom, dans tous les actes, précède toujours celui de ses associés ; en même temps qu’il est le plus brave au jeu, à ce que nous appellerions le feu de la rampe et devant le public, il prend vis-à-vis des siens, dans l’affaire commune, la grosse part de la responsabilité ; il souscrit pour tous des obligations, il s’engage, et finalement, les recettes étant insuffisantes, les fournisseurs n’étant pas payés, les obligations n’étant pas remboursées au terme préfix, Molière se voit un jour appréhendé au corps et mis en prison au Grand-Châtelet. […] Toute la troupe de l’Illustre Théâtre, assemblée le 13 août au jeu de paume de la Croix-Noire au port Saint-Paul, s’engagea solidairement « envers honorable homme Léonard Aubry, » à le garantir et indemniser de la somme par lui avancée, « d’autant plus, est-il relaté dans l’acte, que ce qu’en a fait ledit sieur Aubry n’a été qu’à leur pure requête et pour leur faire plaisir, et pour tirer hors des prisons du Grand-Châtelet ledit Poquelin. […] Eudore Soulié, voué comme il l’est à la mémoire de Molière, et piqué au jeu par le succès même, aura bien de la peine à ne pas entreprendre cette recherche, qui ne serait pas ingrate à ses yeux si elle lui procurait un seul document d’importance. […] C’était un de ces moments si précieux pour la haute éducation de l’esprit, où les masques se détachent, où les physionomies ont toute leur expression, où les caractères ont tout leur jeu, où les conditions sociales s’opposent violemment les unes aux autres, où les travers, les vices, les ridicules se montrent avec une pétulance fanfaronne… » Non content d’une large et riche Introduction, qui se poursuit et se renouvelle même en tête du second volume par une Étude sur la troupe de Molière, M. 

67. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

Vous qui voulez prendre idée de ce malin esprit de Cour et d’ancien régime tel qu’on l’attribue sans cesse aux Richelieu, aux d’Ayen, aux Stainville, aux Maurepas, et aux femmes qui les égalaient au moins à ce jeu d’épigrammes, si elles ne les surpassaient point, lisez et relisez la page suivante qui en est le chef-d’œuvre. […] Je pensai que si la reine de France faisait ainsi tous ses repas, je n’aurais pas envié l’honneur d’être son commensal. » De son côté, Voltaire, dont l’esprit était un peu cousin de celui de Casanova, ne put se taire sur cet ennui qui s’exhalait à Versailles autour du jeu de la reine, et il fit ces vers dont il voulut ensuite se justifier, mais qu’elle ne put s’empêcher de prendre pour elle, car elle jouait tous les soirs au cavagnole : On croirait que le jeu console, Mais l’ennui vient à pas comptés S’asseoir entre des Majestés, À la table d’un cavagnole. […] Une fois quitte de ce jeu, la reine, tant que vécut le duc de Luynes, se retirait volontiers chez la duchesse, sa dame d’honneur, où elle soupait et où elle continuait assez tard de converser avec sa société intime et ce qu’elle appelait « ses honnêtes gens. » Son bonheur était de pouvoir faire tous les jours de la vie la même chose. […] Ce n’est pas un Voltaire qui eût été homme à se plier à de pareils jeux avec cette facilité de société, et l’on ne se serait pas fié à lui non plus.

68. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

L’impromptu donne lieu à la variété du jeu, en sorte qu’en revoyant plusieurs fois le même canevas, on peut revoir chaque fois une pièce différente. […] Quand on sait les préoccupations et les passions qui agitaient alors ces députés, on conçoit difficilement qu’ils trouvassent beaucoup d’attraits aux jeux des Pantalon et des Zanni. […] Aussi, les confrères de la Passion, qui continuaient à jouer leurs Farces, leurs Soties et leurs Moralités à l’Hôtel de Bourgogne, et qui jouissaient d’un privilège en vertu duquel il était fait défense à tous autres de représenter des jeux dramatiques dans la ville, faubourgs et banlieue de Paris, s’émurent de la redoutable concurrence que leur faisaient les nouveaux venus. […] Il est souvent le meneur du jeu, c’est lui qui conduit toutes choses, déconcerte les plans des vieillards, sauve et unit les amants malheureux.

69. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre I : Des sens, des appétits et des instincts. »

D’où Weber conclut que l’évaluation du poids est plus que doublée par le jeu des muscles. […] Elle se traduit : 1° par les mouvements produits dans le système musculaire, surtout par les divers muscles de la face, d’où résulte le jeu de la physionomie165 ; 2° par des effets organiques, c’est-à-dire par une influence sur les viscères. […] C’était dans cette obscure région des phénomènes primitifs de la vie affective, qu’il fallait chercher les germes des plaisirs, douleurs, passions de toute sorte, que le jeu de la vie féconde, transforme, affine incessamment. […] Le système nerveux peut ainsi se comparer à un orgue, dont les soufflets sont constamment pleins d’air, et se déchargent dans telle ou telle direction, selon les touches particulières qui sont mises en jeu.

70. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXI » pp. 87-90

Au bout des trois premiers quarts d’heure, ce jeu bruyant commence à fendre la tête, et les délicats n’y tiennent plus. […] Il est impossible de ne pas remarquer, quand on est un peu grammairien ou même moraliste, que voilà bien des grands hommes de bien en quinze jours, et rien ne prouverait plus combien une telle expression si solennelle, et qui devrait être si réservée, exprime peu une idée nette pour les esprits du jour que cet abus et comme ce jeu qu’on en fait.

71. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Une discussion dans les bureaux du Constitutionnel »

Sainte-Beuve, piqué au jeu, dicta à son secrétaire le début d’article que nous reproduisons intégralement, et auquel il n’ajouta pas un mot depuis. […] Nous sentons combien il y va de toute notre indignité dans des volumes signés du nom de Sainte-Beuve, mais nous nous efforçons aussi, par le caractère impersonnel de notre rédaction, de nous faire oublier, en ne mettant en relief que des souvenirs où la personnalité seule de l’illustre écrivain est en jeu.

72. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. de Latena : Étude de l’homme »

C’est une citadelle qui a courageusement repoussé les assauts, et que la famine force enfin de se rendre. » « Une femme nous semble un peu moins jolie quand nous avons entendu contester sa beauté. » Je ne sais si l’auteur a raison de refuser aux femmes la faculté d’être amies entre elles ; il ne la leur refuse du reste que dans leur première jeunesse et quand une autre sorte de passion plus vive est en jeu. […] En terminant son livre, M. de Latena dit avec un sentiment de respect pour le public et une circonspection qui n’est pas ordinaire de notre temps : « Tout, dans la vie, est un jeu de hasard, tout, excepté la vertu.

73. (1923) Paul Valéry

Mais quel érudit jetterait sur le Léonard authentique un rayon de lumière plus lointain que cette simple phrase : « Il abandonne les débris d’on ne sait quels grands jeux ?  […] Le hasard de la rime, qui fait dans un salon le jeu des bouts-rimés, devient chez un Hugo la chance miraculeuse qui se renouvelle à chaque distique. […] Cela allait même, dans ses premiers poèmes, à de véritables jeux, d’ailleurs aimables. […] Les images de Valéry vivent de mouvement, et quand elles se livrent au jeu de l’arrêter, ce n’est pas pour longtemps. […] Valéry n’a loué l’amour que sous les formes du sommeil et de la mort : c’est le rendre à un jeu de lignes, de masse et de pure beauté qui s’accorde à ce rêve d’Intérieur.

74. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Note. »

. — Jeu. […] Jeu commençant à m’être défavorable, parce que je ne pense qu’à Mme Récamier.

75. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Un tel problème, à le bien prendre, ne contient pas de mystère impénétrable : dans tout jeu, dans toute feinte, l’âme se dédouble, et l’acteur convaincu recouvre un spectateur sceptique. Ce n’est pas le lieu d’analyser en détail ce phénomène, il nous suffit de l’indiquer sommairement : dans le jeu, d’une façon générale, le moi individuel s’affirme et se nie simultanément ou à des intervalles indiscernables. […] Ce faisant, l’esprit ne croit pas se contredire : de cette affirmation et de cette négation il fait la synthèse, et cette synthèse est l’idée même du jeu ou du drame. […] Deux formes du jeu, l’ironie et le mythe, la feinte et la métaphore, étaient dans les habitudes constantes de sa parole ; il dramatisait, il poétisait à sa façon beaucoup des objets sur lesquels il attirait l’attention de ses disciples. […] A l’instant, j’ai changé de visage et l’esprit tendu, je me suis mis à rechercher si les enfants utilisaient d’habitude dans tel ou tel genre de jeu une ritournelle semblable ; non aucun souvenir ne me revenait d’avoir entendu cela quelque part.

76. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre II. La commedia dell’arte » pp. 10-30

Le bon prélat donna audience aux comédiens, discuta leurs raisons, et, finalement, les autorisa à continuer leurs jeux dans son diocèse, à la condition de déposer entre ses mains le canevas des pièces qu’ils voudraient représenter. […] Les jeux de physionomie, les postures, les gestes tenaient une grande place dans leur talent. […] Voilà le jeu de théâtre qu’on appellelazzi.

77. (1682) Préface à l’édition des œuvres de Molière de 1682

Ces nouveaux Acteurs ne déplurent point, et on fut surtout fort satisfait de l’agrément et du jeu des Femmes. […] Jamais homme n’a si bien entré que lui dans ce qui fait le jeu naïf du Théâtre. […] Il n’était pas seulement inimitable dans la manière dont il soutenait tous les caractères de ses Comédies ; mais il leur donnait encore un agrément tout particulier par la justesse qui accompagnait le jeu des Acteurs ; un coup d’œil, un pas, un geste, tout y était observé avec une exactitude qui avait été inconnue jusques-là sur les Théâtre de Paris.

78. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

« Quand nous étions enfants, nous nous amusions quelquefois, mes petites sœurs et moi, à un jeu que nous appelions la musique des anges. Ce jeu consistait à plier une baguette d’osier en demi-cercle ou en arc à angle très-aigu, à en rapprocher les extrémités par un fil semblable à la corde sur laquelle on ajuste la flèche, à nouer ensuite des cheveux d’inégale grandeur aux deux côtés de l’arc, comme sont disposées les fibres d’une harpe, et à exposer cette petite harpe au vent. […] Nous nous servions habituellement, pour ce jeu, des longs cheveux fins, jeunes, blonds et soyeux, coupés aux tresses pendantes de mes sœurs ; mais un jour, nous voulûmes éprouver si les anges joueraient les mêmes mélodies sur des cordes d’un autre âge, empruntées à un autre front. Une bonne tante de mon père, qui vivait à la maison, et dont les cachots de la Terreur avaient blanchi la tête avant l’âge, surveillait nos jeux en travaillant de l’aiguille à côté de nous dans le jardin. […] Dur, colère jusqu’aux emportements contre les choses inanimées, incapable de souffrir la moindre contradiction, opiniâtre à l’excès, passionné pour tous les plaisirs, la bonne chère, la chasse, la musique, le jeu, où il ne pouvait supporter d’être vaincu ; il ne regardait les hommes que comme des atomes, avec qui il n’avait aucune ressemblance, quels qu’ils fussent.

79. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

saules est pris dans le sens propre, et laurier dans le sens figuré : mais ce jeu présente à l’esprit une pensée très fine et très solide. […] Qui croiroit, par exemple, que jamais le jeu de piquet dut entrer dans un poème fait pour décrire la pénitence et la charité de sainte Madeleine ; et que ce jeu dut faire naitre la pensée de se doner la discipline ! […] Il joue : jouer est pris alors dans un sens neutre : mais quand on dit, il joue gros jeu ; il joue est pris dans un sens actif, et gros jeu est le régime de il joue. […] Jeux de mots, paronomase Il y a deux sortes de jeux de mots. […] On doit éviter les jeux de mots qui sont vides de sens : mais quand le sens subsiste indépendament du jeu de mots, ils ne perdent rien de leur mérite.

80. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Lui seul saurait mesurer le jeu. (Ce jeu grave). […] La fidélité aux règles du jeu. […] Gagner dans un jeu de bassesse ou perdre dans un noble jeu. […] Car Sévère ne comprend pas l’autre jeu.

81. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

. — Le roi dîna à son petit couvert et alla tirer… » — Les soirs il y a comédie ou appartement, jeux avant et après souper. […] On a, par Dangeau, le nom exact de tous les jeux auxquels on jouait à la Cour de Louis XIV et où le roi prenait part lui-même. […] Les chasses et les jeux recommencent. […] Quelques passages rapprochés, et qui deviennent aussi fréquents chez Dangeau que l’étaient autrefois les articles des jeux et des divertissements, en diront plus que tout : Dimanche 6 janvier (1692), à Versailles. — Le soir il y eut appartement ; mais le roi n’y vient plus.

82. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

La femme mord au fruit défendu en toute franchise et toute ingénuité ; elle se monte la tête pour le docteur, si bon comédien, et qui, pris à son propre jeu, est tenté par moments, comme saint Genest, de passer de la feinte à la réalité. […] Ses premiers essais si fins, et d’un arrangement si ingénieux, si industrieux, n’étaient qu’un prélude, une entrée de jeu pour un talent qui se sentait en fonds. […] Toute cette partie, où l’amour-propre excité et l’amour naissant sont en jeu chez elle et se confondent, est encore des plus agréables. […] Le jeu de mots, comme il arrive quelquefois, a conduit à la vive et parfaite vérité.

83. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

On en a une singulière preuve dans la lettre qu’il écrivit aux journaux (8 février 1791), lorsqu’après avoir déclaré qu’il n’avait aucune prétention à l’évêché de Paris devenu vacant, il crut devoir se justifier ou s’excuser d’avoir gagné de grosses sommes au jeu : « Maintenant, disait-il, que la crainte de me voir élever à la dignité d’évêque de Paris est dissipée, on me croira sans doute. Voici l’exacte vérité : j’ai gagné, dans l’espace de deux mois, non dans des maisons de jeu, mais dans la société et au Club des Échecs, regardé presque en tout temps, par la nature même de ses institutions, comme une maison particulière, environ 30,000 francs. […] Le goût du jeu s’est répandu d’une manière même importune dans la société. […] Il ressemble bien peu à ce Talleyrand de la fin, qui affectait le dédain de l’opinion, et qui se rencontrant avec le général Lamarque, un jour que celui-ci avait écrit aux journaux pour quelque explication de sa conduite, l’apostrophait froidement par ce mot : « Général, je vous croyais de l’esprit. » Il y a loin de là au Talleyrand contrit faisant son mea culpa public d’avoir gagné 30 mille francs au jeu.

84. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre X. La commedia dell’arte en France pendant la jeunesse de Molière » pp. 160-190

Ces troupes étaient à cette époque moitié improvisatrices et moitié chantantes ; elles mêlaient les jeux de la comédie de l’art aux pièces lyriques, aux opéras dont la mode prévalait en Italie. […] À l’époque où les Italiens offraient au public ces attrayants spectacles, une jeune troupe d’enfants de famille, la plupart Parisiens de naissance, s’étant associés pour jouer la comédie sous le titre de l’Illustre Théâtre, donnèrent, d’abord au Jeu de paume des Métayers, proche la tour de Nesle, puis au Jeu de paume de la Croix-Noire, sur le quai des Ormes, au port Saint-Paul, des représentations beaucoup moins fastueuses. […] Fiurelli, dont le talent consistait principalement dans les jeux d’une physionomie très expressive, ne portait point de masque : il se blanchissait le visage et se noircissait les sourcils et les moustaches.

85. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

En effet, il semble en lisant Lucien, qu’on chantât quelquefois le sujet que le pantomime executoit, mais il est aussi constant par plusieurs passages que je citerai plus bas, que le pantomime représentoit souvent sans que personne chantât ni prononçât les vers des scénes qu’il déclamoit dans son jeu muet. […] En effet, saint Augustin nous apprend dans le même livre qui vient d’être cité, que lorsque les pantomimes eurent commencé à joüer sur le théatre de Carthage, il fallut durant long-temps que le crieur public instruisit le peuple à haute voix du sujet qu’ils alloient représenter avec leur jeu muet. […] S’il se formoit des pantomimes à Paris, ne conçoit-on pas qu’ils débuteroient par executer dans leur jeu muet les belles scénes du Cid et des autres pieces les plus connuës, en choisissant celles où l’action demande que le comédien prenne plusieurs attitudes singulieres, qu’il fasse plusieurs gestes faciles à remarquer, et qu’on puisse reconnoître aisément quand on les voit faire sans entendre le discours dont ils sont l’accompagnement naturel. […] Ces derniers ne pouvoient dans les dialogues donner à la gesticulation qu’une partie de leur attention et de leurs forces, parce qu’alors ils parloient eux-mêmes, et qu’ils étoient obligez dans les monologues où ils ne parloient pas, à faire tomber en cadence leur jeu muet avec la récitation de celui qui prononçoit pour eux.

86. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — La synthèse »

Il convient d’en compléter l’explication par l’examen des procédés qui permettront, après analyse, de restaurer l’œuvre et les hommes dans leur unité totale, dans le jeu des forces naturelles et sociales qui les forment, les meuvent et les heurtent. […] Le charme des musiques devra de même être reproduit après leur analyse ; l’intime éclosion de rêves et d’actes que provoque le lent essor d’une voix dans le silence d’une nuit, le ravissement des mélodies, le suspens des longues notes tenues, le heurt douloureux des cris tragiques sera décrit et rappelé, comme les mâles et sobres éclats des pianos, le jeu des souples doigts, les élans atrocement rompus des marches, les prestos envolés, retombants, et voletants, ou la grave insistance de ces andantes qui paraissent exhorter et calmer et apaiser les sanglots qui traînent sur le pas des suprêmes décisions ; les violons nuanceront tout près de l’oreille et de l’âme leur voix sympathique, âpre et chaude, et l’on entendra passer leur chant captif sur les sourds élans des contrebasses, l’embrasement suprême des cuivres, le ricanement sinistre des hautbois, unis en cette gerbe montante de sons, de formes et de mouvements, qui s’échappe des orchestres et porte les symphonies. […] L’on aura atteint au bout de ces travaux le résultat le plus haut auquel tend tout l’embranchement des sciences organiques : la connaissance d’un homme analyse et reconstitué, de ses fibres intérieures, des délicates agrégations de cellules cérébrales traversées par le jeu infiniment mouvant et complexe des ondes récurrentes, de ce centre de la trame intime de vibrations qui, phénomène physiologique pour l’observateur idéal placé au dehors et percevant son envers, est, pour ces cellules mêmes, immatérielles ou s’ignorant matière, de la pensée, des émotions, des douleurs, des joies, des souvenirs d’êtres et de choses, — jusqu’à l’aboutissement même des nerfs infiniment déliés, infiniment ramifiés, qui par des voies encore inconnues, à travers l’encéphale, le cervelet, la moelle allongée et la moelle épinière, recevant les répercussions actives de tout ce travail intérieur, conduiront aux muscles, à l’épiderme, à cette surface de l’homme colorée et conformée, — jusqu’aux êtres qui forment les antécédents de ce corps, — jusqu’à ceux qui le touchèrent ou dont les actes, par des manifestations proches ou lointaines, l’affectèrent, le réjouirent ou le contristèrent, — jusqu’aux cieux qui se reflétèrent dans ses yeux, — jusqu’au sol qu’il foula de sa marche, — jusqu’aux cités ou aux campagnes dont la terre souilla ses pieds et résorba sa chairec.

87. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Ces Stances, du moins, par le nom de Chimène ramené à chaque finale, donnent l’ensemble et la note fondamentale du sentiment à travers les pointes : tout en souriant du jeu des antithèses, on ne peut s’empêcher, si l’on récite à haute voix, d’être attendri. […] Mais ne voyez-vous pas comme chaque peuple apporte aux représentations de la scène un degré de dureté ou de susceptibilité qui répond à son genre de tournoi national et qui peut se mesurer au caractère de ses jeux favoris ? […] Il se passe un combat et tout un jeu moral dans le cœur de Chimène, un duel d’une autre espèce et qu’elle nous décrit : « Rodrigue dans mon cœur attaque encor mon père. […] Ose-t-on remarquer quelque trace de jeux de mots et de cliquetis de pensées, à propos de cette épée et du sang dont elle est teinte et qu’une autre teinture peut faire oublier ? […] Ces deux jeunes et grands cœurs s’aiment, voilà le fin du jeu, et cet amour va montant et croissant toujours.

88. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Ce serait notre plus grand honneur que de pouvoir quelquefois réussir à ce jeu, qui d’ailleurs, dans le cas présent, ne peut nous mener qu’à trahir des délicatesses d’esprit et des traits ingénieux de caractère. […] Sur ce, madame de Crissé, vieille plaideuse qui se prétend outragée dans la comtesse de Pimbêche, et le conseiller Dandinard qui se croit joué dans Perrin Dandin, forcent successivement la porte et font au poëte une scène de menaces dont il se tire assez bien ; tout ce jeu est assez plaisant. […] Mais, dans le second des deux présents volumes, il a réuni tout ce qui se rapporte à la tentative si brillante et si dramatique qui se fit à Paris en 1827-1828, et qui mit en jeu devant nous le théâtre de Shakspeare, de Rowe, d’Otway. […] Je vais me hâter de définir cette espèce d’indifférence qui n’exclut pas du tout la curiosité et la conscience, ces deux vertus du critique, et qui même leur laisse un plus libre jeu. […] Le Timon d’aujourd’hui, qui avait dès lors l’âge de la raison et même celui de la misanthropie, se serait bien gardé de se mettre du jeu ; s’il avait plus de motif, je l’ignore, je n’imagine que le motif littéraire très-suffisant : il attendait patiemment l’heure d’aborder les choses par le plus gros bout, de jeter à l’aise et crûment sa parole saccadée et cassante ; il se sentait le croc, non pas l’aiguillon.

89. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

La belle poésie française du xviie  siècle n’était pas encore venue éclipser ces derniers restes brillants, ces jeux prolongés de la Renaissance. […] L’étude était si naturellement son fait et sa vocation, sa passion à la fois et son jeu, que, loin de le fatiguer, elle le laissait toujours plus libre, plus allègre et plus dispos après qu’auparavant. […] La galanterie, le bel esprit, la philosophie, la théologie elle-même, ne sont que des manières de jeux savants et subtils que les hommes ont inventés pour remplir et pour animer ce temps si court et pourtant bien long de la vie ; mais ils ne s’aperçoivent pas assez que ce sont des jeux. Huet, tout en s’appliquant à ces diverses choses avec sa passion studieuse, semble pourtant s’être un peu douté que ce pouvaient être des jeux ; il s’est surtout développé et comme amusé à l’entour, et il ne semble pas y avoir pris au vif plus qu’il ne fallait.

90. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 17, s’il est à propos de mettre de l’amour dans les tragedies » pp. 124-131

L’homme, pour qui les attraits du jeu sont sans amorce, est-il touché de l’affliction d’une personne qui vient de faire des pertes considerables, à moins qu’il ne prenne pour elle de ces interêts particuliers qui font partager tous les sentimens d’une autre personne, de maniere qu’on s’afflige de ce qu’elle est affligée. Sans un pareil motif l’homme, qui n’aime pas le jeu, plaindra seulement le joüeur d’avoir contracté l’habitude dangereuse de mettre à la disposition des cartes ou des dez la douceur de son humeur et la tranquillité de sa vie ; c’est parmi ceux qui sont tourmentez de maux pareils aux nôtres que l’instinct nous fait chercher des gens qui partagent nos peines, et qui nous consolent en s’affligeant avec nous.

91. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — I » pp. 1-17

Fontenelle y explique, de cette manière distinguée et fine qui est la sienne, les sources de la fortune de Dangeau, sa bonne mine, son attention à plaire, son art et son savoir-faire au jeu sans jamais déroger à la probité. Dangeau possédait cette algèbre rapide qu’on appelle l’esprit du jeu ; il gagnait presque à coup sûr et sans que cette attention intérieure l’empêchât d’être à la conversation et de paraître aimable : tout en combinant et en gagnant, il ne laissait pas de divertir les reines et d’égayer leur perte. Les mœurs étaient telles dans la jeunesse de Dangeau que tous ceux qui ont parlé de lui et qui ont relevé son adresse et son bonheur, l’ont presque loué de n’avoir pas triché et volé au jeu. […] Cet homme de représentation, de jeu et de carrousels, n’était pas tout entier à la vanité.

92. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Quelquefois le jeu y était admis, mais il avait ses limites ; et la lecture des bons livres y trouvait son temps, aussi bien que la piété solide, aux heures qui lui sont principalement dédiées. […] Parlant quelque part du jeu de tarots, que la princesse Marie aimait beaucoup, dont elle avait renouvelé et diversifié les règles (et elle avait même chargé Marolles de les rédiger et de les faire imprimer), le bon abbé remarque que c’est presque le seul jeu auquel il se soit plu, bien qu’il ne fût heureux ni à celui-là ni à aucun autre : « Mais depuis que l’exaltation de cette princesse, ajoute-t-il, m’a privé du bonheur de la voir, ni je n’ai plus aimé ce jeu, ni je ne me suis plus soucié de voir le grand monde, et je me suis contenté de mes livres et de recevoir quelques visites de peu de mes amis. » À l’arrivée des ambassadeurs polonais envoyés pour demander la princesse en mariage, et dès leur première visite confidentielle à l’hôtel de Nevers, ce fut Marolles qui les alla recevoir au bas du degré et leur fit en latin un compliment, auquel ils répondirent dans la même langue.

93. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Ce portrait ou Caractère dans le goût de La Bruyère, qui aurait pu sembler à quelques égards un jeu d’esprit et un exercice de littérature, aura désormais à nos yeux tout son sens et sa signification, éclairé qu’il est par la peinture flamboyante de Saint-Simon, qui y jette comme de sanglants reflets. […] Pourvu qu’il dorme, qu’il rie, qu’il adoucisse son tempérament, qu’il aime les jeux de la société, qu’il prenne plaisir à aimer les hommes et à se faire aimer d’eux, toutes les grâces de l’esprit et du corps viendront en foule pour l’orner. » Mais après les avertissements et les réprimandes, voici les satisfecit aussi bien imaginés, aussi bien tournés dans leur genre, et de la plus fine louange. […] Virgile, pourtant, grâce à la modestie de son début et à la douceur de ses transports, les séduit tous en chantant et les désarme, — tous, excepté Hésiode, plus morose que les autres, plus piqué au jeu et qui sent apparemment son vainqueur. […] qu’il aime les doux jeux de l’esprit !

94. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

Dans ses jeux, il se transforme le plus souvent en grande personne et il devient à son gré un général, un médecin ou un empereur ; mais il peut être aussi bien, car il est protéiforme, chien, cheval, oiseau. […] Et ces métamorphoses dépassent les limites du jeu ordinaire ; la feinte risque à tout moment de devenir réalité : il arrive que le hardi chasseur, à l’affût derrière un tronc d’arbre, soit pris de panique, à entendre le rugissement du tigre qui s’approche et qu’il s’enfuie en courant vers les genoux de sa bonne. […] Le don génial se traduit nécessairement par le jeu d’une activité qui le manifeste : l’homme de génie n’échappe pas à cette tyrannie du don, et son organisme est en proie, du fait de sa qualité maîtresse, à une Véritable exploitation. […] Car le snob ne se risque pas à discourir ; son grand art, où quelques-uns vraiment excellent, est de composer et parer son silence ; toute la science de son jeu est de ne point s’expliquer, de s’en tenir à une attitude, à une expression, à un geste, tout au plus à quelque adjectif.

95. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

Or on sait qu’en psychologie un désir9 est considéré comme l’expression consciente d’une aptitude développée, et demandant à se manifester, d’une force de l’organisme contenue et apte à être mise on jeu. […] Une composition parfaite, de celle des parties à celle de toute l’œuvre, permettra de penser que chez l’artiste qui la pratique, la cohésion des idées est étroite et suivie, c’est-à-dire qu’entre les phénomènes de sa vie mentale, le jeu des lois de similarité et de contiguïté est parfait. […] Il s’agit d’émettre sur le jeu et la nature des gros organes de cette âme, une supposition qui nous permette de la figurer telle qu’elle puisse être la cause des manifestations constatées. […] Or, la critique scientifique doue la science mentale d’un nouveau procédé de vérification et d’investigation en permettant d’étudier le jeu des lois psychologiques chez toute une classe de personnes extrêmement intéressantes, les géniaux.

96. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre premier. Préliminaires » pp. 1-8

Aussi quelle source abondante de jeux de scène, de combinaisons ingénieuses, de brusques et saisissantes expositions ils nous offrent ! […] Il les étudia dans leurs œuvres, il les étudia dans leur jeu ; il fut leur disciple, mais un disciple qui surpassa ses maîtres.

97. (1889) L’art au point de vue sociologique « Préface de l’auteur »

Le grand art, l’art sérieux est celui où se maintient et se manifeste cette unité ; l’art des « décadents « et des « déséquilibrés », dont notre époque nous fournira plus d’un exemple, est celui où cette unité disparaît au profit des jeux d’imagination et de style, du culte exclusif de la forme. […] Loin d’être, comme le croit l’école de Spencer, un simple « jeu de nos facultés « représentative », l’art est la prise au sérieux de nos facultés sympathiques et actives, et il ne se sert de la « représentation », encore une fois, que pour assurer l’exercice plus facile et plus intense de ces facultés qui sont le fond même de la vie individuelle et sociale.

98. (1896) Études et portraits littéraires

Que reste-t-il qu’un jeu d’abstractions ? […] Cela, c’est le jeu normal du cerveau. Comment figurera-t-il son jeu excentrique ? […] Gloire aux temps où le jeu de l’énergie humaine développe la beauté humaine. […] Parfois ce sont de simples jeux, des gamineries dans l’accouplement des termes.

99. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Tissot. Poésies érotiques avec une traduction des Baisers de Jean Second. »

Tissot les a trop fait disparaître ; et si l’on y rencontre et plus de raison et moins d’abus d’esprit que dans l’auteur, on y regrette, d’un autre côté, l’absence des mouvements simples, redoublés, variés en cent façons, jeux de la muse, images des jeux de l’amour.

100. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 4, du pouvoir que les imitations ont sur nous, et de la facilité avec laquelle le coeur humain est ému » pp. 34-42

Quand nous sommes dans un de ces réduits où plusieurs joüeurs sont assis autour de differentes tables : pourquoi un instinct secret nous fait-il prendre place auprès des joüeurs qui risquent de plus grosses sommes, bien que leur jeu ne soit pas aussi digne de curiosité que celui qui se jouë sur les autres tables ? […] C’est que l’émotion des autres nous émeut nous-mêmes, et ceux qui joüent gros jeu nous émeuvent davantage, parce qu’eux-mêmes ils sont plus émus.

101. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre II. Définition. — Énumération. — Description »

J’appelle superflu ce que vous ne craignez pas de risquer à un jeu qui ne vous divertit plus, mais qui vous attache mais qui vous passionne, mais qui vous dérègle, mais surtout qui vous ruine et qui vous damne : sacrifiez ce jeu et vous aurez du superflu. […] Et pourtant, par un jeu mécanique de la mémoire, ces mêmes esprits pensent avec des mots abstraits, généraux, collectifs : les ayant pensés et exprimés, ils semblent avoir épuisé du coup leur puissance d’invention, et ne peuvent passer outre.

102. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

Certaines pastourelles qui parfois ne gardent même pas le thème fondamental de la rencontre d’un chevalier et d’une bergère, sont de charmants tableaux de genre avec leurs rythmes alertes et leurs refrains joyeux ou goguenards ; elles nous montrent tout un côté de la vie rurale : les jeux, les danses, la gaieté bruyante du village, les coquetteries et les jalousies, les cadeaux idylliques de gâteaux et de fromages, la séduction des souliers à la mode et des fines cottes neuves, les gros rires et les lourds ébats terminés en rixes, coups de poing, musettes crevées, dents cassées. […] Il prend à la poésie savante quelques-uns de ses jeux de rimes : mais de cet exercice fastidieux et froid, sa gaminerie parisienne fait une sorte de jonglerie cocasse, un jaillissement drolatique de calembours. […] Cette affaire mettait en jeu toutes les passions du poète : l’Université et son champion Guillaume de Saint-Amour luttaient désespérément pour interdire aux religieux des ordres mendiants, aux dominicains surtout, l’accès des chaires publiques, et pour défendre les maîtres séculiers d’une concurrence redoutable.

103. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XI. Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) » pp. 191-208

Don Juan met l’épée à la main ; Arlequin se couche à terre sur le dos, tient sa flamberge pointe en l’air, de manière que son adversaire la rencontre toujours en ferraillant ; ce jeu de théâtre bien exécuté faisait le plus grand plaisir. […] Ce jeu se répète plusieurs fois. […] Il nous suffit de montrer où elle en arriva sur le théâtre italien, par une conséquence toute naturelle du jeu comique propre à ce théâtre.

104. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1854 » pp. 59-74

À ce jeu-là, nous nous étions piqués l’un et l’autre, et nous nous trouvions en guerre de taquineries, lorsqu’un soir, en revenant de chez Turcas, — il était onze heures, et l’hôtel où elle demeurait était fermé, — elle parut à un balcon d’une fenêtre en peignoir blanc. […] Du temps de mes dettes, du temps que j’habitais chez un pécheur de l’île Saint-Denis, je reçois une lettre de X… que vous connaissez, une lettre qui me disait : « Viens à ma campagne, j’ai un parc où il y a une balançoire et des jeux de bague. » Je me rends à Courbevoie, et trouve mon ami dans un petit salon, jouant bourgeoisement au loto, avec des haricots pour enjeux, en compagnie d’un monsieur et d’une dame, — mais toutefois au dos une vieille robe de chambre du monsieur, et aux pieds de vieilles pantoufles de la dame. Le propriétaire de la maison et du parc à jeux de bague, et qui avait, dit Gavarni, à la fois une tête de lapin et de serpent, était un usurier à nom nobiliaire, entre les mains duquel était tombée la propriété du journal Le Curieux, et qui, voulant avoir mon ami pour rédacteur, sans le payer, avait fait nouer par sa femme une intrigue épistolaire avec lui, et se laissait tromper à domicile.

105. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

La philosophie, témoin de ces jeux et de leurs effets, voulut les rendre utiles, en tournant leur vivacité licencieuse au profit de la raison et de la morale publique. […] Son allure, ses jeux scéniques, ses incidents, ne sont pas ceux de la nature, mais ceux de l’allégorie : on ne doit donc pas chercher le sel de ses plaisanteries dans la vérité, mais dans l’allusion. […] Sous les traits grotesques de ces mimes, ils tracèrent la caricature des mœurs et des professions : et les jeux divers de ces mêmes figures offrirent le spectacle de mille événements fortuits et divertissants. […] Le jeu des situations, la force comique, la vivacité du dialogue, déguisent très bien le défaut de cette catastrophe ; mais le vraisemblable y manque de scène en scène. […] Piquant jeu de mot devenu proverbe parmi tous les confrères de Sganarelle.

106. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Au sortir des écoles, il se trouva être de la fleur de cette jeunesse d’alors qui allait occuper le jeu pendant une quinzaine d’années jusqu’à la Fronde et au-delà, jusqu’à l’avènement de Louis XIV. […] Qu’une grave maladie le prenne, comme cela lui arriva à Paris, où il se trouvait au printemps de 1682 en qualité de membre de l’Assemblée du clergé, et voilà tout aussitôt cet homme de société, de gaieté et, jusqu’à un certain point, de plaisir, le voilà tout changé ; il a des regrets, il se repent, il se réconcilie : Je commence à sortir, écrit-il au chanoine Favart, si souvent confident de ses légèretés et de ses jeux ; j’ai été aujourd’hui à la messe, c’est la troisième que j’ai entendue depuis ma maladie mortelle : car, mon enfant, j’ai été mort sûrement ; on ne peut aller plus loin sans toucher au but. […] S’il avait vécu à Paris, sa plume élégante et qui cherchait des sujets où s’employer, eût peut-être aspiré à l’histoire, l’histoire écrite en beau style et traitée comme on l’entendait alors : « Je me serais hasardé à composer une histoire de quelqu’un de nos rois. » Mais vivant en province, loin des secours et des riches dépôts, il finit par s’accommoder très bien de cet obstacle à un plus grand travail, et sauf quelques heures d’étude facile dans le cabinet, il passa une bonne partie de sa vie à l’ombre dans son jardin, au jeu, aux agréables propos et en légères collations. […] Louis Paris paraît croire qu’il faut écrire hombre le jeu de cartes, au lieu d’ombre ; mais j’aime mieux ce dernier sens tout naturel et si d’accord avec les goûts de Maucroix, umbratilis vita.

107. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

On en jugera par la scène du bain de Léda et par les jeux, si habilement exprimés, auxquels se livrent ses compagnes en nageant près d’elle : LEDA. […] Pour des jeux plus savants un couple adroit s’isole ; Chacune à son tour plonge et remonte à fleur d’eau, D’une main sur son front retenant, son bandeau, De l’autre saisissant sa voisine à l’épaule. […] Dans sa vie de montagnes, le poëte a dû plus d’une fois vérifier la pensée exprimée dans deux autres sonnets de Wordsworth, lorsque le soir, du haut d’un mont, on voit le couchant figurer, avec ses nuées fantastiques, mille visions lointaines, et que cependant on se dit, en redescendant par le sentier déjà sombre, que ces jeux du ciel ne sont rien en eux-mêmes auprès des nobles et durables pensées qu’on possède en soi et qui nous ouvrent le ciel invisible. […] Temple grec et munster, tour, flèche aérienne : Cloches et carillons y mèneraient leur jeu ; Ou c’est une île encor sortant du flot limpide, — Un bois au sein des lacs, que l’on croirait solide, De nos muets transports objet prestigieux !

108. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Saint-Évremond, l’épicurien à l’âme ferme, avait appris à ce jeu où il semble n’être entré que pour mieux voir, à connaître de près le caractère des grands personnages de l’histoire et à deviner, presque en homme pratique, le génie des anciens peuples. […] Là aussi, pour peu que l’opinion se fût amusée à ce jeu-là, il y aurait eu à faire un Dictionnaire des Girouettes. […] Elle a produit de brillants et vigoureux réactionnaires, des restaurateurs ou des prédicateurs du passé, Bonald, de Maistre, Chateaubriand ; des marcheurs en avant et même des utopistes en partie clairvoyants, et, par opposition aux injurieux prophètes du passé, des prophètes plus ou moins aventureux de l’avenir, tels que Saint-Simon, Comte ; de savants législateurs surtout, dans l’ordre du possible, les Tronchet, les Cambacérès, les collaborateurs du Code Napoléon… La simple observation morale eût paru un jeu un peu trop égoïste et désintéressé après de tels naufrages. […] M. de Talleyrand n’a pas écrit ses maximes comme La Rochefoucauld, il les a pratiquées ; il les a appliquées et mises en jeu dans ces grandes parties d’échecs il avait l’Europe pour échiquier.

109. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Sa vie, ainsi ordonnée dans son désordre, devint double, et il en fit deux parts : l’une, élégante, animée, spirituelle, au grand jour, bercée entre les jeux de la poésie, et les illusions du cœur ; l’autre, obscure et honteuse, il faut le dire, et livrée à ces égarements prolongés des sens que la jeunesse embellit du nom de volupté, mais qui sont comme un vice au front du vieillard. […] Mais, dès 1684, nous avons de lui un admirable Discours en vers, qu’il lut le jour de sa réception à l’Académie française, et dans lequel, s’adressant à sa bienfaitrice, il lui expose avec candeur l’état de son âme : Des solides plaisirs je n’ai suivi que l’ombre, J’ai toujours abusé du plus cher de nos biens : Les pensers amusants, les vagues entretiens, Vains enfants du loisir, délices chimériques, Les romans et le jeu, peste des républiques, Par qui sont dévoyés les esprits les plus droits, Ridicule fureur qui se moque des lois, Cent autres passions des sages condamnées, Ont pris comme à l’envi la fleur de mes années. […] Et puis une simplicité d’exagération s’y mêle : les romans et le jeu qui ont égaré le pécheur sont la peste des républiques, une fureur qui se moque des lois. […] J’en reviens volontiers et je m’en tiens sur lui à ce jugement de La Bruyère dans son Discours de réception à l’Académie : « Un autre, plus égal que Marot et plus poëte que Voiture, a le jeu, le tour et la naïveté de tous les deux ; il instruit en badinant, persuade aux hommes la vertu par l’organe des bêtes, élève les petits sujets jusqu’au sublime : homme unique dans son genre d’écrire, toujours original, soit qu’il invente, soit qu’il traduise ; qui a été au-delà de ses modèles, modèle lui-même difficile à imiter. » — Voir aussi le joli thème latin de Fénelon à l’usage du duc de Bourgogne sur la mort de La Fontaine, in Fontani mortem.

110. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Lutèce » pp. 28-35

Nous disions, par jeu, la messe dans la chapelle et nous donnions aux plus petits la comédie dans la salle de théâtre, aux fauteuils de velours bleu, dont nous manœuvrions la machinerie désuète. […] Henri de Régnier, qui, pourtant, sera proclamé tout à l’heure l’un des chefs du Symbolisme, y persiflait le nouveau jeu : Biographie 4.

111. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXIV » pp. 394-401

Le 26, madame de Sévigné écrit : « On la croit toute rétablie dans sa félicité. » Enfin, le 2 septembre, elle raconte à sa fille que « la vision de madame de Soubise a passé plus vite qu’un éclair… Au jeu, elle a la tête appuyée familièrement sur l’épaule de son ami. […] Une lettre de madame de Sévigné, du 6 novembre, raconte avec sa grâce ordinaire comment le roi, sous le nom d’un certain Langlée, espèce d’aventurier qui tenait un jeu à la cour, lui donna la plus belle robe dont on eut jamais eu l’idée : « M. de Langlée a donné à madame de Montespan une robe d’or sur or, rebrodé d’or, rebordé d’or, et par-dessus un or frisé, rebroché d’un or mêlé avec un certain or qui fait la plus divine étoffe qui ait jamais été imaginée : ce sont les fées qui ont fait cet ouvrage en secret.

112. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre IX »

C’était le nom d’un jeu de cartes apporté de Hollande (la Maison des Jeux).

113. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Quelques jeux de rimes. […] Voici un jeu que je propose aux rares honnêtes gens qui ont vraiment lu les poètes contemporains. […] Or, si l’on jouait au même jeu avec Lamartine et Musset (que j’ai beaucoup moins lus, les aimant depuis moins longtemps), je me ferais fort de gagner presque à tout coup. […] Albert Sorel a fait des suites de vers considérables qui pourraient, à la rigueur, être de Victor Hugo, et où seule, quelque bizarrerie trop forte, ou mieux, quelque faiblesse de rime et quelque essoufflement laissent deviner le jeu sacrilège, Et, d’autre part, je me souviens d’avoir perdu des sommes en pariant, après un peu d’hésitation, que des vers de la légende, qu’on m’avait cités, étaient de M.  […] Il est le misérable ; il est le formidable ; Il est l’auguste infâme ; il est le nain géant ; Il égorge, massacre, extermine en créant ; Un pauvre en deuil l’émeut, un roi saignant le charme ; Sa fureur aime ; il verse une effroyable larme Et après tout ceci, qui n1est qu’un jeu d’antithèses, éclate un vers qui est enfin autre chose qu’un cliquetis de mots, un vers ému et tragique — (comme si le poète, à force de remuer les vocables, d’épuiser toutes les façons de traduire une pensée, devait nécessairement trouver, à un moment, l’expression la plus forte et la plus émouvante, et comme si sa prodigieuse invention verbale devait fatalement rencontrer la profondeur) : Comme il pleure avec rage au secours des souffrants !

114. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

L’action, le développement, le jeu des situations et des caractères, tout le reste était à trouver. […] C’est ainsi que l’entend Jean de Thommeray ; il court à une table de jeu pour y gagner la rançon de sa belle maîtresse. […] On admet qu’il se jette, une première fois, dans le jeu, comme dans un gouffre à combler, pour sauver une maîtresse en péril. […] Baronnette sort de sa cachette, retrouve son ombrelle en loques, reconnaît que les ongles d’une femme du monde ont passé par là, et se pique au jeu. […] Marie Letellier est une jeune fille élevée à l’américaine, pure et fière, sous des allures hardies et rieuses ; le coeur d’une vierge et l’air d’une princesse errante, habituée aux libertés de la flirtation, et sûre de retirer à temps sa vertu du jeu.

115. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Or c’est le degré do l’énergie en jeu qui décide de la catégorie tragique ou comique sous laquelle le phénomène va se classer. […] Sitôt qu’il entre en jeu, il est un principe de suggestion dont la toute-puissance les détermine à des métamorphosés nouvelles et jusqu’à renier innocemment leur personnalité coutumière. […] Avec elle, il a semblé que le phénomène apparaissait sous son aspect le plus universel et que, sous le jeu des mobiles et des circonstances qui semblent le déterminer, il révélait une source d’activité propre. […] Lorsqu’il a composé avec La Tentation de saint Antoine, avec Bouvard et Pécuchet, des œuvres d’une portée plus générale, une même nécessité de sa vision d’artiste a été cause qu’il a animé ce champ nouveau et plus vaste du jeu de ce même pouvoir. […] Aussi Flaubert avait-il beau jeu à faire apparaître les contradictions des systèmes en des sciences telles que l’histoire ou l’histoire naturelle, la médecine, la philosophie, l’esthétique, la politique ou la pédagogie.

116. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

L’austérité de leurs premières mœurs n’admettoit ni jeux, ni spectacles publics ; & leur langue se ressentit long-temps de cette austérité. […] Le Tournoi fini, ils se présentoient, couverts d’une glorieuse poussière, pour recevoir de la Beauté, souveraine de ces jeux solennels, le prix de leur victoire. […] Ces jeux, devenus les spectacles les plus intéressans de la nation, se célébroient avec autant d’appareil, que de magnificence. […] Nos spectacles seroient donc, avec plus de fondement pour eux, un sujet de scandale, que leurs jeux ne le doivent être pour nous. […]   Ce n’est pas sous ces déguisemens difformes, mais accompagnée, comme elle devroit l’être toujours, des Jeux & des Ris folâtres, que M.

117. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre cinquième. »

Dans la plupart des éditions, il y a une faute qui défigure le sens, toutes entraient en jeu : il faut lire, vers 7, tourets entraient au jeu.

118. (1864) Études sur Shakespeare

Comment les progrès de la prospérité rustique amenèrent-ils par degrés ce joyeux mouvement de réunions, de banquets et de jeux ? […] Tout indique qu’elle s’essaya plus d’une fois dans les jeux des ménestrels. […] De là une monotonie que ne rachètent point la grâce naïve ni le mérite poétique de quelques détails, et que redouble la coupe du poëme en stances de cinq vers, dont les deux derniers offrent presque constamment un jeu d’esprit. […] Des tableaux gracieux, des surprises, la curiosité qui s’attache au mouvement d’une intrigue, les mécomptes, les quiproquo, les jeux d’esprit que peut amener un travestissement, tel était le fond de ce divertissement sans conséquence. […] » C’est qu’au-dessus de ce jeu terrible de l’homme contre la nécessité, plane son existence morale, indépendante, souveraine, exempte des hasards du combat.

119. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Son imagination, où fleurissent tous les lieux communs, est d’autant plus heureuse et sereine en son expansion spontanée, que le jeu n’est pas troublé chez lui par d’inquiétantes dépenses du cœur ou de l’intelligence. […] Il devint maître en l’art d’escroquer, par subtil ou effronté larcin, poisson, vin, viande, pain, tripes, de quoi faire une « franche repue » ; c’étaient jeux innocents par où il préludait à de plus sérieux exploits. […] Il n’a pas son pareil pour connaître les milieux où se meuvent les caractères, et les facilités ou les obstacles que leur jeu y rencontre : il est plus étonnant encore de perspicacité quand il sonde les âmes, mesure les esprits, et déduit les prolongements extérieurs de leur intime originalité qui viennent neutraliser ou fortifier la brutale action des choses. […] Il faut ajouter, pour être juste, que cette haute théorie sert à Commynes pour légitimer le succès, et engager les battus à se trouver contents : dans le jeu des empires, Dieu fait sortir les coups qu’il lui plaît ; réclamer serait sacrilège. […] La « rhétorique » des Machault et des Chartier, transportée à la cour flamande et chevaleresque des ducs de Bourgogne, s’était développée avec une étonnante puissance dans cette atmosphère de lourde fantaisie et de frivolité puérile : elle avait donné en telle abondance toute sorte de fruits monstrueux et grotesques, le plus étonnant fouillis de poésie niaise, aristocratique, pédantesque, amphigourique, allégorique, mythologique, métaphysique, un laborieux et prétentieux fatras où les subtilités creuses et les ineptes jeux de mots tenaient lieu d’inspiration et d’idées.

120. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Il a vivement décrit bien des scènes et des jeux d’une journée de château ou de salon ; mais nulle part, si l’on ne se paye pas de rimes sonores, il ne paraît soupçonner le charme intime qui naît des habitudes vertueuses et simples d’une vie privée pratiquée obscurément et aimée, et la fleur inattendue de poésie qui tout d’un coup s’y découvre et la couronne. […] Cowper voit dans cette disposition et dans ce vœu universel un cri de la conscience qui, longtemps méconnue, mais non abolie, rappelle toute créature humaine à son origine et à sa fin, et l’avertit de sortir du tourbillon des villes, de cette atmosphère qui débilite et qui enflamme, pour revenir là où il y a des traces encore visibles, des vestiges parlants d’un précédent bonheur, et « où les montagnes, les rivières, les forêts, les champs et les bois, tout rend présent à la pensée le pouvoir et l’amour de Celui qui les a faits. » Et dans une description minutieuse et vivement distincte, où il entre un peu trop d’anatomie, mais aussi de jolis traits de pinceau, il donne idée de la manière d’interpréter et d’épeler la création, et il montre qu’ainsi étudié, compris et consacré, tout ce qui existe, loin d’être un jeu d’enfant ou un aliment de passion, ne doit plus se considérer que comme une suite d’échelons par où l’âme s’élève et arrive à voir clairement « que la terre est faite pour l’homme, et l’homme lui-même pour Dieu. » Tout cela est grave et solennel sans doute, il faut s’y accoutumer avec le poète : Cowper, c’est à bien des égards le Milton de la vie privée. […] Les vagues les surprennent dans leur folie sérieuse, et chaque heure en balaye des multitudes ; ils crient et s’enfoncent ; les survivants s’effarent et pleurent, poursuivent leur jeu et les suivent bientôt à l’abîme. Un petit nombre abandonne la foule, demande les yeux levés la richesse du ciel, et gagne les seuls biens réels, vérité, sagesse, grâce, et une paix pareille à celle de là-haut… Alors il se met à examiner les différents jeux, ces cailloux de différentes couleurs que s’amusent à ramasser les hommes et qu’ils continuent souvent de rechercher jusque dans la retraite et la solitude : car la plupart ne la désirent que pour s’y plus abandonner à leurs goûts favoris, et pour mieux caresser leur passion secrète.

121. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

C’est une seconde création que Dieu a permis à l’homme de feindre en reflétant l’autre dans sa pensée et dans sa parole ; un verbe inférieur, mais un verbe véritable, qui crée, bien qu’il ne crée qu’avec les éléments, avec les images et avec les souvenirs des choses que la nature a créées avant lui : jeu d’enfant, mais jeu divin de notre âme avec les impressions qu’elle reçoit de la nature ; jeu par lequel nous reconstruisons sans cesse cette figure passagère du monde extérieur et du monde intérieur, qui se peint, qui s’efface et qui se renouvelle sans cesse devant nous. […] Il doit avoir l’âme naïve comme celle des enfants, tendre, compatissante et pleine de pitié comme celle des femmes, ferme et impassible comme celle des juges et des vieillards, car il récite les jeux, les innocences, les candeurs de l’enfance, les amours des jeunes hommes et des belles vierges, les attachements et les déchirements du cœur, les attendrissements de la compassion sur les misères du sort : il écrit avec des larmes ; son chef-d’œuvre est d’en faire couler.

122. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Etudiez l’espèce de plaisir que vous avez pu prendre quelquefois à ces réunions ; rappelez-vous les bras, les épaules nues, les jeux de l’éventail, les corsages plaqués, la toilette qui exagère toutes les parties expressives du corps féminin : vous reconnaîtrez que ce n’est guère par les grâces de la conversation, volontiers insignifiante, que vous avez été séduit, mais que l’attrait du sexe était pour beaucoup dans votre plaisir. […] Le plus bel effort de la civilisation la plus raffinée, c’est de mettre les sexes aux prises dans les conditions les plus propres à rendre la lutte charmante ; c’est de multiplier, de nuancer et de prolonger les bagatelles à demi innocentes et tout le jeu préliminaire de l’amour, afin de sauver les oisifs de l’ennui. […] Ils ont beau jeu dans cette oisiveté de la richesse. […] La morale des philosophes est une morale de cabinet qui ne les suit guère dehors ; tant qu’on raisonne doctoralement, inter libros ou inter pocula, c’est superbe, plein de simplicité, de grandeur et d’harmonie ; mais deux beaux yeux que l’amour fait arder ont bien vite raison de toutes les rigueurs théoriques de ces belles doctrines, lesquelles, en de certains, moments, sembleront toujours à quiconque ne les a pas inventées de simples jeux de savants.

123. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

En tout, même dans ces jeux de l’esprit, Frédéric finit toujours par donner le dernier mot à l’action, à l’utilité sociale et à celle de la patrie : c’est un génie qui s’amuse en attendant mieux, qui continuera de s’amuser et de s’égayer dans les intervalles des plus rudes travaux, mais qui aspirera en tout temps, à force de fermeté, à se réaliser en grandeur pratique et utile. […] Les réflexions par lesquelles Frédéric termine son récit de la guerre de Sept Ans ressemblent très bien à une page de Polybe : « À deux mille ans de distance, c’est la même façon de juger les vicissitudes humaines, et de les expliquer par des jeux d’habileté mêlés à des jeux de fortune. » Seulement l’historien-roi est, en général, plus sobre de réflexions. […] Le malheur de Frédéric fut de n’être entouré de tout temps, et surtout vers la fin, que de gens de lettres secondaires, et dont le caractère peu élevé se prêtait trop à ses jeux de prince.

124. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

L’alexandrin n’a aucun rapport, ni de filiation, ni de parenté, vers syllabique, avec l’hexamètre, vers métrique, disparu avec la métrique latine elle-même, lors de la formation des langues novo-latines, où les mots, trop contractés (latrocinium-larcin), se refusent aux jeux savants de la prosodie. […] Des petites filles tournent enchaînées par les mains ; elles chantent ; elles sautent ; elles miment ; et, au printemps, l’odeur des acacias se mêle au jeu et tous les sens sont pris et charmés. […] Cependant, si, après ces jeux, on venait à conclure que le vers libre n’est une nouveauté qu’en typographie, la conclusion serait injuste. […] L’on voit volontiers accouplées ces sonorités identiques, hier ennemies, cuir — buires, roi — voix — joie au mépris de la vaine habitude des yeux ; des assonances fort délicates, telles que : ciel — hirondelle, quête — verte, guimpe — limbe ; d’agréables rimes intérieures qui rappellent, avec beaucoup plus d’art, les jeux des poètes latins du XIIIe siècle : Ô Méditerranée, salut ; voici Protée qui lève de tes vagues son front couronné d’algues.

125. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Le type du vers romantique est le vers binaire, aux jeux pairs de syllabes, dans sa dimension la plus grande admise, l’alexandrin. […] Je ne doute pas qu’avant que le romantisme eût régénéré le lyrisme, la poésie, auparavant dite légère, ne tirât sa minime raison d’être que de la difficulté vaincue ; ne pouvant être émouvant, ni poétique, on était ingénieux ; on jouait à un jeu de bague avec chances égalisées pour tous par la règle. […] Ainsi les romantiques, pour augmenter les moyens d’expression de l’alexandrin ou plus généralement des vers à jeu de syllabes pairs, inventèrent le rejet qui consiste en un trompe-l’œil transmutant deux vers de douze pieds en un vers de quatorze ou quinze et un de neuf ou dix. […] Mais Molière et La Fontaine ne voyaient dans ce qu’il serait plus juste de dénommer chez eux le vers familier, qu’un choix de mètres, joliets, souples, à cadence soigneusement distincte de celle du vers héroïque, de l’alexandrin en longues traînes de périodes ; c’est par convenance, respects des opinions, et même des fantômes de préjugés de leurs délicats qu’ils furent amenés à varier leur jeu toujours sans dissonances.

126. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

Mais le monde dont l’inquiète analyse est excitée par la vaine peur de paraître dupe, qui dissout par jeu la foi, l’autorité, la tradition, et ne tend qu’à mouvoir son intelligence, sans poursuivre de solides ou bienfaisants résultats, le monde s’épuise dans la continuité de l’action intellectuelle, sans but et sans passion. […] Il nous fait rire quand il nous parle des « jeux de tonnerre », unis aux « jeux de flûte » dans son « clavecin poétique », ou de « ce je ne sais quoi d’indompté » qui soulève son âme honnête : il ne se flattait pas pourtant ; mais il ne s’est pas répandu dans son œuvre.

127. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « SUR ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 497-504

Toute sa poésie depuis 89 jusqu’en 94, depuis son Jeu de Paume jusqu’aux vers inachevés du dernier ïambe, autorise cette conjecture. […] Littérairement, et après le bouillonnement écumeux de sa première moitié, la Restauration peut être comparée à une espèce de lac artificiel, qui cessa du moment où les écluses s’ouvrirent, mais qui se prêta assez longtemps aux illusions et aux jeux de l’art, de la philosophie, de la poésie ; on y voguait à la rame, l’été ; on y patinait agréablement l’hiver.

128. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XII » pp. 100-108

Ils ne leur pardonnaient aucun refus, aucune résistance, et se faisaient un jeu de les bafouer, de les humilier, de les combattre. […] Durant la guerre de la Fronde, Mazarin mit en jeu la séduction de celles de ses nièces qui étaient en âge de fixer les regards.

129. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 29, si les poëtes tragiques sont obligez de se conformer à ce que la geographie, l’histoire et la chronologie nous apprennent positivement » pp. 243-254

Il blâme ceux qui prétendent que l’exactitude à se conformer à cette vrai-semblance soit une affectation inutile, et même il réprend Sophocle d’avoir fait annoncer dans la tragedie d’électre qu’Oreste s’étoit tué aux jeux pythiens, parce que ces jeux ne furent instituez que plusieurs siecles après Oreste.

130. (1915) La philosophie française « II »

., quelque chose qui les assurât qu’ils ne se livraient pas à un simple jeu d’idées, à une manipulation de concepts abstraits : la tendance est déjà visible chez le grand initiateur de la méthode d’introspection profonde, Maine de Biran. […] À cette idée on pourra toujours en opposer une autre, avec laquelle on construira, selon la même méthode, un système différent ; les deux systèmes seront d’ailleurs également soutenables, également invérifiables ; de sorte que la philosophie deviendra un simple jeu, un tournoi entre dialecticiens.

131. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Ainsi la foule apporte devant le jeu poétique une âme de foi. […] Et la Dernière Mode, dans l’exquis raccourci de ses huit numéros, forme autour de la femme un jeu d’analogies galantes. […] « A un jeu. […] Il parut retourner le mot de Malherbe en professant que l’État et tout ce qui n’est point l’art importe aussi peu que le jeu de quilles. […] Il faut étudier leur jeu spontané dans sa prose d’abord : le vers ne lui paraît admettre, en général, la métaphore qu’à l’état d’essence.

132. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

il prend la vérité même de la chose pour la perfection du jeu. […] Sa tête était trop remplie de ses propres saillies et de ses jeux de mots pour y laisser entrer autre chose. […] J’ai tâté son jeu assez pour ne le guère craindre. […] Vous voyez que les spectateurs valaient la peine du spectacle : aussi le jeu a-t-il bien valu la chandelle. […] La vulgarité n’est pas seulement dans sa vie ; elle se fait sentir jusque dans les jeux de sa verve.

133. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Les enfants apprennent des jeux qui demandent plus de mémoire, de combinaison et de finesse que la géométrie. […] Il ne faudrait pas manquer d’en faire l’application aux jeux de hasard. […] Toute notre vie n’est qu’un jeu de hasard ; tâchons d’avoir la chance pour nous. […] Que le maître lise, mais que l’élève ignore jusqu’au nom de l’Analyse des jeux de hasard, par Montmaur. […] Pindare, le chantre des Jeux olympiques, plein de hauteur et de verve, est hérissé de difficultés.

134. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

La tragédie, la comédie, les chœurs de danse, les jeux gymniques, sont une partie du culte. […] Entre toutes ces poésies, les plus populaires et les plus propres à nous faire comprendre ces mœurs lointaines sont les cantates qui célèbrent les vainqueurs des quatre grands jeux. […] Les jeux n’ont point d’emplacement ni d’époques fixes. […] Peu à peu le régime imposé par la sitation se fixa, et, vers l’époque du rétablissement des jeux olympiques, il était complet. […] Les Egestœens avaient élevé un petit temple sur le tombeau d’un Crotoniate réfugié chez eux, Philippe, vainqueur aux jeux Olympiques, le plus beau des Grecs de son temps, et, du vivant d’Hérodote, ils lui offraient encore des sacrifices.

135. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

sans doute, Valentin veut persuader à Geneviève qu’elle doit fuir, le laisser expirer seul ; mais n’a-t-elle pas trop beau jeu à lui dire : Toi ! […] Que tu décrives tout un kiss Avec un tel Ne quid nimis Que pourrait te lire une miss, Ou qu’à Ponchon lorsqu’il balance Son demi-sans-faux-col par l’anse, Tu donnes le prix d’excellence ; Que tu racontes, en tes Jeux, Non lassé par cinq corps neigeux, Le page six fois courageux, Ou sertisses des confidences En de fins rondels, et cadences Des mots sur de vieux airs de danses ; Que tu nous montres Pierrot, vif. […] Plusieurs scènes en sont vraiment belles : la scène, entre autres, où, à contempler le sabre qu’il a dérobé, par jeu, au Marchand d’habits, Pierrot conçoit l’idée du meurtre, et celle où, tandis qu’il tient enlacée Musidora, lui apparaît le spectre de l’homme assassiné. […] Aussi bien Fiammette n’est-il pas tout à fait un drame ; c’est un jeu, un « conte dramatique », mais ce jeu est « prenant », on s’y passionne mieux qu’aux mélos dûment machinés.

136. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

C’est un Italien, au passé inconnu, vivant autrefois à Londres où il tirait de connaissances, à peu près tous les jours, de quoi risquer quelques schellings dans les maisons de jeu de la populace. […] Un soir, le jeu s’avive, et un souverain tombe de la table et roule jusqu’à lui. […] Il plaît, devient, quelques jours après, l’amant de l’une, l’épouse, donne bientôt à toutes les deux le goût du jeu, et les ruine. Puis quand il les a ruinées, il fait convertir sa femme au catholicisme, puis sa belle-sœur, et, de l’argent reçu des lords catholiques, tente le jeu à Hombourg, gagne 200 000 francs, reperd et maintenant… Savez-vous ce qu’il fait ? […] Les Français voyagent pour se distraire d’un chagrin d’amour, d’une perte au jeu, ou pour placer des rouenneries, mais là, un Français dans une calèche, un Français qui ne soit ni un acteur, ni un ambassadeur, un Français ayant à ses côtés une femme comme une mère ou une sœur, et pas une fille, une actrice, une couturière, non on n’en a jamais vu ! 

137. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Tel était le triomphe de ce jeu naturel et simple, de cette voix dont le clavier était si varié, les notes si sensibles et si pénétrantes. […] Dans ces jeux où l’esprit nous apprend à charmer,             Le cœur doit apprendre à se taire ;        Et lorsque tout nous ordonne de plaire,                   Tout nous défend d’aimer… Ô des erreurs du monde inexplicable exemple, Charmante Muse ! […] Le pauvre Murville, après les premiers mots, ne tarda pas à s’apercevoir de l’espèce de trouble qu’il causait : il alla au-devant, et tout en parlant art, jeu dramatique, Mlle Gaussin, Mlle Desgarcins et autres brillants modèles, il lui échappa de dire comme en murmurant entre ses dents : « Oh ! […] annonçait à Mme Valmore qu’il venait d’autoriser le directeur à résilier son engagement pour l’année 1819-1820 ; on y sent la considération qu’elle inspirait partout autour d’elle : « Mille grâces, Madame, de votre charmant cadeau ; ce que je connaissais de vos ouvrages m’en rend la collection infiniment précieuse ; leur cachet particulier est la peinture de douces et modestes vertus, d’une exquise sensibilité et des sentiments les plus nobles, les plus purs, en un mot de ces sentiments que votre jeu reproduit avec tant de vérité et de naturel sur la scène.

138. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

C’était multiplier les ridicules et s’en donner tout le plaisir que de les assembler autour de soi, de les mettre en jeu et aux prises sous ce point de vue particulier. […] Pour que cela prît du corps et de la portée, pour que l’aiguille devînt une flèche ou un aiguillon, il fallait pourtant qu’un peu de passion s’y mêlât, et elle vint précisément s’y mêler dès cette époque que j’ai notée et à partir de 1820, quand les excès du parti ultra et de la Congrégation piquèrent au jeu les esprits sensés et indépendants. […] Fillars, méchante gazette de l’endroit, homme envieux, « qui va tout doucement, et qui n’a pas de plus grand plaisir que quand il voit tomber ceux qui voulaient courir plus vite que lui » ; qui est au courant de tout ce qui fait le mal d’autrui, et qui, s’il rencontre des gens heureux, se dit : Je les attends, ce caractère est parfaitement dessiné et mis en jeu. […] Théodore Leclercq a très bien peint sa douce paresse et son humeur peu ambitieuse, qui laissait à son observation tout son jeu et toute sa lucidité : « Assez bon observateur, dit-il, positivement parce que je reste en dehors des prétentions actives, je regarde faire, et j’écris sans remonter plus haut que le ridicule, qui est mon domaine, laissant des plumes plus fortes que la mienne combattre ce qui est odieux. » Là où il est le plus charmant et le plus naturellement dans son domaine, c’est quand il peint les légers ridicules dont il ne s’irrite point, mais dont il sourit et dont il jouit, les ridicules des gens qu’on voit et qu’on aime à voir, avec qui l’on joue la comédie sans qu’ils se doutent qu’ils la jouent doublement eux-mêmes.

139. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Cela même portait le jeune poëte de Thèbes à prendre pour unique objet de ses chants ce qui pouvait surtout animer et servir la Grèce entière, le culte de ses Dieux protecteurs et l’émulation fortifiante de ses jeux guerriers. […] Le poëte lyrique, avec son autorité sainte, dans les fêtes et les jeux sacrés de la Grèce, est le conseiller de la patrie commune, le messager d’alliance entre les villes de même origine, de même noblesse hellénique, entre les métropoles et les colonies devenues indépendantes et souveraines à leur tour. […] N’oublions pas ce qu’atteste l’histoire : ces jeux de force, de vaillance et d’agilité, ces quatre grandes écoles d’Olympie, de Delphes, de l’Isthme et de Némée préparaient et inspiraient la race des vainqueurs de l’Asie. […] » Ces paroles, qui rappelaient un ancien désastre, en même temps qu’elles en assignaient la cause, en disent assez sur les jeux de la Grèce.

140. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre II. Bovarysme essentiel de l’être et de l’Humanité »

À savoir écrit d’avance le texte entier du drame, à savoir qu’aucun effort n’y peut rien changer, à savoir qu’ils ne sont rien de plus que des acteurs, les hommesse désintéresseraient de leur jeu, de leurs paroles et de leurs mimiques ; ils ressembleraient à ces cabotins, qui récitent pour la salle des tirades pathétiques, tandis qu’ils murmurent quelque gaudriole à l’oreille de l’actrice qui leur donne la réplique. […] C’est cet espoir d’un bonheur à conquérir pour sa propre personne ou d’une douleur à s’épargner, qui donne à tout son jeu cette sincérité, cette variété et cette ardeur par où le spectacle s’anime d’un intérêt si fort.

141. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

C’est quelque jeu enfantin, car tous les visages disent une joie franche et douce de jouerie, devant l’inquiète attitude de la fille qui est debout. […] Les charmants plis de robes, bleue et rose, dans une chambre aux rideaux tirés, et le jeu sur elles d’une lumière légèrement bleutée, et les malicieuses expressions d’une enfantine face, M.  […] Il a dressé des poèmes passionnels incomparables, par le jeu symphoniques des tons et des formes. […] Puis il osa peindre de jolis poèmes sans nul sujet décrit, des jeux de nuances, délicates et larges. […] Monet, avec une merveilleuse sincérité et le prestige d’une délicatesse visuelle incomparable, analyse le jeu mobile des nuances lumineuses.

142. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Charlemagne les chassa, attendu l’indécence de leurs mœurs & de leurs jeux. […] Ils mêlaient à ces jeux des danses & des chansons également dissolues. […] Mettez en jeu tous ses ressorts. […] On applaudit au jeu pittoresquement uni de Laruette. […] C’était parier gros jeu.

143. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

De retour à Paris avec son père, plus de jeux, un redoublement de lecture, ou, par intervalles, une sorte de rêverie nonchalante qui faisait demeurer l’enfant assise ; les bras croisés, avec ce grand œil fixe (de Minerve), sans presque aucun mouvement de paupière. […] Plusieurs prix, remportés aux Jeux Floraux, commencèrent dans le midi la réputation de la jeune femme ; mais ce qui la fit d’abord remarquer des juges littéraires de Paris, ce fut sa pièce, publiée en 1825, à l’occasion du Sacre. […] A ces vains jeux de l’harmonie Disons ensemble un long adieu : Pour sécher les pleurs du génie, Que peut la lyre ?

144. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Si l’on réfléchit qu’à cette merveilleuse faculté Gautier unit une immense intelligence innée de la correspondance et du symbolisme universel, ce répertoire de toute métaphore, on comprendra qu’il puisse sans cesse, sans fatigue comme sans faute, définir l’attitude mystérieuse que les objets de la création tiennent devant le regard de l’homme… Il y a, dans le style de Théophile Gautier, une justesse qui ravit, qui étonne, et qui fait songer à ces miracles produits dans le jeu par une profonde science mathématique… Nos voisins disent : Shakespeare et Goethe ! […] L’auteur est maître en ces jeux de forme et de contraste. […] Les Olympes toujours ont nos désirs pour jeux !

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