/ 1885
795. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre IV. Personnages des fables. »

Pourquoi se donnerait-il de la peine puisqu’avec un petit effort d’intelligence il arrive aisément à faire son profit de ce que les autres ont créé pour eux-mêmes ?

796. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « III »

» Nous ne prétendons pas que la lecture crée de toutes pièces la faculté que nous appelons le goût.

797. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

Cet enfant de vingt-trois ans et cette jeune femme sont admirables en ce que jamais, au cours du débat qu’ils ont institué sur la voie à suivre pour créer à l’un d’eux une belle vie de culture, ils n’acceptent le point de vue des avantages mondains.‌

798. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Cette famille s’essaya lentement à créer le génie de celui qui vient de l’anoblir, et par M.

799. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

À peine règne-t-il qu’il est déjà las de son règne ; il n’aura pas de repos qu’il n’ait créé un nouveau règne. […] Il fallait lui donner une compensation dans un poste diplomatique en chef ; il méritait qu’on lui en trouvât un : on créa ce poste auprès d’un prince de la maison de Bourbon d’Espagne, fils de la reine d’Étrurie, qui régnait alors à Lucques et qui devait, après Marie-Louise, régner à Parme. […] Au milieu de toutes ces idolâtries, je n’osais me créer une divinité ; mais aujourd’hui ma croyance est fixée, et, à force de bienfaits versés sur mes semblables, je veux mériter les bienfaits de ce Dieu, seul et tout-puissant, dont mon âme tout entière reconnaît l’existence.

800. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

Une seule chose l’embarrasse dans cette théologie, c’est l’existence de la matière ; il ne veut pas la reconnaître divine, et cependant il ne veut pas reconnaître que Dieu ait pu créer, lui esprit, une substance si étrangère à sa perfection ; il fait donc coexister la matière avec Dieu. […] Une utopie est une chimère qu’un esprit juste ou faux, ingénieux ou borné, se complaît à créer pour incarner son idéal ou son système dans une institution religieuse, politique ou sociale, le modèle de ses pensées. […] » On voit que tout repose, dans cette philosophie, sur les doctrines du Phédon, qui supposent l’âme créée par Dieu, avec des idées innées et fatales qui forment sa conscience, sa nature comme sa morale, doctrines que nous croyons aussi vraies que celles qui attribuent à la matière ou au corps des instincts ou des lois absolues qui font sa nature, et au-dessus de toute discussion.

801. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

L’Italie retentit du nom de l’auteur, son succès créa un genre de composition littéraire dans l’Europe lettrée. […] Beaucoup imaginer, c’est beaucoup prétendre ; beaucoup penser, c’est beaucoup souffrir ; être grand, c’est être disproportionné dans un monde de médiocrités ou de petitesses ; être disproportionné, c’est être déplacé ; être déplacé, c’est créer autour de soi des inimitiés, c’est éprouver soi-même une inimitié involontaire et générale contre tous ceux qui ne vous cèdent pas la place aussi vaste que la demandent vos facultés supérieures. […] parce qu’ils furent plus complets, parce que cette même supériorité pondérée d’intelligence, qui leur servit à créer leurs œuvres, leur servit aussi à affronter, à supporter ou à vaincre les difficultés de la vie.

802. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

C’est un premier pas vers le roman vrai, quoique l’Astrée elle-même soit plus fausse par l’incohérence de l’élément pastoral et de l’élément historique : mais dans ce mélange je reconnais l’effet du même instinct qui va soumettre toute la littérature au vraisemblable et créer le réalisme classique. […] Il est remarquable que dans le matériel de la pastorale il a laissé toutes les machines qui servent à faire des changements à vue de passions, à créer ou détruire l’amour instantanément. […] Le fond de l’esprit mondain, c’est de se séparer, avec tout ce qui le touche ou lui sert, de ce qui n’est pas le monde ; c’est d’établir, par-dessus la vulgaire distinction du vrai et du faux, du bien et du mal, un nouveau principe de distinction à l’aide duquel tout se jugera et se classera : ce principe est l’idée des convenances, qui crée un genre nouveau de beauté, la distinction ; une chose, un acte qui présentent une sorte de perfection supérieure dans la conformité aux convenances, sont distingues.

803. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

Il a créé contre elle un ineffaçable préjugé et fourni des armes à tous ceux qui l’ont crainte ou haïe. […] Tout cela, et mainte manifestation de la libre pensée moderne contre la Compagnie, tout cela sort des Provinciales et n’est que la suite du mouvement créé par Pascal. […] On l’a repris aussi d’avoir confondu casuistes et jésuistes, comme si tous les ordres religieux n’avaient pas leurs casuistes : le fait est vrai ; mais il est vrai aussi que les autres ordres sont perdus au sein de l’Église ; les jésuites existent à part, forment un parti, ayant unité de vues et d’ambition, et la casuistique leur a été plus propre qu’à personne ; ils ne l’ont ni créée les premiers, ni seuls employée ; mais elle n’a été qu’un accident ailleurs, elle a été chez eux une méthode de domination.

804. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Voilà pourquoi la poésie, riche de tant de chefs-d’œuvre, crée sans cesse des œuvres nouvelles. […] Quelques-uns de nous ont entendu, tous ont lu avec charme ces improvisations éloquentes où un triumvirat glorieux, préludant aux luttes des assemblées délibérantes, se créait une tribune et l’environnait d’un public. […] Ils méritent une gloire brillante encore : car, s’il leur manque, pour créer, un degré de vigueur et d’audace, ils compensent la force de l’imagination par la finesse du goût.

805. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

Dieu n’a créé que l’être impondérable. […] L’être créé, paré du rayon baptismal, En des temps dont nous seuls conservons la mémoire, Planait dans la splendeur sur des ailes de gloire ; Tout était chant, encens, flammes, éblouissement ; L’être errait, aile d’or, dans un rayon charmant, Et de tous les parfums tour à tour était l’hôte ; Tout nageait, — tout volait. […] de ta chair, du limon, De ce corps qui, créé par ta faute première, Ayant rejeté Dieu, résiste à la lumière.

806. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Zola tiennent leur analyse pour bien faite, puisque, pour eux, leur analyse seule a créé cette littérature nouvelle qu’ils s’imaginent avoir inventée. […] Ce qu’il voudrait, c’est simplement des confidences « sur l’être nouveau créé chez l’adolescente par la première communion ». […] Puisque l’esprit des romanciers de cette heure n’a plus assez d’énergie pour créer sans avoir un modèle sous les yeux ou dans la mémoire, et que les mannequins sont devenus de première nécessité, en littérature !

807. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Ces génies abondants, qui ne sont pourtant plus les divins vieillards et les aveugles fabuleux, lisent, comparent, imitent, comme tous ceux de leur âge ; cela ne les empêche pas de créer, comme aux âges naissants. […] Ce n’est pas là du tout le cas de Molière ni celui des grands hommes doués, à cette mesure, du génie qui crée. […] Les grands génies dramatiques créent toujours leurs personnages avec les éléments intérieurs dont ils disposent ; ils les créent à leur image, non pas en se peignant individuellement en eux, mais en les peignant de la même nature humaine qu’ils sont eux-mêmes, sauf les différences de proportions qu’ils combinent à dessein. […] Qu’une telle nature de poëte lyrique veuille créer des personnages vivants, un monde d’ambitieux, d’amants, de pères, etc. ; il arrivera que n’ayant pas en soi la mesure juste, la moyenne, en quelque sorte, de l’âme humaine, le poëte se méprendra sur toutes les proportions des caractères, et ne parviendra pas à les poser dans un rapport naturel de terreur et de pitié avec les impressions de tous.

808. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Elle était au fond, elle se réduit à se jouer à la surface : elle créait, elle arrange ; elle produisait, elle perfectionne, ou croit perfectionner. […] Il est toujours beaucoup plus facile d’être négatif qu’inventeur, de critiquer que de créer, de détruire que d’édifier et de se moquer de [son père que de faire mieux que lui. […] C’est cette situation que Waterloo a créée. […] À côté de lui, une autre tendance a créé un autre genre : celle de pleurer sur ses malheurs, par exemple, a créé l’élégie ; ainsi de suite. […] Ce sera un jeu de montrer la transformation d’un genre en un autre, n’ayant avec celui-là que des rapports arbitrairement créés.

809. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Par elle, ils ont deviné la logique involontaire et primitive qui a créé et organisé les langues, les grandes idées qui sont cachées au fond de toute œuvre d’art, les sourdes émotions poétiques et les vagues intuitions métaphysiques qui ont engendré les religions et les mythes. […] Car sitôt que vous créez, vous sentez en vous-même la force qui agit dans les objets que vous pensez ; votre sympathie vous révèle leur sens et leur lien ; l’intuition est une analyse achevée et vivante ; les poëtes et les prophètes, Shakspeare et Dante, saint Paul et Luther, ont été sans le vouloir des théoriciens systématiques, et leurs visions renferment des conceptions générales de l’homme et de l’univers. […] Ainsi, comme une armée d’esprits enflammés, créés par Dieu, nous sortons du vide, nous nous hâtons orageusement à travers la terre, puis nous nous replongeons dans le vide. […] Mais au-delà commencent les fantômes que l’esprit crée, et par lesquels il se dupe lui-même. […] L’homme n’est point un être inerte façonné par une constitution ni un être mort exprimé par une formule ; il est une âme active et vivante, capable d’agir, de découvrir, de créer, de se dévouer et avant tout d’oser ; la véritable histoire est l’épopée de l’héroïsme. —  Cette idée est, à mon avis, une vive lumière.

810. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Ces marquis et ces méchants poètes, qu’était-ce que de vains fantômes créés par des imaginations malfaisantes ? […] Ne craignons pas d’accorder aux censeurs de Boileau qu’il lui a manqué, outre l’imagination qui crée les événements pour l’épopée et les caractères pour le théâtre, la sensibilité qui sait faire parler les passions. […] C’était à d’autres à donner les grands exemples de l’imagination qui crée les types, et de la sensibilité qui fait parler les cœurs. […] Non que le poète y trouve le secret des vers faits de génie, ni le statuaire et le peintre l’art de créer des figures qui vivent, ni le musicien ce don de la mélodie par lequel il remue au fond de nos cœurs nos sentiments et nos souvenirs ; mais tous se rappellent l’idéal commun, le vrai par la raison, et ils se tournent vers celui qui a proclamé le premier ce principe suprême, qui les règle sans les gêner ni les borner. […] L’écrivain moderne crée dans sa langue ce que, dix-sept siècles avant lui, un autre écrivain de génie a créé dans la sienne.

811. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Pour mieux raisonner, il se plaît à supposer (anticipant sur l’invention de la statue de Condillac) que les hommes sont nés sourds, créés sans l’organe de l’ouïe : « Comment auraient-ils fait ? […] L’abbé de Pons s’explique les langues comme s’il les composait dans son cabinet ; il transporte aux idiomes naissants et dans leur origine l’explication qui conviendrait à une langue finale, créée de toutes pièces par un Sicard ou par un Volney.

812. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Ma première pensée en me livrant à l’étude des Pères de l’Église après le mariage de mes filles, a été la curiosité de savoir ce qu’ils avaient dit de l’âme, eux qui ne cherchaient point avec les mains cette âme dont l’existence immortelle rend l’homme excusable de croire que le monde tout entier a été créé exprès pour lui. […] Ne pas savoir se créer une occupation sérieuse lorsque la vieillesse commence, c’est vouloir mourir d’une mort anticipée.

813. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Schiller, en embrassant ce sujet avec ses idées absolues, son libéralisme exalté d’avant 93, son humanitarisme sans limite, féconda le tout et créa ce caractère idéal du marquis de Posa, qui parut bien dès lors à tout le monde d’un anachronisme trop manifeste pour un homme du xvie siècle, mais qui fut accepté néanmoins à la faveur de sa fougue vertueuse et d’un souffle de grandeur. […] ici, créez, variez, vous êtes libres, vous êtes maîtres.

814. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Profond mystère, féconde joie, réciprocité de la vie : le fils régénère le père et la mère, il les crée à son tour ! […] Deschanel est « le conférencier par excellence », qu’il a créé ce genre ou, qui mieux est, cette profession, l’un des premiers, et avant qu’elle fût de mode.

815. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Ce fut sur son initiative que l’on créa l’Académie militaire. […] Mais aujourd’hui, sous le règne plus éclairé et libéral (au point de vue russe) de l’empereur Alexandre II, on est revenu à l’idée première qui présida à cette institution destinée à créer une pépinière d’officiers instruits et capables.

816. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

C’est celui qui fait, qui crée, et selon une certaine forme. Être poëte, créer, et avoir une forme dont votre création, grande ou petite, ne se sépare pas, tout cela se tient au fond, et les classifications reçues doivent, bon gré malgré, s’y ranger.

817. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Eynard établit très-bien, d’ailleurs, que Mlle de Wietinghoff, mariée à dix-huit ans au baron de Krüdner, qui avait juste vingt ans plus qu’elle, qui était veuf ou plutôt qui avait divorcé deux fois, s’efforça sérieusement de l’aimer et de trouver en lui le héros de roman qu’elle s’était de bonne heure créé dans ses rêves. […] Eynard cite à ce sujet le docteur Portal et son procédé si souvent raconté pour se créer, à son arrivée à Paris, une réputation et une clientèle ; mais, en rapportant ce trait de charlatanisme aux premières années du siècle, il commet un anachronisme de plus de trente ans.

818. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Sa passion est de se créer des demeures dignes de lui, où sa royauté s’encadre et ressorte ; et s’il recherche les tableaux et les statues, c’est un peu parce qu’il y voit un mobilier royal. […] Faut-il ajouter qu’il est tout esprit, et que, sauf de hautes exceptions, ce ne sera pas le sentiment, mais l’intelligence qui créera notre littérature du xviie et du xviiie  siècle ?

819. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Par l’art seul, l’intelligence et la volonté saisissent leurs objets qui, partout ailleurs, leur échappent : dans l’art seulement, l’homme peut connaître et créer ; hors de l’art, il n’y a qu’illusion et impuissance. […] Ils ont créé vraiment le style impressionniste : un style très artistique, qui sacrifie la grammaire à l’impression, qui, par la suppression de tous les mots incolores, inexpressifs, que réclamait l’ancienne régularité de la construction grammaticale, par élimination de tout ce qui n’est qu’articulation de la phrase et signe de rapport, ne laisse subsister, juxtaposés dans une sorte de pointillé, que les termes producteurs de sensations.

820. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

L’art vient à notre secours, & nous découvre la nature qui se cache elle-même ; nous aimons l’art & nous l’aimons mieux que la nature, c’est-à-dire la nature dérobée à nos yeux : mais quand nous trouvons de belles situations, quand notre vûe en liberté peut voir au loin des prés, des ruisseaux, des collines, & ces dispositions qui sont, pour ainsi dire créées exprès, elle est bien autrement enchantée que lorsqu’elle voit les jardins de le Nôtre, parce que la nature ne se copie pas, au lieu que l’art se ressemble toûjours. […] Les graces se trouvent moins dans les traits du visage que dans les manieres ; car les manieres naissent à chaque instant, & peuvent à tous les momens créer des surprises : en un mot une femme ne peut guere être belle que d’une façon, mais elle est jolie de cent mille.

821. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre douzième. »

A égale distance de la colère du satirique et de l’austérité du prédicateur, il se tient dans une sorte de sérénité aimable ; plus heureux d’avoir trouvé le trait vif, saisi le ridicule et créé l’expression qui le peint, qu’affecté de la tristesse de sa matière et du peu d’efficacité probable de la leçon. […] Il s’agit de cette logique qui, dans tous les arts, n’est que l’imitation de la nature, laquelle ne crée pas de membres séparés du corps.

822. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

Il emploie donc dès lors, instinctivement et sans cesse, ce type de la taxation : à propos de tout ; donc aussi à propos des productions des arts et des sciences, des penseurs, des savants, des artistes, des hommes d’État, des peuples, des partis et même d’époques tout entières : il s’informe à propos de tout ce qui se crée, de l’offre et de la demande, afin de fixer, pour lui-même, la valeur d’une chose. […] L’invention qui crée sera dépréciée du profit du travail qui la recueille, l’imite, la propage et l’utilise.

823. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Nous décidâmes sur-le-champ de réorganiser cette entreprise et de créer une rédaction homogène. […] Il a, en outre, rendu service aux écrivains nouveaux, car plus que personne il a contribué à créer autour de leurs œuvres une agitation profitable.

824. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Il a beau fulminer contre Ronsard ; il conserve la moitié de l’idéal de la Renaissance  ; il érige en principe l’imitation des auteurs de la Grèce et de Rome ; il maintient les genres littéraires créés par eux ; il prescrit l’emploi de la mythologie ; il en fait une condition vitale du poème épique ; il invite les faiseurs d’odes à prendre Pindare pour modèle et il abritera sous l’autorité du poète thébain les hardiesses prudentes (oh combien prudentes !) […] Enfin Malherbe vint… On croirait vraiment que Malherbe a créé de toutes pièces la littérature française.

825. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Moraliste de salon et journaliste, Mme de Girardin a créé un genre qui est à elle et où elle a excellé du premier jour. […] Si on laisse de côté certains traits lancés à satiété et sans bonne grâce contre les gens qu’elle a pris en déplaisance (contre une certaine dame des sept petites chaises, par exemple, qui revenait sans cesse comme souffre-douleur et comme victime), le feuilleton créé par Mme de Girardin, en 1836, sous le titre de Courrier de Paris, était piquant, léger, gai, paradoxal et pas toujours faux.

826. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Le poète ne crée rien. […] Ce n’est pas le poète qui crée le rythme, mais c’est le rythme essentiel des choses qui scande et dirige le poète.”

827. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

… Semblable à toutes les grandes corruptions qu’il est facile d’étouffer dans leur première molécule empoisonnée, la Révolution a semé la vie telle qu’elle l’a créée, et cette vie malade, souillée, folle, a levé de toutes parts ! […] Ici, je voudrais pouvoir citer Cassagnac lui-même, et faire apparaître, les uns après les autres, tous ces grands hommes de la Révolution, qui l’ont créée à leur image.

828. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Il y a les Saints, ces pères du monde moderne, qui créaient une civilisation inconnue de miracles, de foi et de vertus ! […] Ce que pensait Attila, le rôle des dieux qui tombaient, celui du Dieu qui s’élevait, la défiance créée entre Rome et Constantinople par l’érection de cette dernière en siège de l’Empire, le travail intérieur du Christianisme parmi ces peuples, à la faveur d’une mission qui courait comme la foudre, soit souterrainement, soit en plein jour, rien de tout cela, qui était l’important dans une telle histoire, ne se trouve dans l’ouvrage de M. 

829. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

L’âme du prêtre a été largement scrutée, avec une extrême abondance par le romancier ; le personnage est très vivant, souvent pathétique, l’un des plus puissants, à coup sûr qu’ait créé Emile Zola. […] » Nous pourrions encore mieux servir les intérêts du jeune homme promis à la prêtrise, en répétant ces paroles d’un noble esprit : « Il faut qu’il prenne conscience avec nous du seul dieu réel et méconnu qui a créé à sont image tous les dieux évanouis, du dieu futur, l’Homme.

830. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Post-scriptum sur Alfred de Vigny. (Se rapporte à l’article précédent, pages 398-451.) »

J’ai besoin de le répéter, parce que je viens de le relire : vous avez vraiment créé une critique haute qui vous appartient en propre, et votre manière de passer de l’homme à l’œuvre et de chercher dans ses entrailles le germe de ses productions est une source intarissable d’aperçus nouveaux et de vues profondes. » On peut rabattre tout ce qu’on voudra de l’éloge, mais M. de Vigny admettait évidemment cette méthode critique en 1829.

831. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

La régularité sévère, la facture savante d’une œuvre d’art n’est qu’au regard superficiel le signe d’un équilibre imperturbable de l’âme ; les plus passionnés sont quelquefois les plus austères, et la force qui règle peut avoir le même principe que la passion qui entraîne et que l’enthousiasme qui crée. »— Si M. 

832. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

A propos de l’enlèvement des tableaux et des statues, contre lequel il se déchaîne avec plus d’emportement qu’il ne sied au compatriote et à l’ami de lord Elgin, « Il est certain, dit-il, que les  Français ne ressemblaient nullement à ces peuples dont le génie créa les premiers chefs-d’œuvre de l’art ; au contraire, le prototype classique de Bonaparte dans cette circonstance fut ce Mummius, consul romain qui dépouilla violemment la Grèce de ses trésors, dont lui-même et ses compatriotes étaient incapables d’apprécier le véritable mérite. » Cette mauvaise humeur de l’historien se mêle même aux éloges que lui arrache une admiration involontaire.

833. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — II »

Ils ne manquèrent pas au christianisme, et sous l’unité inflexible des traditions générales, plusieurs surent se créer des variétés fécondes d’idées et de formes, s’ouvrir, selon les lieux et les temps, des perspectives inattendues.

834. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

Ils ont composé quelques pastorales, sous la forme de romans, qui datent du temps où les Grecs cherchaient à occuper les loisirs de la servitude ; mais avant que les femmes eussent créé des intérêts dans la vie privée, les aventures particulières captivaient peu la curiosité des hommes ; ils étaient absorbés par les occupations politiques.

835. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

Nombre d’idées et d’objets étaient pour la première fois désignés ou définis en français : il a fallu trouver et créer des mots.

836. (1897) La crise littéraire et le naturisme (article de La Plume) pp. 206-208

Peut-être y créons-nous le dieu futur… » De pareilles pages, et elles sont nombreuses chez cet écrivain, peuvent glorieusement figurer parmi les plus belles de notre littérature française.

837. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vielé-Griffin, Francis (1864-1937) »

Vielé-Griffin, inversement, s’est créé tout de suite une existence à part et individuelle.

838. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

Ce fut certainement L’Inavertito qui créa au personnage de Scapin une sorte de supériorité parmi les rôles de premiers zanni, c’est-à-dire de valets intrigants26.

839. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

 » Le genre rosse s’annonce : — « Mme Nilsonn-Rouzaud doit créer cet hiver à Paris le rôle d’Éros dans Psyché.

840. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préfaces de « Marion de Lorme » (1831-1873) »

Ce serait l’heure, pour celui à qui Dieu en aurait donné le génie, de créer tout un théâtre, un théâtre vaste et simple, un et varié, national par l’histoire, populaire par la vérité, humain, naturel, universel par la passion.

841. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre V. Le mouvement régionaliste. Les jeunes en province » pp. 221-231

Par un échange incessant d’idées et de collaboration entre ces divers groupements et Paris s’est créé un minimum de pensées communes qui suffit à rallier toutes ces revues autour du drapeau de la décentralisation.

842. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mon mot sur l’architecture » pp. 70-76

On répond qu’à la vérité l’édifice aurait paru plus grand au premier coup d’œil, si l’on eût sacrifié avec art les proportions ; mais on demande lequel était préférable, ou de produire une admiration grande et subite, ou d’en créer une qui commençât faible, s’accrût peu à peu et devînt enfin grande et permanente par un examen réfléchi et détaillé.

843. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

Si vous n’avez pas une âme de bronze, dites donc avec moi ; élevez votre voix, dites : maudit soit le premier qui rendit les fonctions publiques vénales ; maudit soit celui qui rendit l’or l’idole de la nation ; maudit soit celui qui créa la race détestable des grands exacteurs ; maudit soit celui qui engendra ce foyer d’où sortirent cette ostentation insolente de richesse dans les uns, et cette hypocrisie épidémique de fortune dans les autres ; maudit soit celui qui condamna par contre-coup le mérite à l’obscurité, et qui dévoua la vertu et les mœurs au mépris.

844. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IV »

Bien comprise, elle le crée et l’augmente.

845. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Le livre de Gabrielle d’Estrées, écrit avec le sang-froid de l’homme d’État encore plus que de l’historien, se distingue par une simplicité d’expression ravissante en Capefigue, qui d’ordinaire aime à fringuer et à faire briller la paillette chère au siècle qu’il a tant aimé Pour tout dire d’un mot, c’est un livre où la rectitude des idées a créé, seule, un talent sur lequel nous ne comptions plus.

846. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Edmond About » pp. 63-72

Autrefois, quand chacun vivait sédentaire dans la case plus ou moins coloriée de son damier et ne regardait pas beaucoup plus loin que l’horizon de sa colline, de sa montagne ou de sa mer, un homme qui avait voyagé rapportait des pays qu’il avait visités une valeur qui s’ajoutait à la sienne ou qui lui en créait une, quand il n’en avait pas.

847. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Belmontet »

Parce qu’il n’a jamais eu, lui, — et son livre l’atteste, — que des inspirations sociales ; parce que l’Empire l’a créé poète en le touchant de son rayon de feu et qu’il ne se détache jamais de la gloire ou des malheurs de l’Empire en se repliant sur lui-même, il nie l’inspiration la plus profonde de l’humanité, son inspiration éternelle, qui va de Job jusqu’à lord Byron… Franchement, n’est-ce pas abuser de sa propre préoccupation personnelle ?

848. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Charles Monselet »

Eh bien, si la note mélancolique et inattendue se mettait soudainement à vibrer dans quelque couplet de Beauvoir, cette note faisait à l’instant le silence et créait la rêverie.

849. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre premier. De la louange et de l’amour de la gloire. »

Dès que le mérite parut, l’envie naquit, et la persécution se montra ; mais au même instant la nature créa la gloire, et lui ordonna de servir de contrepoids au malheur.

850. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

En Espagne, vous trouverez Ferdinand-le-Catholique, qui chassa et vainquit les rois Maures, et trompa tous les rois chrétiens ; Charles-Quint, heureux et tout-puissant, politique par lui-même, grand par ses généraux, et cette foule de héros dans tous les genres qui servaient alors l’Espagne ; Christophe Colomb, qui lui créa un nouveau monde ; Fernand Cortez qui, avec cinq cents hommes, lui soumit un empire de six cents lieues ; Antoine de Lève qui, de simple soldat, parvint à être duc et prince, et plus que cela grand homme de guerre ; Pierre de Navarre, autre soldat de fortune, célèbre par ses talents, et parce que le premier il inventa les mines ; Gonzalve de Cordoue, surnommé le grand Capitaine, mais qui put compter plus de victoires que de vertus ; le fameux duc d’Albe, qui servit Charles-Quint à Pavie, à Tunis, en Allemagne, gagna contre les protestants la bataille de Mulberg, conquit le Portugal sous Philippe II, mais qui se déshonora dans les Pays-Bas, par les dix-huit mille hommes qu’il se vantait d’avoir fait passer par la main du bourreau ; enfin, le jeune marquis Pescaire, aimable et brillant, qui contribua au gain de plusieurs batailles, fut à la fois capitaine et homme de lettres, épousa une femme célèbre par son esprit comme par sa beauté, et mourut à trente-deux ans d’une maladie très courte, peu de temps après que Charles-Quint eut été instruit que le pape lui avait proposé de se faire roi de Naples.

851. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VII. De la physique poétique » pp. 221-230

Corollaire relatif aux mœurs héroïques De telles natures héroïques, animées de tels sentiments héroïques, durent créer et conserver des mœurs analogues à celles que nous allons esquisser.

852. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

L’historien de la Real Casa termine sa description lyrique du plateau de Roncevaux en s’écriant : « Dieu a créé au milieu de ces monts sauvages une oasis délicieuse pour en faire le séjour de la Vierge de Roncevaux !  […] Les vers que j’ai cités plus haut, et qui ont créé l’image que d’ordinaire on se forme de Roncevaux, ne s’appliquent en réalité qu’au Port de Cise, auquel ils s’appliquent fort bien. […] L’auteur de celui qui nous occupe a eu entre tous un merveilleux succès ; il a véritablement créé une légende qui est devenue tout à fait populaire dans divers pays. […] Ici l’imagination populaire a heureusement modifié le modèle, et a créé un trait vraiment fantastique et curieux. […] Elle s’est exercée sur ce thème dans plusieurs pays, mais elle n’a rien créé de remarquable ou de nouveau.

853. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Pas seulement : créer. […] Il n’a donc, à proprement dire, point d’individualité ; il n’en saurait créer. […] Mais ceux que faisait couramment Odette l’étaient moins et servaient à empêcher des découvertes qui auraient pu lui créer avec les uns ou les autres, de terribles difficultés. […] Sans doute Swann fait tout ce qu’il peut pour s’approcher d’Odette, pour la retenir, pour lui créer des raisons extérieures d’être à lui. […] au fond de quelles douleurs avait-il puisé cette force de Dieu, cette puissance illimitée de créer ?

854. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

N’est-ce pas misère que d’aspirer follement à une égalité impossible des conditions, égalité tellement impraticable que, si l’utopiste la créait un instant, tout mouvement, et par conséquent tout ce que l’auteur appelle le progrès, s’arrêterait à l’instant, car le grand ressort de l’horloge humaine, le désir, serait à l’instant brisé ? […] Disons la vérité crûment à ceux qui, avec un pareil monde et pour un pareil monde, ont créé une poétique fantasmagorie d’un progrès indéfini où ils font marcher l’homme, comme dans une aube éternelle, de perfection en perfection, jusqu’à des félicités et des immortalités terrestres évidemment incompatibles avec sa nature. […] Mais qu’on fasse espérer aux peuples, fanatisés d’espérances, le renversement à leur profit des inégalités organiques créées par la force des choses, et maintenues par la nature elle-même sous peine de mort ; qu’on leur persuade que les deux bases fondamentales de toute société non barbare, la propriété et la famille, ces deux constitutions de Dieu et non de l’homme, peuvent être déplacées par le radicalisme sans que tout s’écroule à la fois sur la tête des radicaux comme des conservateurs, c’est là le rêve, c’est là la démence, c’est là le sacrilège, c’est le drapeau rouge ou le drapeau noir de la philosophie sociale !

855. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre III. Molière »

Il créa une comédie à peine comique, toute spirituelle, qui était la peinture, non la satire ni la charge, de la société précieuse : il y introduisait des honnêtes gens sans ridicules, qui avaient le ton, les manières, les idées du monde ; il montrait avec un goût curieux de réalité certains lieux connus de Paris, la galerie du Palais avec ses marchands, ses boutiques, son va-et-vient d’acheteurs et d’oisifs. […] Les Précieuses ne sont qu’une farce, qui a créé la comédie de caractère : outre la satire d’un ridicule du xviie  siècle, elle découvre certains états de sentiment et d’esprit qui sont aussi bien de notre temps. […] Il y a enfin une quatrième convenance, convenance suprême qui crée toutes les autres ou y supplée : c’est celle par où la nature conduit les individus à ses fins.

856. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Robuste et créée pour les fortes besognes, prête aux plus rudes enfantements, belle d’ailleurs, elle se consumait dans une longue virginité. […] Au-delà de la description de l’œuvre wagnérienne, il s’agit de dégager des caractéristiques qui pourraient aider à créer la forme nouvelle, en littérature, cette fois. […] Un savant jeu de colonnes crée l’illusion que les chanteurs sont plus grands que nature.

857. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

Est-ce qu’il y a un Dieu qui crée et un Dieu qui tue, un Dieu de l’amour et un Dieu de la rage ? […] Enfin, expirant sous le poids de ses miracles, il a laissé après lui une autre utopie tout aussi funeste (car tout mensonge nuit) : l’utopie de la perfectibilité continue et indéfinie de l’homme sur la terre ; utopie dont le dernier résultat logique, en marchant de conséquence en conséquence, serait celui-ci : Ce n’est pas Dieu qui a créé l’homme, mais ce pourrait bien être l’homme qui aurait créé Dieu !

858. (1888) Études sur le XIXe siècle

En faisant passer ses théories dans la pratique, Wagner a certainement créé, comme il l’a dit, un art national allemand. […] Tronconi crée une sorte de présomption contre lui. […] Son domaine n’est pas et ne sera probablement jamais des plus vastes ; mais il y cultive plus d’une fleur délicate, il y crée des sites qui, pour être artificiels, n’en ont pas moins leur charme. […] Qui d’eux est parvenu à se créer une grande existence, à conquérir une influence sur la société ? […] et tant d’amour est-il créé pour consumer le cœur qui le recèle ?

859. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Des vogues se créent ainsi et des ostracismes d’une égale disproportion. […] Considérez-les s’acharnant, l’un et l’autre, à se créer un style de précision et de clarté, si bien que ces romantiques impénitents en reviennent à la langue la plus classique. […] Ils affirment l’existence, en nous tout ensemble et hors de nous, d’une énergie qui nous a créés, qui nous connaît, qui nous aime. Elle nous a créés et nous soutient. […] Ce pouvoir de créer des personnages forts, Barbey le possédait.

860. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Comment Fénelon, qui écrit de génie, a-t-il parlé d’abandonner, même à un corps si considérable, ce qui est le plus beau privilège du génie, le droit de créer des expressions pour des idées nouvelles ? Si les académies pouvaient avoir un emploi quelconque en cette matière, ce serait plutôt celui de vérifier si les idées nouvelles sont justes, si les expressions créées sont dans le génie de la langue, et d’en consigner les raisons dans leurs vocabulaires. […] Les deux grands épiques anciens n’ont pas créé de caractère plus intéressant que celui de Philoclès, sacrifié par Idoménée aux intrigues et aux calomnies de son favori Protésilas. […] Une statue qui rappelle la beauté noble et naïve de la statuaire grecque donne à l’artiste qui la crée le premier rang dans les arts.

861. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Mais si le mouvement moléculaire peut créer de la sensation avec un néant de conscience, pourquoi la conscience ne créerait-elle pas du mouvement à son tour, soit avec un néant d’énergie cinétique et potentielle, soit en utilisant cette énergie a sa manière ? […] Mais parce que notre raison, armée de l’idée d’espace et de la puissance de créer des symboles, dégage ces éléments multiples du tout, il ne s’ensuit pas qu’ils y fussent contenus. […] Mais appliquer le principe de causalité, sous cette forme équivoque, à la succession des faits de conscience, c’est se créer de gaieté de cœur, et sans raison plausible, d’inextricables difficultés.

862. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

si on renonce à ses idées, elles ne renoncent pas toujours à vous, et je ne vois guère pour l’abbé Pierre d’autres ressources, désormais, que de créer un schisme, ce qui, malheureusement, ne se fait pas aussi facilement qu’on le pourrait croire. […] C’est donc la cause première, c’est-à-dire Dieu qui crée les forces. » Pour M.  […] Mais qui donc, alors, aurait créé le monde, selon qu’il est relaté dans la Genèse ? […] » — Le Diable a créé le monde ? […] Méda devint sous-lieutenant, puis colonel en 1806, fut créé baron en 1808, et mourut tué par un boulet à la bataille de la Moskowa.

863. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVIII » pp. 266-276

Cela crée une atmosphère malsaine pour le talent.

864. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

Il a créé la satire du poëte honnête homme dans les temps de révolution.

865. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Mais ici, autour de l’idée principale, venaient naturellement se grouper une foule de questions accessoires que l’auteur a négligées et que provoquait l’esprit de l’époque : jusqu’à quel point est légitime et approuvé par le goût cet emprunt d’images étrangères ; en quoi il peut réellement consister ; si c’est en bravant l’harmonie par une foule de mots barbares tirés d’idiomes encore grossiers, ou en reproduisant simplement une pensée naïve, une coutume touchante d’un jeune peuple, si c’est en s’emparant sans discernement des êtres créés dans des mythologies étrangères, ou en ne s’enrichissant que des allégories ingénieuses et faites pour plaire en tous lieux, que le poète imitateur méritera dignement de la littérature nationale ; ou encore, s’il n’y a pas l’abus à craindre dans ce recours trop fréquent à des descriptions de phénomènes ; si Delille, Castel, que l’auteur cite souvent, et les écrivains de cette école qu’il paraît affectionner, s’en sont toujours gardés ; si enfin il n’y a pas souvent cet autre danger non moins grave à éviter, de parler à la nation d’une nature qu’elle ne comprend pas, d’en appeler à des souvenirs qui n’existent que pour l’écrivain, et réduire l’homme médiocrement éclairé à consulter Buffon ou Cuvier pour entendre un vers.

866. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Poésie — I. Hymnes sacrées par Édouard Turquety. »

Turquety a cherché à se créer un rôle propre parmi les poètes modernes ; retiré dans sa Bretagne, il a consulté les graves et habituelles préoccupations d’une vie monotone que les seuls rayons mystiques éclairaient parfois.

867. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

Quelle impression ne produit-elle pas, cette langue créée pour la force et la raison, alors qu’on la consacre à l’expression de la tendresse !

868. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

Si, dans le système du monde, les diverses natures des êtres, des espèces, des choses, des sensations, se tiennent par des intermédiaires, il est certain que la passion du crime est le chaînon entre l’homme et les animaux ; elle est à quelques égards aussi involontaire que leur instinct, mais elle est plus dépravée ; car c’est la nature qui a créé le tigre, et c’est l’homme qui s’est fait criminel : l’animal sanguinaire a sa place marquée dans le monde, et il faut que le criminel le bouleverse, pour y dominer.

869. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De l’amitié. »

Sans doute, l’homme qui s’est vu l’objet de la passion la plus profonde, qui recevait à chaque instant une nouvelle preuve de la tendresse qu’il inspirait, éprouvait des émotions plus enivrantes ; ces plaisirs, non créés par soi, ressemblent aux dons du ciel, ils exaltent la destinée ; mais ce bonheur d’un jour gâte toute la vie, le seul trésor intarissable, c’est son propre cœur.

870. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section III. Des ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De l’étude. »

L’homme passionné et l’homme stupide éprouvent par l’étude le même degré d’ennui, l’intérêt leur manque à tous les deux ; car, par des causes différentes, les idées des autres ne trouvent en eux aucune idée correspondante : l’âme fatiguée s’abandonne enfin à l’impulsion qui l’entraîne et consacre sa solitude à la pensée qui la poursuit ; mais elle ne tarde pas à se repentir de sa faiblesse ; la méditation de l’homme passionné enfante des monstres, comme celle du savant crée des prodiges.

871. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Marcel Prévost et Paul Margueritte »

Les voici sur le pont : «… Alors André les embrassa tous du regard, cette famille qu’il avait créée, qui était sienne, dont il était le chef, et qu’il emportait avec lui, à travers les aventures, vers l’avenir.

872. (1898) Le vers libre (préface de L’Archipel en fleurs) pp. 7-20

« Et puis, que t’importe : tu auras produit une œuvre, l’œuvre qu’une société vraie admettrait pour ta contribution au labeur commun, puisque tu auras créé de la vie à ton image.

873. (1899) Le monde attend son évangile. À propos de « Fécondité » (La Plume) pp. 700-702

Lamartine a créé tout notre art romantique.

874. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

« Soleil, arbres, dit-il, savez-vous le nom de celui qui m’a créé ? 

875. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre III. Suite des Époux. — Adam et Ève. »

Toutefois ces créatures célestes diffèrent entre elles, ainsi que leurs sexes le déclarent : il est créé pour la contemplation et la valeur ; elle est formée pour la mollesse et les grâces : Lui pour Dieu seulement, Elle pour Dieu, en Lui.

876. (1865) Du sentiment de l’admiration

Voilà ce que crée l’enthousiasme.

877. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Seconde faculté d’une Université. Faculté de médecine. » pp. 497-505

Il faut : 1° Créer un nombre suffisant de professeurs et les stipendier de manière qu’ils puissent se livrer tout entiers à l’enseignement ; 2° Établir à côté des écoles un hôpital où les élèves soient initiés à la pratique ; 3° Obliger les maîtres à suivre un ordre fixe et déterminé dans le cours des études.

878. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Michel Van Loo » pp. 66-70

Rien de cette chaleur du génie qui crée.

879. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XI. Mme Marie-Alexandre Dumas. Les Dauphines littéraires »

La maison Dumas, pour l’esprit qui l’a habitée, est la guérite de l’adultère, du duel, de toutes les rengaines dramatiques sur lesquelles cette grande pauvreté qui se croit un luxe, Je théâtre vit depuis des siècles, et quand on y a passé une partie de sa jeunesse, on reste imprégné de ces idées de duels et d’adultères, on les respire ; on les transpire ; on n’est plus capable de rendre autre chose, de créer autre chose que cela.

880. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Napoléon »

Elle oubliait qu’au sortir de la Révolution française Napoléon ne s’était pas contenté de relever l’autorité, sans laquelle nul gouvernement n’est possible, mais que ce grand passager du pouvoir et de la gloire avait créé tout un ensemble d’institutions, et que c’est par là, justement, qu’il ne passerait pas, et qu’au contraire il confondrait sa destinée avec l’avenir de la France !

881. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

si les types créés par le génie pouvaient s’animer et se mouvoir sous la main du premier venu qui les aurait dérobés, comme un sac de marionnettes ?

882. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

Mais comme Taine, ce jeune fils, a soif de paternité, lui, créé à ce qu’il paraît pour n’être jamais qu’un fils en philosophie, il s’est trouvé que le remplaçant du père Hegel a été le père Mill, qui, en ce moment, fait son petit susurrement de philosophe parmi les amateurs, et qui lui-même est apparenté avec Condillac.

883. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

Ils n’ont pas la spléenétique audace d’un simple romancier du xixe  siècle, qui croit pouvoir créer une vie à rebours de la vie.

884. (1868) Curiosités esthétiques « III. Le musée classique du bazar Bonne-Nouvelle » pp. 199-209

Il est une chose mille fois plus dangereuse que le bourgeois, c’est l’artiste bourgeois, qui a été créé pour s’interposer entre le public et le génie ; il les cache l’un à l’autre.

885. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Avant-propos de la septième édition »

Le second est que les habitudes contractées dans l’action, remontant dans la sphère de la spéculation, y créent des problèmes factices, et que la métaphysique doit commencer par dissiper ces obscurités artificielles.

886. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

« Sous un prince plus grand que ses aïeux, ceux qui ont créé leur noblesse seraient-ils donc moins honorés, que ceux qui n’ont qu’hérité de la leur38 ?

887. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

En même temps il se fit une révolution qui créa un genre d’éloquence inconnu jusqu’alors, et qui eut dans la suite la plus grande influence.

888. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Et il me semble bien qu’il n’était guère optimiste lui-même, alors qu’il vous créa. […] En voulant copier, le maladroit invente et crée ! […] Autour d’elle, elle créait une atmosphère de vie. […] Elle abonde en images pittoresques et en expressions créées. […] Si c’est lui qui a créé le monde, pourquoi a-t-il créé le mal, la souffrance, la méchanceté ?

889. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Ils ont créé des idées. […] Invisible et présente, la substance divine pense éternellement l’univers, qu’elle crée, sans but et sans fin. […] Laisse ordonner le ciel à tes yeux, sans comprendre, — et crée de ton silence la musique des nuits. […] Au moins s’étaient-ils accordé le temps de créer une œuvre. […] J’ai créé toutes les fêtes, tous les triomphes, tous les drames.

890. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Toutefois, dès le douzieme siecle, Gui Aretin créa la gamme, ou l’art d’écrire la Musique. […] Il inventait, il créait, il donnait libre carriere à son génie. […] C’est le Sage qui a créé ce genre. […] Pourquoi donc attribuer à cette nation la gloire d’avoir créé notre Musique ? […] Il créa des Musiciens en leur donnant de la Musique à exécuter.

891. (1886) Le roman russe pp. -351

Il se souvient et il imite plus qu’il ne crée ; mais les images étrangères qu’il réfléchit prennent en le traversant des contours plus larges, une teinte mélancolique, un accent de plainte et de pitié fraternelle. […] On ne crée pas une littérature comme une armée ou un code, d’en haut et par ukase. […] Quand il se prendra à un sujet historique, Poltava, Boris Godounof, son goût acquis refrénera sans pitié les dons innés ; ce lyrique saura être impersonnel, il s’effacera derrière les personnages qu’il crée. […] Le nouvel état d’âme avait créé une rhétorique particulière qui demandait à s’essayer sur des objets plus substantiels. […] Leur triste héros, le scribe Diévouchkine, n’est qu’une épreuve plus développée et plus noire d’Akaky Akakiévitch, le type grotesque d’employé créé par Gogol.

892. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Il ne pouvait créer des effets de contraste ni entre plusieurs caractères ni dans les différentes manifestations d’un seul. […] — Nous en avons un d’abord chez le poète de génie qui, il y a trois siècles, avait déjà pressenti toute la psychologie moderne, et qui a créé le premier type des héros splénétiques si fréquemment renouvelés plus tard. […] Ils se contrarient l’un l’autre de la sorte, n’arrivent dans aucun sens à créer un livre uni, fort et complet, et nous laissent toujours incertains des sensations ou des pensées qu’ils ont cherché à éveiller en nous. […] Le genre qu’ils ont créé n’est donc pas inadmissible : loin de là ; et ce n’est que justice de lui reconnaître d’incomparables mérites. […] Elles ne les ont pas créées, mais elles les ont fait éclore.

893. (1902) Propos littéraires. Première série

Ce n’est pas, sans doute, lui qui la crée en naissant. […] Elle a été une force humaine, et elle a créé des forces. […] Dire qu’elle créera la Justice, c’est une parole de bon augure, si l’on veut, mais c’est une parole aussi vaine que de dire qu’elle créera la charité, la fraternité, l’amour, ou la paix du cœur. […] L’enfant n’a créé aucune beauté. […] L’art qui crée de la beauté est un art faux.

894. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Et cette analyse est logique ; elle est bien différente de cette espèce de manipulation qui combine entre elles plusieurs substances pour en tirer une nouvelle, mais qui ne crée rien d’organique. […] Il n’est pas moins intéressant de faire voir ce qu’ont pu devenir, en sortant du lit que le christianisme leur avait creusé, certaines tendances que la civilisation fortifie et que peut-être elle a créées. […] La théologie chrétienne leur a donné une forme, une occasion, une solution : elle ne les a pas créés. […] Demain nous créerons d’autres mondes. […] La métaphore effrénée y franchit toutes les barrières connues, crée les rapports les plus inouïs, assouvit sur toutes choses ses innombrables caprices.

895. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Elle créait, au lieu de la monarchie classique et plagiaire des lettres grecques et latines, la république du génie. […] L’homme grandissait aux yeux de l’homme, au lieu de se rapetisser à cette optique ; on sortait de cette étude comme d’un temple où l’on venait contempler les merveilles de l’esprit humain et où la grandeur de l’intelligence révélait la grandeur de celui qui l’a créé ; l’admiration devenait piété. […] Il se sent au milieu des merveilles du monde comme un être à la fois créateur et créé, qui doit mourir et qui ne peut cesser d’être, et dont le cœur tremblant et fort en même temps, s’enorgueillit en lui-même et se prosterne devant Dieu.

896. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Leconte de Lisle, comme Hugo, est un « mythologue » ; mais, au lieu de créer des mythes, il se contente trop souvent de mettre en vers toutes les mythologies, tantôt celle de la Grèce, tantôt celles de l’Orient et de l’Inde brahmanique, tantôt celle du Nord finnois et scandinave, ou du moyen âge catholique et musulman. […] Pour lui, c’est le hasard qui est le véritable auteur du monde ; du hasard naissent des combinaisons plus ou moins passagères, qui sont des habitudes ; ces habitudes, nous les prenons pour des lois ; mais il n’y a point de lois véritables, et, de même qu’il n’y a point de fins ou de buts, il n’y a point de causes : Nature, tu n’es rien qu’un mélange sans art : Car celui qui te crée a pour nom le hasard. […] La nature ne cesse pas d’être belle parce qu’elle n’a point été créée en six jours.

897. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Quoique marié (son biographe ne nous dit pas à quel autel), quoique marié à une femme qu’il aima, prétend-on, — mais nous savons trop comment aiment les poètes, — la famille ne créa point autour de lui d’atmosphère préservatrice. […] Edgar Poe excelle à créer ces hallucinations, et il les savoure et les réfléchit, tout en en frémissant ou se pâmant d’effroi. […] été créé non plus pour tourner, de ses délicates et suzeraines mains d’artiste, les grossières manivelles de la mécanique sociale qui a fini par le broyer sous ses rouages aveugles et sourds.

898. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Montesquieu, sans aller jusqu’au sens mystique, croyait également à des lois dans l’histoire ; tous les esprits supérieurs les aiment au point de les créer plutôt que de s’en passer. […] Une seule fois, en 1833, il fut chargé d’une mission de confiance pour l’Espagne, à la mort de Ferdinand VII, et il alla porter à notre ambassadeur, M.de Rayneval, le mot du changement de politique dans les circonstances nouvelles que créait le rétablissement de la succession féminine.

899. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

L’homme, créé par la nature pour les relations domestiques, ne porte son ambition au-delà que par l’irrésistible attrait de l’estime générale ; et c’est sur cette estime, formée par l’opinion, que le talent d’écrire a la plus grande influence. […] Ces écrits font couler des larmes dans toutes les situations de la vie ; ils élèvent l’âme à des méditations générales qui détournent la pensée des peines individuelles ; ils créent pour nous une société, une communication avec les écrivains qui ne sont plus, avec ceux qui existent encore, avec les hommes qui admirent comme nous ce que nous lisons.

900. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Ces différentes réflexions conduiraient enfin au principal but des débats actuels, à la manière de constituer une grande nation avec de l’ordre et de la liberté, et de réunir ainsi la splendeur des beaux-arts, des sciences et des lettres, tant vantées dans les monarchies, avec l’indépendance des républiques ; il faudrait créer un gouvernement qui donna de l’émulation au génie, et mit un frein aux passions factieuses ; un gouvernement qui put offrir à un grand homme un but digne de lui, et décourager l’ambition de l’usurpateur ; un gouvernement qui présenta, comme je l’ai dit, la seule idée parfaite de bonheur en tout genre, la réunion des contrastes. […] Loin donc de ceux qui ont quelque valeur personnelle, toutes les dénominations d’esclaves et de factieux, de conspirateurs et d’anarchistes, prodiguées aux simples opinions ; les actions doivent être soumises aux lois : mais l’univers moral appartient à la pensée ; quiconque se sert de cette arme, méprise toutes les autres, et l’homme qui l’emploie est par cela seul incapable de s’abaisser à d’autres moyens. — Plusieurs ouvrages de très bons auteurs renferment des raisons en faveur de l’hérédité modifiée, ou comme en Angleterre, c’est-à-dire, composant deux branches du gouvernement, dont le troisième pouvoir est purement représentatif ; ou comme à Rome, lorsque la puissance politique était divisée entre la démocratie et l’aristocratie, le peuple et le sénat ; il faudrait donc déduire tous les motifs qui ont fait croire que la balance de ces intérêts opposés, pouvait seule donner de la stabilité aux gouvernements ; que l’homme qui se croit des talents, ou se voit de l’autorité, tendant naturellement, d’abord aux distinctions personnelles, et ensuite aux distinctions héréditaires, il vaut mieux créer légalement ce qu’il conquerra de force.

901. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Par-dessus l’homme naturel, il a créé un homme artificiel, ecclésiastique ou laïque, noble ou roturier, roi ou sujet, propriétaire ou prolétaire, ignorant ou lettré, paysan ou citadin, esclave ou maître, toutes qualités factices dont il ne faut point tenir compte, puisque leur origine est entachée de violence et de dol. […] Neuvième époque), on se vit obligé de renoncer à cette politique astucieuse et fausse qui, oubliant que les hommes tiennent des droits égaux de leur nature même, voulait tantôt mesurer l’étendue de ceux qu’il fallait leur laisser sur la grandeur du territoire, sur la température du climat, sur le caractère national, sur la richesse du peuple, sur le degré de perfection du commerce et de l’industrie, et tantôt partager avec inégalité les mêmes droits entre diverses classes d’hommes, en accorder à la naissance, à la richesse, à la profession, et créer ainsi des intérêts contraires, des pouvoirs opposés, pour établir ensuite entre eux un équilibre que ces institutions seules ont rendu nécessaire et qui n’en corrige même pas les influences dangereuses. » 430.

902. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

La nature, en même temps, lui créa dans Raphaël d’Urbin un émule et un rival ; ils s’admirèrent l’un l’autre en sentiment et ne se confondirent que dans la double immortalité qu’ils répandaient sur leur pays. […] Se secouant aussitôt, il s’écria : « Loin, bien loin de ma pensée de souffrir que mon Jésus qui m’a créé et qui m’a racheté vienne jusqu’à mon lit.

903. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Sacrifier la raison à la rime, c’est chercher la beauté ailleurs que dans la vérité, c’est tourner l’art contre son but, qui est de créer dans la forme un équivalent sensible de l’idée. […] Zola : Le plus bel éloge qu’on pouvait faire autrefois d’un romancier, était de dire : « Il a de l’imagination. » Aujourd’hui cet éloge serait presque regardé comme une critique… L’imagination de Balzac, cette imagination déréglée qui se jetait dans toutes les exagérations et qui voulait créer le monde à nouveau, sur des plans extraordinaires (ne dirait-on pas que ceci vise Scudéry ou, si l’on veut, Corneille ?)

904. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

Succès de notre littérature narrative Telle est, en son ensemble, la littérature narrative que notre moyen âge créa pour la société aristocratique. […] La fière Espagne qui avait le Cid, ne se résigna pas longtemps à chanter Roland, mais, pour le vaincre, elle créa à son image son fantastique Bernaldo del Carpio.

905. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Mais l’usage de l’instinct crée le mérite et le démérite : l’homme est libre, et, selon sa science, choisit entre les actes que son instinct lui suggère ; s’il suit la nature et l’Évangile, qui en termes différents lui font le même commandement, la nature l’avertissant de travailler pour l’espèce, l’Évangile lui enjoignant de se dévouer au prochain, il se désintéressera ; il éloignera l’ambition, l’avarice, la volupté, l’égoïsme : il sera doux, humble, charitable, et s’efforcera de vaincre par l’amour les misères sociales. Par malheur, Jean de Meung n’a pas, comme Dante, créé une forme qui assurât à sa pensée l’éternité des belles choses : il lui a manqué d’être un grand artiste.

906. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Il eût fallu la puissante fantaisie qui a créé les Oiseaux d’Aristophane. […] La farce n’est pas « de la littérature » : c’est un genre entièrement populaire, et que l’esprit du peuple a créé à son image.

907. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Ce théâtre de Musset est exquis, et de la plus pure essence romantique : il est lyrique sans mélange ; et toutes les formes que se plaît à créer l’imagination du poète, formes d’actions et formes de caractères, ne sont pas autre chose que l’exacte représentation les divers états de sensibilité qu’il a lui-même traversés. […] Alors la comédie crée un univers de la couleur de ce sentiment, et la vérité morale est entière dans l’absolue fantaisie de la construction scénique.

908. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

D’abord il a su placer ses personnages dans leur milieu, créer autour d’eux comme une atmosphère ecclésiastique. […] Il a, comme le poète de la Comédie humaine, des stupéfactions devant les êtres qu’il crée.

909. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

S’il ne l’est pas par la pensée, il y a cependant en lui plus de substance que je n’ai affecté d’en voir ; seulement c’est, si je puis dire, son imagination et sa rhétorique qui lui ont créé sa pensée. […] Entendez Ce que dit la bouche d’Ombre. « La première faute fit le premier poids et créa la matière.

/ 1885