Le monde entier n’est composé que de deux mots : progrès et décadence. […] Qu’ils se souviennent de mon mot trop significatif à la tribune : Toutes les cantates ne sont pas des Marseillaises ! […] Je croyais qu’il me dirait le mot de mille mystères de mon ignorance. […] À ces mots le livre tomba de mes mains, et je restai immobile et absorbé dans la contemplation de ce tombeau. […] » mot fier mais vrai.
Ses exordes avaient quelque chose d’heureux et qui saisissait aisément, comme le jour où il prononça l’Oraison funèbre de Louis XIV, et où, après avoir parcouru en silence du regard tout ce magnifique appareil funéraire, il commença par ces mots : « Dieu seul est grand, mes frères ! […] Il semble être né exprès pour justifier le mot de Cicéron : « Summa autem laus eloquentiae est, amplificare rem ornando… Le comble et la perfection de l’éloquence, c’est d’amplifier le sujet en l’ornant et le décorant. » Il est maître unique dans ce genre d’amplification que Quintilien a défini « un certain amas de pensées et d’expressions qui conspirent à faire sentir la même chose : car, encore que ni ces pensées ni ces expressions ne s’élèvent point par degrés, cependant l’objet se trouve grossi et comme haussé par l’assemblage même ». Ôtez seulement à cette définition ce que le mot amas (congeries) a pour nous de pénible et de désagréable. […] Louis XIV, qui avait des mots si justes quoique trop rares, disait à Massillon un jour, au sortir d’un de ses sermons : « Mon père, j’ai entendu plusieurs grands orateurs, j’en ai été fort content ; pour vous, toutes les fois que je vous ai entendu, j’ai été très mécontent de moi-même. » On a cité des exemples de conversions soudaines opérées par l’éloquence de Massillon. […] Les critiques que fait ce lecteur dont j’ignore le nom, un peu minutieuses parfois, sont la plupart d’une grande justesse : il y relève des inexactitudes et des irrégularités d’expression, des phrases embarrassées, des répétitions (le mot de goût, par exemple, répété à satiété) ; il y fait sentir les faiblesses et les incertitudes du plan, surtout vers la fin ; il y reconnaît aussi et y loue les belles parties, le tableau si vif du prince de Conti à la journée de Neerwinden, et surtout la peinture animée des grâces, de l’affabilité et du charme habituel qui le faisaient adorer dans la vie civile.
» Ce mot opéra sur-le-champ un profond silence, et fut suivi de preuves universelles de bonté. […] La surprise ajoutant à ma timidité naturelle, et devant une grande assemblée, je me levai, balbutiai quelques mots qu’on n’entendit pasn, que je n’entendis pas moi-même, mais que mon trouble, plus encore que ma bouche, rendit expressifs… La députation se rend de là à Notre-Dame ; Bailly, dans son trouble, se voit séparé du gros du cortège ; un électeur, M. […] » Et il y a des gens qui lui disputent ce mot, dans le sens élevé où il est si naturel qu’il l’ait proféré. On dirait qu’ils ont intérêt vraiment à ce qu’il y ait un mot touchant et sublime de moins dans le monde71. […] [1re éd.] je me levai, je balbutiai quelques mots qu’on n’entendit pas o.
Charron ne s’en tint pas aux armes de noblesse, il prit la devise morale de son maître et de son ami ; et dans la maison qu’il fit bâtir à Condom, l’an 1600, il fit graver ces mots : « Je ne sais. » Montaigne disait : « Que sais-je ? » Dans la simple différence de ce petit mot on entrevoit assez bien, a remarqué M. […] Il le dit quelque part très ingénieusement (j’y rajeunis à peine quelques mots) : Il semble que pour planter et installer le christianisme en un peuple mécréant et infidèle comme maintenant est la Chine, ce serait une très belle méthode de commencer par ces propositions et persuasions : Que tout le savoir du monde n’est que vanité et mensonge ; — Que le monde est tout confit, déchiré et vilainé d’opinions fantasques, forgées en son propre cerveau ; — Que Dieu a bien créé l’homme pour connaître la vérité, mais qu’il ne la peut connaître de soi, ni par aucun moyen humain, et qu’il faut que Dieu même, au sein duquel elle réside, et qui en a fait venir l’envie à l’homme, la révèle comme il a fait, etc., etc. […] Mais c’est Tibère (il le sait bien) qui a prononcé ce mot peu pitoyable (« Ô hommes ad servitutem nati ! […] Il ne songe pas plus à dérober Montaigne qu’il ne songe à dépouiller tous ces auteurs latins dont les mots et les sentences, en leur langue, nourrissent, soutiennent à chaque instant son discours, et qu’il fait entrer continuellement dans sa trame sans les citer.
En santé et dès qu’il était tout à fait à lui-même, il avait besoin de joutes, de contradictions, de gageures, de palinodies, en un mot, de tout ce qui donne une petite comédie au public ; et comme on savait que ces sortes de querelles lui plaisaient et qu’il excellait à y jouer son rôle, on les faisait naître sous ses pas. […] Comme, à travers l’austère discrétion du solitaire, on retrouve dans ces derniers mots les restes d’un homme ami des belles lettres ! […] Santeul, tel qu’il faut se le représenter, non plus dans ses vers, mais en pratique et en action, dans cette espèce de comédie à un seul personnage qu’il représentait volontiers du matin au soir, c’est un La Fontaine de collège au gros sel, un Chapelle moins débauché et plus moral, bien qu’aimant aussi la bonne chère, un Piron honnête et aussi fertile en bons mots, un Roquelaure plus honnête également, mais à ripostes toujours plaisantes, une manière de Désaugiers en vers latins ; enfin c’est Santeul, chanoine très peu régulier de Saint-Victor, et unique en son espèce. […] Arnauld plus que personne au monde, qu’il portait toujours sur lui, comme une relique, une lettre que cet incomparable docteur lui avait autrefois fait l’honneur de lui écrire » ; et la réponse allait non aux mains du digne curé de Saint-Jacques qui ne savait mot de ce manège, mais droit au collège Louis-le-Grand, où c’était la gaieté des récréations. […] On sait ce qu’était alors la capitale de la Bourgogne, avec son docte parlement, ses magistrats érudits qui faisaient pourtant de si gais noëls, et sa bourgeoisie gaillarde et prompte aux bons mots.
Rien ne peint mieux ces illustres assemblées qui se tiennent chez Mmes Necker et Geoffrin qu’un mot d’un étranger. […] Les chefs ne disaient presque mot ; les subalternes approuvaient en silence et selon les personnes qui avaient parlé. […] Préposé à l’administration et (si ce mot n’était trop pompeux) à la vice-royauté d’un pays sujet, qui voyait dans la Révolution d’un grand pays voisin un signal pour sa propre émancipation, Bonstetten sut, par son ascendant moral, maintenir jusqu’au bout sans violence le régime dont il était le représentant. […] À propos de cet aveuglement si remarquable alors chez ceux qui auraient dû voir de plus haut, Rivarol disait une belle parole de royaliste irrité : « Autrefois les rois avaient leur couronne sur le front, ils l’ont aujourd’hui sur les yeux. » Bonstetten n’a jamais de ces mots qui gravent ; mais il a le crayon fin, juste et léger. […] [NdA] Bonstetten resta en correspondance avec la comtesse d’Albany, et la Bibliothèque de Montpellier, où sont déposés les papiers de la princesse légués par le peintre Fabre, son troisième mari (mari ou peu s’en faut, le mot d’ailleurs est de Bonstetten), possède plusieurs lettres de Bonstetten à elle adressées, sans compter des lettres de Sismondi à la même, dans lesquelles il est souvent question de lui.
Vous voyez par ces quelques mots que la lucidité, la décision et la vivacité spirituelle de sa nature ne peuvent exercer qu’une influence heureuse. […] Quand elle partit de Weimar, il paraît toutefois, à quelques mots de la Correspondance des deux illustres amis, qu’il était temps et qu’ils en avaient assez de cette conversation ardente, inépuisable, qui les tenait en haleine et en travail continuel, et qui leur soutirait leur poésie : « Elle éloigne de moi toute poésie, disait Schiller, et je m’étonne de pouvoir faire encore quelque chose. » Goethe est encore celui des deux qui, à ses heures libres, s’en serait le mieux accommodé. […] Il répudiait la sécheresse des formes protestantes ; il paraissait croire à une réunion future, et à l’amiable, de toutes les communions chrétiennes ; en un mot, comme tous les vrais critiques que travaille une grande activité d’esprit et d’imagination, il était en train, sans s’en douter, de passer en réalité par la disposition et l’état moral qui lui avait manqué jusqu’alors, afin d’être ensuite tout à fait en mesure de s’en rendre compte et de le comprendre. […] Et puis, la vanité qui la blessait me blesse aussi ; elle répète avec complaisance les mots flatteurs qu’on a dits sur elle, comme si elle ne devait pas être blasée là-dessus, et lorsque l’on parle de la réputation d’un autre, elle a toujours soin de ramener la sienne avec un empressement tout à fait maladroit. […] Mais, pour être juste envers lui et envers Coppet, ajoutons bien vite que c’est le même homme qui, lorsqu’en juillet 1817 on rapportait les dépouilles de celle qui avait tout animé dans cette noble demeure, et qui, selon le mot de Byron, « l’avait rendue aussi agréable que lieu sur terre puisse le devenir par la société et par le talent », c’est le même Sismondi qui s’écriait dans sa douleur : « C’en est donc fait de ce séjour où j’ai tant vécu, où je me croyais si bien chez moi !
Je devais, après mon Gœtz et mon Werther, vérifier le mot d’un sage : « Lorsqu’on a fait quelque chose qui plaît au monde, le monde sait, s’arranger de manière à ce qu’on ne recommence pas. » En d’autres heures pourtant et dans l’habitude de la vie, il appréciait mieux son rare bonheur : ce bonheur avait été de venir à temps, en tête d’une grande époque qui naissait et qu’il avait en partie dirigée et conduite : « Je suis bien content, disait-il gaiement un jour qu’il venait de lire de jolis vers d’un tout jeune poëte, de n’avoir pas aujourd’hui dix-huit ans. […] Malgré les dédains et les ironies de Gœthe les jours où sa parole coupait comme la bise, sa fréquentation, au total, sa familiarité prolongée est saine pour l’esprit et rassérénante (sain est un mot qu’il aime). […] Aussi ses rapports personnels avec Gœthe, tout en étant bons et parfaitement convenables, s’en trouvaient quelquefois un peu gênés : « Tieck, disait Gœthe à ce propos, est un talent d’une haute signification (très-significatif, c’était encore un des mots favoris de Gœthe), et personne ne peut mieux que moi reconnaître ses mérites extraordinaires ; mais si on veut l’élever au-dessus de lui-même et l’égaler à moi, on se trompe. […] Les hommes ne savent accepter avec reconnaissance ni de Dieu, ni de la Nature, ni d’un de leurs semblables, les trésors sans prix. » Mais ce ne sont pas seulement nos grands auteurs qui l’occupent et qui fixent son attention ; il va jusqu’à s’inquiéter des plus secondaires et des plus petits de ce temps-là, d’un abbé d’Olivet, d’un abbé Trublet, d’un abbé Le Blanc, et de ce dernier il a dit ce mot qui est bien à la française : « Ce Le Blanc était un homme très-médiocre, et pourtant il ne fut pas de l’Académie52… » Cependant la France changeait ; après les déchirements et les catastrophes sociales, elle accomplissait, littérairement aussi, sa métamorphose. […] L’exactitude m’oblige pourtant à remarquer que ce mot, tel que je le cite d’après un ancien traducteur, a été un peu arrangé en français.
Lebrun, entre les divers poètes de notre âge ou de l’âge précédent, est particulière, et je la rappellerai en peu de mots. […] « Je crois vraiment que l’esprit qui anime nos soldats se communique aux poètes ; depuis huit jours la guerre est commencée, et la bataille d’Iéna a presque déjà terminé la campagne. » J’ai cité le passage, surtout à cause de ces derniers mots. […] Quant à sa poésie elle-même, un dernier mot. […] Une telle poésie existe de droit et se justifie à elle seule. — Poésie modérée, bien que depuis lors nous en connaissions une autre, grande, magnifique, souveraine, et que nous nous inclinions devant, et que nous l’admirions en ses sublimes endroits ; — poésie d’entre-deux, moins vive, moins imaginative, restée plus purement gauloise ou française, plus conforme à ce que nous étions et avant Malherbe et après ; — poésie qui n’es pas pour cela la poésie académique ni le lieu commun, et qui as en toi ton inspiration bien présente ; qui, à défaut d’images continues, possèdes et as pour ressources, à ton usage, le juste et ferme emploi des mots, la vigueur du tour, la fierté du mouvement ou la naïveté du jet ; poésie qui te composes de raison et de sensibilité unies, combinées, exprimées avec émotion, rendues avec harmonie ; puisses-tu, à ton degré et à ton heure, à côté de la poésie éclatante et suprême, te maintenir toujours, ne cesser jamais d’exister parmi nous, et d’être honorée chez ceux qui t’ont cultivée avec amour et candeur ! […] C’est le mot de Chateaubriand dans René.
Combien d’hommes ont eu des impressions rares et des visions originales, dont nous ne saurons jamais rien, parce qu’ils étaient impuissants à les traduire par des mots ! […] Continuellement, quand il désespère de rendre en entier une impression, il emploie avec ingénuité les mots « étrange », « inexprimable », « indéfinissable ». Mais ces mots ne sont jamais vides chez lui : ses tableaux sont si précis que ces mots vagues, loin de les affaiblir, les achèvent, les continuent en un prolongement de rêve. […] Nous ne pouvons point contrôler ces peintures ; cette abondance de détails ne se rapporte à rien de ce que nous connaissons… » Dirai-je que j’ai cet enfantillage, de trouver des charmes au mystère de ces mots ?
J’en rencontre quelquefois le mot, et il y a un grand débat entre les réalistes et les nominaux, pour savoir si l’humanité est une réalité ou un nom, une abstraction réalisée ou une commodité de la parole. […] Ce grand mot plane en quelque manière sur toute l’époque, mais on ne pénètre pas dans la chose ; et, parmi tant de philosophes, il n’en est pas un qui soit tenté un jour de n’être qu’un moraliste. […] Elle n’analyse pas, elle ne pénètre pas dans les plis du cœur ; d’un mot, elle règle toute une suite de mouvements qui naissent les uns des autres ; une même prescription s’étend à toutes les sortes d’infractions possibles. […] L’homme dans les philosophes, c’est un genre ; seulement, pour les uns, ce genre n’est qu’un vain mot ; pour les autres, c’est une abstraction réalisée. […] Et même, à certains endroits où saint Bernard subtilise, le traducteur se contente, faute de comprendre le sens, de transporter les mots latins tout entiers dans la traduction après en avoir légèrement francisé l’orthographe.
Mais quand Beringhen, poussé par la réserve même qu’il rencontrait, eut dit positivement qu’il venait de la part de la reine, ce fut comme une baguette magique qui opéra : À ce mot, le fin Italien change de conduite et de langage, et passant tout à coup d’une extrême retenue à un grand épanouissement de cœur : « Monsieur, dit-il à Beringhen, je remets sans condition ma fortune entre les mains de la reine. […] Il n’avait pas l’âme royale, ce seul mot en dit assez. […] Le fils de Robert Walpole, Horace, prenant en main la défense de son père contre les ennemis qui l’avaient tant insulté, s’écriait un jour : Chesterfield, Pulteney et Bolingbroke, voilà les saints qui ont vilipendé mon père… voilà les patriotes qui ont combattu cet excellent homme, reconnu par tous les partis comme incapable de vengeance autant que ministre l’a jamais été, mais à qui son expérience de l’espèce humaine arracha un jour cette mémorable parole : « Que très peu d’hommes doivent devenir premiers ministres, car il ne convient pas qu’un trop grand nombre sachent combien les hommes sont méchants. » On pourrait appliquer cette parole à Mazarin lui-même, sauf le mot excellent homme qui suppose une sorte de cordialité, et qu’il ne méritait pas ; mais il est vrai de dire que c’étaient de singuliers juges d’honneur que les Montrésor, les Saint-Ibar, les Retz et tant d’autres, pour venir faire la leçon à Mazarin. […] s’il y a, dans ce regret de quitter de si belles choses et de si beaux tableaux, un semblant de la passion de l’Italien et du noble amateur, il y a un autre sentiment encore : si le premier mot semble d’un artiste, le second est d’un avare. […] En citant ce passage, par exemple, il s’arrête à ces mots : Adieu, chers tableaux que j’ai tant aimés !
À elle, il lui avait dit : « Professe et enseigne. » Jamais le mot de l’apôtre ne reçut un démenti plus formel : « Docere autem mulieri non permitto. […] Elle manifesta dès l’enfance l’instinct et l’enthousiasme de la pédagogie, à prendre ce mot dans le meilleur sens. […] En un mot, dans toute cette partie de sa carrière, elle se montra ingénieuse, inventive, pleine de verve et d’à-propos : elle avait rencontré vraiment la plénitude de son emploi et de son génie. […] Quant à ses œuvres littéraires, j’en dirai quelques mots, bien qu’on ne sache trop aujourd’hui à quoi s’arrêter. […] Pourtant, tout avertit qu’on est dans un monde imaginaire : ces personnages s’attendrissent pour rien ; leurs genoux fléchissent, ils soupirent, ils chancellent sans qu’il y ait de quoi ; l’émotion prodiguée n’est que dans les mots.
Il avait des mots d’habitude et qui revenaient volontiers sur ses lèvres. […] Il n’était pas de ceux qui affectent une parole brève, sentencieuse et courte, et il accusait précisément de cet abus la langue de la fin du xviiie siècle : « Sous, prétexte de dire beaucoup de choses en peu de mots, écrit-il, on a multiplié les verbes, on a diminué les expressions moelleuses et mesurées qui marquaient les nuances. » Me pardonnera-t-on d’entremêler ainsi des remarques de langage à celles qui portent sur les plus grands objets de l’intérêt social ? […] Ces simples paroles qu’il a replacées depuis dans un discours public, mais dont on a ici la clef, nous rendent au vrai la définition des deux natures, et Portalis, sans y viser, s’y peignait fidèlement dans les derniers mots aussi bien que dans les suivants : La sagesse est l’heureux résultat de nos lumières naturelles et des leçons que nous recevons de l’expérience. […] Il avait poussé la chicane jusqu’à reprocher aux rédacteurs du Code d’avoir dit dans une phrase : « Le bon sens, la raison, le bien public ne permettent pas, etc. », comme si c’était une pure redondance ; à quoi Portalis répliquait : Nous ne nous engagerons pas dans la question, si la langue française admet ou n’admet pas des mots synonymes ; mais nous dirons que le bon sens et la raison diffèrent, en ce que le propre de la raison est de découvrir les principes, et que le propre du bon sens est de ne jamais les isoler des convenances. […] C’était là le vrai mot de la situation, et Portalis l’a trouvé72.
Sa fin est toute dramatique, et l’historien en a marqué le caractère en quelques mots qu’il n’avait qu’à pousser un peu pour atteindre, au drame ; mais M. […] En un mot, ce talent, à tous les premiers pas qu’il a faits dans son retour à la réalité et à la nature, s’est méfié et a dû appuyer. […] Mérimée historien sans dire au moins un mot de lui comme romancier et auteur de nouvelles. […] Je n’essayerai point de détacher les mots de passion et de réalité admirablement jetés, et qu’il faut voir en place et encadrés comme ils sont. […] Pour peindre la douceur de l’habitude, par exemple, M. de Musset dira : Les amants qui ne se voient qu’à de longs intervalles ne sont jamais sûrs de s’entendre ; ils se préparent à être heureux, ils veulent se convaincre mutuellement qu’ils le sont, et ils cherchent ce qui est introuvable, c’est-à-dire des mots pour exprimer ce qu’ils sentent.
. — Le mot était Vol-taire. […] Ces hommes ne disaient pas un mot, et n’avaient pas de lumière. […] Cependant il y a un autre public, d’autres appréciateurs, d’autres juges, dont il a été dit un mot tout à l’heure. […] Ce sont des lyriques, des coloristes, des enthousiastes, des fascinateurs, des possédés, des exaltés, des « enragés », nous avons lu le mot, des êtres, qui, lorsque tout le monde est petit, ont la manie de « faire grand ». […] Le beau existe tellement par lui-même qu’il n’a, certes, nul besoin d’orgueil ; mais qu’importe, la médiocrité humaine étant donnée, il humilie en même temps qu’il enchante ; il semble que naturellement la beauté soit un vase à orgueil, on l’en suppose remplie, on cherche à se venger du plaisir qu’elle vous fait, et ce mot, superbe, finit par avoir deux sens, dont l’un met en défiance contre l’autre.
Le mot est de Joseph de Maistre. […] Et ne fallait-il pas enfin qu’en prose comme en vers, à la liberté du choix des mots répondît la liberté du tour ? […] Servons-nous ici du seul mot qui convienne. […] On ne le savait pas davantage aux environs de 1840, et le mot lui-même de « socialisme » n’était alors qu’un barbarisme d’invention récente. […] Précisons bien le sens de ce mot !
Il conclut d’une quantité d’exemples que, des deux mots proscrits par la Gazette puriste, le premier, c’est-à-dire reso, est du très-bon italien, tout à fait usité et recommandable, et que le second, sortire pour uscire, est italien aussi, mais de bas aloi. […] Mais de plus lui-même, sans s’en douter, il avait gardé du christianisme en lui ; les anciens n’aimaient pas, à ce degré de passion qu’on lui verra, l’amour et la mort : quelques-unes de ses pièces semblent être d’un Pétrarque incrédule et athée (pardon d’associer ces mots !) […] Nous oserons en reproduire quelques-unes en vers, prévenant le lecteur, une fois pour toutes, que nous savons toute l’infériorité de l’imitation, que nous avons par instants paraphrasé plutôt que traduit, et que bien souvent, par exemple, nous avons mis cinq mots là où il n’y en a que trois. Chez Leopardi, je le rappelle, pas un mot inutile n’est accordé ni à la nécessité du rhythme ni à l’entraînement de l’harmonie : la simplicité grecque primitive diffère peu de celle qu’il a gardée et qu’il observe religieusement dans sa forme. […] Ce petit traité fait songer à celui de Cicéron sur la Gloire, qu’on a perdu ; il en est la réfutation subsistante. — Sous le titre des Dits mémorables de Philippe Ottonieri, Leopardi nous donne son propre portrait en Socrate, ses propres maximes pratiques ; c’est là encore qu’on sent à chaque mot un Ancien né trop tard et dépaysé.
Maintenant que l’ennemi, épuisé, se bornait à une canonnade, il résolut de reconnaître de ses yeux l’île de Lobau, d’y choisir le meilleur emplacement pour l’armée, d’y faire en un mot toutes les dispositions de retraite. […] Mais de chaque scène de ce grand drame il ne sort de la bouche de l’historien qu’un léger blâme pour ce héros emporté trop loin par son génie, et toujours ce mot de génie appliqué aux plus ruineuses folies du monde, et toujours ce mot de gloire jeté comme une amnistie de la justice sur les plus lugubres catastrophes de l’humanité ! […] En un mot, ce qu’on appelle vertu publique se sera-t-il accru d’un atome dans votre âme et dans l’âme des générations à venir ? […] Qu’est-ce, en effet, qu’un gouvernement dans l’acception métaphysique de ce grand mot ? […] Égoïsme, c’est le dernier mot de cette histoire ; dévouement, c’est le dernier mot de la vraie grandeur.
Il est vrai, dit-il, que le mot calendes a été quelquefois écrit Q. […] 11 par un K, mais c’est une faute, car dans les meilleurs exemplaires ce mot est toujours écrit par un C. […] Mais, dit-on, cela ferait disparaître les partis parmi nous, on ne parlerait plus de Haute et Basse-Église, etc… Si l’on effaçait dans le dictionnaire, répond Swift, avec un admirable bon sens, les mots de débauche, ivresse, vol, serions-nous le lendemain chastes, tempérants et honnêtes, ou sains, si l’on effaçait les mots de pierre et de goutte. […] L’on ne manquera jamais de mots convenus ou créés pour distinguer ceux qui sont au ministère de ceux qui veulent y arriver. […] Aussitôt Swift partit avec cette lettre pour Cellbridge, entra chez Vanessa, jeta cette lettre sur la table, et sortit sans lui dire un seul mot.
Dans l’idée d’intensité, et même dans le mot qui la traduit, on trouvera l’image d’une contraction présente et par conséquent d’une dilatation future, l’image d’une étendue virtuelle et, si l’on pouvait parler ainsi, d’un espace comprimé. […] Mais cette représentation toute dynamique répugne à la conscience réfléchie, parce qu’elle aime les distinctions tranchées, qui s’expriment sans peine par des mots, et les choses aux contours bien définis, comme celles qu’on aperçoit dans l’espace. […] Il n’est pas douteux que ces couleurs nous apparaîtraient alors comme autant de notes d’une gamme, comme des degrés plus ou moins élevés dans une échelle, comme des grandeurs en un mot. […] En un mot, la psychophysique de M. […] L’erreur de Fechner, disions-nous, était d’avoir cru à un intervalle entre deux sensations successives S et S′, alors que de l’une à l’autre il y a simplement passage, et non pas différence au sens arithmétique du mot.
Un mot d’Addison va la justifier et vous la faire entendre : « L’affaire du genre humain dans cette vie, dit-il, est bien plutôt d’agir que de savoir923. » Or, une pareille philosophie est aussi utile dans l’action que plate dans la science. […] Figurez-vous des hommes du monde qui lisent une page entre deux bouchées de gâteau927, des dames qui interrompent une phrase pour demander l’heure du bal : trois mots spéciaux ou savants leur feraient jeter le journal. […] Il veut des mots exacts qui expriment les fines nuances de la pensée, et des mots mesurés qui écartent les impressions choquantes ou extrêmes. […] Il demande des alliances de mots qui, présentant une idée connue sous une forme piquante, l’enfoncent vivement dans son imagination distraite. […] Il se traîne en phrases longues et trop uniformes ; sa période est trop carrée ; on pourrait l’alléger de tout un bagage de mots inutiles.
J’appellerais cela une coquetterie vertueuse, si la plus noble de toutes les épithètes pouvait relever le mot de coquetterie. […] Elle va se retirer ; Pyrrhus l’arrête par ce mot cruel : … Allons aux Grecs livrer le fils d’Hector. […] Mais cette coquetterie, puisque j’ai eu besoin de ce mot, dans l’une est le manège innocent d’une mère qui fait servir sa beauté à la défense de son fils ; dans l’autre une ruse inspirée par une passion furieuse. […] Il faut le prendre au mot. […] On a dit qu’il avait créé d’innombrables rapports de mots ; qu’il avait été tout à la fois le plus hardi et le plus sage des novateurs ; qu’aucun n’a plus risqué que lui ; qu’il excelle dans le style elliptique.
L’artiste est d’autant plus grand qu’il nous fait deviner plus de choses sous chaque mot qu’il prononce, sous chaque objet qu’il nous montre. […] » Buffon demande aussi aux animaux et aux plantes : — Avez-vous de la grandeur, de la proportion, de l’élégance ; avez-vous, en un mot, le decor des Latins ? […] Là est la grande erreur des romantiques, et de Victor Hugo dans ses mauvais moments : ils ont cru que le mot qui frappe était tout, que le pittoresque était le fond même de l’art. Ils se sont arrêtés éblouis devant les mots, comme les esclaves révoltés de la Tempête devant les haillons dorés suspendus à la porte de la caverne. […] En un mot, le sentiment dominateur fait seul l’unité de la description et peut seul la rendre sympathique.
Dans ces quelques mots, que de cérémonies et de cavalcades ! […] j’étais toute fringante, et belle, et riche, et jeune et bien née. » Quel mot ! […] Vieille fille, quel vilain mot ai-je dit là ? […] J’aurais voulu traduire : « Elle réprimait les bruits de l’estomac. » — Mais le mot propre est naïf dans l’original. […] Mot de Skelton.
Les mêmes mots chez eux signifient des choses opposées, mais les mots employés par Bernardin de Saint-Pierre étaient les mots: Dieu, Providence et Religion. […] Il terminait sa lettre par ces mots: « Je pense comme vous ; et, pour aimer, l’éternité ne me paraît pas trop longue. […] Le son seul de sa voix et sa physionomie douce et ascétique ne pouvaient être exprimés que par le mot dantique ou romain: Vertu. […] Cette espèce de mémoire fut fait d’inspiration ; il n’y a que peu de mots d’effacés dans le brouillon, qui est sous nos yeux, et que l’auteur ne recopia jamais. […] En deux mots, c’est l’écrivain français de la vérité.
Le mot lui ressemble, et par son impersonnalité, il atteint à une certaine grandeur. […] Il y a là une claque qui semble officier, et des renversements d’extase et des pâmoisons de plaisir qui rabâchent à chaque mot : « Adorable ! […] J’ai pensé au mot de Duclos. […] » ces gestes de componction triste, et ces paroles qui se plaignent avec des mots vides. […] Et le mot : « Adieu » et il nous retend les deux mains, retournant la tête au mur.
— C’est bien, lui dis-je, je suis satisfait ; ce mot de vous me donne confiance. […] Souvenez-vous du mot de Danton, appliqué à un crime ; appliquons-le à une vertu : Périsse notre nom et que la France soit sauvée ! […] Vous m’avez comparé, dans un de vos écrits, à M. de Talleyrand : on a ri de vous et de moi ; mais ce mot prouve que vous m’avez mieux regardé que bien d’autres. […] Ceci, du reste, n’est qu’une supposition de ma part ; jamais un seul mot de lui ne m’a donné le droit d’une conjecture à cet égard. […] Le misereor super turbam , ce mot de l’Évangile, était devenu le sien.
En fait de théâtre, c’était le Palais-Royal qui se chargeait de lancer le mot croustillant par l’intermédiaire de Mlle Déjazet et de ses camarades. […] Seulement, bien que le latin brave l’honnêteté, Saint-Augustin s’est abstenu d’employer le mot cru. […] On ne saurait être choqué, en le lisant, par aucun mot grossier, obscène, ni même vulgaire. […] Ajoutons que la science n’a pas dit son dernier mot. […] Les enthousiastes, les fanatiques, les zolâtres, en un mot, l’appellent artiste incomparable, merveilleux écrivain.
Malherbe s’est tout d’abord vanté, on s’en souvient, d’aller prendre les mots de son vocabulaire parmi les portefaix du port au foin et dans le peuple des halles. […] En un mot, jamais il ne serait venu à l’idée de personne, pour louer leurs vers, de dire ce que M. de Buffon disait des beaux vers français : Cela est beau comme de la belle prose.
Et ces insipides mots drôles, si laborieux. […] Pas de mots, des actes.
J’en ai pesé chaque mot avec le plus grand soin ; c’est ma profession de foi en ce qui touche les choses humaines, et, quand la civilisation moderne aura sombré par suite de l’équivoque funeste de ces mots : nation, nationalité, race, je désire qu’on se souvienne de ces vingt pages-là.
Le Maître de la maison se plaisoit fort à y débiter son savoir : il arrivoit souvent que les Auditeurs ne trouvoient pas l’occasion de placer un seul mot, & s’en retournoient sans avoir fait autre chose qu’écouter. […] Par son secours, il se trouvoit en état de citer à tout propos & sur toutes sortes de sujets, des morceaux Grecs, Latins, Italiens, François, quantité d’Historiettes & de Bons Mots qu’il avoit appris, soit dans les livres, soit dans les sociétés.
Scholl, un amusant et brillant ferrailleur de la parole, un verveux et nerveux causeur, qui, de temps en temps, a des mots qui sont, comme des coups de garcette, mais donnés toutefois avec une grâce en leur férocité. […] Il fallait entendre Flaubert parler de l’esprit ; et sans que cela s’exprime par des mots, je sens chez d’autres amis, l’espèce d’indulgent apitoiement, qu’ils éprouvent pour ma toquade de l’art. […] Puis, tout à coup, la tablée des philosophes et des politiciens se met à batailler à côté des deux termes : infini et indéfini, faisant sonner de grands mots ayant l’air d’idées, mais qui ne sont que des sonorités vides et retentissantes. […] Daudet lui fait remarquer le drolatique de l’excuse d’un homme, qui se trouve moins coupable, en prenant un secrétaire de ses injures, et ajoute quelques mots sévères qui font prendre congé de Daudet par Belot, en ces termes : « Adieu, monsieur Daudet ! […] » — C’est un beau mot de savant.
Laya le redit à sa manière, presque dans les mêmes termes : “Mon père a le meilleur cœur du monde ; mais il n’a pas ces allures larges, cette science des hommes qui se résume en un mot : l’indulgence.” […] Il a été dit, au sein de la commission, beaucoup de choses très fines et très ingénieuses sur les mérites de l’ouvrage en ce sens ; ample justice a été rendue à ces quatre premiers actes surtout, qui sont presque en entier excellents, si nets d’allure et de langage, coupés dans le vif, semés de mots piquants ou acérés, et d’une comédie toute prise dans l’observation directe et dans une réalité flagrante. […] Ces jugements, tout favorables à l’ouvrage, et dans lesquels on s’appuyait de l’aversion non douteuse que devaient produire sur les cœurs droits et les esprits bien faits ces odieux personnages et leurs manèges honteux si fidèlement représentés, venaient se résumer dans un seul mot : “C’est une pièce a où l’on ne mènera certes pas sa fille, mais on pourra y conduire son fils.”
Devenu évêque, et absent depuis bien des années, il s’est empressé de se déclarer un peu vite et un peu à l’étourdie vraiment (si un tel mot est permis à l’égard de ces graves personnages) contre une institution qu’il ne connaissait pas encore. […] Il m’est arrivé quelquefois de causer littérature avec des personnes du sexe, réputées d’ailleurs fort instruites, et dont quelques-unes même étaient ou avaient été des institutrices distinguées ; elles savaient des mots, des définitions qu’elles répétaient de confiance ; elles avaient lu des extraits, elles en étaient presque toutes plus ou moins aux morceaux choisis de Noël et Laplace. […] On a là sur l’Iliade, sur la question homérique, sur le degré et la nuance d’originalité de l’Énéide, sur cette autre originalité un peu rude et barbare, mais puissante et pleine de sève, qui se révèle dans la chanson de Roland à Roncevaux, on a le dernier mot de la critique sous forme rapide et sobrement élégante.
Ces vers sont mâles comme le latin, femelles comme l’italien, transparents pour le français comme des mots de famille qui se reconnaissent à travers quelque différence d’accent. […] Depuis André Chénier, on n’a rien vu, — si ce n’est les chants grecs publiés par Fauriel, — d’une telle pureté de galbe antique, rien de plus gracieux et de plus fort dans le sens le plus juste de ces deux mots, qui expriment les deux grandes faces de tout art et de toute pensée. […] Léon Daudet Et la grande gloire de ce siècle sera non pas le romantisme, exaltation certes, mais exaltation trop verbale, exaltation à lacunes, exaltation congestive où la trajectoire des mots dépasse la trajectoire des idées.
Il a voulu mettre de l’art dans chaque page, dans chaque phrase et presque dans chaque mot. […] Le poète méditait de donner à un nouveau recueil le titre d’Élévation, qui, par une mystérieuse ressemblance des mots, impliquait l’idée d’un office divin. […] Ni les images, ni les mots ne s’empressent d’eux-mêmes à son service, ou n’obéissent à l’appel de sa pensée, mais il lui faut les attendre ou les chercher ; et il ne les trouve pas toujours.
Après avoir adopté le mot du Duc de Bourgogne, que Corneille étoit plus homme de génie, & Racine plus homme d’esprit, « Un Homme de génie, ajoute-t-il, ne doit rien aux préceptes, & quand il le voudroit, il ne sauroit presque s’en aider : il se passe de modeles, & quand on lui en proposeroit, peut-être ne sauroit-il en profiter : il est déterminé, par une force d’instinct, à ce qu’il fait & à la maniere dont il le fait. […] Corneille n’est que Poëte ; il ne l’est même que dans ses Tragédies, à prendre le mot de Poëte dans le sens d’Horace *. […] Or il s’agissoit de savoir par où Corneille & Racine devoient être caractérisés ; & après avoir vu ce que les Critiques ont pensé sur ce sujet, j’en suis revenu au mot de M. le Duc de Bourgogne ».
Je n’ai jamais été bien fait que par un pauvre diable appelé Garant, qui m’attrapa, comme il arrive à un sot qui dit un bon mot. […] Le mot, (…), me rappelle un conte de l’abbé Galiani. […] Michel apprend ce désastre, et le premier mot qui lui vient à la bouche, c’est, j’ai perdu un bon ami. cela vaut bien un bon tableau.
Il est des mots qui ont été tracés par des plumes si puissantes qu’après ces plumes-là il est dangereux de les écrire. […] Les passions, avec leur mot haineux de « châtiment de la Providence », les poètes, avec leur mot trop employé de « météore », avaient égaré l’opinion.
il ne s’agissait que d’être un homme simple et droit, que la Philosophie n’aurait pas gauchi à l’avance, pour recevoir pleinement dans son âme l’impression de ces faits énormes, sans analogues dans l’histoire, et avec lesquels on se croit quitte quand on a prononcé d’une certaine manière les mots bien vite dits de Barbarie et de Féodalité. […] Or, pouvons-nous dire que Labutte voit juste, dans l’acception la plus modeste de ce mot, quand, par exemple, il parle de l’enthousiasme des croisades, la grande-passion mystique du Moyen Âge, avec le dédain rabougri qui l’appelle insolemment une espèce de contagion morale , par peur du mot peste apparemment ?
… J’ai dit effrayant, et c’est un autre mot que j’aurais dû dire. […] il n’est pas possible d’être, implicitement mais plus clairement, matérialiste dans le sens le plus épais du mot, quoique Taine subtilise et prétende ailleurs : « que la matière, substance douée de force, n’existe pas… ». […] Mais, encore une fois, la punition de cela, le sans inconvénient de cela, c’est l’ennui, l’ennui qui sort de ces pages sèches, où il n’y a que des mots sans vie et des abstractions scientifiques.
Mot mal choisi, que leur prétention a imposé même à ceux qui n’admettent pas leur prétention. […] Nous ne disons plus avec la grossière brutalité de Cabanis : « La pensée n’est dans l’homme qu’un excrément de son cerveau » Mais nous disons philosophiquement et exactement la même chose, avec des mots différents et un autre style. […] Chose expiatrice des criminels égarements de ce livre, les derniers mots en sont une prière.
De la famille composée des parents et des enfants, sans esclaves ni serviteurs Les héros sentirent, par l’instinct de la nature humaine, les deux vérités qui constituent toute la science économique, et que les Latins conservèrent dans les mots educere, educare, relatifs, l’un à l’éducation de l’âme, l’autre à celle du corps. […] De là les premières associations furent dites par les Grecs φρατρίαι, (peut-être de φρέαρ, puits), comme les premiers villages furent appelés pagi par les Latins, du mot πάγη, fontaine. […] Ce mot liberi signifia aussi d’abord nobles : les arts libéraux sont les arts nobles ; liberalis répond à l’italien gentile.
Il n’y manque que le mot. […] L’homme primitif est un vain mot, ou c’est Adam. […] C’est son dernier mot. […] La grâce de ce malheureux est dans ce mot. […] Dans la première hypothèse le mot éducation doit être rayé du vocabulaire humain.
Les Anglais n’ont aucune idée de la patrie dans l’acception latine de ce mot. […] L’art des nuances semble lui être inconnu, et le mot qu’il choisit est inévitablement le plus accentué. […] Il ne lui faut que des mots tranchés faisant formule, des mots qui emprisonnent un auteur dans une catégorie, marquent sa place avec une netteté qui ne laisse pas le doute, des mots définitifs et absolus comme une solution mathématique. […] Pendant ce dîner, il lui échappa un mot plus vraiment héroïque que la fanfaronnade du cavalier espagnol, un mot qui résume bien sa nature active et militaire. […] Un dernier mot.
L’enthousiasme paraissait être l’état le plus habituel de son âme et le mot qui l’exprime revient fréquemment sous sa plume. […] Dès son enfance, elle avait conçu pour lui, je répète le mot qui lui était cher, un enthousiasme ardent. […] L’une est l’auteur d’Adèle de Sénanges (1793) et je n’en veux dire qu’un mot. […] Ce mot de désenchantement nous rappelle par contraste un roman qui a pour titre le mot opposé, mais qui contient aussi, dans son désordre capricieux, plus d’une allusion à l’état maladif dont je suis les traces. […] mot funèbre !
Sur quoi chacun a dit son mot. […] Et ma tendance en général aussi, est de faire X doux dans l’intérieur du mot, comme dans j’exerce. […] C’est à elle que Voltaire dit le fameux mot qui a fait fortune. […] Il faudrait que son sort fût réglé au » moins en quelques mots. […] En un mot, c’est le personnage sympathique.
Cet article est déjà trop long ; mais il faut encore ajouter un mot. […] Je ne crois pas que le sentiment ait jamais fait entendre un cri plus sublime que ces trois mots d’Andromaque. […] Voilà en peu de mots le secret et le résultat de la poétique de madame de Staël. […] « Les comparaisons de la Bible sont presque toutes rendues en quelques mots. […] La phrase, en un mot, est toujours d’accord avec ce qu’elle doit exprimer.
Paul Verlaine Génie, le mot ne semblera pas trop fort à ceux assez nombreux qui ont lu ses pages impressionnantes à tant de titres, et ces lecteurs, je les traite d’assez nombreux en vertu de la clarté, même un peu nette, un peu brutale, et du bon sens parfois aigu, paradoxalement dur, toujours à l’action, qui caractérise sa manière si originale d’ailleurs. […] C’est l’œuvre d’un patient ciseleur de rimes, amoureux des mots scintillants, qui, avec un grand fond de tendresse, souvent se plaît à voir la nature et l’âme comme à travers un prisme, qui cherche à saisir le caprice de la couleur et du reflet.
Albert Mérat excelle à produire, avec l’harmonie prestigieuse des mots, l’illusion des choses ; il semble à première vue qu’une idée habite des sonnets si élégamment construits. […] Depuis ses premiers recueils, il a marché à pas de géant ; maintenant son vers, précis et correct, a toujours le ton juste, le mot décisif qui ouvre un monde d’idées et de rêves, et la netteté d’expression qui est le signe et comme la marque du bon ouvrier.
Nous les avons portraiturés, ces hommes, ces femmes, dans leurs ressemblances du jour et de l’heure, les reprenant au cours de notre journal, les remontrant plus tard sous des aspects différents, et, selon qu’ils changeaient et se modifiaient, désirant ne point imiter les faiseurs de mémoires qui présentent leurs figures historiques, peintes en bloc et d’une seule pièce, ou peintes avec des couleurs refroidies par l’éloignement et l’enfoncement de la rencontre, — ambitieux, en un mot, de représenter l’ondoyante humanité dans sa vérité momentanée. […] Et, dans ce travail qui voulait avant tout faire vivant d’après un ressouvenir encore chaud, dans ce travail jeté à la hâte sur le papier et qui n’a pas été toujours relu — vaillent que vaillent la syntaxe au petit bonheur, et le mot qui n’a pas de passeport — nous avons toujours préféré la phrase et l’expression qui émoussaient et académisaient le moins le vif de nos sensations, la fierté de nos idées.
Nous les avons portraiturés, ces hommes, ces femmes, dans leurs ressemblances du jour et de l’heure, les reprenant au cours de notre journal, les remontrant plus tard sous des aspects différents, et, selon qu’ils changeaient et se modifiaient, désirant ne point imiter les faiseurs de mémoires qui présentent leurs figures historiques, peintes en bloc et d’une seule pièce, ou peintes avec des couleurs refroidies par l’éloignement et l’enfoncement de la rencontre, — ambitieux, en un mot, de représenter l’ondoyante humanité dans sa vérité momentanée. […] Et, dans ce travail qui voulait avant tout faire vivant d’après un ressouvenir encore chaud, dans ce travail jeté à la hâte sur le papier et qui n’a pas été toujours relu — vaillent que vaillent la syntaxe au petit bonheur, et le mot qui n’a pas de passeport — nous avons toujours préféré la phrase et l’expression qui émoussaient et académisaient le moins le vif de nos sensations, la fierté de nos idées.
Le poëte comique nous expose quelles sont les suites de cette ignorance de soi-même parmi le commun des hommes dont le ressentiment est asservi aux loix, et dont les passions propres au théatre ne sçauroient produire que des broüilleries, en un mot des projets et des évenemens ordinaires. […] Mais la comedie, suivant la définition d’Aristote est l’imitation du ridicule des hommes ; et la tragedie, suivant la signification qu’on donnoit à ce mot, est l’imitation de la vie et du discours des heros ou des hommes sujets par leur élevation aux passions les plus violentes.
*** Voici un mot de M. […] — Amuse, n’est pas le mot, répliqua le pompier ; la pièce est assez… . […] — C’est mademoiselle qui vient de dire un mot. […] Il causera tout haut, émaillant sa conversation de noms propres et de mots qui ne le sont pas. […] je suis plus riche que toi ; j’en sais une quinzaine de mots. — Nous les partagerons en frères.
La plupart des mots qu’on a conservés de lui sont excellents. […] Il a des mots et des gestes à la Napoléon. […] C’est, j’en suis persuadé, surtout pour ce mot que Racine écrit sa première réponse. […] … » Elle prononce des mots irréparables. […] Un mot. — Non. — Dans quel trouble elle jette mon âme !
Ce mot, il ne l’a jamais. […] Ils n’ont jamais, ni l’un ni l’autre, un seul mot, un seul petit mot de ce genre. « De mon temps, on avait Dieu », dit le marquis d’Auberive à sa femme. […] Au fond, je n’en crois pas un mot. […] En un mot, il est despotiste démocrate, ou plutôt il est démocrate dans le sens précis du mot. […] Elle était figurée par le mot d’Horace : « Tot capita, tot sensus.
Les mots d’amour de la nature n’auraient aucun sens, pour lui. […] Le mot lui convient si peu ! […] Pas un mot de trop. […] En chemise et la corde au cou, il refusa de prononcer ces mots. […] Alors que l’érudition allemande, selon le mot de M.
Il est provocant surtout dans les mots. […] Ces mots sont peu élégants, mais clairs. […] Les mots et les arguties sur des mots ont un rôle excessif dans la métaphysique de M. […] Le mot de cantate est tout à fait juste. […] A chaque instant, d’un mot ou d’une allusion, MM.
On pourrait retourner le mot de Boileau : ce qu’on a une fois énoncé se conçoit plus clairement, et s’énoncera mieux une autre fois. […] En un mot, au lieu de se persuader qu’on a affaire à de purs esprits et à des axiomes universels, on croira qu’on a devant soi un individu vivant, en qui tout est borné et relatif, chez qui les affections, les habitudes, la disposition physique font échec à la vérité ; on prendra la parole qu’on entend pour le signe de l’âme qu’on ne voit ni n’entend ; on tâchera par elle de deviner ce qu’est l’invisible personne qui ne se laisse jamais atteindre que par le dehors.
Damiron, il manque l’atmosphère où baignent ces idées qui ne sont quelquefois que des sentiments, il manque toute une portion, intraduisible en langue abstraite, de leur profondeur, de leurs horizons, de leur lumière ou de leur crépuscule, en un mot de leur vie. […] Ballanche est chrétien, ceci mérite pourtant quelques mots. […] Barchou de Penhoën dans la Revue des Deux Mondes, M. de Lavergne à Toulouse14. — Nous dirons quelques mots de l’Orphée. […] Ballanche vit plus d’une fois, bien que rarement, Fabre d’Olivet dont les idées l’attiraient assez, s’il ne les avait senties toujours retranchées derrière une science peu vérifiable et gardées par une morgue qui ne livre jamais son dernier mot. […] J’en ai déjà dit un mot dans une note de l’appendice sur Béranger (t.
Nous allons donc discuter en quelques mots, avec nos lecteurs, ces deux chapitres de l’histoire de M. […] Or l’historien, dans ses propres phrases à la louange de cet acte, révèle la nature vraie de cet acte à chaque mot. […] C’est contre ce petit nombre d’âmes libres et stoïques, quoique modérées, que le premier Consul éclate en impatience et qu’il invente le mot d’idéologues, comme l’injure la plus expressive qu’on puisse adresser à des hommes qui font abstraction de l’expérience en matière de gouvernement. […] Tacite n’a qu’un mot, M. Thiers a cent pages ; mais de ces cent pages résulte dans l’âme le mot de Tacite : le mépris délayé à grande eau se retrouve au fond du vase et la moralité n’a rien perdu.
Il lui semble, en un mot, voir jusque dans cette docilité son orgueil qui se transforme, s’il faut ainsi dire, en Ange de lumière, pour avoir de quoi vivre. […] Arnauld, les autres à M. de Saci ; mais je ne le crois pas de ce dernier, il n’écrit pas si bien. » A ce mot, Arnauld oubliant le rôle de son habit et secouant vivement son ample perruque : « Que voulez-vous dire, monsieur ? […] Elle avait ses ennemis, ses envieux ; des mots blessants ou même insultants lui arrivaient ; elle souffrait tout, et elle disait à Dieu : Frappe encore ! […] Oraison funèbre d’Anne de Gonzague, depuis ces mots : « Pour la plonger entièrement dans l’amour du monde…, » jusqu’à cette phrase : « O éternel Roi des siècles, voilà ce qu’on vous préfère, voilà ce qui éblouit les âmes qu’on appelle grandes ! […] … » Mais je citerai plutôt quelques extraits de lettres sur la mort de notre pénitente ; on y retrouve surtout ce trait d’humilité que nous avons signalé ; pour qui connaît la rigueur de M. de Pontchâteau, le moindre mot d’éloge dans sa bouche a tout son prix : (17 avril 1679).
Ajoutons que ces esprits exquis sont en général des esprits classiques, adorateurs des traditions, imitateurs des modèles transmis par les âges, traducteurs des chefs-d’œuvre que l’antiquité nous a légués ; répugnant aux innovations de style toujours un peu désordonnées ou hasardeuses et faisant dresser l’oreille au goût, conservateurs un peu timides des formes du style ; ayant le culte respectueux du beau antique, sans en avoir le fanatisme ; classiques, en un mot, de caractère, d’éducation, d’habitude, derrière lesquels on peut marcher un peu lentement, mais avec lesquels on ne risque pas de s’égarer ; des guides des lettres, en un mot. […] Voici sa vie en deux mots. […] La fédération des puissances italiques, avec des institutions représentatives, était le mot vrai de la situation dans la Péninsule ; il n’a pas été prononcé à temps. […] De ces livres, quelques-uns sont exclusivement réservés aux érudits hellénistes ; d’autres contiennent, à côté des textes grecs, des commentaires anecdotiques qui mêlent avec grâce et naïveté l’homme au mot, et qui révèlent les mœurs des peuples par une leçon sur leur idiome. […] C’est surtout chez eux que réside cet honneur, dont vous avez inventé autrefois le mot en France, et qui n’existe point dans la langue anglaise.
Ces mots, elle avait épousé M. […] Les vers blancs sans rime dans lesquels il écrit ses tragédies sont une prose cadencée, qui ne donne pas même à l’oreille le plaisir de la difficulté vaincue et de la complète harmonie des mots. […] En contemplant Fabre, dont les traits spirituels, quoique vulgaires, rappelaient si fidèlement ceux de son amie, je me suis demandé souvent si la maternité n’était pas involontairement le vrai mot de ce mystère. […] En un mot, Mme d’Albany par son extérieur attristait, mais n’étonnait pas. […] Il ne lui reste à quarante-deux ans que des mots dans la tête ; il se met à traduire, ne pouvant plus rien composer.
Le mot indique la chose. […] Ces restes de l’esprit gaulois auraient cédé naturellement place à l’esprit français entrevoyant pour la première fois, sous les mots charmants de tragédie et de comédie, l’idéal d’un art que le dix-septième devait réaliser. […] Corneille lui-même se paye ici de mots ; car si don Sanche passe pour n’avoir point de naissance, il n’en est pas moins fils d’un roi ; la grandeur de son origine perce sous l’obscurité de sa condition présente. […] Va, je ne te hais point… Sors vainqueur d’un combat dont Chimène est le prix… Adieu, ce mot lâché me fait rougir de honte. […] Aristie insiste : Mais il est temps qu’un mot termine ces débats.
» De la littérature contemporaine, jamais un mot. […] Il ne manquait jamais l’occasion de placer devant moi son mot favori : « Un âne chargé de latin ! […] Homais arrivant d’emblée et avec si peu de peine au dernier mot de la philosophie, c’est bien dur à penser. […] Les mots talent, éclat, réputation eurent un sens pour moi. […] Durant quatre ans, une terrible lutte m’occupa tout entier, jusqu’à ce que ce mot, que je repoussai longtemps comme une obsession diabolique : « Cela n’est pas vrai !
(Appeler ce délire physique de l’amour, c’est blasphémer ce mot divin. ) « Elle s’élève toujours douloureuse et néanmoins déjà triomphante. » (Comment déjà triomphante ? […] » et cette fois la volonté était toute puissante, car c’était la volonté d’un roi. » Ensuite il parlait d’une quantité de choses à propos de cette action en trois actes, — c’est le mot qu’il substitue à celui d’opéra, — il revenait sur le temps de son séjour chez nous et se félicitait chaudement de l’insuccès de Tannhaeuser : langage bien différent de celui qu’il tiendra plus tard dans ses causeries avec madame Judith Gautier et dans sa lettre à M. […] Il ne suffit pas d’être rompu à la science et de se faire obéir ; il faut être artiste, et cette dispersion de la vie centrale, de l’expression générale dans toutes les parties ce l’édifice commun, ne se fait pas sans un sentiment profond de la vérité et de la passion, où l’âme éclate et rayonne. » En un mot, c’est le génie, et le génie dans ce qu’il a de plus spontané et de plus humain. […] Comme artiste, il aura enrichi dans une proportion énorme l’arsenal où les compositeurs viendront puiser leurs inspirations et leurs armes. » La prédiction s’est déjà vérifiée, et combien de musiciens dans le monde ont tâché de s’approprier ses formules, son style, en un mot le côté matériel de l’œuvre d’art de Richard Wagner, qui n’avaient malheureusement pas son génie et qui, n’ayant rien pu produire avec cet appareil emprunté, se sont retournés contre le novateur dès qu’ils l’ont vu gagner tant soit peu de terrain en France et devenir, sinon une menace immédiate, à tout le moins un lointain danger ! […] A cela on peut répondre : tout ce qui est grand est difficile et rare ; ou mieux encore, pour parler avec Berlioz : « Il serait vraiment déplorable que certaines œuvres fussent admirées par certaines gens. » Ces critiques-là ne sont plus nombreux aujourd’hui ; mais comme ils font tout ce qu’il faut pour justifier le mot si cruel de Berlioz !
Les images, les mots que le génie inspire, Où l’univers entier vit, se meut et respire, Source vaste et sublime et qu’on ne peut tarir, En foule en son cerveau se hâtent de courir. […] Et surtout il a donné droit de cité dans la langue poétique à une foule d’idées que l’on ne pouvait jusqu’alors traduire que par des périphrases, il a introduit de gré ou de force des mots légitimes et nécessaires, dont la proscription injuste obscurcissait le style et l’énervait. […] De cette traduction de Lucrèce nous ne dirons qu’un mot : elle révèle une industrie, une patience rares ; mais le vers, trop substantiel et plein de choses, est souvent rude et obscur. […] C’est ce qu’il a fait dans le poème de La Justice, le plus récent et le plus considérable de ses ouvrages, et dont lui-même a déterminé l’intention, expliqué le titre, marqué le caractère en quelques mots que nous devons recueillir. […] Tous ces mots sacrés n’ont de sens que pour l’homme ; la conscience est l’unique autel de la justice.
Il les a éprouvées toutes, toutes absolument, et il les a traduites avec une précision telle qu’aux amis de son œuvre surnaturelle chaque note est un mot, un mot certes plus expressif, au point de vue émotionnel, que ne le sont, au point de vue notionnel, les vocables d’un langage verbal. […] Ce n’est point les mots traduits : à quoi bon ? Sous les mots, le fond émotionnel de l’âme, celui seul que comportent ces mots. […] Qu’on lise tels airs de Richard cœur de Lion, « Je crains de lui parler la nuit … » « La danse n’est pas ce que j’aime … » les notes y ont la précision merveilleuse de mots ; et puis c’est un âge délicat et léger qui s’épand, tandis que sont inquiètement dandinées les phrases douces. […] Le dernier mot que Liszt aurait prononcé sur son lit de mort serait « Tristan ».
Presque tous se résument, d’ailleurs, dans le caractère du personnage favori de la comédie, de celui qu’elle proclame, à son dernier mot, « le plus honnête homme qui soit ». […] Retournez le titre d’un des chapitres de la Notre-Dame de Paris, de Victor Hugo, Golpes para Besos : toute la conduite d’Olivier de Jalin envers son ancienne maîtresse est dans ces trois mots. […] Au moindre mot, il se ferait une affaire avec M. de Nanjac, et il n’en a pas envie. […] La voilà peinte d’un trait, c’est un profil au fusain rose que ce mot-là. […] Aussi bien, au premier mot, Élisa se redresse et déclare qu’elle accepte la main de M.
Les mêmes effets doivent se reproduire sur toute la côte italienne ; et Virgile, composant les Géorgiques à Naples, voyait certainement se former dans le golfe les tempêtes qui venaient fondre sur les campagnes voisines. » Il est deux façons de commentateurs : ceux qui se resserrent, qui écrivent sur une marge étroite et y font tenir le plus de choses dans le moins de mots. […] En un mot, il croit sentir toute une ironie de Virgile dans le fonds d’idées prêtées à Thyrsis. […] Benoist change aussi le texte à sa manière, mais il ne me paraît pas sûr d’avoir trouvé le mot de l’énigme. […] Ce je ne sais quoi de mélancolique que le poète veut imprimer à la physionomie de son guerrier, il le grave et le condense dans cette répétition du domus alia qui fait la note fondamentale, et il prend l’idée de cette particularité rythmique, de cette répétition à effet, non dans le passage même d’Homère sur le guerrier mort, mais dix-huit vers plus haut, à l’endroit où Hector, se faisant fort de braver Achille, répétait coup sur coup à la fin et au commencement du vers les mêmes mots : « Dussent ses mains être comme la flamme… » Évidemment le voisinage des deux passages saillants lui a donné l’idée de les unir, de les combiner. […] Wagner, dans ces derniers mots de sa Préface, détournait et appliquait, moyennant un léger changement, à son maître Heyne les beaux vers que Virgile a mis dans la bouche d’Évandre, confiant à Énée son fils Pallas et l’envoyant apprendre le métier des armes sous le héros troyen : …………………..Sub ta tolerare magistro Militiam et grave Martis opus, tua cernero facta Adsuescat, primis et te miretur ab annis !
Peisse, comme Carrel l’a tenté lui-même dans de trop rares morceaux de littérature au National ; mais il le poursuit avec instance, sur les divers points, y revenant sans cesse à propos de tout : en un mot, c’est son rôle. […] Nisard l’accuse de donner des sens indéterminés et divers à certains mots qui, dans la latinité classique, sont, au contraire, dit-il, parfaitement déterminés et précis ; et il allègue le mot fides qui, bien loin de là, comme me l’assure mon ami, et comme mon propre instinct de simple amateur me le confirme, a naturellement tous ces sens divers, et est un de ces mots de magnifique latitude chez les meilleurs écrivains, comme laus, comme honos. […] Nisard ; il rappelle le mot de Chaulieu à Voltaire successeur de Villon, qui vaut mieux et prouve plus, dans sa légèreté. […] Cependant je veux ajouter quelques mots encore.
Au point de vue élevé où il se plaçait, et dans le regard sommaire sous lequel il embrassait et resserrait une longue suite d’événements, il arrivait à y saisir les points fixes, les nœuds essentiels, les lois, et déjà il laissait échapper de ces mots, de ces maximes, chez lui familières et fondamentales, qui exprimaient ce qu’on a pu appeler son système. […] Dès les premiers mots de la lecture, l’auditoire tout entier était conquis ; chacun se sentait saisi d’un intérêt sérieux et sous l’impression de cette parole qui grave, de cet accent qui creuse. […] Une seule fois, en 1833, il fut chargé d’une mission de confiance pour l’Espagne, à la mort de Ferdinand VII, et il alla porter à notre ambassadeur, M.de Rayneval, le mot du changement de politique dans les circonstances nouvelles que créait le rétablissement de la succession féminine. […] Nous avons à dire quelques mots des principaux écrits que nous venons d’énumérer ; mais, avant tout, nous parlerons de la manière dont M.Mignet conçoit en général l’histoire elle-même. […] J’avoue (et j’en demande pardon à la philosophie de l’histoire) que tout cela fait bien rêver ; on arrive, après cette lecture, à croire sans trop de peine, et presque comme si l’on avait été ministre dans le bon temps, que tous les grands politiques ont été plus ou moins de grands dissimulateurs, pour ne pas dire un autre mot.
. — Entrons tout de suite dans les exemples ; on comprendra mieux le sens des mots, en voyant d’abord le détail des faits. […] Beaucoup de philosophes et tous ceux qui se contentent de mots sont sujets à cette erreur. […] Considérons en effet nos représentations ordinaires et la population habituelle de notre cerveau, nous nous figurons telle maison, telle rue, tel cabinet de travail, tel salon, telles figures humaines, tels sons, odeurs, saveurs, attouchements, efforts musculaires, et surtout tels et tels mots ; ces derniers lus, entendus, ou prononcés mentalement, sont les habitants les plus nombreux d’une tête pensante. […] Examinons tour à tour les mots et les images qui composent nos pensées ordinaires. — À l’état normal, nous pensons tout bas par des mots mentalement entendus ou lus ou prononcés, et ce qui est en nous, c’est l’image de tels sons, de telles lettres ou de telles sensations musculaires et tactiles du gosier, de la langue et des lèvres. — Or il suffit que ces images, surtout les premières, viennent à s’exagérer, pour que le malade ait des hallucinations de l’ouïe et croie entendre des voix. — « Au milieu de ma fièvre, dit Mme C…8, j’aperçus une araignée, qui, au moyen de son fil, s’élançait du plafond sur mon lit. […] » Non seulement l’image du son articulé, c’est-à-dire des mots, mais toute image de son peut se développer jusqu’à devenir sensation interne10.
Cela dit, pour nous amener au lyrique le plus pathétique de l’univers littéraire, David, disons un mot de la littérature sacrée. […] Il paraît que la langue hébraïque, quoique déjà très imagée et très savante, n’était pas encore arrivée à cette invention parfaite des vers, qui change les mots en notes, et qui fait chanter le style comme une musique à laquelle on bat la mesure avec une rigoureuse précision. Il paraît que la forme poétique et versifiée de cette langue alors consistait principalement dans la répétition ou dans l’écho de la même pensée, se retrouvant dans la même phrase, à peu près dans le même nombre de mots, de manière à se faire consonance à elle-même, comme l’écho fait consonance au cri qu’on lui jette. […] Et ce n’est pas seulement l’oreille qui est frappée et instinctivement charmée par cette consonance du mot avec le mot ; c’est l’âme. […] Disons-le d’un mot : ce n’est pas seulement parce que le christianisme, héritier du judaïsme, s’est emparé de ces poèmes lyriques de David comme il s’est emparé des vases et des parfums du temple de Salomon, et qu’il en a fait le manuel de nos cérémonies, de nos piétés ou de nos larmes ; non, c’est que Pindare, Anacréon, Horace ne sont que des lyres, et que David est une âme.
Il est prêtre enfin, c’est-à-dire (pesez bien les mots et tâchez d’en concevoir tout le sens : ils sont étranges et stupéfiants) ministre et représentant de Dieu sur la terre, choisi et consacré par lui pour distribuer ses grâces aux autres hommes par les sacrements, investi du pouvoir exorbitant de changer du pain et du vin au corps et au sang de Dieu lui-même. […] Et l’on assiste à des messes, à des pèlerinages, à des conférences ecclésiastiques ; on comprend que monsieur le curé-doyen de Bédarieux est un personnage et aussi monsieur l’archiprêtre de la cathédrale ; et l’on conçoit tout ce qu’il y a dans ce mot : « Monseigneur ». […] Je rappelle en deux mots son histoire. […] … Mon oncle continua, scandant chaque mot : — Ce n’est pas mon miroir à barbe seulement que je lui prêtais, mais aussi mes rasoirs, ma savonnette, mon plat et souvent mes livres. […] Puis il n’y a pas seulement, dans l’Église, des doux et des patients ; Grégoire VII ni Jules II n’ont laissé une réputation de mansuétude, et, de nos jours encore, on a vu des hommes d’Église au nom desquels on avait pris l’habitude d’accoler le mot « fougueux » comme une épithète homérique.
Suivant un mot de Buffon, l’imagination a brodé de soie et d’or l’étoffe simple fournie par la nature. […] — Le poète termine cette querelle de ménage par cette morale, si le mot de morale peut ici s’appliquer : C’est providence de l’amour Que coquette trouve un volage. […] C’est, en un mot, la théorie (correspondant à la pratique) de l’infidélité mutuelle et presque obligatoire. […] Je remarque que ce n’est qu’en baissant le ton que vous prononcez le terrible mot de déshériter. […] En un mot, les serviteurs tendent à sortir de la famille, à n’y être que des auxiliaires passagers.
Il les expose avec une complaisance marquée ; & après les avoir présentés dans un jour aussi faux que séduisant, il se contente de les condamner froidement & en très-peu de mots. […] C'est une addition de l'Auteur des Articles, copiée presque mot à mot d'un petit Recueil de Pieces prétendues philosophiques, où l'on attaque avec déraison & sans pudeur, les vérités les plus saintes & les plus respectables. […] Le plus sûr moyen d'y parvenir, est de dévoiler leur charlatanisme, & les ressorts qu'ils ont mis en œuvre, pour séduire les esprits ; de faire connoître leurs usurpations, leurs injustices, leur mauvaise foi, l'absurdité de leurs principes, les dangers de leur doctrine, & la fausseté de leurs raisonnemens ; de prouver, en un mot, à la multitude qui les admire, qu'ils ont corrompu le goût, perverti les genres, dénaturé les sentimens, dégradé les ames, & rendu les hommes plus malheureux. […] D'éclairer l'homme sur sa dignité ; de lui faire aimer ses devoirs les plus pénibles ; de réprimer les égaremens d'une raison indocile ; d'enchaîner les mouvemens des cœurs corrompus ou près de se corrompre ; de faire, en un mot, de tous les hommes une société d'amis ou de freres, une seule & même famille. […] En un mot, elle oblige l'Homme à se regarder comme ennemi de lui-même, au moment qu'il se montre le plus l'ami des autres Hommes, si ses motifs ne sont pas aussi nobles que ses actions.
Quant au docteur Rémonin, lorsque le commissaire de police l’invite à venir constater le décès du duc, il répond par ce mot final qui fait froid : « Avec plaisir ! […] Il a des parties communes et des morceaux boursouflés, des phrases toutes faites et des mots redits. […] Insolent, imbécile, la voilà prise entre ces deux mots, entre ces deux hommes. […] Le mot célèbre finirait peut-être par s’échapper de ses lèvres : — « Vous m’en direz tant ! […] Elle se débraille l’âme et le corps, elle crache sur sa pudeur des mots salissants.
» blague même outrageusement le sentiment filial, et cependant il a envoyé à sa mère la moitié du peu qu’il a gagné cette année ; et à la malédiction qu’elle vient de lui adresser pour n’être pas allé la voir à Saint-Germain, juste le premier jour de l’an, il a répondu par ce mot : « Je n’ai pas pu parce que… et je t’affranchis ma lettre, ce qui me prive toute la journée de fumer. » 27 janvier Ce matin, Scholl me disait un joli mot sur Barrière : « Oui, oui, il a du talent, mais il ne sait pas se le faire pardonner ! […] La sottise que j’accroche ou avec laquelle je suis forcé d’échanger quelques mots, me grince aux oreilles. […] Ici il ne mange plus, — car nous dînions, — sa voix devient amoureuse, son œil, plus vif, prend de la fixité, et avec sa haute parole, il nous emporte comme dans un monde de rêves et d’idées, où il fait jaillir, sous des mots, des éclairs qui nous montrent des sommets. […] » C’est tout un renversement de la géométrie qu’il nous indique… Les géomètres ne sont que des arpenteurs qui mesurent à un cheveu près la distance de la terre au soleil ; mais ce cheveu, qui n’est rien pour nous, est énorme comparé par nous à l’acarus du bourdon… La géométrie mal baptisée : mesure de la terre : ce n’est pas de mesure qu’il s’agit, « c’est de faire connaître, c’est de donner la forme de la durée et de l’intensité des choses. » Et redescendant brusquement à terre, il termine la conversation par un charmant portrait en quatre mots de son vieil ami Chandellier, ce comique mélancolique aux cheveux blancs et tout plein au fond de vignettes de romances. […] Il s’exhalait dans cette exclamation expirante du plaisir, dans ce mot ailé et palpitant, mourant sur le bord des lèvres : Ψυχή. « Mon âme. » Novembre Une belle indifférence de l’argent qui nous peint d’après nature.
Elle répond : Toujours ce mot ! […] Ce mot renferme en soi je ne sais quoi de doux. […] Ce sujet tient, en réalité, en trois mots. […] Je vous en dirai seulement deux mots. […] La différence qu’il y a entre les classiques et les romantiques, ce ne sont pas les mots, qui sont souvent les mêmes, ce ne sont pas les sentiments, qui sont souvent identiques, c’est la mesure.
En un mot, en ne faisant que traduire et paraphraser à peine les paroles de saint Luc sur les Pharisiens, Bourdaloue esquissait, dix-sept ans avant La Bruyère, un vivant portrait d’Arsène et de tous ceux, à la moderne, qui lui ressemblent ; de ceux qui veulent en tout la fine fleur, et qui ne quittent celle du monde que pour aller cueillir, par un surcroît de recherche et un épicuréisme tout spirituel, ce qui se peut nommer aussi la fine fleur de l’austérité. […] Je pourrais multiplier les exemples qui démontreraient en détail chez Bourdaloue, je ne dirai pas cette partie anecdotique (le mot est trop petit), mais bien cette large veine et cette continuelle opportunité oratoire. […] Les personnes qui rient de tout, et auprès desquelles un bon mot a toujours raison, se sont autorisées quelquefois d’une parole de Mme Cornuel sur Bourdaloue ; elle disait : « Le père Bourdaloue surfait dans la chaire, mais dans le confessionnal il donne à bon marché. » Ce n’est là qu’un joli mot de société. […] Je recommande surtout la belle pensée qui commence par ces mots : « Je veux un ami véritable et, autant qu’il se peut, un ami sincère, etc. » Bourdaloue, dans ces endroits, se rapproche de La Bruyère ; il a du tour et quelque imprévu.
Dans les beaux temps de cette littérature, c’est à peine si La Bruyère, qui a parlé de toutes choses, ose dire un mot en passant de l’impression profonde qu’une vue comme celle de Pau ou de Cras en Dauphiné laisse dans certaines âmes. […] Sur Diderot, à propos de Langres sa patrie ; sur Riouffe, en passant à Dijon où il fut préfet ; sur les bords ravissants de la Saône en approchant de Lyon ; sur l’endroit où Rousseau y passa la nuit à la belle étoile en entendant le rossignol ; sur cet autre endroit où probablement, selon lui, Mme Roland, avant la Révolution, avait son petit domaine, Mme Roland que Beyle ne nomme pas et qu’il désigne simplement « la femme que je respecte le plus au monde » ; sur Montesquieu « dont le style est une fête pour l’esprit » ; sur une foule de sujets familiers ou curieux, il y a de ces riens qui ont du prix pour ceux qui préfèrent un mot vif et senti à une phrase ou même à une page à l’avance prévue. […] Sur les bords de l’Isère, apercevant les ruines du château Bayard : « Ici naquit Pierre Du Terrail, cet homme si simple, dit Beyle, qui, comme le marquis de Posa de Schiller, semble appartenir par l’élévation et la sérénité de l’âme à un siècle plus avancé que celui où il vécut. » Mais pourquoi, à la page suivante, en visitant le château de Tencin, Beyle, venant à nommer le cardinal Dubois, tente-t-il en deux mots une réhabilitation qui crie : « La France l’admirerait, dit-il de ce cardinal, s’il fût né grand seigneur ? […] Ce qu’il n’avait pas saisi du premier mot, il ne l’atteignait pas, il ne le réparait pas. […] Et moi je n’ajouterai qu’un mot qui est celui du poète de La Métromanie : Ce mélange de gloire et de gain m’importune !
Il est évident qu’il ne croit pas à la liberté dans le sens philosophique du mot ; il explique toute la diversité qu’on voit dans les pensées et par conséquent dans la vie des hommes, indépendamment des divers âges du monde et des états ou degrés de civilisation où ils naissent, par le tempérament, la fortune et l’habitude ; et il en vient ainsi, d’une manière un peu couverte, à exposer ce que nous appellerions sa philosophie de l’histoire. […] La Fare cite à ce sujet un mot de M. de La Rochefoucauld qui avait été l’un des principaux acteurs de cette dernière guerre civile, et qui lui disait : « Il est impossible qu’un homme qui en a tâté comme moi veuille jamais s’y remettre. » La Fare en conclut que l’histoire est un va-et-vient, un jeu de bascule perpétuel ; que l’abus qu’on fait d’un des éléments pousse à l’élément contraire, jusqu’à ce qu’on en abuse comme on avait fait du premier ; que « l’idée des peines et des maux venant à s’effacer peu à peu de la mémoire des hommes, et frappant peu l’esprit de ceux qui ne les ont point éprouvés, les mêmes passions et les mêmes occasions rengagent les hommes dans les mêmes inconvénients ». […] Ce que Saint-Simon dit en débordant, La Fare le dit d’un mot et en courant ; mais on a la note la plus juste. […] Il ne travaille pas assez pour arriver à écrire des mémoires un peu longs et complets ; la plume lui tombe des mains avant la fin, et c’est dommage ; il était si capable de bien juger et de donner sur les hommes qu’il a connus de ces traits qui restent et qui fixent en peu de mots la vérité du personnage ! […] et n’est-ce pas le cas d’appliquer ici le mot de Vauvenargues : « La plus fausse de toutes les philosophies est celle qui, sous prétexte d’affranchir les hommes des embarras des passions, leur conseille l’oisiveté, l’abandon et l’oubli d’eux-mêmes. » La Fare nous explique d’ailleurs qu’il ne s’agit point d’une paix sobre et recueillie comme l’entendraient certains philosophes ; la sienne était remplie de gaieté, de gros jeu, de festins, de beautés d’opéra, et ne ressemblait pas mal à une ode bachique continuelle.
Il y a telle lettre où il commence par dire qu’il n’a rien à dire, et, sous prétexte de cela, il se met à trouver de très jolies choses et très sensées ; il y donne toute la théorie de la correspondance familière entre amis : écrire toujours, un mot chassant l’autre, et laisser courir la plume sans y tant songer, comme va la langue quand on cause, comme va le pas quand on chemine. […] C’était une créature sympathique, et elle devait tout à fait justifier dans le cas présent ce mot de Bernardin de Saint-Pierre : « Il y a dans la femme une gaieté légère qui dissipe la tristesse de l’homme. » Mais si lady Austen éclipse un moment Mme Unwin, elle ne l’efface point et ne la diminue pas. […] — À cette heure où, entrant dans une veine de composition nouvelle, il prenait véritablement possession de tout son talent, et où, comme il le disait d’un mot, le rejeton était devenu un arbre (« fit surculus arbos »), Cowper rappelait, avec l’orgueil d’un auteur ayant conscience de son originalité, qu’il y avait treize ans qu’il n’avait point lu de poète anglais, et vingt ans qu’il n’en avait lu qu’un seul, et que, par là, il était naturellement à l’abri de cette pente à l’imitation que son goût vif et franc avait en horreur plus que toute chose : « L’imitation, même des meilleurs modèles, est mon aversion, disait-il ; c’est quelque chose de servile et de mécanique, un vrai tour de passe-passe qui a permis à tant de gens d’usurper le titre d’auteur, lesquels n’auraient point écrit du tout s’ils n’avaient composé sur le patron de quelque véritable original. » C’est ainsi qu’en se créant tout à fait à lui-même un style selon ses pensées et une forme en accord avec le fond, ce solitaire sensible et maladif, ingénieux et pénétrant, a été l’un des pères du réveil de la poésie anglaise. […] J’ai encore à dire ; je voudrais marquer les rapports de la mélancolie de Cowper avec celle de Pascal, ses ressemblances et ses oppositions de nature avec Rousseau, parler un peu de nous et de nos tentatives poétiques dans la même voie ; en un mot rentrer en France. […] [NdA] Le mot propre est auburn lock, cette couleur entre le brun et le blond, chère aux Anglais, et qu’ils ont ainsi nommée de l’écorce de certains arbres.
Je ne fais qu’indiquer un portrait du général ministre Grumbkow, persécuteur odieux de Frédéric et de sa sœur : dans son duel avec le prince d’Anhalt, elle le montre effaré et tremblant, et rappelle toutes les autres preuves qu’il avait données de la même disposition, soit à la bataille de Malplaquet, où il était resté dans un fossé pendant tout le temps de l'action, soit au siège de Stralsund, où il s’était démis fort à propos une jambe dès le commencement de la campagne, ce qui le dispensa d’aller à la tranchée : « Il avait, conclut-elle, le même malheur qu’eut un certain roi de France, qui ne pouvait voir une épée nue sans tomber en faiblesse61 ; mais, excepté tout cela, c’était un très brave général. » Et ailleurs, montrant le roi son père qui ne s’accommodait pas des manières polies et réservées du prince héréditaire de Bareith, tout en le lui donnant pour mari : « Il voulait un gendre, dit-elle, qui n’aimât que le militaire, le vin et l’économie. » Certes, dans une société idéale où l’on se figure réunis les Caylus, les Hamilton, les Grammont, les Sévigné, les Coulanges, les Saint-Simon, les Staal de Launay, les Du Deffand, la margrave n’eut pas été hors de sa place ni dans l’embarras ; elle eût trouvé bien vite à payer son écho par maint trait d’esprit et de raillerie bien assénée, qui eût été applaudi de tous et de toutes, de même que son frère, en causant, n’était en reste de mots excellents ni avec Voltaire, ni avec personne ; mais à la lecture, et eu égard au genre et à la nature des tableaux, elle garde sa couleur étrange et son accent exotique. […] Elle avait de la philosophie dans le meilleur sens du mot, et, avec le sentiment de ce qu’elle était et la volonté de ne condescendre à rien d’indigne, elle souhaitait avant tout une vie sérieuse et tranquille, l’étude, les beaux-arts et la musique, les charmes de la société. […] Ils le regretteront peu, ils se consoleront vite, ils souffrent pourtant la nature parle, la nature pâtit, comme ils disent ; ils connaissent la tendresse du sang ; et Frédéric annonçant enfin à sa sœur cette mort, dès longtemps prévue, le fait en ces mots (1er juin 1740) : Ma très chère sœur, le bon Dieu a disposé hier, à trois heures, de notre cher père. […] Et toute cette familiarité du « vieux frère » (comme il s’appelle) se relève d’une constante admiration pour cette sœur qu’il estime évidemment supérieure à lui par les talents et la beauté de l’intelligence, par le génie, il articule le mot : « S’il y a un être créé digne d’avoir une âme immortelle, c’est vous, sans contredit ; s’il y a un argument capable de me faire pencher vers cette opinion, c’est votre génie64. » Il est prodigue envers elle d’attentions, de petits présents ; il entre dans ses peines, il tremble pour sa vie ; il nous la fait voir avec « un je ne sais quoi de gracieux, un air de dignité tempérée par l’affabilité », que les mémoires de la margrave ne nous indiqueraient pas ; il nous intéresse, en un mot, par l’affection respectueuse qu’elle lui inspire, à cette frêle créature d’élite, à « ce corps si faible et cette santé délicate à laquelle est jointe une si belle âme ».
Entré dans le régiment des Gardes à neuf ans en qualité de cadet, il avait fait les campagnes de 1735, de 1743, et avait donné des preuves de son intrépidité, d’une intrépidité assaisonnée de bons mots, ce qu’on aimait alors. […] Le duc d’Orléans, depuis régent, entendant le mot du roi, se mit à rire. […] Il ne répondit pas un seul mot à tout ce que je disais, me regardait de temps en temps et rêvait profondément. […] Il parle quelque part du jeune vicomte de Ségur, « qui s’amusait à dire des mots plaisants sur les affaires, au lieu de s’en mêler. » Lui il en disait aussi, même en s’en mêlant. […] La reine ajouta qu’elle lui avait dit : « Levez-vous monsieur : le roi ignorera un tort qui vous ferait disgracier pour toujours » ; que le baron avait pâli et balbutié des excuses ; qu’elle était sortie de son cabinet sans lui dire un mot de plus, et que, depuis ce temps, elle lui parlait à peine.
On leur prête en un mot de ce sérieux qu’on a en soi, et on en fait autre chose que ce qu’elles sont en réalité. […] On serait sympathique, en un mot. […] Il avait dit ailleurs, en parlant de l’action dans les fables du poète, de cette action qui semble si éparse et qui se rattache toute à une idée, à un but : « Poésie et système sont des mots qui semblent s’exclure, et qui ont le même sens. » — Oui assurément, si l’on entend par système un tout vivant, animé, coloré ; oui, si ce mot de système a le même sens que cosmos et que monde ; mais chez nous (et cela tient peut-être à notre peu de goût pour la chose), le mot de système se prend dans une acception moins entière et moins belle ; il implique la dissection, l’abstraction.
Mais d’ailleurs, c’est mon histoire que je fais… Il trace en effet, dans ce peu de mots, l’idéal de sa vie, un idéal qu’il n’a rempli qu’imparfaitement, mais qu’il était honorable, à vingt-cinq ans, de concevoir et de se mettre résolument à poursuivre. […] Sa lettre en réponse est longue, abondante, difficile à couper : Vauvenargues n’est pas de ceux qui étranglent leur pensée, ou qui la gravent et la frappent en quelques mots splendides ; il aime à l’étendre, à raisonner ; il est proprement dans son élément quand il disserte ; il a une belle langue intérieure, mais un peu molle parfois, à demi oratoire, périodique, et qui se complaît dans ses développements. […] » Ici nous retrouvons quelques-unes des idées particulières et, si l’on veut, des préventions de Vauvenargues, un reste de gentilhomme, ou plutôt un commencement de grand homme ambitieux, qui aimerait mieux franchement être Richelieu que Raphaël, avoir des poètes pour le célébrer que d’être lui-même un poète ; qui aimerait mieux être Achille qu’Homère : « Quant aux livres d’agrément, ose-t-il dire, ils ne devraient point sortir d’une plume un peu orgueilleuse, quelque génie qu’ils demandent ou qu’ils prouvent. » Il ne permet tout au plus la poésie à un homme de condition et de ce qu’il appelle vertu, que « parce que ce génie suppose nécessairement une imagination très vive, ou, en d’autres termes, une extrême fécondité, qui met l’âme et la vie dans l’expression, et qui donne à nos paroles cette éloquence naturelle qui est peut-être le seul talent utile à tous les états, à toutes les affaires, et presque à tous les plaisirs ; le seul talent qui soit senti de tous les hommes en général, quoique avec différents degrés ; le talent, par conséquent, qu’on doit le plus cultiver, pour, plaire et pour réussir. » Ainsi la poésie, il ne l’avoue et ne la pardonne qu’à titre de cousine germaine de l’éloquence, et qu’autant qu’elle le ramène encore à une de ces grandes arènes qui lui plaisent, à l’antique Agora ou au Forum, ou à un congrès de Munster, en un mot à une action directe sur les hommes. […] Mirabeau, qui écrit à l’emporte-pièce, lui trouve en quelques endroits le style lâche ; le mot n’est pas poli ; nous le traduirons mieux en disant : c’est une suite, un enchaînement de raisons déduites avec largeur et un peu de complaisance, dans une langue riche, un peu traînante en effet, mais d’une belle plénitude morale, d’une élévation continue, et qui rencontre quelquefois des mouvements d’éloquence. […] … C’est là du Rousseau antérieur, comme durent en avoir bien des esprits isolés, enthousiastes à huis clos, avant que Rousseau fût venu faire explosion et leur dire leur dernier mot à tous.
Pie VII, de douce et bénigne figure, ne compromettait point la cause romaine en paraissant au milieu de nous ; Rome eût gagné à n’être que lui seul, et ce mot du Pontife à un jeune homme qui, dans une rue de Paris, se dérobait par la fuite à sa bénédiction, est le mot de la situation même : « Jeune homme, la bénédiction d’un vieillard ne fait jamais de mal. » C’était l’impression la plus générale de la France à ce moment ; on était dans une période de sentiment, de pitié et de justice, en même temps qu’à une ère recommençante de grande politique, et la politique véritable consistait précisément à respecter et à reconnaître toutes ces dispositions publiques, à se donner faveur et force en y satisfaisant. […] à quoi la pousse-t-on, en un mot, dans un sens qu’elle n’a pas cherché ni désiré ? […] Au lieu de convives tout profanes, de personnes un peu vives et même légères, d’actrices peut-être, on eut des abbés, des avocats généraux bien pensants, des vaudevillistes devenus censeurs, et plus le petit mot pour rire. — M. de Montmorency meurt vers ce temps-là ; il était de l’administration des hospices ; on célébrait pour lui un service dans chaque hôpital : « Ne manquez pas d’y aller, disait le même médecin aux élèves à qui il portait intérêt, cela fera bien. » Il n’y eut qu’un seul élève, de ceux qu’on appelle câlins, qui y assista. […] Tous ont changé depuis et ont dû changer : l’un irrité et emporté, dans sa fièvre d’impatience, a passé d’un bond à la démocratie extrême ; l’autre, tout vertueux, sans ambition et sans colère, est arrivé par une douce pente aux honneurs mérités de l’épiscopat, vérifiant ainsi en sa personne le mot du Maître : « Heureux les doux parce qu’ils posséderont la terre !
Grandville s’effraya à l’idée du Cercle ; il crut voir dans ce mot toute l’image d’un souper-Régence. […] Un des premiers mots de Vireloque est sanglant : il s’arrête à considérer un être ignoble, tombé ivre-mort, et, pour toute légende, il dit : « Sa Majesté le Roi des animaux ! […] Il y a bien un peu de caprice dans le nombre, et de purs baptêmes de fantaisie, comme ce chevalier Desgrieux avec son rhumatisme qui le fait marcher de côté ; mais, en général, il faut qu’on retrouve le monument sous la ruine, que jusque sous le décrépit on devine celui qui a été beau et conquérant, et la manière particulière dont il l’a été ; que la parodie, en un mot, rappelle la chanson. […] Comme beauté et grandeur de dessin, j’admire, dans cette effrayante série de malfaiteurs qui s’intitule le Chemin de Toulon, la scène des deux bandits qui, dans un site aussi âpre et aussi dépouillé que celui des gorges d’Ollioules, se prennent de querelle et ont ensemble des mots. […] Et comme beauté de dessin dans un autre genre, et comme charme, on me fait remarquer dans le quatrième Dizain ce n° 40, cette femme debout, cette débardeuse montée sur une banquette et adossée à une loge dans un bal masqué, plongeant de l’œil dans la salle et regardant amoureusement la danse sans y prendre part cette fois ; avec ces mots : « Il lui sera beaucoup pardonne, parce qu’elle a beaucoup dansé !
S’ils demandent des détachements, il doit les fournir sans autres ordres, sauf à lui d’en rendre compte au général ; mais pas un ne lui en demandera s’il possède sa confiance78… » Cette définition que nous donne Catinat, me fait revenir encore sur le mot du duc de la Feuillade à son sujet, et elle achève pour moi de l’éclairer d’une manière plus particulière. […] Son mot de tout à l’heure revient à ceci : « Catinat m’est antipathique ». […] Un tel mot n’est pas une bonne note pour M. de La Feuillade. […] Je vous avoue que, passant dans un pays si plein de toutes choses, j’ai été surpris que cette grande obéissance ait subsisté pendant quatre jours sans châtiment exemplaire… » Sans « châtiment exemplaire », notez ce mot. […] On ne se laisse point payer de mots, ni même d’espèces ; on a des restes d’honneur ; on ne veut voir qu’abus de la force dans cette première et si prompte inexécution du traité ; on ne peut croire à un pareil oubli de générosité chez Louis XIV, un si puissant roi !
Chéruel ne suit pas les adversaires de Saint-Simon jusqu’à cette extrémité ; il rétablit le sens du mot substituer, qui est chez M. de Luynes. […] En un mot, ce n’est pas rendre justice à un homme de génie que de faire ainsi en lui l’accessoire du principal, et, après lui avoir soigneusement compté tout ce que les faiblesses humaines lui ont apporté d’imperfections et de défauts, d’accorder qu’il lui reste quelque chose de bien. […] Il est vrai qu’il a répété quelques mots terribles d’égoïsme, et qu’il a fait entendre, à certains moments, le silence des courtisans, un silence à entendre marcher une fourmi. […] Saint-Simon est tellement peintre jusqu’au bout des ongles qu’une fois il s’est montré tout émerveillé d’un mot échappé à Louis XIV près de sa fin, et qui lui fut redit par Maréchal, le chirurgien du roi. […] mon fils, s’écria-t-il, ce n’est pas moi qu’il faut pleurer, c’est la mort de ce grand homme ; vous allez, selon toute apparence, perdre un père ; mais votre patrie, ni vous, ne retrouverez jamais un pareil général.” — En achevant ces mots, les larmes lui tombaient des yeux. — “Que vas-tu devenir, pauvre armée ?”
Ce n’est presque pas sortir de ce sujet que d’y joindre quelques mots sur un livre extraordinaire, publié en Allemagne par un poëte catholique, M. […] En un mot, c’est à la fois, pour les chrétiens, un admirable exemple de la persistance d’une faculté sainte et d’un don qui semblait retiré au monde ; pour les philosophes, un objet d’étonnement sérieux et d’étude sur l’abîme sans cesse rouvert de l’esprit humain ; pour les érudits, la matière la plus riche et la plus complète d’un mystère, comme on les jouait au moyen âge ; pour les poëtes et artistes enfin, une suite de cartons retrouvés d’une Passion, selon quelque bon frère antérieur à Raphaël. […] Des hommes distingués, considérables, sont là qui l’écoutent bouche close, sans qu’il leur soit possible de glisser un mot. […] Je reçus à cette occasion les deux lettres suivantes : « Je trouve, monsieur, que vous m’avez pris trop au mot. […] « Pour populariser l’erreur, il abusait du vocabulaire de la liberté. » C’est le mot de quelqu’un qui l’a bien connu, d’un de ses anciens collègues et compagnons d’armes à la Chambre des pairs, le comte d’Alton-Shée.
Est-ce l’homme resté fidèle à ses affections du passé, qui nous parle en maint endroit de ces Mémoires, ou l’homme qui ne tient à son parti que par point d’honneur, et tout en trouvant bête (c’est son mot) l’objet de sa fidélité, et en le lui disant bien haut ? […] À un endroit, parlant de la mort de La Harpe qui, malgré ses défauts bien connus, se convertit avant l’heure suprême, il lui est échappé de dire : « Il n’a pas manqué sa fin, je le vis mourir chrétien courageux. » C’est ainsi qu’il aurait dit de l’auteur dramatique : « Il n’a pas manqué son cinquième acte. » De tels mots, lâchés par mégarde, donnent fort à penser. Il y a de ces mots déterminants, dit Pascal, et qui font juger de l’esprit d’un homme. […] Cette préoccupation de montrer le contraste de sa misère et de son opulence, de son obscurité et de sa célébrité, me paraît d’une profondeur puérile, presque bête ; le mot est la clé. […] à un endroit, par exemple, où il vient de parler admirablement de la Grèce et de Fénelon, il dira : « Si Napoléon en avait fini avec les rois, il n’en avait pas fini avec moi. » Tout au sortir d’un mot digne de Sophocle, on a tiré phrase à la Cyrano.
» Tel est son programme manqué, ce sera celui de bien d’autres ; c’est son dernier mot en politique. […] Quand on sut que M. de Chateaubriand écrivait ses Mémoires, une femme du monde, qu’il avait dans un temps beaucoup aimée ou désirée, lui écrivit un mot pour qu’il eût à venir la voir. […] j’espère bien que vous n’allez pas souffler mot sur… » Il la tranquillisa d’un sourire, et répondit que ses Mémoires ne parleraient pas de toutes ces choses. […] Mais, au moment où tout va s’aplanir, où la jeune fille est touchée, où sa mère, qui la devine, prévient l’aveu et offre d’elle-même l’adoption de famille au jeune étranger, un mot fatal vient rompre l’enchantement : Je suis marié ! […] J’ai prononcé le mot d’homme à bonnes fortunes ; il convient de l’expliquer à l’instant et de le relever.
J’aime de son style, dans les parties délicates, cette efflorescence (je ne sais pas trouver un autre mot) par laquelle il donne à tout le sentiment de la vie et fait frissonner la page elle-même. […] En un mot, pour suivre mon image toute physique et anatomique, je dirai : Quand il tient la carotide de son sujet, il l’injecte à fond avec fermeté et vigueur ; mais quand il est à faux, il injecte tout de même et pousse toujours, créant, sans trop s’en apercevoir, des réseaux imaginaires. […] Quand on lui parlait de la gloire, il en acceptait le mot et mieux que l’augure ; il en parlait lui-même quelquefois agréablement : La gloire, disait-il un jour, à qui en parlez-vous ? […] M. de Balzac, en écrivant, semble ignorer ce mot de La Bruyère. […] En un mot, cette sûreté de maître qu’elle porte dans l’expression et la description, elle ne l’a pas également dans la réalisation de ses caractères.
Un mot charmant qui exprime bien cette passion de d’Aguesseau pour les lettres, c’est ce qu’il dit un jour au savant Boivin avec qui il lisait je ne sais quel poème grec : « Hâtons-nous, s’écria-t-il ; si nous allions mourir avant d’avoir achevé ! […] En se servant de tous ces grands mots, la gravité magistrale du jeune homme ne se permet pas un sourire, c’est tout simple ; mais elle ne paraît pas non plus soupçonner le sourire qui pourrait bien naître au-dehors. […] Cette paresse a besoin d’explication quand le mot s’applique à un homme aussi constamment et aussi diversement laborieux que l’était d’Aguesseau ; mais je crois qu’il la faut prendre dans le sens de lenteur de tempérament, d’absence de verve et de longueur de phrases, ce qui est incontestable quand on lit d’Aguesseau ; on sent qu’il a dû passer bien du temps à limer, à polir ce qui paraît encore un peu traînant à la lecture, et qu’aussi il s’est amusé à bien des études d’inclination et de fantaisie qui peuvent ressembler à de la paresse aux yeux des hommes d’action et d’affaires. […] C’est à quoi d’Aguesseau fait allusion ; il aimait à citer ce mot de saint Augustin, et si, dans le cas présent, il s’est permis un trait de mauvais goût, ç’a été à condition encore que ce fût d’après un ancien et d’après un Père de l’Église. […] On cite de lui de jolis vers, de jolis mots.
On y voudrait, comme chez Poussin lui-même, un peu plus de diversité de ton, plus de coloris et de nuance, le charme en un mot : mais, dans l’application présente, cette gravité un peu uniforme de ton n’est pas une infidélité. […] Le fin mot de ce garçon honnête et fier, c’est qu’il veut, si la veuve lui fait un sort, avoir du moins de quoi payer ses propres habits de noce. […] Le jour où il plaira à Dieu et à la nature de produire un talent complet doué de cette puissance d’action et de sympathie, il trouvera pour ses créations un rythme, des images, un style propre aux tons les plus divers, en un mot des éléments tout préparés. […] [NdA] Dans la Revue des deux mondes du 1er mars 1852, je lis, comme en réponse à mon vœu et à mon désir, une belle et large idylle de M. de Laprade, intitulée Les Deux Muses : l’amour y a sa part, bien que le culte de la nature y garde le dessus : selon moi, c’est son chef-d’œuvre, sa pièce la plus accessible et la plus sentie. — Il n’a guère persisté dans cette voie, il a continué de platoniser, d’évangéliser vaguement en vers, en même temps qu’il est quelque peu devenu (depuis surtout son entrée à l’Académie) un homme de coterie religieuse et politique. — Un critique de beaucoup de finesse, mais dont il faut détacher les mots piquants du milieu de bien des fatuités et des extravagances, Barbey d’Aurevilly, comparant un jour les dernières poésies de M. de Laprade avec celles d’un autre poète également moral et froid, concluait en disant : « Au moins, avec M. de Laprade, l’ennui tombe de plus haut. » C’est plus satirique que juste, mais le mot est lâché : l’écueil est là ; gare aux beaux vers qui sont ennuyeux !
On aura remarqué, en passant, ce joli mot : Il n’y a jamais de noirceurs dans tout ce que vous dites ; — noirceurs pour tristesses. Ce sont de ces mots qui peignent, qui sont pris à la source même, et qui sont agréables par un certain faux air de double sens, mais qui ne nuit pas à la clarté. […] Le mot de détrônement est lâché ; elle aura beau le vouloir rétracter ensuite, Mme des Ursins le lui rappellera sans cesse, et ne le lui pardonnera jamais. […] Ne la chicanons pas sur ce dernier mot : il y avait confusion alors de l’idée de roi à l’idée de France. — Les plaintes hardies, les conseils, elle ne les ménage pas ; elle espère toujours qu’il en arrivera quelque chose par Mme de Maintenon aux oreilles de ceux qui gouvernent à Versailles : Est-il bien possible, madame, que tous les hommes que vous connaissez vous paraissent à bout, et qu’il n’y en ait point qui imaginent de nouvelles ressources ? […] Mme des Ursins ne laisse pas tomber ce mot : « On dit pourtant, remarque-t-elle, que c’est plutôt le peuple qui en a été irrité, que la plupart des seigneurs. » On conçoit par une telle disposition de cœur combien, dans de si périlleuses conjonctures, Mme des Ursins dut être utile alors à Madrid pour y soutenir et y fortifier les résolutions royales ; car ce fut là l’honneur de cette maison de Bourbon à son avènement en Espagne, ce fut son vrai sacre, pour ainsi dire, de ne jamais désespérer au plus fort de la crise, de sentir la main de Louis XIV prête à se retirer et presque à se retourner contre elle, sans se laisser abattre : « Le roi est tout occupé du soin de se défendre seul, au cas que le roi, son grand-père, lui retire les secours dont il l’a assisté », écrivait Mme des Ursins.
En un mot, je conçois qu’on puisse dire : La statue de Carrel est une statue funèbre ; laissons dans le grandiose de son attitude le gladiateur mourant, sans discuter sa blessure. […] C’est ce que tirent exemplairement les réfugiés français de la Bidassoa, placés sous les ordres du colonel Fabvier ; ils exécutèrent la consigne politique qui leur avait été donnée, et qui conciliait à la fois jusqu’à un certain point les devoirs de l’insurrection et le respect dû à la patrie : ils firent, en un mot, de l’insurrection passive. […] Ici, on le retrouve ce qu’il sera toute sa vie, combattant pied à pied, un peu formaliste, tenant à n’avoir pas eu un tort, retranché dans la question de droit, disputant le terrain comme il aurait pu le faire avec Mina dans les plis et replis des montagnesa, tendant la situation au risque de la briser, jouant sa tête en toute témérité et bonne grâce plutôt que de se laisser entamer de l’épaisseur d’un cheveu ; en un mot, si j’ose le dire, à la fois chevaleresque et raisonneur comme le sont certains héros de son compatriote Corneille. […] Ce mot de besoins revient trop souvent, ainsi que celui de nécessités, de terrain, de résultats, d’éléments. […] Mme Courier aurait bien désiré que le passage où se trouvait le mot d’équipée fût modifié et adouci, et elle visita Carrel : « Je vis là pour la première fois Mme Courier, me dit un témoin fidèle, et je n’oublierai jamais ni l’esprit avec lequel elle défendit sa thèse, ni la grâce parfaite de Carrel, maintenant son dire et son jugement. » Nous avançons lentement avec Carrel ; c’est que ce n’est pas un talent littéraire tout simple ni de première venue : c’est un esprit éminent, un caractère supérieur qui s’est tourné par la force des choses aux lettres, à la politique, qui s’y est appliqué avec énergie, avec adresse, et finalement avec triomphe, mais qui était plus fait primitivement, je le crois, pour devenir d’emblée un des généraux remarquables de la République et de l’Empire.
Une existence aussi large, aussi répandue, aussi inventive en bien des sens, et aussi aventurée que celle de Beaumarchais, ne saurait se resserrer en peu de mots. […] On a retenu, entre autres, un mot de Bergasse parlant de Beaumarchais comme d’un homme « qui sue le crime ». […] Il y avait, en un mot, chez lui infiniment moins de parti pris de révolution que chez Mirabeau, Chamfort, et beaucoup d’autres. […] Il est mis en prison à l’Abbaye ; quelques heures avant les massacres du 2 septembre, il en est tiré par la générosité de Manuel, qui vient lui dire : « Sortez à l’instant de ce lieu. » — Je lui jetai mes bras au corps, s’écrie dramatiquement Beaumarchais, sans pouvoir lui dire un seul mot : mes yeux seuls lui peignaient mon âme ; je crois qu’ils étaient énergiques s’ils lui peignaient tout ce que je pensais ! […] C’est bien là l’homme qui fut aimé de tous ceux qui l’approchèrent, qui mêlait un fonds de bienveillance à la joie, un fonds de simplicité à la malice, qui avait écrit sur le collier de sa chienne : « Beaumarchais m’appartient ; je m’appelle Florette ; nous demeurons Vieille-Rue-du-Temple » ; et de qui son biographe et son fidèle Achate, Gudin, a écrit naïvement : « il fut aimé avec passion de ses maîtresses et de ses trois femmes. » Et ce n’est pas seulement Gudin qui parle ainsi, c’est La Harpe, peu suspect de trop d’indulgence, et qui dit, en nous montrant le Beaumarchais de la fin et au repos, tel qu’il était assis dans le cercle domestique et dans l’intimité : « Je n’ai vu personne alors qui parût être mieux avec les autres et avec lui-même. » C’est Arnault encore, qui, dans ses Souvenirs, lui a consacré des pages pleines d’intérêt et de reconnaissance ; c’est Fontanes enfin, qui, trouvant qu’Esménard l’avait traité bien sévèrement dans le Mercure, écrivait une lettre où on lit (septembre 1800) : Quant au caractère de Beaumarchais, je vous citerai encore sur lui un mot de Voltaire : « Je ne crois pas qu’un homme si gai soit si méchant » ; et ceux qui l’ont vu de près disent que Voltaire l’avait bien jugé.
Au mot Appartenir, on avait mis pour exemple : « Il appartient au père de châtier ses enfants. » Là-dessus Bernardin proteste, il se révolte, et trouve étonnant qu’entre tant de relations chères qui lient un père aux enfants, on soit allé choisir la plus odieuse, celle par laquelle il les châtie : Là-dessus, Morellet, le dur ; Suard, le pâle ; Parny, l’érotique ; Naigeon, l’athée ; et autres, tous citant l’Écriture et criant à la fois, m’ont assailli de passages et se sont réunis contre moi, suivant leur coutume. […] Au milieu du bruit qu’occasionnaient tous ces déplacements multipliés, on n’entendait guère que le mot philosophie, sortant à chaque instant de la bouche de l’orateur. […] Trois réponses à faire à trois candidats, des regrets à donner à ceux dont ils occupaient les places, lui fournissaient des idées nombreuses et variées, des images brillantes ou aimables comme les talents qu’il avait à célébrer… Il a loué les trois récipiendaires et leurs trois prédécesseurs, mais il ne s’est pas assez arrêté sur leur éloge, et l’on peut dire qu’il les a traités comme Pindare (lisez Simonide) traitait les héros des jeux Olympiques, dont sa muse se contentait de dire un mot, pour parler ensuite de Castor et Pollux. […] » Cet applaudissement frondeur donné à un mot qui n’avait certes point une intention si profonde, mais qui rappelait un autre mot récent de Chateaubriand sur Néron dans le Mercure, nous marque du moins la disposition d’esprit de cet auditoire élégant et nous le fait voir tel qu’il était, très peu préparé à se soulever tout entier d’enthousiasme et à faire crouler les voûtes de la salle sous ses applaudissements, pour cette péroraison toute napoléonienne et un peu romantique de Bernardin.
Il a des longueurs fatigantes ; il a des pointes et des jeux de mots. […] Il demande lui-même au roi de se retirer en son diocèse : on le prend au mot, et, pendant quelque temps, on le voit, dans son prieuré de Coussay près de Mirebeau, faisant l’évêque ou même le solitaire, « réduit en un petit ermitage », et résolu en apparence « à couler doucement le temps parmi ses livres et ses voisins ». […] Affamés d’honneurs et de biens, et sans aucune ambition patriotique, ils accaparent les gouvernements, les charges, les places de guerre et châteaux ; ils achètent et marchandent pour eux les compagnies des corps royaux et d’élite ; les deniers levés sur les peuples sont détournés à ces traités particuliers : « En un mot, dit Richelieu, si la France était tout entière à vendre, ils achèteraient la France de la France même. » Richelieu est dans l’opposition, comme nous dirions : il est trop patriote, à cette heure, pour n’en pas être, mais il en est encore d’une manière qui lui est propre. […] Les fanfarons, les peureux, les braves en petit nombre, chacun y a son mot. […] Parmi les objections que Voltaire a élevées contre l’authenticité de cet ouvrage, il en est une, entre autres, qui m’a frappé par sa faiblesse et par son contresens même : Avouez, dit-il en s’adressant à M. de Foncemagne, avouez qu’au fond vous ne croyez pas qu’il y ait un mot du cardinal dans ce Testament ; pensez-vous, de bonne foi, que le chevalier Walpole se fut avisé d’écrire un catéchisme de politique pour le roi George Ier ?
En un mot, les valeurs de luxe sont dispendieuses par nature ; elles coûtent plus qu’elles ne rapportent. […] On accorde à l’homme une faculté sui generis de dépasser l’expérience, de se représenter autre chose que ce qui est, en un mot de poser des idéaux. […] C’est à quoi servent les fêtes, les cérémonies publiques, ou religieuses, ou laïques, les prédications de toute sorte, celles de l’Église ou celles de l’école, les représentations dramatiques, les manifestations artistiques, en un mot tout ce qui peut rapprocher les hommes et les faire communier dans une même vie intellectuelle et morale. […] Elle mêle les règnes, elle confond les contraires, elle renverse ce qu’on pourrait regarder comme la hiérarchie naturelle des êtres, elle nivelle les différences, elle différencie les semblables, en un mot elle substitue au monde que nous révèlent les sens un monde tout différent qui n’est autre chose que l’ombre projetée par les idéaux qu’elle construit. […] En un mot, elle est la nature, mais parvenue au plus haut point de son développement et concentrant toutes ses énergies pour se dépasser en quelque sorte elle-même.
Cependant ils n’ont point de symbole arrêté ; ils n’ont encore que quelques idées vagues et incohérentes qu’ils s’efforcent de donner pour des opinions réduites en système, et quelques mots de ralliement qu’ils ne sont pas sûrs de comprendre, mais au moyen desquels ils se reconnaissent dans la foule. […] N’y aurait-il pas lieu de croire, enfin, que la querelle du romantisme est une simple dispute de mots, un pur malentendu, qui cesserait du moment que les esprits justes et sincères, de part et d’autre, après être tombés d’accord sur les principes qui semblent les diviser, seraient forcés de reconnaître la vanité des paroles qui les abusent ? […] Parce que l’esprit se plaît à deviner, faut-il lui donner des énigmes sans mot ? […] Certains mots, bizarrement figurés ou violemment détournés de leur acception ordinaire, véritables tics de langage, sont reproduits à tout propos, hors de propos surtout, et marquent d’un sceau ridicule les productions de la nouvelle école. […] Abjurez, il vous est permis, les dieux de l’antique Olympe ; nous convenons avec vous que l’Aurore est bien vieille, et Flore bien fanée ; qu’il y a bien longtemps que Vénus est la déesse de la beauté, et que son fils est un enfant : mais songez que le merveilleux, du Christianisme est d’un emploi difficile et périlleux ; qu’il est toujours tout près d’offenser la sévérité du dogme ou celle du goût ; tout près, en un mot, d’être hétérodoxe ou ridicule.
Il s’arrêtait plus loin ; ils le connaissaient tous, et il avait un mot pour chacun d’eux. […] Ils ont horreur de ce qui sent le mot et la formule. […] S’est montré constamment les 9 et 10 mai aux endroits les plus dangereux, exhortant les uns, encourageant les autres, pansant les blessés, les faisant ramasser rapidement, en un mot, étant un exemple constant de courage, de bonne humeur et de charité. » (J. […] Il me disait le mot de l’un d’eux après l’opération : « Gardez mon bout de bras en souvenir de moi, monsieur le major, quoique ce soit vraiment à la France et non à vous que je l’ai donné ! […] L’ordre du jour, paru à l’Officiel du 9 juin suivant, résume en quelques mots cette vie : De Torquat de la Coulerie (François-Marie-Joseph), capitaine au 48e d’infanterie : « Officier démissionnaire, établi à l’étranger, est accouru en France dès l’annonce des hostilités.
En un mot, quand je lis Mme Swetchine, ce subtile et fidèle élève de De Maistre, il me semble que M. […] Pour un homme qui avait des parties si élevées de philosophie et des prétentions à tout fonder ou reconstruire, il se payait souvent de mots ; on n’a jamais tant usé et abusé des mots passé et avenir ; ils ont pour lui un sens absolu ; ce sont des êtres complets, déterminés, des abstractions distinctes, des idoles ; il maudit l’un et adore l’autre. […] Ce mot ne semblera pas trop fort si l’on prend la peine de relire des sorties telles que la suivante (je supprime la citation probante qui vient à l’appui). — Quelle chute, continue M.
L’abbé de Saint-Pierre l’oubliait ; il ne s’était jamais brouillé avec l’agrément et le charme, par la bonne raison qu’il ne les avait jamais connus ; il faut bien lâcher le mot, il était dans une impossibilité malheureuse, — malheureuse pour lui et surtout pour les autres —, de comprendre tout ce qu’enferme de triste et de fâcheux ce mot qui est mortel au public français l’ennui. […] Dans ces années de jeunesse et tandis qu’il occupait dans le faubourg Saint-Jacques cette petite maison de 200 livres, il allait voir les hommes célèbres par leurs écrits, il courait après eux (c’est son mot). […] Il était content et le laissait voir : « J’ai du plaisir partout, disait-il, parce que j’ai l’âme saine. » Il a pourtant écrit, au sujet de la moquerie, un mot fait pour toucher, et où il ne tient qu’à nous de voir une allusion à ce portrait de Mopse : « Quel agrément dans la vie pour le bienfaisant de sentir la joie de ceux chez qui il entre !
Entre tant de poëmes de circonstance, où le faste des mots et des ornements cachait mal la disette de l’inspiration, les Oiseaux du Sacre se distinguaient par leur originalité naïve, touchante, convenable à une délicatesse de femme, d’une femme qui savait aussi faire entendre des accents de liberté. […] Peau-d’Ane, en un mot, est un mythe social, dont la pensée se produit dans les chants qui terminent chaque journée. […] (Mon désir d’être exact me fait ajouter un seul mot : ce portrait, jugé par des personnes qui voient de près l’auteur, leur a paru présenter l’idée d’une personne plus agitée ou plus résignée que ne l’est, que n’a besoin de l’être une âme si calme, si réglée, si bien établie dans les affections douces et dans les études solides. […] Nous devons dire pourtant, de peur de ne rien exagérer, que ce cri de douleur se trouve imité ou même traduit de la pièce de Shelley, intitulée A Lament, qui commence par ces mots : Oh, world !
Un petit mot glissé en passant change à l’instant l’accent du récit. […] Il se prosterne devant les bâtards ; il adore Mme de Montespan ; il remarque, quand le roi révoque l’édit de Nantes, que « sa principale favorite, plus que jamais, c’est la vertu. » Encore, parmi tant de génuflexions, a-t-il peur de mal louer ; ayant dit du roi que « sa bonne mine ravit toutes les nymphes de Vaux », il se reprend comme un poëte craintif du Bas-Empire, se demandant « s’il est permis d’user de ce mot en parlant d’un si grand prince. » Il quête de l’argent humblement au monarque et à d’autres. […] Voilà les louanges qu’il trouvait pour elle. « Vous que l’on aime à l’égal de soi-même. » Voilà le mot par lequel il peignait son sentiment. […] Mot admirable de candeur et d’abandon.
Ils y saisiront surtout avec plus de facilité le rapport du livre et de la vie, l’étroite liaison de l’idée et de la réalité : ils sentiront que ce ne sont point des fantaisies en l’air dont on les entretient ; ils apercevront dans ces mots, ces éternels mots, dont tant de siècles ont fatigué leurs oreilles, toute la vie de l’humanité et leur propre vie. […] Une lecture, en un mot, est une lutte, et n’est féconde qu’à ce prix. […] Eh bien, dans ce cadre que vous fournit votre lecture, faites rentrer la réalité que vous connaissez, votre vie intime, le monde qui vous entoure : déformez-le, s’il le faut ; agrandissez, resserrez ; en un mot adaptez-le à votre usage, et moulez le contenant sur le contenu.