Je sais bien que les littérateurs qui ne sont que littérateurs n’en conviendront pas, ni non plus le vulgaire des hommes ; mais c’est là la raison qui le prouve, au contraire, si l’on veut avec force y penser. Le scepticisme, l’inquiétude et la peur, qui firent pousser de si magnifiques cris d’aigle épouvanté à l’âme de Pascal, sont plus communs que la foi, l’amour et l’espérance, et les hommes sont faits ainsi qu’ils entendent mieux la voix qui les crie. […] La sainte Térèse des Fondations a été dévorée par le feu de l’autre Térèse, aux yeux éblouis de ces pauvres hommes qui répugnent toujours à accepter, dans un seul être, deux grandeurs. […] elle était encore la femme puissamment rassise dans la raison telle que les hommes conçoivent la raison quand l’Extase, qui enlève l’esprit au ciel et ce corps de boue volatilisé dans les airs, la lâchait et la mettait par terre. […] Il fallait qu’elle les sût pour les conduire, cette grande Directrice qui les a conduites et soumises à un gouvernement inconnu des hommes, — le gouvernement de l’Amour !
Dans un temps vulgairement littéraire, des hommes de talent comme Théodore de Banville seraient classés… Nous l’avons choisi pour éclairer cette question de la mort des lettres et de la poésie dont nous sommes menacés chaque jour un peu plus. […] Dans l’esprit comme dans le cœur de l’homme, il y a souvent le mystère des développements inattendus ! […] S’il était un homme sans talent, sa médiocrité ne prouverait rien. […] Les larmes que les yeux de l’homme ont pleurées gardent la chaleur du cœur qui les répandit, et quand ce sont les yeux d’un homme de génie, elles se réchauffent encore, pendant des siècles, à la chaleur généreuse de celles qu’elles font verser ! […] Les Œuvres et les Hommes.
Chèbe, l’homme à projets, n’est-ce pas M. […] Encore ici, reconnaissez-vous l’homme ? […] Qui donc a nié qu’en tout homme il y eût quelque chose de l’homme ? […] Hommes et femmes, ils en sont tous là ! […] Nous sommes hommes et, à ce titre, engagés dans la société des autres hommes.
Le don le plus utile que les Muses aient fait aux hommes, disoit l’Abbé Terrasson, c’est le Télémaque ; car si le bonheur du genre humain pouvoit naître d’un Poeme, il naîtroit de celui-là. […] Le sujet de Télémaque est d’un ressort universel ; il prend sa source dans la nature de l’homme : rien de plus touchant que la tendresse filiale ; rien de plus digne des vœux de tous les hommes, qu’un sage & heureux Gouvernement. […] Jamais la vertu n’emprunta, pour parler aux hommes, un langage plus enchanteur, & n’eut plus de droit à notre amour. […] Dans ses Réflexions sur la Grammaire, la Rhétorique, la Poétique & l’Histoire, on admire le Littérateur éclairé, l’Erudit sans étalage, l’homme de goût sans affectation. […] Il semble qu’un tel homme n’eût jamais dû essuyer de contradictions.
mais que ce mot de femmes miroite dans le titre du livre qu’on publie, et les hommes s’y jetteront… quittes à être attrapés. […] Pourquoi les femmes, quand on ne croit pas même aux hommes de la Révolution ? […] Tous, sans exception, agirent sous la pression de cette tassée d’hommes qui venaient derrière eux, et en qui, millions de poitrines haletantes de haine et d’envie, soufflait l’Esprit qui avait poussé Alaric à brûler Rome. […] Cet homme peut-il foncer d’une nuance de plus cette pensée extrême ? […] Est-ce que jamais plus insolente négation de la vérité avait échappé à un homme qui se dit historien encore ?
Mais un poète, l’homme du pur sentiment, de l’idéal et du rêve ! […] Un seul homme de cette époque a dû sa situation au sonnet : c’est Joséphin Soulary. […] Ce n’est pas là pourtant un malheur que l’homme, créature périssable, puisse facilement comprendre ; mais Gères l’a compris et l’a exprimé. […] Fût-elle seule, une telle pièce sacrerait un homme poète… Quand mon ami (qu’on me passe cette fierté !) […] Les Œuvres et les Hommes.
On chercha Barbier (on disait déjà Barbier comme d’un homme entré dans la gloire) ; on ne le trouva plus. […] … Et je vous assure que je ne suis pas médiocrement embarrassé pour vous donner la mesure de cet homme qui fut un colosse, et qu’on dirait présentement atteint d’un rachitisme mystérieux. […] Un triste champ où l’homme froid Tournerait (ce serait peut-être pour se réchauffer ?) […] Quoique je n’aie pas à comparer Auguste Barbier à ces grands hommes, il n’en est pas moins certain qu’il a montré du génie, le génie de la Poésie lyrique et de la Satire enflammée. […] Aussi, quand l’inspiration défaille chez Auguste Barbier, — et il est un moment où elle défaille chez tous les hommes, — il fait de ces terribles chutes que, par exemple, Théophile Gautier, qui n’avait pas son génie, ne ferait pas, quand il l’aurait !
Le séjour de Londres, de 1801 à 1803, durant lequel il fréquenta des hommes de pensée élevée et de civilisation, contribua sans doute aussi à agrandir ses vues et à mûrir son intelligence politique. […] Il n’est pas juste que la France souffre, tiraillée entre deux hommes… Moi dans sa position et lui dans la mienne, je serais son premier aide de camp… s’il se croit en état de gouverner… (Pauvre France !) […] Est-ce méconnaître l’homme, que de lui croire un petit reste de rancune pour la prison de quelques heures qu’il a partagée avec MM. […] En effet, les grands hommes d’action doivent avoir cette puissance de retrancher aux choses qui sont en spectacle devant leurs yeux et de n’en voir que ce qu’il en faut pour se diriger dessus et y enfoncer la pensée comme un coin. […] L’intelligence des grands hommes d’action est subordonnée à leur vouloir : dès qu’il y a urgence sur un point, elle s’y porte et y fond comme l’éclair : elle se garde d’ailleurs de distraire l’énergie par des perspectives de côté, réelles peut-être, mais intempestives.
Ainsi ont fait constamment en tout temps, en tout pays, les orateurs, les hommes d’État, les avocats, tous ceux qui ont eu à cœur de démontrer quelque chose ou de persuader quelqu’un. […] Fontenelle, censurant la légèreté des hommes qui trouvent le pourquoi des choses sans s’être assurés de leur existence, et qui raisonnent ainsi sur des objets imaginaires, donne cet exemple du soin qu’il faut apporter à l’observation des phénomènes avant d’en aborder l’explication. […] Un autre grand homme, nommé Libavius, ramasse tout ce qui avait été dit de la dent et y ajoute son sentiment particulier. […] Le centenaire qui demande à vivre encore pour arranger ses affaires, prouve que l’homme ne pense pas à la mort et ne s’y prépare jamais ; les membres révoltés contre l’estomac prouvent que la plèbe romaine ne peut se passer du sénat. […] Parmi les exemples auxquels on peut recourir, il est une catégorie où il faut s’arrêter un moment : ce sont ceux qu’on tire des actions de l’homme même qu’on veut persuader.
Mais l’homme — l’homme qui nous l’a donnée après vingt années, lesquelles ont été probablement des années de recherches et d’étude, — est-il fini et mort sans qu’on en ait rien su, et ce qu’on en voit là, est-ce donc son fantôme ? […] L’homme ne peut rien changer aux cordes de son instrument, quand cet instrument en a plusieurs, et le plus souvent il n’en a qu’une. […] Franz de Champagny a beau nous dire avec raison, dans sa préface, que la question pour le monde et l’histoire n’est ni la question économique, ni la question politique, ni même la question sociale, mais la question morale, la question de l’homme, de sa vie terrestre et de sa vie au-delà de la terre : « L’homme est-il souverain ou subordonné ? […] Or, pour aller jusque-là, il ne faut pas seulement posséder la foi du chrétien, mais l’aperçu de l’homme d’histoire, et peut-être ne serait-il pas de trop que de monter jusqu’au génie ? […] cet homme qui eut, comme écrivain, une énergie si nerveuse et si souple, le coup de griffe gracieux et mortel du jeune tigre des cirques romains, quand il touchait à la Rome corrompue et à ses abominables maîtres, cet écrivain qui s’est nourri toute sa vie de la plus pure moelle de Tacite, n’est plus qu’un talent spirituel encore, mais énervé.
En mesure avec le temps et avec lui-même, il avait, calme comme un homme qui a la sécurité d’avoir été, ses facultés données, tout ce qu’il peut être dans son art, attendu le moment favorable où il devait le mieux se produire. […] Lui ne mourut pas ; il revint blessé, mais l’âme guérie, et ses Confidences nous retracèrent, avec la flamme qui ne sort jamais qu’une seule fois du volcan de la tête d’un homme, les douleurs de cet amour affreux qu’il noya enfin dans l’hémorragie des blessures. […] C’est un morceau intitulé : La Vallée de Josaphat : Un fleuve, en s’éloignant de son berceau, grandit : En s’éloignant du sien, l’homme s’abâtardit. […] Pour nier le miracle, on le dit impossible, Comme si l’on pouvait, à l’Être inaccessible Du possible de l’homme appliquer le compas. […] En nous résumant donc sur la valeur d’un homme dont le talent, curieux à étudier, fut plus grand que la renommée, nous dirons que l’auteur des Confidences et du Couvre-feu est, comme tous les poètes célèbres de son temps, un grand talent de décadence, mais dont l’âme, très peu de son époque, rachète la fausseté du goût.
Je comprends, quelle qu’elle soit, la poésie d’un homme. […] Les Allemands, ces Indiens de l’Europe, épanchent parfois de ces vastes nappes d’ennui dans leurs œuvres, belles, comme les vers de M. de l’Isle, par beaucoup de côtés d’exécution, mais de la beauté qui ennuie ; terrible variété de la beauté, telle que la créent les hommes dans ce monde imparfait et borné ! […] Il est, au contraire, beaucoup plus commun qu’on ne croit, ce singulier bon ménage du talent et de l’ennui, qui habite des œuvres réputées imposantes, et qu’on ne saurait expliquer, le talent, que par le mérite actif de l’homme ; l’ennui, que par le choix de son sujet. […] sombrer aux flots mouvante ; L’homme peut, sans frémir, rejeter ta mémoire Comme on livre une cendre inerte aux quatre vents ! […] Le sentiment qui a inspiré tant de poésies à tant de poètes et qu’on retrouve à travers tout dans le cœur des hommes, l’amour, l’âme du lyrisme humain, il ne le connaît pas, il ne l’a jamais éprouvé.
Ces appels aux dieux étaient faits d’abord par des hommes simples et grossiers qui croyaient s’en faire entendre sur la cime des monts où l’on plaçait leur séjour. […] Les droits que les premiers hommes faisaient valoir dans ces jugements divins étaient divinisés eux-mêmes, puisqu’ils voyaient des dieux dans tous les objets. […] Les hommes ainsi dévoués furent sans doute ce que Plaute appelle Saturni hostiæ . […] Mais doit-on penser que ces premiers hommes, que ces géants, ces cyclopes, aient su endurer l’injustice. […] Nous voyons que les Gentils insultaient au malheur du saint homme Job, parce que Dieu s’était déclaré contre lui.
Mais j’ai dit dans l’introduction de cet ouvrage, qu’en considérant toujours la vertu comme la base de l’existence de l’homme, je n’examinerais les devoirs et les affections que dans leur rapport avec le bonheur ; il s’agit donc de savoir maintenant, quelles jouissances de sentiment, les pères et les enfants peuvent attendre les uns des autres. […] Le sentiment, usurpateur, veut chaque jour de nouvelles conquêtes : alors même qu’il a tout obtenu, il s’afflige souvent de ce qui manque à la nature de l’homme pour aimer ; comment supporterait-il d’être tenu volontairement à une certaine distance ? […] L’éducation, sans doute, influe beaucoup sur l’esprit et le caractère, mais il est plus aisé d’inspirer à son élève ses opinions que ses volontés ; le moi de votre enfant se compose de vos leçons, des livres que vous lui avez donnés, des personnes dont vous l’avez entouré, mais quoique vous puissiez reconnaître partout vos traces, vos ordres n’ont plus le même empire ; vous avez formé un homme, mais ce qu’il a pris de vous est devenu lui, et sert autant que ses propres réflexions à composer son indépendance : enfin, les générations successives étant souvent appelées par la durée de la vie de l’homme à exister simultanément, les pères et les enfants, dans la réciprocité de sentiments qu’ils veulent les uns des autres, oublient presque toujours de quel différent point de vue ils considèrent le monde ; la glace, qui renverse les objets qu’elle présente, les dénature moins que l’âge qui les place dans l’avenir ou dans le passé. […] Sans cesse la main de fer de la destinée repousse l’homme dans l’incomplet, il semble que le bonheur est possible par la nature même des choses, qu’avec une telle réunion de ce qui est épars dans le monde, on aurait la perfection désirée ; mais dans le travail de cet édifice, une pierre renverse l’autre, un avantage exclut celui qui doublait son prix ; le sentiment dans sa plus grande force est exigeant par sa nature, et l’exigence détruit l’affection qu’elle veut obtenir. Souvent l’homme, inconséquent dans ses vœux, s’éloigne seulement, parce qu’il est trop aimé, et se voyant l’objet de tous les dévouements et de toutes les qualités, confesse que l’excès même de l’attachement suffit pour effacer la trace de ses bienfaits.
Sophocle et Euripide furent éminemment romantiques ; ils donnèrent, aux Grecs rassemblés au théâtre d’Athènes, les tragédies qui, d’après les habitudes morales de ce peuple » sa religion, ses préjugés sur ce qui fait la dignité de l’homme, devaient lui procurer le plus grand plaisir possible. […] S’il se trouvait un homme que les traducteurs à la toise se disputassent également à Madrid, à Stuttgard, à Paris et à Vienne, l’on pourrait avancer que cet homme a deviné les tendances morales de son époque8. […] Ce qu’il faut imiter de ce grand homme, c’est la manière d’étudier le monde au milieu duquel nous vivons, et l’art de donner à nos contemporains précisément le genre de tragédie dont ils ont besoin, mais qu’ils n’ont pas l’audace de réclamer, terrifiés qu’ils sont par la réputation du grand Racine. […] Ou je me trompé fort, ou ces changements de passions dans le cœur humain sont ce que la poésie peut offrir de plus magnifique aux yeux des hommes quelle touche et instruit à la fois. […] L’homme par lui-même est peu digne d’enthousiasme : sa coopération probable à l’infâme Beacon ; anecdote ridicule du verre dans lequel George IV avait bu.
Borné dans sa nature, infini dans ses vœux, L’homme est un dieu tombé qui se souvient des cieux. […] « Dans ce temps-là, de grands hommes commandaient de petites armées, et ces armées faisaient de grandes choses. » (Hamilton.) […] « Que l’homme étant revenu à soi considère ce qu’il est au prix de ce qui est. » (Pascal.) […] « Car enfin qu’est-ce que l’homme dans la nature ? […] « L’homme connaît qu’il est misérable.
Chapitre III Buffon Caractère de l’homme, et valeur littéraire de l’œuvre. […] Comme des anecdotes légendaires sur l’homme, il faut se défier des épigrammes banales sur l’œuvre. […] Tandis que d’autres réduisaient l’homme à l’animalité, il se faisait, lui, une haute idée de l’homme ; il le mettait à part dans la nature, au-dessus de tous les êtres vivants ; il l’élevait, grandissait sa puissance et sa noblesse. […] Et cependant, cet homme qui voyait d’une si puissante imagination les transformations anciennes de l’univers, retombait étrangement dans les idées et dans les regards de son siècle, quand il regardait l’état actuel de la nature. […] Tout ce qui ne servait pas aux commodités de l’homme lui répugnait : il ne voyait que laideur où la nature s’étalait en sa primitive et sauvage simplicité.
Par la nature de ses travaux, il semblait destiné à n’être connu que d’un groupe d’hommes assez restreint. […] Or, il s’est trouvé que, tout à coup et contre son attente, cet hébraïsant, cet homme voué aux plus austères études, a connu, outre la gloire, la popularité, je dis la popularité la plus retentissante, quelque chose en vérité comme celle de M. […] Croire que l’homme est capable de vérité, croire que le monde a un sens, le chercher, croire qu’on a le devoir de conformer sa vie à ce qu’on a pu deviner des fins de l’univers, etc…, ce n’est pas la foi du charbonnier, du derviche, ni du nègre fétichiste ; mais j’imagine pourtant que c’est une foi. […] Renan… Je pourrais ajouter que cet homme « fuyant » a eu la vie la plus harmonieuse, la plus soutenue, la plus une qu’on puisse concevoir ; que cet « épicurien » a autant travaillé que Taine ou Michelet ; que ce grand « je m’enfichiste » (car on a osé l’appeler ainsi) est, au Collège de France, l’administrateur le plus actif, le plus énergique et le plus décidé quand il s’agit des intérêts de la haute science ; que, s’il se défie, par crainte de frustrer l’humanité, des injustices où entraînent les « amitiés particulières » il rend pourtant des services, et que jamais il n’en a promis qu’il n’ait rendus ; que sa loyauté n’a jamais été prise en défaut ; que cet Anacréon de la sagesse contemporaine supporte héroïquement la souffrance physique, sans le dire, sans étaler son courage ; que ce sceptique prétendu est ferme comme un stoïcien, et qu’avec tout cela ce grand homme est, dans toute la force et la beauté du terme, un bon homme… Mais je ne sais s’il lui plairait qu’on fît ces révélations, et je m’arrête. […] Comme d’autres grands hommes, celui-là ne sera sans doute connu et compris qu’après sa mort.
Un Homme de ce caractere devoit-il jamais s’attendre qu’après sa mort, son nom paroîtroit à la tête d’une Production aussi extravagante qu’odieuse ? […] On a prétendu cependant, par de tels moyens, éclairer les hommes, & l’on s’en vante : lumieres funestes ! […] On a compris que ces Sirenes perfides ne cherchoient à flatter les hommes par leurs chants, que pour les conduire à des écueils, & se repaître du spectacle de leur naufrage. […] Quel homme assez aveugle, en effet, pour ne pas sentir la différence qui subsiste entre les lumieres de cette Religion & les phosphores philosophiques ! […] L’homme est encore plus son enfant, que celui de nature.
De même encore, on avait montré l’effort des hommes pour augmenter leurs joies vainement orienté vers ce but irréel. […] II Pour l’ordinaire, les hommes ne parviennent pas à cette attitude sereine où la joie du spectacle qu’ils ont institué leur compense les angoisses où parfois ils se débattent comme acteurs. […] À savoir qu’ils ne peuvent rien changer à la forme de leur volonté, aux modes de leur activité, à la fatalité de leurs passions, non plus qu’aux circonstances avec lesquelles leur personne doit en venir aux prises, la plupart des hommes seraient atteints de désespoir ou frappés de torpeur. […] Quant à l’illusion selon laquelle l’homme se flatte d’agir sur le monde pour augmenter son bonheur en pénétrant ses lois et en les exploitant à son profit, on a dit tout ce qu’il en fallait mettre en évidence au cours des développements consacrés au Bovarysme scientifique. […] Si l’on observe que le cycle des illusions qui aboutissent à favoriser le vœu du Génie de l’Espèce ont du même coup pour effet d’engendrer les êtres qui vont être les spectateurs du drame phénoménal, il apparaît que cet ensemble d’artifices, qui se traduisent chez l’homme par autant de conceptions bovaryques, tend à réaliser cette volonté unique d’un être qui se veut étreindre et posséder dans la connaissance de soi-même.
C’est dans les Confessions de saint Augustin qu’on apprend à connaître l’homme tel qu’il est. […] Ce qu’on remarque de plus frappant dans cet ouvrage, c’est le développement de l’esprit humain : on entre dans un nouvel ordre d’idées ; on sent que ce n’est plus la première antiquité ou le bégaiement de l’homme qui se fait entendre. […] Sans le renversement des faux Dieux et l’établissement du vrai culte, l’homme aurait vieilli dans une enfance interminable ; car, étant toujours dans l’erreur, par rapport au premier principe, ses autres notions se fussent plus ou moins ressenties du vice fondamental. […] Quand l’âme est dans le ciel, le corps ne sent point la pesanteur des chaînes : elle emporte avec soi tout l’homme ! […] Comment un moine, renfermé dans son cloître, a-t-il trouvé cette mesure d’expression, a-t-il acquis cette fine connaissance de l’homme, au milieu d’un siècle où les passions étaient grossières, et le goût plus grossier encore ?
Le Saül a les yeux fermés comme il doit arriver à un homme ébloui, mais il est petit, chiffonné, ignoble de caractère, plus mort que vif. […] S’il arrive qu’on demande à un homme de goût la raison de son jugement, que fait-il ? […] Un même homme a le tact sur certains objets, et la science sur d’autres ; ce tact est préparé par des qualités que la nature seule donne. […] Tel homme vit quelquefois trop longtemps pour sa réputation. […] Pour une petite poignée d’hommes de goût qui vous admireront en silence, tandis que le stupide, l’ignorant vulgaire, jettant à peine un coup d’œil sur vos chefs-d’œuvre, ira se pâmer, s’extasier devant une enseigne à bierre, un tableau de guinguette.
C’est le génie de ces grands hommes qui les a été chercher, pour ainsi dire, dans la maison de leurs parens, afin de les conduire sur le Parnasse. […] Il n’y auroit point de poëte, si l’ascendant du génie ne déterminoit pas de certains hommes à faire leur profession de la poësie. […] Aucun d’eux n’étoit même engagé dans l’emploi d’instruire la jeunesse, ni dans les autres fonctions, qui conduisent insensiblement un homme d’esprit jusques sur le Parnasse. […] Tous ces grands hommes ont montré que c’est la nature, et non pas l’éducation, qui fait les poëtes. […] La naissance des hommes peut être considerée de deux côtez.
Ainsi le public n’a point de tort de penser que le general, dont presque toutes les campagnes sont heureuses, est un grand homme de guerre, quoiqu’un general puisse avoir un évenement heureux sans mérite, comme il peut perdre une bataille ou lever un siege sans être mauvais capitaine. […] Les hommes ne naissent pas avec la connoissance de l’astronomie et de la physique, comme ils naissent avec le sentiment. […] Mais tous les hommes peuvent juger des vers et des tableaux, parce que tous les hommes sont sensibles, et que l’effet des vers et des tableaux tombe sous le sentiment. […] Dès que les sciences dont j’ai parlé ont operé en vertu de leurs principes, dès qu’elles ont produit quelque chose qui doit être utile ou agréable aux hommes en general, nous connoissons alors sans autre lumiere que celle du sentiment, si le sçavant a réussi. […] En cela les peintres et les poëtes n’ont aucun avantage sur les autres hommes.
— Wallon a fait de Cousin un de ces éloges à outrance, meurtriers et cruels, dont un homme ne se relève pas. […] Il en fait tour à tour le plus grand poète et le plus pathétique vulgarisateur de choses abstraites qui ait jamais existé Cette faculté d’assimilation, ou d’imprégnation, qui est à un degré si déplorable dans Cousin, — et qui le transforme tour à tour en éponge qui boit tout ou en cuvette dans laquelle on mêle tout, idées et systèmes, — cette faculté d’être un Grec, deux Écossais, trois Allemands à la fois, et de ne pouvoir parvenir à être un homme, exalte l’admiration effrayante de Wallon et lui inspire ces incroyables arabesques de louanges et ces perfides lacs d’amour de l’éloge qu’il trace autour de son nom… C’est là ce qui lui fait verser sur cette grande tête, dévouée aux… flatteries, assez de couronnes pour l’accabler. […] C’est un zéro barré que ce grand homme. […] La philosophie est l’amour sincère et la recherche acharnée de la vérité, et Cousin, le professeur, l’homme à effet, le théâtral, qui a trouvé sa véritable voie en devenant, après 1830, un homme politique, n’a pas et n’a jamais eu l’indépendance vis-à-vis des autres et de lui-même, la force d’impersonnalité et l’amour désintéressé du vrai qui constituent le philosophe. […] » Nous avons décrit la manœuvre de cette polémique contre un homme, et, quoique nous reconnaissions que Wallon ait eu raison de nier dans Cousin la bonne foi intégrale, l’impersonnalité, la solidité, la découverte, c’est-à-dire tout le génie philosophique d’un seul coup, nous n’aimons pas, nous l’avouerons, cette méthode, qui surfait un homme par tous les côtés pour l’affamer et le tuer par le côté qui est toute la prétention de sa vie.
On reproche à notre jeune siècle d’être irrespectueux envers le passé, de ne rendre hommage qu’aux gloires modernes, et de jeter à peine quelques regards en arrière sur les hommes honorables et utiles qui ont fait sa destinée. Et cependant jamais le passé ne fut plus étudié qu’aujourd’hui ; jamais les gloires anciennes ne furent plus envisagées face à face ; jamais les hommes qui ont bien mérité de la postérité ne furent mieux appréciés et connus. […] Alors comme dans la suite, c’était toujours le même homme, soit que pour enseigner la modération aux siens il bravât la mort, soit qu’il la subît pour ne pas proscrire. […] On a dit de l’honnête Durand-Maillane qu’il eut peur à la Convention, et ce mot peint l’homme. […] En présence du tribunal inique, il lui lança de vertueuses invectives ; il monta sur la charrette, le sarcasme à la bouche ; et parmi tant de cruelles morts, la mort de cet homme bon fut une des plus amères, parce qu’à ses derniers moments il désespéra de la patrie.
Et la vie d’une œuvre d’art comprend les mêmes éléments que la vie d’un homme. […] Bazalgette pense, avec Carlyle, que le don le plus précieux que le ciel puisse faire à la terre, c’est l’âme d’un homme réellement envoyé des cieux, porteur d’un message pour nous. Cet homme c’est le « Héros », c’est celui qui entend chanter l’âme intérieure des choses, qui nous mène au bord de l’infini et nous y laisse, quelques moments, plonger le regard. […] Conduit par les hommes d’extase, Le genre humain marche en avant. […] L’homme arrive ainsi à la pureté, à la noblesse à la vraie gloire.
Le recueil de ses discours est la plus magnifique table de matières qu’on ait jamais tracée pour un traité de morale qu’il n’écrivit pas, mais dont il parla peut-être quelques chapitres, les jours où l’inspiration de la chaire, cette inspiration qui consume tout du génie d’un homme, le saisissait ! […] Les petits traités de morale publiés aujourd’hui sont intitulés : De la faiblesse de l’homme ; De la soumission à la volonté de Dieu ; Des diverses manières dont on tente Dieu ; Des moyens de conserver la paix avec les hommes ; De la civilité chrétienne. […] Sacy, qui nous vante Nicole (nous avons dit pourquoi), met sous la garde des éloges de Voltaire le traité des Moyens de conserver la paix avec les hommes, mais Voltaire avait bien de la grâce pour se soucier de Nicole, lui qui ne croyait ni à l’humaine ni à la divine ! […] De même que l’homme (religieusement), oui ! l’homme tout entier, être, réflexion, liberté, n’existe que sur le piédestal de la grâce, de même (littérairement), il ne vit que par elle, dans un autre sens.
Une fois de plus dans l’histoire de la littérature, l’homme naturel disparaîtra, s’évanouira dans « l’homme du monde ». […] Est-ce un grand homme ? […] C’est que les grands hommes sont rares. […] ou quel homme ? […] Comment a-t-il traité les plaisirs ordinaires des hommes ?
De là, l’indignation des gens du Palais-Mazarin, qui lui demandent la suppression d’une phrase d’un hautain mépris, pour ledit homme politique. […] Et ici, en laissant ma personne de côté, il est bon de constater que jusqu’ici, les hommes du gouvernement ont donné de très haut, la croix aux hommes de lettres et aux artistes, et que c’est la première fois, qu’ils ont l’air de s’honorer de la croix donnée par eux, à l’un de nous. […] Les hommes se ruent en des chocs douloureux pour la vie, pour l’ambition, la fortune ou la gloire. […] En sorte, que la malheureuse Mme Adam est emprisonnée dans sa bonne aventure : ce qui fait dire à l’un de nous, qu’il y aurait à faire une belle chose littéraire d’un homme ou d’une femme, dont toutes les actions seraient sues d’avance, sans que cet homme ou cette femme puissent se dérober à leur fatalité. […] Alors ses tortureurs ont la jouissance de l’étonnement de l’homme à son réveil, et son ignorance amusante des horribles douleurs qu’il éprouve.
Chez la plupart des hommes, tous ces éléments agissent à doses inégales. […] Certains hommes ont à cet égard un don particulier. […] Pourquoi les hommes ont-ils telle taille ? […] Là où l’homme normal, à inclinations normales, trouvera le plaisir, l’homme anormal, à inclinations anormales, rencontre la peine, et inversement. […] Darwin, la Descendance de l’homme, vol.
Bernardin, qui ne cherchait pas seulement des lieux rêvés d’avance et embellis, mais qui voulait des hommes heureux et sages, alla donc de mécomptes en mécomptes. […] Elle les retire même avec violence, pour nous apprendre que c’est la violence qui l’a fait naître. » Et ailleurs : « L’univers est sur son lit de douleurs, et c’est à « nous, hommes, à le consoler. » Saint-Martin croyait que l’homme, s’il pouvait consoler l’univers, pouvait aussi l’affliger, l’aigrir, et, pour nous servir de sa belle locution, que la main de l’homme, s’il n’est pas infiniment prudent, gâte tout ce qu’il touche. […] Saint-Martin, tout en faisant grand cas de la femme, disait que la matière en est plus dégénérée et plus redoutable encore que celle de l’homme. […] Dans tout le discours du colon : « Je passe donc mes jours loin des hommes, etc. », il a tracé son portrait idéal et son rêve de fin de vie heureuse. […] Le bon vieux frère capucin est devenu l’adolescent accompli, ayant taille d’homme et simplicité d’enfant : ainsi va cette fée intérieure en ses métamorphoses.
Les hommes à puissante imagination, tels que le Tasse, sont au nombre de ces victimes de leur propre supériorité. […] Le spiritualisme avait triomphé des armes ; les grands hommes de lettres effaçaient les héros. […] La même démence produit les mêmes symptômes dans ces grands hommes. […] Il avait dépouillé le vieil homme à chacun de ses pas sur la route des Abruzzes. Il retrouvait en lui l’homme de ses fraîches années.
Le véritable homme libre n’avait pas disparu. […] Ils sont donc obligés de faire des efforts pour se rapprocher des autres hommes. […] Avant tout, disent-ils, l’écrivain est un homme public. […] On sait bien que si les hommes pouvaient à tout moment lire les pensées des autres hommes, la vie serait rendue impossible. […] C’est qu’il reste parmi les hommes un être exceptionnel et incompréhensible.
On sent que non seulement il n’est pas l’homme, mais qu’il est le contraire de l’homme. […] En tout cas, lorsque Buffon écrit que le style c’est l’homme, il entend, naturellement, l’homme volonté consciente autant que l’homme sensibilité spontanée, l’homme tel qu’il se pense comme fin, tel qu’il se formule à lui-même comme idéal. […] Le style, c’est tantôt l’homme automate fait d’habitudes, tantôt l’homme social fait d’influences, tantôt l’homme individuel fait de conscience et de volonté. […] Du jour où un poète a chanté devant des hommes, les hommes ont manifesté leur opinion sur lui. […] La critique idéale, c’est la chemise de l’homme heureux, — et l’homme heureux n’a pas de chemise.
En pratiquant les hommes influents et les meneurs, elle les avait bien vite pénétrés avec la finesse d’une femme et mis à leur place avec la fermeté d’une mâle intelligence. […] Le jugement que porte Mme Roland des hommes politiques de la seconde époque révolutionnaire, de ceux qu’elle a connus et éprouvés, est aussi distinct et décisif que son mépris des hommes de 89 a pu paraître confus et aveugle : c’est qu’à partir de 91 elle vit de près la scène et posséda tous les éléments de situation et de conduite. […] Entre tous ces hommes de bien et de mérite elle cherche vainement un grand caractère propre à rassurer dans cette crise et à rallier le bon parti par ses conseils. […] Elle-même, si elle avait été homme, eût-elle pu devenir ce bon génie patriotique, sauveur de l’empire ? […] Ils se seraient radoucis pour le fond des principes de 89 ; leur antipathie contre les hommes de cette période aurait cessé, ou du moins l’estime aurait fait taire à jamais une guerre injurieuse.
Le sujet est le même que dans les pièces de Racine et de Molière : c’est l’homme tel qu’il est. […] Homère, Dante, Shakspeare, Corneille, ces pères de l’art antique et de l’art moderne, sont de plus grands hommes. […] La Fontaine est le lait de nos premières années, le pain de l’homme mûr, le dernier mets substantiel du vieillard. […] Leurs ressemblances avec les hommes n’y sont pas tirées de leurs mœurs. […] Pour La Fontaine, tous les genres lui sont bons ; il est friand de toutes lectures qui lui apprennent quelque chose sur l’homme.
Mais voilà deux hommes que leur réputation rend parfois bien misérables. […] Aucun homme plus grand n’a pourtant trouvé plus à admirer. […] Il est trop grand seigneur pour aimer les grands hommes. […] « C’est un homme qui ne songe qu’aux rangs », disait-il. […] « Je ne le vois jamais », disait Louis XIV de tel homme qu’on lui recommandait pour un poste.
Après celle des enfants, nous trouverons un jour celle des hommes. […] Capefigue avait toujours été un homme de catholicisme et d’ordre social. […] … Mon Dieu, la pensée d’un homme défaille comme son âme ! […] L’histoire en sait assez pour l’enseignement des hommes. […] Il l’est au premier et à tous les chefs, ou bien l’honneur n’est donc plus ce que jusqu’ici l’ont fait les hommes !
Admirons à la fois et pleurons deux prodiges ; Un Dieu mourant pour l’homme et l’homme impénitent. […] c’est la plus rare espèce d’homme qu’il y ait. […] Il n’était pas homme à s’en attrister. […] L’amphitryon chez lequel on a dîné est toujours un homme de goût, et il s’en pique. […] Un homme d’esprit, compatriote de Piron, M.
Pour aller droit à la réformation des mœurs, il commençait toujours par établir sur des principes bien liés et bien déduits une proposition morale, et après, de peur que l’auditeur ne se fît point l’application de ces principes, il la faisait lui-même par un détail merveilleux où la vie des hommes était peinte au naturel. […] Cette méthode de cénacle était certes la plus opposée à celle de l’homme qui semait le pur froment à pleines mains, et de qui l’on a dit : « Tout est pratique dans les idées du judicieux Bourdaloue. » M. de Tréville était un oracle dans le cercle intime où on l’admirait ; ses amis lui trouvaient plus d’esprit qu’à Pascal même. […] Il serait facile encore de montrer que nous autres critiques et journalistes (il y en avait déjà), nous sommes atteints et notés en passant par Bourdaloue ; les satiriques de profession, tous censeurs qui érigent de leur autorité privée « un tribunal où l’on décide souverainement du mérite des hommes », sont repris par lui. […] C’était un homme d’un caractère doux et de si peu d’emportement contre les protestants, qu’il croyait que les gens de bien parmi eux pouvaient être sauvés : je n’ai jamais rencontré ce degré de charité chrétienne chez aucun autre théologien catholique. […] Qu’il s’agît du maréchal de Luxembourg mourant qui le réclamât, ou d’un pauvre homme, il était prêt également.
Besenval n’a pas été un simple courtisan homme d’esprit, il a eu son côté sérieux et a rendu des services militaires, notamment sous M. de Choiseul, dont il était l’ami particulier. […] Il nous apprend par son exemple comment des hommes de vigueur entrent, s’agitent et tournent dans des boudoirs. […] Maurepas fut le type le plus parfait, au xviiie siècle, de cette espèce de frivolité et de ce méchant esprit dans un homme en place. […] J’aurais dû gémir de voir le souverain pouvoir entre les mains de M. de Maurepas, et la France livrée à un tel homme ; mais la chose me parut si ridicule, que je ne pus m’empêcher de rire aussi. […] C’est l’homme du monde que j’envie davantage : il a un caractère unique. » À merveille pour un homme de société et qu’on appelle aimable !
Cet homme, ce grammairien modeste, attentif, non décisif, d’un genre et d’une nature si à part, et qui mérite une définition précise non moins qu’une estime singulière, c’était un gentilhomme de Savoie, venu de bonne heure à la Cour, — c’est Vaugelas. […] Cet homme au parler si pur était né non à Chambéry, comme on l’a cru d’abord, mais à Meximieux, dans l’ancien Bugey, province de Savoie. […] « Quelle destinée, disait Mme de Rambouillet, pour un homme qui parle si bien et qui peut si bien apprendre à bien parler, qu’être gouverneur de sourds et muets ! […] Revenons vite à des idées moins lugubres et à ce qui a fait la réputation littéraire du plus galant homme d’entre les grammairiens. […] En les lisant, il a des regrets à bien des mots qui passent ; s’il les rejette et s’il se voit forcé de constater leur déclin ou leur décès, son sentiment d’homme de goût ne laisse pas de souffrir en les sacrifiant.
Orphelin dès ma naissance, pendant ma longue jeunesse, j’ai cherché le plaisir, j’ai vécu de la vie des autres hommes, mais c’est vous, vous seule, qui m’avez appris à aimer. » Un comte de Noirmont, homme de soixante-six ans, et qui fut longtemps le guide, le tuteur d’Herman au moral, qui jusqu’à un certain point l’est encore, est arrivé depuis peu de jours dans cet intérieur. […] Herman non plus n’a rien de diabolique ni de cruel comme certains roués célèbres, comme ce premier petit Lauzun, amer et méchant homme. […] Noirmont n’a garde d’y prêter la main ; il n’est pas homme à se laisser donner le change : quand le diable se mêle de faire l’ange gardien, il y voit plus clair qu’un autre et perce à jour toutes les malices. […] Avec moins d’expérience et un sentiment plus haut du devoir, j’aurais peut-être tenté de le réformer ; mais, dans la pratique, j’ai reconnu que le mal est vivant, que les abus sont des hommes, et se comptent par milliers. […] Pourquoi, puisqu’il y a dans l’homme et sur le chemin de la vie des relais de passions, ne pas en profiter pour s’éloigner tant qu’on peut de la plus dangereuse, dès que l’occasion s’en présente ?
MM. de Goncourt, qui sont des hommes de nuances, ont manqué là une nuance qu’ils étaient dignes de saisir. […] Pourquoi sabrer en gros les hommes de lettres, les déporter, pour ainsi dire, en masse, quand on fait si bien la part à chaque individualité, grande ou petite, parmi les peintres ? […] Quelle lâcheté ou quelle sottise y a-t-il à désirer que l’artiste, supérieur aux autres par ses moyens d’expression, reste d’ailleurs un homme autant qu’il se peut ? […] On y voit le sentiment humain mêlé aux paysages, même à ceux où l’homme semble absent. […] Et quelle joie dénaturé égale cette joie de société que l’homme se fait ?
S’il m’est permis de parler pour moi-même, Boileau est un des hommes qui m’ont le plus occupé depuis que je fais de la critique, et avec qui j’ai le plus vécu en idée. […] le bailli de Chevreuse, lequel se trouvant à Paris, avait voulu connaître un homme de cette importance. […] Aussi ces hommes de talent, se sentant dans un siècle d’anarchie et d’indiscipline, se sont vite conduits à l’avenant ; ils se sont conduits, au pied de la lettre, non comme de nobles génies ni comme des hommes, mais comme des écoliers en vacances. […] L’homme qui a le mieux senti et commenté Boileau poète, au xviiie siècle, est encore Le Brun, l’ami d’André Chénier, et si attisé de trop d’audace par les rimeurs prosaïques. […] Mais, même les choses étant telles, que ceux du moins qui se sentent en eux quelque part du bon sens et du courage de Boileau et des hommes de sa race, ne faiblissent pas.
Le Décadent est un homme de progrès. […] « Le vêtement moderne, si favorable aux hommes mal faits, lui est désavantageux. […] Ce sont les foules que nous voulons élever aux conceptions artistiques les plus nobles ; car, pour nous il n’y a pas d’hommes supérieurs : il n’y a que des hommes inférieurs. […] Elles sont à peu près exclusivement composées de jeunes, c’est-à-dire d’hommes qui remplaceront demain les puissances intellectuelles d’aujourd’hui. […] Le Décadisme est mort et enterré : Le Décadent est un homme tellement parfait qu’il n’y en a plus.
Aussi individuel que qui que ce soit dans sa manière de caractériser les œuvres et les hommes, Aubryet est cette rareté de tous les temps, devenue presque introuvable dans le nôtre, le diamant bleu de Μ. […] S’il n’a pas de métaphysique bien et dûment articulée, et qui donne à toutes ses opinions le timbre imposant que les opinions d’un homme doivent avoir ; s’il n’a pas, qu’on me passe le mot ! […] La sagacité d’Aubryet, qui est si grande quand il s’agit d’idées générales et d’appréciations littéraires, se brise comme une pointe de cristal quand il l’applique aux hommes pour savoir ce qu’ils valent en bloc, pris dans l’ensemble de leurs œuvres. […] L’horreur de la démocratie, que doit avoir un homme qui écrit avec idolâtrie le mot de « Patriciennes » sur la première page d’un livre qu’il publie, est une garantie de christianisme chez Xavier Aubryet ; mais il est chrétien, comme ses femmes sont chrétiennes, parce que le Christianisme, cette religion de la grâce, est un charme pour lui, et non pas une vérité. […] Esprit brillant quoique cherché, homme de style, de mot et de trait, Xavier Aubryet manque absolument d’invention et de clarté dans la conception et surtout dans l’organisation de ses nouvelles.
Les dieux passent comme les hommes, et il ne serait pas bon qu’ils fussent éternels. […] L’homme qui a une vocation sacrifie tout involontairement à sa maîtresse œuvre. […] celui-là est un homme considéré, bien établi dans le monde, presque un député, susceptible au moins de l’être. […] L’homme n’a pas besoin, pour être bon, d’avoir trouvé une base logique à sa bonté. […] J’ai agi en homme consciencieux.
Les muscles de l’oreille n’ont point conservé chez l’homme, faute d’usage sans doute, la mobilité qu’ils ont chez les animaux, auxquels ils sont d’une grande utilité. […] L’hypocrisie absolue est un idéal : elle n’est jamais complète chez l’homme ; réalisée jusqu’au bout, elle serait la contradiction même de la volonté avec soi. […] Les animaux, qui résistent moins que l’homme à leurs passions de race, les expriment fidèlement dans leurs organes et leurs attitudes. […] Or, cet homme, était un assassin redouté à Hanovre. […] Quoique le corps de l’homme soit, presque entièrement glabre, les petits muscles lisses qui redressent les poils subsistent encore chez lui.
Est-ce que je suis condamné à demeurer, toute ma vie, l’homme qui a publié son premier livre, le jour du Coup d’État ? […] C’est là, je crois, un symptôme de la mort de la littérature et de l’art, chez les hommes du vingtième siècle. […] Je vois cela aux chemises masculines, qui sont des chemises d’hommes de la prostitution. […] » Là, sans qu’il le veuille, tout à coup dans l’homme européanisé, vibre une intonation du bord du Nil. […] C’est le même homme, mais un peu plus hirsute, et avec une paire de lunettes.
Ainsi l’homme vertueux et maître de ses passions doit détourner avec soin, comme je le fais, ses regards de la femme étrangère ! […] L’intérêt y porte sur les malheurs mais non sur les crimes des hommes. […] Laisse-moi… Ne serre pas dans tes bras un homme dégradé par sa cruauté. […] Ne frémiriez-vous pas à ma voix, comme on frémit à l’attouchement d’un homme banni de sa caste ? […] Qu’il est difficile de connaître le cœur de l’homme !
Toutes les idées de choses visibles sont accompagnées d’une telle image, d’un […]39 : l’homme, par exemple, la rose, ne sont pas conçus sans l’imagination d’une ombre d’homme, d’une ombre de rose. […] Chez le commun des esprits, l’image intérieure de l’homme n’est pas l’ombre d’un Jupiter ou d’un Apollon ; elle n’est pas davantage celle d’un bossu ou d’un estropié ; l’homme imaginé n’est ni Apollon ni Esope, ni un géant ni un nain, ni un enfant ni un vieillard ; c’est un homme tel qu’après l’avoir classé dans le genre humain on ne peut être tenté de le parquer dans un coin de ce genre au moyen d’une épithète restrictive. La beauté comme la laideur, la laideur et la beauté comme l’enfance et la vieillesse, sont des déterminations restrictives de l’humanité ; comme telles, elles sont étrangères à l’idée de l’homme proprement dit, de l’homme ordinaire, la seule que représente, à vrai dire, l’image visuelle intérieure264. En résumé, les images analogiques sont des images particulières ; aux idées du son, de l’homme, de la rose, correspondent les images sonores ou visuelles d’un son moyen, d’un homme ordinaire, d’une rose commune ; l’ensemble du genre, comprenant des individus plus ou moins semblables à l’image, est inégalement représenté par elle. […] IV, p. 49-50 : « Un homme qui cause sérieusement, s’il observe sur soi les phénomènes intellectuels, saisira toujours une image matérielle, plus ou moins lumineuse, se dressant dans son esprit simultanément avec sa pensée et éclairant celle-ci. » Ceci est une observation passionnée ; le fait n’est pas vrai de tous les hommes, et, même chez les plus imaginatifs, il est intermittent, presque exceptionnel.
De même dans la vie et la destinée des hommes, — des grands hommes —, quand les circonstances y prêtent, il est de ces heures où ils paraissent tout d’un coup se retrouver tels qu’au début pour les qualités les plus vives, pour celles même que l’âge et la fatigue avaient nécessairement diminuées. 1814 fut pour Napoléon général une de ces merveilleuses saisons de rajeunissement. […] D’ailleurs, de tous les débris de l’ancienne armée, on avait conservé une excellente et nombreuse artillerie, au point d’avoir cinq ou six pièces par mille hommes. […] » — Le lendemain (11 février), il est aussi heureux ; il pousse à gauche, vers Montmirail, sur le général Sacken, isolé à son tour, mais qui a avec lui 20000 hommes. […] Sacken y a perdu 8000 hommes, Napoléon de 7 à 800. […] Avec sa lucidité sans pareille, elle constitue son originalité comme historien, et son cachet même entre les hommes politiques de son temps.
Mais ce député, Cassanyes, homme droit et sensé, contraria peu Dagobert, qu’il se plaisait à appeler mon général, supporta ses humeurs et ses paroles parfois un peu vertes, et lui voua une amitié respectueuse qui ne se démentit jamais. […] » un seul officier général sur dix-neuf présents, Dagobert, répondit : « Non ; et si Ricardos sait son métier, il n’en reviendra pas un seul homme. […] Un jour que ces vaillants hommes demandaient qu’on les conduisît au canon, un bataillon entier était, littéralement, pieds nus ; on hésitait à l’employer. […] Voilà ce qui s’appelle connaître les hommes et les prédire. […] L’homme du destin, et qui prodiguait si peu les témoignages personnels, semble même y avoir mis une intention, une délicatesse singulière.
Étranger à tout calcul personnel ; désintéressé, au point de dédaigner un trône auquel il aurait pu prétendre ; aimant avant tout sa patrie et l’aimant pour elle-même, n’aspirant qu’à l’affranchir sans avoir le désir de la gouverner, et prêt à acclamer roi de Pologne tout homme dont l’exaltation eût été le gage d’une restauration durable, tel était Poniatowski. […] Peut-être certains passages ont-ils été supprimés. — M. de Senfft était donc, à proprement parler, l’un de ces hommes qu’Horace et Virgile eussent qualifié d’uxorius, un mari ayant un faible pour sa femme. […] On le voit déjà, ce pourra être un diplomate prudent, sage et intègre que M. de Senfft, c’est aussi un homme d’État un peu incertain, un peu indécis, et à la fois délicat et sentimental. […] Mme de Senfft, je l’ai dit, était le côté tendre, délicat, élevé, mais aussi le côté faible de l’homme excellent. […] Le nom de Fouché, autrefois révolutionnaire furieux (il disait de lui-même qu’il avait eu la fièvre dans ces temps-là), était devenu, sous le règne de Napoléon, celui d’un homme d’État et de génie.
L’homme était assez bon et doux, la superfétation était monstrueuse. […] Cette parole de Frédéric marque son homme. […] L’admiration, l’engouement pour un tel homme, même après les déprédations avérées du Hanovre, est, à mes yeux, une des lèpres du xviiie siècle. […] Des hommes courageux, tels que M. de Morangiès, gouverneur de Minden, laissé sans secours, se rendaient avec le poignard dans le cœur, mais avec une tache à leur nom. […] Il n’a pas été général, quoique ayant assez bien fait la guerre au début. — Il n’a pas été bon académicien, quoique ayant consenti à se faire nommer, et il n’a pas eu le courage du discours de réception. — En trempant aussi avant que personne dans les mœurs et dans les licences du jour, il n’a pas su soutenir la gageure ni être jusqu’au bout un hardi viveur comme Maurice de Saxe, ou un libertin de bel air comme Richelieu. — Mélange peu relevé d’homme d’Église, d’homme de guerre, d’homme de plaisir et finalement de dévot ; au demeurant, fort bonhomme, mais un Condé dégénéré.
Un homme accumulait, etc. […] Si Louis XIV lut cette fable, dut-il être bien aise que son petit-fils le crût homme dur et impitoyable ? […] L’homme enfin la prie humblement. […] Pourquoi l’homme n’arrachait-il pas une branche ? […] Un sage assez semblable au vieillard de Virgile, Homme égalant les rois, homme approchant des dieux, Et, comme ces derniers, satisfait et tranquille.
La vie d’un homme ne contient pas deux œuvres pareilles. […] Nous livrons ces conjectures à la pénétration des hommes sérieux. […] En 1536, il conduit cinquante mille hommes en Provence. […] L’homme sans nom. […] Pour les hommes il n’y a qu’un but avoué, la richesse.
Le romancier gracieux, qui a si souvent introduit dans ses ouvrages des figures de personnages aristocratiques en y mêlant une fine pointe d’ironie, n’a eu cette fois qu’à imaginer un personnage de plus, celui d’un homme de lettres né dans les rangs du peuple, aussi peu né que possible, mais avec des goûts distingués et une vocation d’homme de qualité, qui eût été abbé dans l’ancien régime, qui eût été toute sa vie le gentil abbé de l’hôtel d’Uzès et à qui il n’a manqué de nos jours, pour remplir cette destinée d’autrefois, que le titre et le petit collet. […] Du trait dans la conversation, des pointes à tout propos, quelque chose de vif et de sémillant dans son bon temps ; avoir sur chaque sujet de passage une provision de bons mots plus ou moins préparés, comme on a des pastilles dans une bonbonnière d’écaille qu’on fait circuler aux mains des dames ; ne voir guère dans tout ce qui est sur le tapis, même dans ce qui est sérieux, que prétexte à paillettes et à étincelles ; ne jamais sortir d’un salon sans assurer et signaler sa sortie par un dernier petit trait qu’on lance en fuyant : tel était, tel nous vîmes pendant des années ce galant homme, homme d’esprit assurément, mais des plus précieux et non pas médiocrement frivole. […] Il se plaisait, dans les heures bien rares que lui laissait le monde, à écrire sur toutes sortes de sujets, et particulièrement à se souvenir de ses succès de salon, à en fixer la mémoire, à noter ses premières aventures d’esprit, à dénombrer ses nobles relations, et (plus homme de lettres en cela et moins homme du monde qu’on ne l’aurait cru) à tenir registre de tous les jolis mots qu’il avait semés dans sa carrière.
Émile Augier : Un Homme de bien 1er décembre 1845. […] Son Homme de bien, en trois actes, dont bien des scènes sont agréablement versifiées, n’a rempli qu’imparfaitement l’attente du public et, nous le croyons aussi, l’espoir de l’auteur lui-même. […] Qu’est-ce en effet que son Homme de bien, son M. […] Est-ce un homme à la fois cauteleux et sincère, qui se fait illusion à lui-même jusqu’à un certain point, et qui trouve moyen de satisfaire ses passions, ses cupidités et ses avarices, à la sourdine, et sans se dire tout bas ses propres vérités ? […] Y a-t-il bien de l’à-propos enfin à venir nous peindre un tel homme en ce moment ?
Un homme qui sçait quelles inquiétudes la passion de l’amour est capable de causer : un homme qui sçait à quelles extravagances elle conduit les plus sages, et dans quels périls elle précipite les plus circonspects, desirera très-serieusement de n’être jamais livré à cette yvresse. […] Les hommes avec qui nous vivons, nous laissent presque toûjours à deviner le véritable motif de leurs actions, et quel est le fond de leur coeur. […] Il arrive donc souvent que nous nous trompions nous-mêmes, en voulant deviner ce que pensent les hommes, et plus souvent encore ils nous trompent eux-mêmes dans ce qu’ils nous disent de la situation de leur coeur et de leur esprit. […] Je suis trop éloigné de rien penser d’approchant, et je veux dire seulement que les poëmes dramatiques corrigent quelquefois les hommes, et que souvent ils leur donnent l’envie d’être meilleurs. […] Il est des hommes trop fougueux pour être retenus par des exemples, et des passions trop allumées pour être éteintes par des refléxions philosophiques.
Goethe y a l’aspect d’un homme vigoureux d’âge moyen, très brun et un peu gros. […] Je suis un homme, comme tel j’ai les défauts et les faiblesses de l’homme, et mes écrits peuvent les avoir comme moi-même. […] Est-ce que tout homme sensé ne partage pas ces idées ? […] Quels hommes bien faits ! […] Voilà l’homme dont les sophistes actuels ont voulu faire un athée.
Et à la suite de cette séance, impossible de réunir Thiers et le comte d’Arnim : Thiers boudant le comte, et le comte, qui était un homme distingué et bien élevé, ne se souciant plus de se rencontrer avec ce cacochyme pleurard. […] Et je dois le dire, j’éprouve un espèce de revenez-y d’amitié pour l’homme redevenu affectueux, comme aux premiers jours de notre liaison. […] Un dessin d’un grand caractère est l’interprétation de la parole : « Vous suivrez un homme qui porte une Cruche », — un homme à la robe jaune, gravissant au jour tombant, la montée qui contourne le rempart, et qu’en bas du dessin, un apôtre désigne à un autre. […] Un jour qu’il s’était rencontré avec Gavarret, et qu’il s’était montré très causant, très charmant, quand il fut sorti, après un long silence, Royer-Collard s’écriait : « Un homme fatal cependant, l’homme qui sort d’ici, le premier ministre qui a acheté un député français à beaux deniers comptants ! […] … Vous avez le masculin et le féminin dans votre langue… je le comprends pour l’homme et la femme… mais pour les choses inanimées. » Et il me montre un bol : « Pourquoi ceci est-il masculin ?
Homme, je m’adresse à des hommes, témoins et victimes comme moi des orages où périssait notre littérature avec nos anciennes prospérités. […] d’ailleurs l’homme de lettres saurait-il s’astreindre à mesurer ses opinions sur les intérêts d’une politique journalière ? […] Celui qui leur fit subir de pareilles récompenses ne voulait-il pas punir les hommes de lettres d’un reste de courage en les avilissant ? […] Aussi trouvons-nous que les plus habiles n’ont chanté que les sublimes actions des dieux ou des hommes presque divinisés. […] Elle s’accorde encore à la tendance naturelle aux hommes, nés de tout temps enclins à s’effrayer de leur destinée future.
L’homme de génie est un grossissement de l’homme ordinaire. […] Il demeure homme de société. […] Celui-ci est, certes, un homme comme tous les hommes. […] Et puisque l’homme est partout l’homme, la Chine n’eut pas le monopole de ces vues profondes et si vraies. […] L’homme quitte la mémoire.
Elles ne nous apprendront pas ce que nous sommes en tant qu’hommes. […] Il a compris ce que l’on attendait du plus grand pouvoir moral qui soit parmi les hommes, et le plus ancien. […] Je l’aime mieux, comme homme, dans ce rôle, où il a le mérite au moins d’être plus franc, et je le préfère, comme écrivain, dans l’autre. […] ou voudrait-on dire par hasard que, de tous les hommes, il n’y a d’assurés d’échapper à la « paralysie générale » que les « géomètres et les physiciens ». […] C’est un homme qui, si peu qu’il ait fait, ne l’a fait qu’après eux, sur leurs traces, en leur empruntant leurs principes et leurs méthodes !
ce que c’est chez l’homme que le vice, le ridicule et la manie ; la science et le goût sont formés ; on a de tolérance et de pitié ce qu’on en aura jamais ; on a presque inévitablement l’ironie avec un fond d’indifférence. […] On remarquera, au reste, combien la tournure des personnages, dans ce roman, était conforme à l’âge du poëte, à sa naïve loyauté, à cette inflexible logique qui construit a priori les hommes avec une seule idée. Le vieux prisonnier d’État a été trompé, trahi, donc il hait les hommes, donc son idée unique, durant vingt-deux ans de réclusion, est la misanthropie, jusqu’au dénoûment où en un clin d’œil il se corrige. […] Hugo gagna de l’âge ; il heurta des hommes ; il remua des idées ; il multiplia ses œuvres ; il se mesura avec des géants historiques, Cromwell, Napoléon, et reconnut en eux un mélange de bien et de mal, qu’il n’eût pas d’abord aperçu dans de moindres exemples. […] je la demande, je l’implore, je la voudrais quelque part autour de moi, au-dessus de moi, sinon en ce monde, du moins par delà, sinon dans l’homme, du moins dans le ciel.
Vitet, l’un des écrivains qui ont le plus contribué comme critiques à l’organisation et au développement des idées nouvelles dans la sphère des arts, un de ceux qui avaient le plus travaillé à mettre en valeur la forme dramatique de l’histoire et à la dégager des voiles de l’antique Melpomène ; homme politique des plus distingués, il se trouvait en présence d’un homme d’État chargé de le recevoir sur un terrain purement littéraire. […] Cela était plus vrai de l’homme même, aimable, imprévu, d’un sourire fin, parfois d’une malice gracieuse et qui n’altérait en rien l’exquise courtoisie ni la parfaite bienveillance. […] Tu ne trouveras ici ni Centaures, ni Gorgones, ni Harpies : nos pages à nous sentent l’homme : Qui logis Œdipodem caligantemque Thyesten, … Hoc lege quod possit dicere vita : Meum est. […] Le président Hénault et Rœderer l’avaient déjà tenté ; le premier, qui ne nous paraît grave à distance qu’à cause de son titre de magistrat et de sa Chronologie, mais qui était certes le plus dameret des historiens et l’homme de Paris qui soupait le plus248, se trouvait être avec cela un homme vraiment d’esprit, et la préface de son François II fait preuve de beaucoup de liberté d’idées. […] À son ami le poëte Guiraud qui faisait d’assez beaux vers, mais qui bredouillait en les récitant : « Prends garde, Guiraud, lui disait Soumet : tu es comme les dieux, tu te nourris d’ambroisie, tu manges la moitié de tes vers. » Au même qui, dans une discussion, en était venu à forcer le ton sans s’en apercevoir : « Guiraud, lui disait-il, tu parles si haut qu’on ne t’entend pas. » Il disait de son gendre, en le présentant comme un homme savant et qui parlait peu : « C’est un homme de mérite, il se tait en sept langues !
Si tous les hommes n’étaient qu’un homme, ah ! quel homme ! Si ce grand homme prenait ce grand couteau, pour en donner un grand coup à ce grand arbre, et qu’il lui fit une estafilade, ah ! […] « Rosalba écoute les propos galants du séducteur, qui finit par lui dire : “Si je ne vous donne pas la main d’un époux, je veux être tué par un homme… un homme qui soit de pierre, n’est-ce pas, Arlequin ?” […] Comme il ne peut parler qu’à peine, il dit que l’homme qui a fait ainsi (Arlequin baisse la tête) est là.
La pédantesque diligence. » Mais cela même prouve que l’homme et la doctrine comptaient encore des partisans en 1730, et que Bouhours passait pour avoir du goût, puisqu’on lui reprochait de l’avoir trop sévère. […] Homme du monde avant tout, hanteur des bureaux d’esprit, précepteur de cour, jésuite de l’école des accommodements, en même temps qu’il aime le précieux aisé dans Voiture, et qu’il ne le hait pas aiguisé et subtil dans Gracian, il honore Boileau et loue Bossuet, en homme qui sait être de l’avis de la gloire. […] Tel est l’homme ; il n’aime au fond que l’agréable et le joli ; il ménage le vrai et le beau. […] Voilà donc des auteurs au lieu d’hommes, et l’art passant tout entier du cerveau à la main. […] « Préférer Virgile à Lucain, dit-il, et Cicéron à Sénèque, est un jugement qui, bien que vrai, ne suppose pas que l’homme qui le porte soit un homme d’esprit… C’est faire acte d’homme d’esprit que de préférer, même à tort, Sénèque à Cicéron et Lucainà Virgile16. » J’étais bien sûr que la doctrine du vrai orné et du bon mis en ragoût le mènerait à dire que le goût pour le faux marque plus d’esprit que la préférence pour le vrai.
Les titans sont des mythes, les burgraves sont des hommes. […] Il vivait là, il doit en convenir, beaucoup plus parmi les pierres du temps passé que parmi les hommes du temps présent. […] Il avait sous les yeux les édifices, il essaya de se figurer les hommes ; du coquillage on peut conclure le mollusque, de la maison on peut conclure l’habitant. […] Poser de cette façon devant tous, et rendre visible à la foule cette grande échelle morale de la dégradation des races qui devrait être l’exemple vivant éternellement dressé aux yeux de tous les hommes, et qui n’a été jusqu’ici entrevue, hélas ! […] Faites, si vous le voulez, c’est le droit souverain du poëte, marcher dans vos drames des statues, faites-y ramper des tigres ; mais entre ces statues et ces tigres, mettez des hommes.
L’homme. […] L’homme raconté, nous passerons à l’artiste. […] Un dernier mot sur l’homme — et j’arrive à l’artiste. […] Aussi insensible que la nature mourante, l’homme mourant ne voit pas le Christ ; la créature expirera sans une prière, sans une élévation d’âme : la Mort a tué jusqu’à l’espérance ! […] Que cela ne vous arrive plus. » Et il sortit. — Vous reconnaissez à ce trait l’homme droit jusqu’à la brutalité que je vous ai présenté en commençant.
Auteur déjà d’un petit livre intitulé : Études sur les grands Hommes, il a montré cet esprit positif et net qui aime à saisir les plus brillantes écorces dans sa main et en exprimer strictement tout ce qu’elles contiennent. […] On lui avait appliqué une espèce de faux axiome qu’il avait inventé : c’est que la vie des hommes célèbres est dans leur pensée et qu’on ne doit la chercher que dans leurs écrits. […] Nicolardot, qui n’a que la passion des esprits tournés ardemment vers l’histoire, la passion de la réalité, n’a rien négligé pour montrer dans Voltaire le misérable envers de l’homme opposé à l’endroit du personnage historique, et il est curieux de le suivre dans cette investigation et cette opposition acharnées. […] À ce déchiquètement moral de la vie d’un homme qui, lui aussi, déchiqueta pendant soixante ans tant de réputations au gré de ses passions et de ses caprices, on croirait à cette espèce de haine qui dit œil pour œil et dent pour dent, et on se tromperait. […] L’auteur de Ménage et Finances de Voltaire a eu l’honneur d’être un des hommes les plus insultés de ce temps.
Je sais bien que les littérateurs, qui ne sont que littérateurs, n’en conviendront pas, ni non plus le vulgaire des hommes, mais c’est là la raison qui le prouve au contraire, si l’on veut, avec force, y penser. Le scepticisme, l’inquiétude et la peur, qui firent pousser de si magnifiques cris d’aigle épouvanté à l’âme de Pascal, sont plus communs que la foi, l’amour et l’espérance, et les hommes sont faits ainsi qu’ils entendent mieux la voix qui les crie. […] La Sainte Térèse des Fondations a été dévorée par le feu de l’autre Térèse, aux yeux éblouis de ces pauvres hommes qui répugnent toujours à accepter, dans un seul être, deux grandeurs. […] Non, elle était encore, la femme puissamment rassise dans la raison, telle que les hommes conçoivent la raison, quand l’Extase, qui enlève l’esprit au ciel et ce corps de boue volatilisé, dans les airs, la lâchait et la mettait par terre. […] Il fallait qu’elle les sût pour les conduire, cette grande Directrice, qui les a conduites et soumises à un gouvernement inconnu des hommes, — le gouvernement de l’Amour !
Si l’Église avait fléchi sur ce point principal pour elle, les grandes fonctions ecclésiastiques seraient devenues le privilège des familles nées des hommes puissants. […] Il n’y a plus là ni d’auteur, ni de personnalité littéraire : il y a l’homme de l’idée et le serviteur de l’Église et de la Vérité. […] L’abbé Christophe, trop séduit par l’éloquence et la littérature de ce pape, qui fut un orateur et un écrivain, en fait presque un grand homme dans son histoire ; mais il en a exagéré la grandeur réelle. […] Le xve siècle, malgré le mérite de plusieurs de ses pontifes, a été infidèle à cette belle loi qu’on pourrait appeler la loi même de la papauté : Quand un pape n’est pas un saint et un grand homme tout à la fois, il est l’un ou l’autre, et c’est avec ses saints que la papauté fait l’intérim de ses grands hommes. […] L’auteur, solide et mesuré, ne passionne jamais son lecteur, et même il l’impatiente, quand ce lecteur est passionné… Rien dans son livre de nouveau et de révélateur sur les hommes et les événements du temps qu’il parcourt.
Lorsque, depuis plus de six mois, nous tournons, comme des hannetons, ivres, autour d’un livre unique : la Vie de Jésus, par Renan, et lorsque d’autres écrivains d’une initiative attardée se mettent à pondre à leur tour leurs Vies de Jésus, il est bien évident que l’homme d’esprit qui, en s’y prenant comme il voudra, fera cesser cette vieille et fatigante querelle dont la France intellectuelle est presque fourbue, aura rendu à tout le monde un fameux service ! Eh bien, qui sait si Caro ne sera pas cet homme d’esprit-là ? […] car c’est précisément aujourd’hui l’homme de philosophie et de goût qui va s’entendre avec le catholique idolâtre et le barbare. […] Et la preuve, c’est que de ces philosophes à la mode du moment, le plus à la mode est le mieux jugé, et c’est Renan : le plus populaire parce qu’il est le plus vague, dit Caro, avec la cruauté d’un homme qui sait parfaitement ce qu’il écrit… Caro a trouvé joli — et je déclare que cela l’est — de traiter Ernest Renan avec une finesse égale à la sienne. […] V. les deux premières séries des Œuvres et des Hommes.
Gabriel de Chénier, lequel ne se doutait pas du tort qu’il fait à l’homme qu’il admire, tombe, dans son récit, au rang des hommes de lettres, des honnêtes gens de lettres du xviiie siècle. […] Il a voulu effacer aussi le mot de Rivarol sur André : « Il fut athée avec délices », craignant que ce mot-là, timbré de Rivarol, le graveur sur diamants, ne restât — timbré de l’homme qui l’avait dit ! […] Auguste Barbier, qui éclata après Juillet 1830, et qui, malgré tout ce qu’il a fait depuis, a gardé la couronne d’étoiles que ses Iambes ont mises sur son front ; Auguste Barbier n’est qu’un imitateur d’André Chénier, un homme né de son génie. […] On accepta Barbier comme un homme d’une originalité inattendue et saisissante. […] Cette recherche du travailleur, de l’homme à la lampe, du limeur, du picoreur de fleurs grecques, peut plaire aux pédants, aux Scaliger de la Critique, mais enlaidit pour nous Chénier.
Édouard Gourdon est, de fonction du moins, un esprit positif : ce qu’on appelle un homme pratique. […] Partout on sent en Édouard Gourdon un homme qui comme écrivain a la parfaite possession de lui-même. […] jusqu’aux hommes d’action les moins tourmentés par leur pensée. […] D’ailleurs, il ne fut jamais un bretteur, et ses trente-deux affaires, à cet homme toujours prêt, furent bien plus pour le compte du régiment que pour le sien. […] Dites s’il n’est pas calme, en dedans, comme un homme primitif qui n’a jamais discuté avec lui-même !
Tout homme sensé et qui n’est pas mort vous dira que j’ai raison. […] Ce serait changer tout l’homme. […] L’artiste femme est tout aussi intéressante que l’artiste homme. […] — L’opportuniste est un homme qui fait tout à propos. […] Il y a un homme qui arrive et qui donne des places.
Berthelot 26 novembre 1885 Quelle joie vous m’avez préparée, Messieurs, en pensant à moi pour être l’interprète de vos sentiments envers l’homme illustre que vous fêtez aujourd’hui, vous vous êtes souvenus d’une vieille amitié qui, ces jours-ci justement, atteint à sa quarantième année. […] En sortant du séminaire Saint-Sulpice, le monde s’offrait à moi comme un vaste désert d’hommes ; ma récompense fut de vous trouver, cher ami, dans cette petite pension de la rue de l’Abbé-de-l’Épée (alors rue des Deux-Églises), où y exerçais au pair les fonctions de répétiteur. […] Deux ou trois mots que nous échangeâmes discrètement nous eurent bientôt prouvé que nous avions ce qui crée le principal lien entre les hommes, je veux dire la même religion. […] Les premiers jugements de l’homme sur l’univers furent un tissu d’erreurs. […] Quand on croyait que la terre était une plaine, recouverte par une voûte en berceau, où les étoiles filaient, à quelques lieues de nous, dans des rainures, il était vraiment bien superflu de raisonner sur l’homme et sa destinée.
Le christianisme est sérieux comme l’homme, et son sourire même est grave. […] Ce chant pareil, qui revient à chaque couplet sur des paroles variées, imite parfaitement la nature : l’homme qui souffre, promène ainsi ses pensées sur différentes images, tandis que le fond de ses chagrins reste le même. […] Partout où il y a variété, il y a distraction, et partout où il y a distraction, il n’y a plus de tristesse : tant l’unité est nécessaire au sentiment ; tant l’homme est faible dans cette partie même où gît toute sa force, nous voulons dire dans la douleur. […] Lorsque, arrêtée sur les plaines de Lens ou de Fontenoy, au milieu des foudres et du sang fumant encore, aux fanfares des clairons et des trompettes, une armée française, sillonnée des feux de la guerre, fléchissait le genou, et entonnait l’hymne au Dieu des batailles ; ou bien, lorsqu’au milieu des lampes, des masses d’or, des flambeaux, des parfums, aux soupirs de l’orgue, au balancement des cloches, au frémissement des serpents et des basses, cette hymne faisait résonner les vitraux, les souterrains et les dômes d’une basilique, alors il n’y avait point d’homme qui ne se sentît transporté, point d’homme qui n’éprouvât quelque mouvement de ce délire que faisait éclater Pindare aux bois d’Olympie, ou David au torrent de Cédron.
Symboliste, c’est un autre homme. […] L’homme ne tient guère plus de place chez eux. […] Désormais l’étude de l’homme doit poursuivre sa recherche plus haut que l’homme, vers ces régions de l’Infini dont nous sommes des atomes passionnels…. […] Constant aurait pu trois fois tuer cet homme. […] L’Homme des déserts, Les Mangeurs de feu, etc.
Ne fait-elle pas de l’homme, suivant les milieux où son action se déploie, autant d’hommes différents qu’il y a de variétés zoologiques ? […] Nous voyons les hommes s’arrêter en file. […] Ce philosophe était d’abord l’homme du foyer. […] Notre homme prend peur. […] Elle fait de l’homme, suivant les milieux où son action se déploie, autant d’hommes différents qu’il y a de variétés en zoologie.
Après le Napoléon du Consulat, le Napoléon de 1815 revenant de l’île d’Elbe avec des paroles de modération et de paix, et appelant à lui non seulement les hommes d’épée, ses vieux compagnons d’armes, non seulement les fonctionnaires de tout ordre, ses anciens serviteurs, mais les amis même de la Révolution et de la liberté, tous les hommes de la patrie, quelle que fût leur origine, ce Napoléon était le plus fait pour toucher et pour entraîner. […] un peu trop prodigués, deux ou trois images de convention (lauriers, cyprès, par exemple) qui sont comme égarées dans ce style simple, ne sauraient faire oublier, je ne dis pas à l’homme impartial et sensé, mais à l’homme de goût, tant de pages vives, courantes, du français le plus net, le plus heureux, d’une langue fine, légère, déliée, éminemment spirituelle, voisine de la pensée et capable d’en égaler toutes les vitesses. […] Au lieu de ce lion du Sahara qui m’éblouit, je suis content si je vois l’homme dans le héros et si je ne le perds pas de vue un seul instant. […] Il est plus jaloux d’expliquer que d’accuser la versatilité des hommes. […] Ponsomby) : « Cet homme entier, incorrigible, n’était donc pas aussi immuable qu’on le disait !
Je l’avoué, non comme un philosophe qui pose orgueilleusement des bornes à la science humaine,, mais en homme de bonne foi qui pense que la science humaine peut résoudre au moins la question de la critique littéraire, qui confesse sa propre ignorance sans y condamner l’univers, et qui ne demande pas mieux que d’être instruit. […] Prenons les hommes tels qu’ils sont, en bloc, avec leurs qualités et leurs défauts, comme manifestations d’une même puissance, et ne demandons pas la ruse au lion, la force au renard, ni la grâce au paysan du Danube. […] La véritable personne de goût, c’est cet homme poli ou mieux encore cette femme aimable, qui se sert de son intelligence sans savoir comment, de même qu’elle respire sans y penser. […] Ils créent des idées grandioses, comme les poètes de grandioses images, et il est rare que la faculté créatrice d’images et la faculté créatrice d’idées se trouvent réunies dans le même homme, rare surtout qu’elles fonctionnent ensemble. Goethe, le poète de la réflexion, Goethe, le moins fou des hommes, a dit : — « Vous venez me demander quelle idée j’ai cherché à incarner dans mon Faust !
Dubout du mal que j’allais dire de sa pièce, je lui remontrais, entre autres choses, qu’on peut être un méchant auteur et un homme d’esprit. […] Je vois d’abord, en feuilletant son papier, que cet homme a formé le noir projet de me brouiller avec la Comédie-Française. […] Dans le fond, il y a ceci, qui est bizarre : il vous a été absolument impossible de supporter cette idée qu’il y eût en France un homme notoirement insensible aux beautés du 4e acte de Frédégonde. […] Ou, pour mieux dire, il y avait longtemps qu’un homme ne s’était édifié de ses propres mains, avec cet entêtement sombre, par une telle mobilisation de magistrats, d’avocats et d’huissiers, et sur un tel amas de papier timbré, une si haute réputation de ridicule. […] Vos sentiments, tout involontaires et fort excusables, étaient d’un homme ; mais votre conduite, hélas !
Le ton du Prologue est touchant comme il devait l’être sur un sujet qui intéresse tous les hommes. […] Ce M. de Barillon était l’un des plus aimables hommes du siècle de Louis XIV. […] Il avait le plus grand talent pour les négociations, comme on le voit dans les mémoires de Dalrimple imprimés de nos jours ; mais de son temps, il ne passait que pour un homme de beaucoup d’esprit et un homme de plaisir. […] La plaisanterie n’est point du tout mauvaise, surtout dans la bouche d’un de ces hommes que les anciens appelaient parasites. […] On a appliqué ce vers à l’homme en général.
Des faits frappent l’attention d’un homme. […] Quand un homme se dévoue à en retracer une des phases, il appartient déjà, soyez-en sûr ! […] Il a cru qu’il pourrait voiler ce qu’on n’étouffe jamais : sa partialité, ses sympathies, toutes les convictions a priori avec lesquelles l’homme aborde toujours l’Histoire. […] Voilà pourtant ce qu’est devenu un homme qui pensait, observait et remuait des faits autrefois, et qui semblait organisé pour autre chose que pour pêcher à la ligne, dans l’Histoire, une idée qu’il avait commencé par y mettre — comme on met du poisson dans un étang — pour l’y retrouver. […] C’était de Maistre, je crois, qui disait plaisamment, dans sa Correspondance : « On est souvent allé trop loin en appelant le Grand Frédéric un grand homme, mais on peut se risquer à dire qu’il n’a été qu’un grand Prussien. » Eh bien, sauf l’épithète, Ranke mérite qu’on fasse de lui pareil éloge !
C’est lui qui a créé et élevé l’opinion sur lui-même, et c’est lui encore, embusqué au bout de toutes les avenues, que doit rencontrer face à face l’homme hardi qui ose le juger. […] … pour imposer quelque respect à un écrivain de la confiance la plus exaltée, et inspirer quelque honnête petite peur à un homme modeste. […] Hatin nous fait l’effet d’être cet homme-là. […] Mais la vie commune sans des chefs serait le pêle-mêle de l’anarchie, et ce n’est pas pour y trouver de tels spectacles que les hommes étudient l’histoire, mais pour tirer de ces spectacles de vigoureuses conclusions. […] La tête de l’homme à qui la pensée est venue d’écrire l’histoire du journalisme en France, a été faite évidemment pour mieux que pour entreprendre des catalogues.
Malassis, un dauphin qui connaît le Pirée, et qui, quand il s’agira d’éditer, ne prendra point des singes pour des hommes comme le maladroit de la mer Égée, a eu l’heureuse idée de donner, du fond de sa province, à la librairie parisienne, un exemple qui est une leçon. […] Il y plonge, il s’y baigne, il s’y berce et, qu’on nous passe le mot, il y pique d’épouvantables têtes, car avec l’homme qui a eu l’idée, — cette idée de sauteur, — d’unir Mme Saqui et Pindare et d’ajouter à cet auguste nom d’Odes l’épithète de funambulesques, il faut parler la langue de sa prétention ou de sa manie et montrer ce que l’acrobate a fait du poète dans cet homme-là ! […] Faut-il pleurer ou faut-il rire de voir un homme, qui était poète et qui l’a prouvé, se ravaler à de tels exercices de bateleur dans le maniement de cette langue poétique, qu’il aurait honorée, s’il l’avait aimée chastement, car les mots sont bien faits. […] Mélange singulier d’Auriol et de Commerson, mais centaure où, dans un temps donné, la bête doit dévorer l’homme, le rimeur des Odes funambulesques ne roulera pas, comme il le dit, hélas ! […] La rime à laquelle tiennent si fort tous les hommes pour qui la poésie consiste dans l’art d’échiquier de mouvoir et de ranger les mots, la rime touche ici presque à l’identité du son et donne à la phrase poétique des deux vers qui se suivent quelque chose de bicéphale et de monstrueux.
Les hommes étant alors naturellement poètes, la première jurisprudence fut toute poétique ; par une suite de fictions, elle supposait que ce qui n’était pas fait l’était déjà, que ce qui était né, était à naître, que le mort était vivant, et vice versa. […] Premièrement les droits étant éternels dans l’intelligence, autrement dit dans leur idéal, et les hommes existant dans le temps, les droits ne peuvent venir aux hommes que de Dieu. En second lieu, tous les droits qui ont été, qui sont ou seront, dans leur nombre, dans leur variété infinis, sont les modifications diverses de la puissance du premier homme, et du domaine, du droit de propriété, qu’il eut sur toute la terre. […] On l’a dit souvent, les hommes, pris séparément, sont conduits par l’intérêt personnel ; pris en masse, ils veulent la justice. […] La liberté fit la législation, et de la législation sortit la philosophie.Tout ceci est une nouvelle réfutation du mot de Polybe que nous avons déjà cité ( Si les hommes étaient philosophes, il n’y aurait plus besoin de religion ).
était-il un aussi grand homme qu’on le dit ? […] Je m’attache aux côtés honorables de cette correspondance, aux endroits qui montrent dans Bernis un homme qui a de la tenue sans pédantisme, une sagesse liante et qui ne se laisse pas entamer. […] Pour moi, c’est ainsi que j’aime à lire les écrits des hommes célèbres et à en tirer ce qu’il y a de meilleur, de plus élevé : il me semble que c’est de la sorte qu’on est le plus vrai, même au point de vue de l’histoire. […] Ce n’est que depuis, et après connaissance plus ample, qu’il a reconnu qu’il s’était mépris sur ce point, et qu’il est revenu à de plus justes sentiments sur l’homme et sur le pontife. […] L’homme revêtu de ce caractère en soutient la dignité de la manière la plus éclatante.
« Personne, me disait un des amateurs qui connaissent le mieux toute son œuvre, personne de nos jours n’a enveloppé la femme ni habillé l’homme comme Gavarni. » Un des premiers tailleurs de Paris28 a dit ce mot mémorable : « Il n’y a qu’un homme qui sache faire un habit noir, c’est Gavarni, Voilà un habit fait il y a vingt-cinq ans, il est toujours à la mode. […] » disait ce roi démonté dans une bataille ; et lui, il eût été homme à dire jusque dans la détresse : « Je l’ai trouvé ! […] J’ai entendu l’un des hommes qui l’apprécient le mieux regretter qu’il eût été ainsi accaparé, saisi comme au collet par la nécessité. […] le crayon de Gavarni est innocent, il est pur et innocent de toute attaque et injure personnelle ; cet homme, si habile à saisir le ridicule, ne fit jamais de caricature Contre personne. […] C’est une grande avance, je le sais, à qui veut passer pour un homme de génie auprès du vulgaire que de manquer absolument de bon sens dans la pratique de la vie ou dans la conduite du talent.
Celui qui vient d’en haut guide toujours bien les femmes, qui n’ont pas besoin de la valeur permanente des hommes. […] Combien la vie est dure et marâtre puisqu’elle amène des hommes d’un tel mérite à devenir ce que celui-ci devient… et deviendra ! Gustave Planche est bien mille fois pire. — Vois-tu, ces hommes divins ont froid dans leurs affreuses chambres d’auberge ruineuses, et leur soleil les brûle en dedans. […] C’est l’homme du monde à qui je voudrais le moins dire tout. […] Le malheur, le luxe, la misère, rendent les hommes effarés.
De nos jours, les grands hommes dans les lettres, quand bien même, par leurs mémoires ou leurs confessions poétiques, ils seraient moins empressés d’aller au-devant des révélations personnelles, pourraient encore mourir, fort certains de ne point manquer après eux de démonstrateurs, d’analystes et de biographes. […] Quant au théâtre, il était occupé depuis vingt ans par un seul homme, Alexandre Hardy, auteur de troupe, qui ne signait même pas ses pièces sur l’affiche, tant il était notoirement le poëte dramatique par excellence. […] Le fait principal de ces premières années de la vie de Corneille est sans contredit sa passion, et le caractère original de l’homme s’y révèle déjà. […] Les hommes de Corneille ont l’esprit formaliste et pointilleux : ils se querellent sur l’étiquette ; ils raisonnent longuement et ergotent à haute voix avec eux-mêmes jusque dans leur passion. […] Il doit plaire surtout aux hommes d’état, aux géomètres, aux militaires, à ceux qui goûtent les styles de Démosthène, de Pascal et de César.
Les hommes supérieurs de ce temps-là sont des grammairiens et des érudits. […] Les hommes de génie naissent à propos, pour exploiter toutes les parties de ce domaine conquis sur la barbarie. Même les hommes secondaires ont leur part dans cette création universelle. […] Son crime était d’avoir voulu arracher un homme des mains des archers. […] Au lieu d’un homme qui échappe à ses juges, je vois un homme qui a le droit de les braver.
Un homme chevauche lentement à travers une forêt dénudée par l’automne, glacée par la bise. […] Elle n’est pas non plus la joie sèche des comiques de race latine, le rire d’un homme sanguin, équilibre, sain, ayant la salutaire étroitesse d’esprit de l’homme normal. […] Ni l’une ni l’autre de ces vues sur soi et sur l’homme ne pouvait être ni intimement ni longuement ressentie par Heine. […] Mais peu à peu, devenu homme, le souvenir d’Israël cessa de le hanter. […] Heine compare dans ses Confessions le peuple israélite à une immense et indestructible pyramide bâtie d’hommes au lieu de pierres.
Sur le devant, vers le centre du combat, morts, mourants, hommes blessés et diversement étendus sur la terre. […] Autour de ce dernier bâtiment foule d’hommes tombant ou précipités dans les eaux. […] Sur une longue saillie de ce rocher s’élevant à pic au-dessus des eaux, un homme agenouillé et courbé, qui tend une corde à un malheureux qui se noie. […] Sur leur penchant dans la demi-teinte, homme assis soutenant par la tête une femme noyée qu’un autre, sur la pente en dessous, porte par les pieds. […] Tout à fait à droite et sur le devant, c’est un homme debout, transi de terreur, et prêt à s’enfuir, il a vu.
À parler de bonne fois, elles ont plus de vertus que les hommes, et si elles sont un peu plus dans la bagatelle, l’innocence s’y conserve toujours et la pureté des mœurs n’en souffre aucune atteinte. […] Le président, comme les hommes peu sûrs de leur conscience, était avide de commencer par un coup d’éclat, qui mît la sienne en honneur, et qui affichât hautement son impartialité. […] Il nous fait voir le paysan, l’homme voisin du sol et en ayant gardé de la dureté, tel qu’il était alors, tel que le connaissait d’abord le vieil Hésiode, et tel qu’il redevient si aisément dans tous les temps. « Nous autres races d’hommes qui vivons sur la terre, nous sommes jaloux », a dit quelque part Ulysse chez Homère. […] Par un tour délicat il a mis l’éloge de M. de Caumartin dans la bouche d’un homme de considération avec qui il est censé s’entretenir en route, et en se promenant le long du canal de Briare. […] Fléchier était l’homme en tout des convenances et des devoirs.
Il y avait de quoi fendre le tronc de l’arbre, mais non le cœur de l’homme de loi. […] dit l’homme de loi. […] Mille fois plutôt mourir que de céder ma fille à cet homme dur ! […] — Écartez ces misérables insensés, s’écria l’homme de loi, qui font violence à la justice ! […] La vengeance des hommes irrités est matinale.
— L’homme et le poète. — § III. […] Des innovations de Crébillon. — L’homme et le poète. […] Nous voilà loin du poète du dix-septième siècle, qui savait être homme de génie au théâtre et homme de sens dans sa vie. […] Il ne se fera pas reprocher, comme Racine, ses qualités d’homme de ménage. […] Malgré ses mauvaises doctrines et ses mauvais exemples, si Crébillon est moins qu’un homme de génie, il est plus qu’un homme de talent.
Vinet dans la nature morale de Pascal, et n’a fait voir plus sensiblement que sous le héros chrétien il y avait l’ homme . […] Vinet consiste à montrer qu’en mettant à part la qualité si incomparable du talent, tout homme a dans Pascal un semblable et un miroir, s’il sait bien s’y regarder. Il y a un Pascal dans chaque chrétien, de même qu’il y a un Montaigne dans chaque homme purement naturel. […] La théologie de l’auteur des Pensées, à la bien voir et en la dégageant des accessoires qui n’y tiennent pas essentiellement, porte en plein sur la nature morale de l’homme ; c’est là sa force et son honneur. […] Vinet disait cela de Bourdaloue par manière de conjecture, on peut le lui appliquer plus sûrement à lui-même : il était de ceux qui vivent d’une vie complète au dedans, et qui, sans rien laisser éclater, arrivent à savoir par expérience tout ce qu’il a été donné à l’homme de sentir.
Depuis lors, certaines croyances, certaines doctrines morales sur la vie, sur les hommes, sur l’âme et sur Dieu, se sont répandues dans le monde et ont pénétré dans tous les cœurs. […] L’originalité des grands poètes, on le sait, consiste surtout à voir et à exprimer la nature, la vie et les hommes par un côté intime et nouveau. […] Shakspeare le premier, homme du nord, un peu païen par l’âme, audacieux à sa façon comme Luther, réveilla dans l’ordre poétique ces incertitudes longtemps apaisées, et dès Hamlet et Macbeth, prépara ces solutions sceptiques ou rebelles que Gœthe et Byron ont poussées à bout de nos jours. […] De toutes les poésies de nos jours, aucune n’est, autant que la sienne, selon le cœur des femmes, des jeunes filles, des hommes accessibles aux émotions pieuses et tendres. […] L’homme a disparu comme un atome ; l’Océan, l’horizon, l’immensité, le tout, sont sur le premier plan et l’écrasent.
La multiplicité des connaissances acquises, des enquêtes à conduire rend les hommes universels de plus en plus rares. […] Le type de l’homme de cabinet, savant ou lettré, à qui il est indifférent que l’Europe soit en feu, pourvu qu’il ait trois mille verbes bien conjugués dans ses tiroirs, tend à se constituer. […] Avec Plutarque, la vue de l’homme se rabat sur ce qui doit l’intéresser le plus, sur l’homme : son œuvre aimable et diffuse est au niveau des moyens esprits, et y jette une masse de notions et d’observations ; c’est un magasin où l’on trouve tout ce que les siècles de la grande antiquité ont produit de meilleur, de plus substantiel, nettoyé, taillé, disposé pour la commodité de l’usage. […] Homme d’une époque tardive et raffinée où s’amalgamaient en une civilisation hybride et Rome et la Grèce et l’Orient, moraliste plus attentif au fonds humain qu’à la particularité historique, et, quand il cherche la variation et la singularité, plus curieux de l’individu que des sociétés, Plutarque offrait déjà les temps anciens dans l’image la plus capable de ressembler aux temps modernes. […] Comme il invite Shakespeare à reconnaître le mob anglais dans la plebs romana, il autorise et Corneille et Racine et même Mlle de Scudéry à peindre sous des noms anciens ce qu’ils voient de l’homme en France.
Les poètes n’ont pas le droit de dire des mots d’hommes fatigués… « “Un journal” comme le vôtre, c’est de la France qui se répand. […] Egger, dit beaucoup de mal de la France, de la littérature française, et “du petit homme aimable et spirituel” qu’il considère toujours comme le type de notre “nation”. Que pensez-vous de ce petit homme aimable et spirituel ? En lisant cet article, nous songions aux vieux Français, à Rabelais, à Ronsard, à Montaigne, à Corneille, à Pascal, à Diderot, et aux Français modernes, à Hugo, à Michelet, à tant d’autres : tous petits hommes aimables et spirituels. […] » « — Tout ce qui est spirituel a été écrit mille fois, mais paraît toujours nouveau, la plupart des hommes ne retenant de leurs lectures que les sottises.
Le livre de Gabrielle d’Estrées, écrit avec le sang-froid de l’homme d’État encore plus que de l’historien, se distingue par une simplicité d’expression ravissante en Capefigue, qui d’ordinaire aime à fringuer et à faire briller la paillette chère au siècle qu’il a tant aimé Pour tout dire d’un mot, c’est un livre où la rectitude des idées a créé, seule, un talent sur lequel nous ne comptions plus. […] Il ne fait pas Henri IV, ce séducteur de l’histoire, — on ne sait vraiment ni comment ni pourquoi, — un homme plus séduisant que Gabrielle ne fut elle-même une femme séduite. […] Mais il est indifférent à cette vérité comme un homme, un diplomate, sur le soir d’un beau jour, qui aurait pris enfin son parti sur la présence du vice dans les choses humaines, et qui même irait jusqu’à croire qu’il y entre comme un ingrédient… Tels sont, en somme, les qualités et les défauts de ce livre à double titre, qui s’appelle également Gabrielle d’Estrées ou la Politique de Henri IV, et dont le second titre pourrait bien être le premier dans la pensée de son auteur. […] Malgré la splendeur d’une bravoure qui a dans l’Histoire sa magie, il faut cependant plus que cette beauté de bravoure si partagée en France pour y sacrer grand homme et grand roi, de pied en cap, un homme brave qui ne serait que cela. […] Or, la gaîté qu’inspire un homme est toujours voisine du mépris.
Quelques vers, tout le passé d’un homme… tout le passé dont il veuille se souvenir. […] Cet homme de joie et de plaisir était, comme nous tous, un forçat de littérature, un homme de travail et de peine. […] C’était la gaieté déchaînée, et puisée à cette coupe de Circé qui change les hommes en bêtes rugissantes. […] » Je raisonnais ainsi, quand soudain, au détour D’une place, je vis dans le fond d’une cour Un homme pâle, usé, front courbé par la lutte. […] Or, je ne sais par quel sortilège exécrable, Dans cet homme flétri, dégradé, lamentable, Je revoyais l’enfant du tableau contemplé, Les traits purs de l’enfant sérieux et bouclé.
La preuve en est que tous les vrais grands hommes sont persécutés, et que tous les sophistes font des fanatiques de leurs sophismes. […] Des niaiseries pareilles peuvent-elles être écrites par un homme sérieux ? […] Mais la savoir exigeait une seconde naissance ; il fallait aller dans le pays de ces grands hommes pour y prendre leur accent avec l’extrait baptistaire de leur génie. […] — Hier mardi, 10 décembre, on a commandé vingt-cinq hommes par compagnie du régiment des gardes-françaises pour l’après-midi, avec poudre et plomb, sans tambour. […] Neuf de ces hommes, vêtus de redingotes et portant des flambeaux, éclairaient ce triste cortège.
— Oui, fait Berthelot, après une minute de rêverie : une nécessité physiologique, la haine des hommes. […] Et il arrivait, un moment, où les deux hommes parlaient de leurs anciennes amours. […] » Ce qui est et ce qui fait qu’il n’est pas l’homme du rôle, ce compatriote de Guizot ! […] Elle me paraît curieuse, intéressante, cette petite biographie, par les dessous intimes qu’elle seule pouvait apporter sur la vie de l’homme qui l’a élevée. […] Savez-vous comment il devint artiste, l’homme qui forgeait des fers à cheval ?
Il lui arriva ce qui arrive à tous les hommes qui n’ont qu’une capacité relative. […] Goriot mettait ses filles au rang des anges, et nécessairement au-dessus de lui, le pauvre homme ! […] De là vient une faiblesse qui abâtardit l’homme et lui communique je ne sais quoi d’esclave. […] Il descend d’un homme qui survécut à la potence. […] C’était un homme de la race de Shakespeare, dont la sève était variée, large et profonde comme le monde.
Je faisais l’homme qui ne dit ni oui, ni non. […] Une rangée d’hommes, assis sur le quai, et le barbier allant de l’un à l’autre, et les réveillant de leur demi-sommeil, avec un : « C’est à toi ! […] Roguenand, secrétaire du syndicat des mécaniciens, un socialiste opposé aux grèves, un homme à la tête bonne et honnête. […] Ces trois hommes étaient deux agents de police, et Proudhon, qui s’écriait dans le trajet à la citadelle « qu’il ne pouvait comprendre cette décision, qu’il était un homme qui pensait, écrivait, passait pour être une intelligence, et qu’on l’enfermait avec des Raspail, des Blanqui, des Albert, les brutes du pavillon ! […] Cela me fait dire : « Il y a un homme, dont cette différence de l’heure a été l’empoisonnement de la vie.
Je ne suis pas plus l’homme d’un seul poète que d’une seule espèce de fleurs ou de fruits. […] Ces trois grands génies ont formé le cœur et l’esprit des hommes de ma génération. […] Arrivé à l’âge d’homme, mon enthousiasme n’est point refroidi ; je dirai même qu’il est plus vigoureux et plus ferme. […] — Je craindrais l’homme d/un seul poète, autant que l’homme d’un seul livre. […] L’œuvre d’un homme ne peut jamais devenir une Bible.
Mais j’allais oublier qu’un des hommes les plus compétents en matière de langue comme en toute fine et curieuse érudition, M. […] Il gardait au cœur, en toutes ses licences, un coin de puritain qui persista sans jamais tuer le vieil homme, et qui gagna seulement avec l’âge. […] C’est un grondeur et un mécontent par humeur que d’Aubigné ; il était inapplicable en grand et n’aurait su devenir tout à fait homme d’État ni principal capitaine ; il était né ce que nous appelons de nos jours un homme d’opposition : pourtant, dès qu’on le presse et qu’on lui met la main au cœur, comme il est fier de son Henri IV, du « grand roi que Dieu lui avait donné pour maître », dont les pieds lui ont servi si souvent de chevet ! […] Parlant d’un brave tué à l’une des premières affaires, en 1589 : « Le roi de Navarre, dit-il, perdit à ce siège le mestre de camp Cherbonnières, esprit et cœur ferré, homme digne des guerres civiles… » D’Aubigné dit cela comme on dirait en d’autres temps : « homme digne de servir contre les ennemis de la France ». […] Le baron des Adrets répond à tout en homme d’esprit, à qui les raisons spécieuses ne manquent pas ; mais quand il est pressé sur la troisième demande.
Bailly était certes le moins charlatan des hommes, mais c’était le plus littéraire des savants. […] Nul homme à Paris ne peut dire que je lui aie demandé ou fait demander son suffrage, pas même que j’aie témoigné aucun désir des places où je suis parvenu. […] N’imaginons jamais que les hommes sont trop bons, de peur d’avoir ensuite à les trouver trop mauvais. […] Mais combien il est vrai qu’il connaissait peu les hommes et qu’il n’avait pas le talent de démêler, de saisir avec rapidité ceux qui cachaient des trames et des arrière-pensées suspectes ! […] La mort de l’homme de bien sortirait de notre cadre et nous jetterait dans des tableaux lugubres qui demanderaient de l’étendue et d’énergiques pinceaux.