/ 1968
48. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

Robin. — La condition suffisante et nécessaire de la sensation est une action des centres nerveux. […] Les diverses portions de l’encéphale. — Le bulbe rachidien. — S’il est seul conservé, il n’y a plus de sensations proprement dites. — Expériences de Vulpian. — Distinction du cri réflexe et du cri douloureux. — La protubérance annulaire. — Expériences de Longet et de Vulpian. — L’action de la protubérance est la condition suffisante et nécessaire des sensations tactiles, auditives et gustatives. — Les tubercules bijumeaux ou quadrijumeaux. — Expériences de Flourens, Longet et Vulpian. — L’action de ces tubercules est la condition suffisante et nécessaire des sensations visuelles. — Existence probable d’un autre centre dont l’action est la condition suffisante et nécessaire des sensations olfactives. […] Visiblement, ce n’est là qu’une condition accessoire et lointaine. […] Nous avons vu les conditions qui ôtent ou confèrent l’ascendant à telle ou telle image141 ; ce sont donc les mêmes conditions qui déterminent la propagation de telle ou telle action. […] Grâce à certaines conditions favorables ou défavorables, une image prend ou perd la première place dans notre esprit ; grâce à ces mêmes conditions, l’action correspondante prend ou perd la première place dans notre cerveau.

49. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Quelles sont les conditions du progrès ? […] Qui ne croit au progrès, et qui peut en déterminer avec une précision suffisante les lois, les conditions, le but ? […] Bagehot a cru y voir les conditions essentielles du développement des nations. […] Flint ne nous a pas découvert la loi véritable, la condition essentielle du développement humain. […] Et cette sympathie n’est peut-être pas une des moindres conditions pour mener à bien l’étude de la nature animée.

50. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Dans des conditions artificielles, dans un cadre irréel, il place un élément naturel, un sentiment vrai, qu’il oblige à découvrir son essence et ses propriétés par des réactions caractéristiques. […] Il y a deux points où il insiste surtout : il veut des tableaux, non plus des coups de théâtre, et qu’on peigne les conditions, non plus les caractères. […] Quant à remplacer les caractères par les conditions, il est facile de réfuter Diderot. […] Chacun de ces genres se caractérise par des conditions d’imitation j et une qualité d’impression particulières : ils sont donc tous légitimes. […] Or nous verrons plus loin que ce réalisme-là ne put triompher au xviiie siècle des conditions littéraires et sociales qui lui faisaient échec.

51. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre IV. La folie et les lésions du cerveau »

Chapitre IV La folie et les lésions du cerveau Dans les sciences physiques et chimiques, lorsque l’on veut connaître les conditions qui déterminent la production des phénomènes, on fait ce que l’on appelle des expériences : on supprime telle ou telle circonstance, on en introduit de nouvelles, on les varie, on les renverse, et, par toute sorte de comparaisons, on cherche à découvrir des effets constants liés à des causes constantes. […] Il semble qu’une si triste expérience devrait avoir au moins l’avantage de jeter quelque lumière sur le problème que nous étudions, car si l’on découvrait dans quelles conditions se trouve le cerveau lorsque la pensée s’égare, on pourrait induire de là, par opposition, les conditions normales de l’exercice de la pensée. […] C’est un état de l’âme dont les conditions physiologiques nous sont inconnues. […] En dehors même de ces cas de folie, nous voyons que la lièvre produit le délire, que le sommeil change les conditions de la pensée, que la catalepsie produit des états intellectuels anormaux. […] Sans vouloir toutefois rien nier d’une manière absolue, contentons-nous de conclure que les conditions physiologiques de la folie sont aussi obscures pour l’homme que toutes les conditions physiques de la pensée en général, et que l’étude du premier de ces problèmes fournit très-peu d’éléments de solution au second.

52. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — IV »

Voilà dans quelles conditions M. Taine ressent ces impressions de deux ordres si tranchés : le plus grand plaisir devant les choses naturelles, devant les champs, les montagnes, la mer, les heures diverses du soleil, et un dégoût passionné des individus qu’il rencontre ou, plus exactement, des conditions de vie où ils se meuvent.‌ […] (Il serait bien curieux d’étudier dans quelles conditions la notion du « philistin » est apparue dans notre littérature et d’analyser ses éléments de formation. […] ∾ Ce qui me préoccupe dans cet article, — je le souligne avec insistance, — c’est de montrer comment, dans un même moment, tous les esprits placés dans des conditions analogues passent par des conceptions analogues. […] En réalité, les Balzac, les Lamartine, les Gautier, les Flaubert, les Leconte de Lisle, les Taine, les Renan, etc., répugnent complètement aux conditions nouvelles de notre vie française où le fonctionnarisme, la spécialisation et la domination exclusive de l’argent accentuent chaque jour leur progrès.‌

53. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

Il serait abusif d’appeler création le renouvellement d’une même synthèse dans les mêmes conditions extérieures. […] Si la routine est une condition de l’invention, l’imitation en est une autre. […] Si la routine et l’imitation sont des conditions de l’invention, la réciproque est vraie : l’invention est une condition de routine et d’imitation. […] Cependant ceci n’est nullement une règle absolue et le sort de la déviation dépend de conditions assez complexes. […] D’autre part le contraire est également vrai, et une invention est souvent la condition nécessaire d’une autre invention.

54. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

Cherchons leurs conditions extérieures. […] Parmi ces conditions, l’expérience en a dévoilé quelques-unes. […] La seule chose que les faits attestent, c’est que les trois sortes de sensations ont des conditions spéciales, et que ces conditions peuvent être détruites isolément. — Quelles sont ces conditions ? […] Mais il y en a d’autres ; car, de ce qu’il y a une condition spéciale, il ne suit pas forcément que cette condition soit la présence d’un nerf spécial. — Deux autres explications sont possibles. En premier lieu, la condition peut être un état spécial du même nerf, ce qui semble le cas dans l’expérience où le genou refroidi devient exsangue.

55. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface »

Si la douleur est un fait normal, c’est à condition de n’être pas aimée ; si le crime est normal, c’est à condition d’être haï1. […] De même, parce qu’on est habitué à se représenter la vie sociale comme le développement logique de concepts idéaux, on jugera peut-être grossière une méthode qui fait dépendre l’évolution collective de conditions objectives, définies dans l’espace, et il n’est pas impossible qu’on nous traite de matérialiste. […] Notre principal objectif, en effet, est d’étendre à la condition humaine le rationalisme scientifique, en faisant voir que, considérée dans le passé, elle est réductible à des rapports de cause à effet qu’une opération non moins rationnelle peut transformer ensuite en règles d’action pour l’avenir. […] Il reste donc que, sans produire le mal qu’il implique, il soutient avec les conditions fondamentales de la vie sociale les rapports positifs que nous verrons dans la suite.

56. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre IV. L’antinomie dans l’activité volontaire » pp. 89-108

Ces différences individuelles tiennent d’une part à des conditions extérieures et sociales ; d’autre part à des conditions intérieures et personnelles. […] Sans parler des conditions physiques comme le climat, on comprend que les conditions de vie sociale, la profession, le rang, l’état de fortune, les relations, l’isolement ou la vie de société fassent triompher dans la conduite ordinaire d’un individu tel ou tel ordre de considérations, telles, ou telles, raisons d’agir et impriment à sa volonté et à son caractère telle courbure particulière. […] Mais ici comme ailleurs, les conditions, sociales ne sont pas tout. […] Ce qui serait intéressant dans cet ordre d’idées, c’est moins de chercher comme le statisticien le chiffre moyen des suicides par exemple pour tel milieu ou telle condition sociale que de connaître les raisons individuelles des suicides ; car deux hommes de même âge, de même milieu et de même condition sociale peuvent se suicider pour des motifs absolument différents.

57. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Telles sont les sept conditions spéciales de l’ancienne comédie grecque. […] Sachons à quelle condition il eût acquis le premier rang dans sa pensée. […] Nous l’avons soumise à sept conditions, ou règles principales, déduites en nos précédentes séances. […] Poursuivons, prenons la liste des conditions. […] Mais ces conditions, pareilles en chacun d’eux, diffèrent cependant par l’usage qu’ils en font.

58. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

En un mot, la diminution de l’homogénéité intrinsèque des sociétés entraînera celle de leur hétérogénéité extrinsèque, et contribuera par là à cet élargissement de la « conscience de l’espèce » qui est une des conditions du succès de l’égalitarisme. […] Ces considérations permettent peut-être de juger une théorie qui a vite fait fortune : celle qui veut que fatalement la division du travail, condition nécessaire de tout progrès humain comme de tout perfectionnement biologique, entraîne l’inégalité. […] » En ce sens, c’est la différenciation même, condition de la collaboration, qui justifie l’appel à l’égalité. […] Le même auteur qui nous assure que la division du travail entraîne « l’inégalité des conditions » remarque qu’elle exige « l’équité des échanges116 » ; c’est avouer qu’elle suppose l’égalité des droits. […] « Il n’y a proprement société, ajoute-t-il, que là où les hommes considèrent un grand nombre d’objets sous le même aspect. » « La première condition du droit, dit de son côté M. 

59. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

Otons ces vêtements surajoutés ; prenons l’homme en soi, le même dans toutes les conditions, dans toutes les situations, dans tous les pays, dans tous les siècles, et cherchons le genre d’association qui lui convient. […] Il ne s’est engagé qu’à cette condition ; il n’est tenu de respecter les lois que parce qu’il a contribué à les faire, et d’obéir aux magistrats que parce qu’il a contribué à les élire. […] Si l’une de ces conditions manque, la raison, surtout la raison politique, est absente. — Chez le paysan, chez le villageois, chez l’homme appliqué dès son enfance au travail manuel, non seulement le réseau des conceptions supérieures fait défaut, mais encore les instruments internes qui pourraient le tisser ne sont pas formés. […] De gré ou de force, ils sont les corvéables de l’État, plus disgraciés qu’un valet ou un manœuvre, puisque le manœuvre travaille à conditions débattues et que le valet chassé peut réclamer ses huit jours. […] Sa loi « ne prêche que servitude et dépendance… il est fait pour être esclave », et d’un esclave on ne fera jamais un citoyen. « République chrétienne, chacun de ces deux mots exclut l’autre. » Partant, si la future république me permet d’être chrétien, c’est à la condition sous-entendue que ma doctrine restera confinée dans mon esprit, sans descendre jusque dans mon cœur  Si je suis catholique, (et sur vingt-six millions de Français, vingt-cinq millions sont dans mon cas), ma condition est pire.

60. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre IV. L’espace et ses trois dimensions. »

Je viens d’énoncer deux conditions pour que ces deux points soient identiques ; l’une est relative à la vue, l’autre au toucher. […] Cette condition que les deux objets forment leur image en O est donc nécessaire, mais non suffisante pour que les points M et M′ coïncident. […] Donc cette condition que si A touche mon doigt à l’instant α, B le touche à l’instant β, est à la fois nécessaire et suffisante pour que M et M′ coïncident. […] Dans ces conditions nous avons vu qu’elles engendreront un continu physique à trois dimensions. […] Or nous allons voir que cette condition est remplie.

61. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Examinons la répercussion de ces lois sur les conditions d’existence des individus. […] Une forte organisation sociale représente pour l’individu la condition optima. […] C’est que le véritable principe de la libération de l’individu n’est pas dans les conditions sociales extérieures à l’individu. […] Elle n’est pas un produit des conditions sociales, mais une expression de l’intime physiologie des individus. […] Toute institution, toute croyance est un produit naturel des conditions d’existence sociales à un moment donné, dans un milieu donné.

62. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hoffmann »

Seulement, pour introduire hardiment et heureusement le surnaturel dans une littérature, il faut des hommes sains, des intelligences bien portantes, des poitrines accoutumées à respirer l’éther, et Hoffmann n’était pas dans ces conditions d’organisation supérieure. […] La littérature tombant dans le logogriphe est-elle dans les conditions vraies et normales de toute littérature, dont les premières conditions, les conditions élémentaires, sont la logique, — car l’imagination a sa logique comme l’intelligence, — le sens humain et la clarté ? […] Nous nous sommes longtemps demandé comment il avait pu se placer dans de pareilles conditions d’enthousiasme ou de parti vis-à-vis d’un homme si radicalement opposé à sa nature d’inventeur, mais un regard plus assuré sur cette anomalie nous en a donné le secret. […] Pour nous, nous les avons relues dernièrement, ces œuvres, et nous assurons, au rebours de l’éditeur de ces tronçons et de ces miettes, qu’elle ne dureront dans l’imagination des hommes qu’à la condition qu’on respectera au fond de soi les lointaines impressions qu’elle nous ont laissées, et qu’on ne reviendra pas sur leurs débris.

63. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

Mais trois choses ont toujours résumé pour nous l’horreur indescriptible de cette destinée de l’homme mortel ici-bas : les conditions de la naissance, les conditions de la vie physique et les conditions de la mort. […] Voici pour les conditions de la mort. […] Voilà pourtant les conditions universelles de la vie physique. […] La condition du bienfait serait pire que le bienfait. […] Je dirai plus ; j’ai toujours été convaincu que le changement de place, la diversité d’horizon ici-bas, la possession d’une certaine proportion d’espace matériel, la locomotion, en un mot, était non seulement une condition de grandeur dans l’imagination et dans l’âme, mais aussi une condition de justesse dans l’esprit de l’homme.

64. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

Il importe avant tout de bien concevoir que la distinction logique entre les conditions d’un phénomène et le phénomène lui-même, est simplement un artifice. Il y a là non pas deux choses — d’une part, un groupe de conditions (causes), d’autre part, un résultat (effet) — mais une seule et même chose vue différemment. Ce que nous appelons les conditions, ce sont les facteurs analytiques que nous avons découverts dans le fait. […] Cette question ne peut avoir qu’un seul sens : quelles sont les conditions connues du tissu musculaire vivant et les modes de réaction de ce tissu, quand on l’excite ? […] Mais c’est par un artifice qu’on les isole ainsi ; en réalité, la contraction est identique à ses conditions et n’est rien de surajouté à elles.

65. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Ce sont les conditions les plus générales de la pensée, en particulier du raisonnement, par conséquent aussi de la volition, qui enveloppe un syllogisme appétitif et actif. […] Ces deux principes sont des conditions de subsistance au sein de la nature même. […] L’instinct de l’ordre est avant tout une condition de conservation. […] — En cherchant quelles sont les conditions essentielles de la conscience et de la volonté. La conscience, en effet, est elle-même la condition de tout sujet ou moi, et de tout objet de notre expérience : elle est donc la condition de l’expérience.

66. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre II : Variations des espèces à l’état de nature »

Les monstres sont très fréquemment stériles ; de plus chaque être vivant, surtout chez les animaux, est si admirablement adapté à ses conditions d’existence, qu’il semble dès le premier abord improbable que des instruments aussi parfaits aient été soudainement produits dans leur perfection, de même qu’une machine compliquée ne saurait avoir été inventée par un seul homme avec tous ses perfectionnements successifs. […] De tels faits sont fort embarrassants pour la science, car ils semblent prouver qu’une telle variabilité est indépendante des conditions extérieures. […] S’il multiplie beaucoup ses observations, il deviendra capable à la fin de déterminer à peu près ce qu’il doit appeler variété ou espèce ; mais il n’y parviendra qu’à la condition d’admettre dans les formes spécifiques une grande variabilité qui sera souvent contestée par d’autres naturalistes. […] On aurait pu le préjuger, par cette raison qu’elles sont exposées à des conditions physiques diverses et qu’elles entrent en concurrence avec différentes séries d’êtres organisés, ce qui est de la plus haute importance, ainsi que nous le verrons plus loin. […] Une plante peut être considérée comme dominante, si elle est plus nombreuse en individus et plus répandue que presque toutes les autres plantes de la même contrée, qui n’exigent pas des conditions de vie très différentes.

67. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre septième. Les sentiments attachés aux idées. Leurs rapports avec l’appétition et la motion »

Ces sentiments, en effet, ont toujours leurs conditions nerveuses et sensitives, qui sont des mouvements. […] Une contradiction, une multiplicité sans lien, en supprimant la condition même de la représentation et de la pensée, cause un déplaisir, un choc intellectuel. […] L’affirmation, en effet, est la condition cérébrale de l’action ; elle est, comme nous l’avons fait voir, l’action commencée ; elle est même le mouvement commencé en un certain sens. […] L’universel, en effet, est la seule satisfaction adéquate d’une pensée qui a pour condition d’existence la synthèse complète de la multiplicité dans l’unité ; l’idée universelle est le maximum d’efficacité avec le minimum de dépense intellectuelle : elle est donc une économie de force et un déploiement de puissance.

68. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 4, objection contre la proposition précedente, et réponse à l’objection » pp. 35-43

Vous ignorez, ajoûtera-t-on, que les besoins de la vie asservissent, pour ainsi dire, la plûpart des hommes à la condition dans laquelle ils ont été élevez dès l’enfance. Or la misere de ces conditions doit étouffer un grand nombre de génies, qui se seroient distinguez, s’ils fussent nez dans des conditions plus relevées. […] Par rapport à ces derniers, je regarde l’arrangement des conditions diverses qui forment la societé, comme une mer.

69. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

N’allons pas jusqu’à ces affirmations mystiques : « C’est la société qui pense dans l’individu. » Seul l’individu pense, seules les consciences particulières ont l’unité, condition de ces synthèses qui sont les idées. […] * ** La sociologie nous offre-t-elle, et à quelles conditions, de pareilles hypothèses ? […] L’observation réunirait alors toutes les conditions nécessaires à une induction, et nous pourrions affirmer qu’un rapport constant unit la centralisation à l’égalitarisme. […] En disant que telle forme sociale contribue au succès de l’égalitarisme, nous ne prétendons pas qu’elle en soit la cause unique, la raison suffisante : nous ne la posons que comme une de ses conditions. […] Or on sait que l’histoire ne se répète guère ; il est rare qu’elle ramène deux fois les mêmes combinaisons de conditions.

70. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Sa condition d’être commun et ouvert à tous l’a sans doute, à chaque époque, laissé en proie à tous les hasards des esprits. […] Quelle que soit la légitimité stricte du fond, n’est-il pas triste pour les lettres en général que leur condition matérielle et leur préoccupation besogneuse en viennent à ce degré d’organisation et de publicité ? […] On écrit, on achève un livre ; on traite de la vente avec un libraire ; on remplit ses conditions et lui les siennes ; après quoi l’on rentre dans sa propriété. […] Au lieu d’un livre, est-ce de simples articles qu’on écrit : on traite avec un journal, on remplit mutuellement ses conditions. […] Mais où sont les conditions littéraires et les garanties de l’admission ?

71. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

La liberté de penser est donc le droit commun de toutes les écoles philosophiques : elles ne sont philosophiques qu’à cette condition. C’est là pour nous le premier principe, et par rapport à cette condition fondamentale les dissidences ultérieures n’ont en quelque sorte qu’une importance secondaire. […] Sans doute ma pensée est susceptible d’erreur ; mais l’erreur ne lui est pas essentielle, elle tient à de certaines conditions que l’expérience nous apprend à reconnaître, et l’exercice à éviter. […] Il m’est permis, il m’est ordonné d’examiner, mais à la condition que je sois de votre avis. […] Fort bien, mais à quelle condition ?

72. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Renouvier, puisque Spencer croit que la conscience la plus obscure a pour condition le classement des impressions en avant et après. […] Cette idée modifie le cours de l’évolution, tel qu’il eût été sans l’idée et sans les conditions à la fois psychiques et physiques de l’idée. […] Or, l’étendue remplit ces deux conditions. […] Ne prenons pas le mode ou le résultat constant de notre expérience pour une condition antérieure et supérieure à l’expérience. […] En admettant même que le temps soit une condition sine qua non de notre conscience, comment peut-il en conclure que le temps « n’appartient pas aussi aux choses à titre de condition ou de propriété » ?

73. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

C’est dans tous les cas la première condition de tout progrès solide dans la philosophie naturelle. […] La terre n’étant point une exception dans notre système planétaire, rien ne peut forcer à croire qu’elle possède seule ce privilège d’être habitée et que ce ne soit pas une condition commune qu’elle partage, sauf variété, avec les autres planètes, ses compagnes et ses sœurs. […] Que ce soit ou non une faveur, il y en a de plus voisins du soleil, il y en a de beaucoup plus éloignés ; il en est de moins gros, de plus légers en poids, il en est de beaucoup plus considérables : la condition de notre terre, de quelque côté qu’on la considère dans cet ensemble, est proprement la médiocrité. […] Il est dans le vrai encore et dans la ligne de la science lorsque, rappelant combien les conditions de la vie ont varié sur cette terre depuis la première apparition des êtres organisés et des espèces vivantes, il ajoute qu’il n’y a pas lieu de les circonscrire, de les limiter à une seule sphère, et que cette différence de conditions et de formes qui a éclaté successivement (comme la géologie l’atteste) sur notre globe terrestre, peut varier et se diversifier à plus forte raison de globe à globe, de planète à planète. […] Il va plus loin, il jette le câble électrique, il établit la chaîne : « Qui nous dit que ces mondes et leurs humanités ne forment pas dans leur ensemble une série, une unité hiérarchique, depuis les mondes où la somme des conditions heureuses d’habitabilité est la plus petite jusqu’à ceux où la nature entière brille à l’apogée de sa splendeur et de sa gloire ?

74. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre premier. Les sensations totales de l’ouïe et leurs éléments » pp. 165-188

. — Les sciences physiques et physiologiques ne peuvent démêler ces éléments, mais seulement les conditions des sensations totales. — Les sensations semblent irréductibles à d’autres données plus simples. — La psychologie semble, par rapport à elles, comme la chimie est par rapport aux corps simples. […] À la vérité, cet état est sa condition suffisante et nécessaire ; mais il n’est pas sûr qu’elle soit la même chose que lui ; au premier regard, elle en diffère, et, certainement, elle ne nous est pas connue au même degré que lui ni de la même façon. […] On sait par l’acoustique qu’un son musical a pour condition une série uniforme de vibrations de l’air ; que chacune de ces vibrations a telle longueur et dure telle fraction de seconde ; que, plus sa longueur diminue et plus sa durée est courte, plus le son devient aigu. […] Les divers degrés de force ou d’intensité de la même sensation de son sont les divers degrés par lesquels elle passe de son minimum à son maximum, et l’on sait que ces degrés ont pour condition suffisante et nécessaire les divers degrés de condensation de l’onde aérienne. […] Donc, étant donnée la loi qui lie la sensation élémentaire avec sa condition, on peut suivre la sensation élémentaire sous tous ses aspects et à tous ses degrés, bien au-delà de la portée de la conscience, en suivant par les mathématiques les changements et les degrés de sa condition.

75. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Mais enfin il reconnaîtra que, sans le savoir, nous avons posé la condition des progrès futurs et que notre industrialisme a été, quant à ses résultats, une œuvre méritoire et sainte. […] Car l’amélioration de la condition matérielle est la condition de l’amélioration intellectuelle et morale, et ce progrès comme tous les autres devra s’opérer par un travail spécial : quand l’humanité fait une chose, elle n’en fait pas une autre. […] De telles améliorations n’ont aucune valeur idéale en elles-mêmes ; mais elles sont la condition de la dignité humaine et du perfectionnement de l’individu. […] Mais, quand un misé-[145] rable travaille à s’élever au-dessus du besoin, il fait une action vertueuse, car il pose la condition de sa rédemption, il fait ce qu’il doit faire pour le moment. […] Certes, il ne faut pas regretter de voir les peuples passer de l’aspiration spontanée et aveugle à la vue claire et réfléchie ; mais c’est à la condition qu’on ne donne pas pour objet à cette réflexion ce qui n’est pas digne de l’occuper.

76. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

On se demande en effet si l’acte pouvait ou ne pouvait pas être prévu, étant donné l’ensemble de ses conditions ; et soit qu’on l’affirme, soit qu’on le nie, on admet que cet ensemble de conditions pouvait se concevoir comme donné à l’avance : ce qui revient, ainsi que nous l’avons montré, à traiter la durée comme une chose homogène et les intensités comme des grandeurs. Ou bien encore on dira que l’acte est déterminé par ses conditions, sans s’apercevoir que l’on joue sur le double sens du mot causalité, et qu’on prête ainsi à la durée, tout à la fois, deux formes qui s’excluent. […] De quelque manière, en un mot, qu’on envisage la liberté, on ne la nie qu’à la condition d’identifier le temps avec l’espace ; on ne la définit qu’à la condition de demander à l’espace la représentation adéquate du temps ; on ne discute sur elle, dans un sens ou dans l’autre, qu’à la condition de confondre préalablement succession et simultanéité. […] Nous verrions enfin que l’idée même de détermination nécessaire perd ici toute espèce de signification, qu’il ne saurait être question ni de prévoir l’acte avant qu’il s’accomplisse, ni de raisonner sur la possibilité de l’action contraire une fois qu’il est accompli, car se donner toutes les conditions, c’est, dans la durée concrète, se placer au moment même de l’acte et non plus le prévoir. […] C’est enfin que, même dans les cas où l’action est librement accomplie, on ne saurait raisonner sur elle sans en déployer les conditions extérieurement les unes aux autres, dans l’espace et non plus dans la pure durée.

77. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Dira-t-on qu’on pourrait la prévoir si l’on connaissait, dans tous leurs détails, les conditions où elle se produira ? […] Elle sera due à l’influence positive des conditions extérieures qui auront modelé l’organisme sur leur forme propre. […] Autre chose est la complication graduelle d’une forme qui s’insère de mieux en mieux dans le moule des conditions extérieures, autre chose la structure de plus en plus complexe d’un instrument qui tire de ces conditions un parti de plus en plus avantageux. […] Elle naîtrait de l’effort même de l’être vivant pour s’adapter aux conditions où il doit vivre. […] A cette condition seulement elle aura prise sur les corps organisés.

78. (1913) Le bovarysme « Deuxième partie : Le Bovarysme de la vérité — II »

Si, après avoir mis en lumière l’universalité et la fatalité du mensonge bovaryque, on s’est gardé ici de formuler une évaluation pessimiste de la vie et de ses conditions, il faut reconnaître que cette même constatation de fait serait de nature à motiver un autre jugement chez l’immense foule des hommes qui vivent et assurent par leur confiance et leur ardeur les progrès de la vie. […] Mais leur courage viendrait sans doute à défaillir s’il leur fallait constater que tous leurs efforts ne vont qu’à remplacer un mensonge par un autre et que les conditions mêmes de la vie phénoménale les condamnent à créer sans cesse des perspectives plus ou moins fausses. […] Elle consiste à appliquer aux modes de la vie phénoménale une conception qui exclut la vie phénoménale, la loi d’un autre état que nous ne pouvons imaginer et décrire qu’en niant à son sujet faut ce que nous savons de la vie ordinaire, — en niant qu’il soit soumis aux conditions du temps, de l’espace, de la cause et que la diversité y ait place.

79. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

la charité, c’est un beau mot à prononcer, une belle chose à célébrer un jour de fête en Académie ; mais les conditions habituelles, journalières, la réalité et le matériel, si j’ose dire, de la charité, y pense-t-on bien ? […] On fit une première souscription, à la condition expresse que ce serait le curé qui présiderait à tout. Le Conseil municipal de la commune vota des fonds, à cette même condition également. […] L’établissement de Blamont, cédé et abandonné par lui aux religieuses appelées filles de la Retraite chrétienne, aux conditions, est-il besoin de le dire ? […] Longtemps on a cru qu’il y avait sinon incompatibilité, du moins médiocre convenance entre la condition de l’homme de lettres ou de l’homme d’étude et l’engagement étroit du mariage.

80. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

J’en dirai autant de l’égalité des conditions. […] Quand M. de Tocqueville parle de l’égalité des conditions, il en parle comme d’un fait accompli, définitif, arrêté, dont il faut chercher les conséquences, mais qui en lui-même n’est plus un problème et laisse l’imagination humaine en repos. […] Tous sont frères et égaux en Jésus-Christ, ce qui laisse ici-bas la porte ouverte à toutes les différences de condition ; mais lorsqu’on a transporté cette idée de l’ordre moral et religieux dans l’ordre social et politique, on a été bien embarrassé. […] Cependant il est vrai de dire que la vraie destinée de l’homme est de valoir par soi-même et non par sa condition. […] Enfin, quelque peu métaphysicien que je sois, j’ai toujours été frappé de l’influence que les opinions métaphysiques avaient sur les choses qui en paraissaient le plus éloignées et sur la condition même des sociétés.

81. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

On a si bien isolé le fait de la détermination de ses conditions et de ses résultats, de ce qui le précède et de ce qui le suit, qu’on l’a réduit à un point mathématique, à un moment presque insaisissable, qui n’a plus de réalité. […] Il y a une condition indispensable au commencement du pouvoir volontaire : c’est que les organes que plus tard nous commanderons séparément ou individuellement, soient dès le début susceptibles d’être isolés. […] Quelles sont les conditions de cette décharge spontanée ? […] Les actions réflexes, les actes habituels sont de cette nature, « Les actes volontaires se distinguent des actions réflexes par l’intervention d’une conscience, et le phénomène est très remarquable, en ce qu’il nous introduit, pour ainsi dire, dans un nouveau monde Nous sommes même libres, si cela nous plaît, de dire que l’esprit est une source de puissance ; mais nous devons alors entendre par esprit la conscience jointe à tout le corps, et nous devons aussi être prêts à admettre que l’énergie physique est la condition indispensable ; la conscience, la condition accidentelle187. » V « Tout ce qui a été exposé jusqu’ici188 relativement aux actions volontaires des êtres vivants, implique la prédominance d’une uniformité ou d’une loi dans cette classe de phénomènes, en supposant toutefois une complication de nombreux antécédents qui ne sont pas toujours parfaitement connus. » La pratique de la vie s’accorde en général avec cette théorie : nous prédisons la conduite future de chacun d’après son passé ; nous appelons Aristide un juste, Socrate un héros moral, Néron un monstre de cruauté. […] De même, demander si nos volitions sont libres ou non, c’est tout confondre, c’est ajouter des difficultés factices à un problème qui de sa nature n’est pas insoluble ; c’est ressembler au personnage à qui Carlyle fait demander : « si la vertu est un gaz. » Un motif me pousse, la faim ; je prends la nourriture qui est devant moi, je vais au restaurant, où j’accomplis quelque autre condition préliminaire : voilà une séquence simple et claire ; faites-y entrer l’idée de liberté, et la question devient un chaos.

82. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

À cette condition, l’ouvrage sera ce qu’il veut être : un drame. […] À cette condition seulement il suscitera l’émotion, recueillera l’adhésion qu’il a voulues. […] Telles sont les conditions essentielles du drame. […] Il a étudié dans quelles conditions porte le mot, porte le geste ; dans quelles conditions de rythme, de volume, de style, et aussi par quels sentiments son œuvre peut atteindre à la fois l’élite et la foule. […] Dans ces conditions, il écrira pour le théâtre.

83. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Introduction »

Toutefois, à quelles conditions le pourra-t-elle ? […] — Les sciences sociales doivent au moins provisoirement, rester « théoriques » : telle semble être aujourd’hui la première condition de leur progrès. […] Les conditions matérielles ou morales de toutes sortes, la configuration du sol qui porte les hommes, la nature des instruments qui sont à leur disposition, les caractères anatomiques de leur race, leurs besoins, leurs croyances, leurs sentiments, les qualités différentes des choses ou des personnes peuvent exercer une influence, directe ou indirecte, médiate ou immédiate, sur le succès social de l’idée de l’égalité : pour être sûr de n’oublier aucun de ses antécédents, il faudrait passer en revue toutes ces espèces de phénomènes, et peser l’efficacité propre à chacune d’elles. […] C’est pourquoi nous ne nous proposons pas d’épuiser les causes diverses de ce phénomène historique qui est le succès des idées égalitaires : parmi les séries de conditions qui peuvent concourir à sa production, nous en choisissons une, moins étudiée que les autres, mais non moins importante, pour mesurer l’influence qui lui revient ; et c’est la série des phénomènes proprement sociaux. — En un mot, des problèmes scientifiques de l’égalitarisme, déjà séparés en bloc des problèmes pratiques, nous ne retenons que le problème sociologique. […] * ** On comprend à présent ce qui constitue à nos yeux le problème purement sociologique des idées égalitaire : nous ne recherchons méthodiquement, parmi les conditions de leur succès, que celles qui se trouvent dans le champ des formes sociales.

84. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Il réussit dans cet enseignement de la chaire : ce fut particulièrement sa condition. […] Il a écrit dans son livre De la sagesse, en distinguant chez les hommes les divers genres de vie, soit tout à fait privée et intérieure, soit de famille, soit publique, que « de ces trois vies, interne, domestique, publique, qui n’en a qu’une à mener, comme les ermites, a bien meilleur marché de conduire et ordonner sa vie, que celui qui en a deux ; et celui qui n’en a que deux, est de plus aisée condition, que celui qui a toutes les trois. » Serait-ce dans ce sens tout philosophique qu’il voulait devenir ermite ou religieux ? […] Par vulgaire, il n’entend pas le peuple proprement dit, « mais les esprits populaires, de quelque robe, profession et condition qu’ils soient », gens opiniâtres à ce qu’ils ont une fois pris à cœur, et qu’il y a péril à venir heurter dans leurs préjugés établis : dont il a semblé à plusieurs, dit-il, qu’il n’y faut aucunement toucher, mais laisser le moutier où il est, laisser rouler le monde comme il a accoutumé, et se contenter d’en penser ce qui en est ; et que ce n’est raison que les sages se mettent en peine pour les fols opiniâtres. […] Il ne niait point qu’il n’y eût certaines réformes possibles à apporter dans l’Église, mais il demandait que ces réformes fussent faites par qui de droit, et il observait judicieusement que, pour y aider, la première condition était de demeurer dans le giron et de n’en point sortir. […] Les trois livres dont se compose l’ouvrage roulent : 1° sur l’homme, sa misère, ses faiblesses, ses passions ; sur la vie humaine, ses fluctuations et sa brièveté ; sur les différents états, conditions et genres de vie qui distinguent les hommes ; 2° sur la manière de s’affranchir des erreurs, de l’opinion ou des passions ; 3° enfin, sur les quatre vertus de prudence, justice, force et tempérance.

85. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

Il y a deux faits principaux auxquels on peut ramener la démocratie : l’égalité des conditions et la souveraineté du peuple. […] On conçoit une certaine égalité de conditions, sans aucun mélange de souveraineté populaire : c’est ce qui a lieu dans les monarchies asiatiques, où tous sont égaux, excepté un seul. […] Dans certaines sociétés démocratiques, l’égalité des conditions s’unit à l’inégalité politique. […] Plus les conditions sont inégales, plus il y a de manières différentes de sentir parmi les hommes, plus aussi par conséquent il leur est difficile de sympathiser entre eux : celui qui n’est pas votre égal n’est pas votre semblable. […] « Il ne s’agit plus, dit-il, de retenir les avantagesparticuliers que l’inégalité des conditions procureaux hommes, mais de s’assurer les biens nouveaux que l’égalité peut nous offrir.

86. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Elle lui est liée comme un phénomène physique à sa condition, comme la rosée au refroidissement de la température ambiante, comme la dilatation à la chaleur. […] Sitôt que nous savons quelle est la condition suffisante et nécessaire d’une de ces vastes apparitions, notre esprit a prise aussi bien sur l’avenir que sur le passé. […] et quelles sont les conditions de race, de moment et de milieu les plus propres à produire cet état moral ? […] À ce moment et dans ces pays, les conditions se sont trouvées remplies pour un art, et non pour les autres, et, une branche seule a bourgeonné dans la stérilité générale. Ce sont ces règles de la végétation humaine que l’histoire à présent doit chercher ; c’est cette psychologie spéciale de chaque formation spéciale qu’il faut faire ; c’est le tableau complet de ces conditions propres qu’il faut aujourd’hui travailler à composer.

87. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

. — Le problème, c’est de rendre l’homme aussi utilisable que possible et de le rapprocher, autant que faire se peut, de la machine infaillible : pour cela, il faut l’armer des vertus de la machine ; il faut qu’il apprenne à considérer les conditions où il travaille d’une façon machinale et utile comme les plus précieuses : pour cela il est nécessaire qu’on le dégoûte, autant que possible, des autres conditions, qu’elles lui soient présentées comme dangereuses et décriées. — Ici la pierre d’achoppement est l’ennui, l’uniformité qu’apporte avec elle toute activité mécanique. […] Leur culture supérieure ne leur sert qu’à mieux sentir leur condition humiliée. […] Il y a aujourd’hui une forte tendance à l’égalisation des conditions d’existence, à l’interdiction des consommations de luxe. […] On peut croire en tous cas que même dans les conditions les plus favorables, cet idéal d’humanité ne s’est jamais réalisé qu’en un assez petit nombre d’individualités privilégiées. — Quoi qu’il en soit, le portrait de l’homme moderne s’éloigne aussi loin que possible de cet idéal. […] Par conséquent toutes les conditions de l’invention sont sociales. » (L’Individu dans le déterminisme social, p. 237.)

88. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Ce genre mérite bien que nous en classions convenablement les conditions, parmi les rangs des autres. […] Sa morale touche immédiatement nos conditions et nos esprits. […] Du genre tragique, de ses espèces, et du nombre de ses règles, ou conditions. […] Instruits de cette triple condition des unités, déclarons la difficulté d’y satisfaire, et particulièrement en ce qui touche celle du lieu. […] Les fameux exemples que nous offre la scène ne remplissent pas tous la triple condition qu’elle comporte.

89. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre deuxième. Le développement de la volonté »

Espinas, « tourne à son profit, dans la mesure de ses forces, les conditions du milieu ». — Sans doute, mais c’est cette idée même de profit qui dépasse le mécanisme. […] Il faut donc tout au moins que la représentation du mouvement dans la conscience soit la condition déterminante du mouvement même. […] Nous nous voyons donc nous-mêmes condition première relativement à l’effet et relativement au moyen employé. […] La volonté implique la conscience de la causalité appartenant au sujet en tant que condition d’existence pour quelque objet. […] Puisque l’idée et le désir existent et se voient exister, c’est qu’ils font partie, tels qu’ils sont, de l’ensemble concret des conditions de la réalité présente et des conditions de la réalité future.

90. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le colonel Ardant du Picq »

Calculateur et de sang-froid, qui raisonne de la guerre comme de l’âme de l’homme, parce que c’est cette âme qui fait la guerre, l’auteur des Études sur le Combat voit sûrement, comme tout le monde et mieux que tout le monde, un changement profond dans les conditions extérieures de la guerre avec lesquelles il faut compter ; mais les conditions spirituelles dans lequel elle se produit n’ont pas changé, elles ! […] Elle peut recevoir dans ses rangs des officiers plébéiens, mais à condition qu’ils se laissent absorber… Une aristocratie n’est-elle pas essentiellement orgueilleuse ? […] L’aristocratie prussienne est donc orgueilleuse ; elle veut la domination par la force, et dominer, toujours plus dominer, est dans ses conditions d’existence. « On domine par la guerre : il lui faut la guerre (à son heure, soit : ses chefs ont le tact de choisir le moment), et elle veut la guerre ; c’est dans son essence ; c’est une de ses conditions de vie comme aristocratie.

91. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

la condition de l’homme de lettres, comme tant d’autres conditions dans notre société, a changé, et probablement changera de plus en plus ; elle est soumise bien autrement qu’elle ne l’a jamais été à ces grandes lois de l’égalité, de l’émulation, de la libre concurrence. […] En fait, la condition de l’homme de lettres a changé ; le nombre est de plus en plus grand de ceux qui, ne pouvant s’assujettir à ce qui fait l’objet de la plupart des ambitions, à ce qu’on appelle une place, sont prêts à se confier tout entiers, eux et les leurs, à leur plume, à leur plume seule. […] S’ils sont aimés du public, et si la faveur, si l’estime ou l’admiration les récompense, il importe de plus que cette récompense, sous ses différentes formes, aille bien à eux, leur revienne en une juste proportion et ne reste point en chemin : c’est à cette condition que leur talent vieillissant ne sera point condamné à une production toujours recommençante, et que là aussi, au bout de la carrière, il y aura la dignité d’un certain loisir. […] De là, des questions positives qui se mêlent aux questions morales et qui intéressent la condition future de l’homme de Lettres et sa véritable indépendance. […] elle a répondu avec ardeur, avec feu et sur tous les tons, à l’appel et au vœu des fondateurs du concours, non pas qu’il soit sorti de cette mêlée générale, où 251 concurrents étaient aux prises, une œuvre achevée, complète, et qui réunisse toutes les conditions que les législateurs d’autrefois en ces matières eussent exigées pour une parfaite couronne ; mais il y a nombre de pièces, et même parmi celles qu’on a eu le regret de devoir éloigner, où s’est montrée l’empreinte du talent, le signe distinctif du poète ; et quelques-unes enfin dans lesquelles, d’un bout à l’autre, un souffle heureux a circulé.

92. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Préface » pp. 1-22

De tout petits faits bien choisis, importants, significatifs, amplement circonstanciés et minutieusement notés, voilà aujourd’hui la matière de toute science ; chacun d’eux est un spécimen instructif, une tête de ligne, un exemplaire saillant, un type net auquel se ramène toute une file de cas analogues ; notre grande affaire est de savoir quels sont ses éléments, comment ils naissent, en quelles façons et à quelles conditions ils se combinent, et quels sont les effets constants des combinaisons ainsi formées. […] Dans la première partie, on a dégagé les éléments de la connaissance ; de réduction en réduction, on est arrivé aux plus simples, puis de là aux changements physiologiques qui sont la condition de leur naissance. […] En tout cas, quelle que soit la circonstance ou particularité, il en faut une. — Voilà donc deux conditions que doivent remplir les derniers éléments mobiles. […] Or, à ce titre, on peut considérer les deux conditions comme des moyens, et leur commun résultat comme un but, comme le but de la nature exprimé par une loi suprême. À cette loi se rattacheraient toutes les autres, soit comme conditions préalables, soit comme conséquences ultérieures, et ce but serait la persistance de l’énergie à travers la rénovation des effets.

93. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

Rappelons d’abord qu’en tout état de cause l’unification des sociétés n’est nullement à nos yeux la raison suffisante de leurs tendances égalitaires, mais une des conditions, entre beaucoup d’autres, qui favorisent le succès de ces tendances. […] La centralisation contribue avec d’autres conditions au triomphe des idées égalitaires ; si, par un heureux concours, ces autres conditions se rencontrent, à un très haut degré, dans quelque société, quoi d’étonnant à ce que celle-ci, même peu centralisée, soit poussée pourtant dans le sens de la démocratie ? […] On raconte que sur un des bateaux qui transportaient les émigrants, les moins favorisés firent, avant de débarquer, leurs conditions aux autres, et exigèrent, pour la société qu’ils allaient fonder ensemble, un régime d’égalité. […] Inversement, que dans une société, même très centralisée, manquent la plupart des autres conditions favorables à l’égalitarisme, et nous trouverons naturel qu’elle soit peu égalitaire. […] Nous n’avons plus à craindre en effet que deux des conditions que nous disions favorables à l’égalitarisme se contredisent, de telle sorte qu’il leur serait impossible de se rencontrer dans les mêmes sociétés pour collaborer à la même œuvre.

94. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — V »

Cette contradiction et cette résistance dessinent en leurs points d’équilibre les contours du réel ; mais pour que le réel se forme et devienne perceptible une condition est nécessaire : c’est une certaine durée de l’état d’équilibre qui s’est établi entre les deux forces antagonistes. […] À cette réalité informe s’applique le mot de Nietzsche : « Mieux vaut n’importe quelle règle que point de règle du tout. » La première condition de sa formation sera l’autorité sur elle de la vérité qui la contraindra : par là elle acquerra cet élément premier de toute réalité : la durée. […] Lorsque voici formée, par l’appoint de cette condition de durée, une réalité quelconque, voici aussitôt limité, en ce qui la concerne, le nombre des changements qu’elle peut accepter. […] Ainsi cet élément de la durée, sans lequel aucune réalité ne peut se constituer, peut-il devenir aussi un obstacle au développement futur de la réalité qu’il a fait naître ; condition de vie, il est aussi une menace de mort.

95. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

On dit souvent, dans le langage courant : mettez-vous à ma place, mettez-vous à la place d’autrui, — et chacun peut en effet, sans trop d’effort, se transporter dans les conditions extérieures où se trouve autrui. […] — les Non, causes générales tenant au milieu extérieur ne sont que des conditions préalables ; l’apparition du génie est due à la rencontre heureuse d’une multitude de causes dans la génération même et dans le développement de l’embryon. […] Etre en histoire littéraire et en critique un disciple de Bacon, me paraît le besoin du temps et une excellente condition première pour juger et goûter ensuite avec plus de sûreté. » Il y avait là quelque exagération. […] Ainsi, ayant nous-même admis que l’émotion esthétique supérieure est une émotion sociale, nous accorderons volontiers que l’expression supérieure de la société est la caractéristique de l’œuvre supérieure, mais à la condition qu’il ne s’agisse pas seulement, comme pour M.  […] Spencer, a montré ce qu’a d’inexact et de vague l’expression milieu social, quand on la prend non plus au sens statique, comme l’ensemble des conditions d’une société à un moment, mais au sens dynamique, comme une force assimilant certains êtres à ces conditions.

96. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Oublie-t-on que la guerre était la condition de l’Humanité à cette époque ! […] Donc ce que j’appelle les conditions d’existence pour la société n’a point changé pendant tout ce Moyen-Âge. […] Sa naissance, sa condition, était un fait qu’il devait accepter tel qu’il lui était donné. […] Je rejette cette condition. […] À cette condition seulement il peut y avoir une patrie, une société.

97. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Aujourd’hui que ces tentatives se renouvellent parmi nous, il est intéressant de se demander dans quelle mesure et à quelles conditions la science moderne, si vaste et si complexe, peut devenir l’objet et la matière de la poésie. […] Nos poètes contemporains sont même, à cet égard, dans des conditions plus favorables que leurs devanciers. […] Cependant cette solution elle-même n’est qu’une solution approximative, purement subjective, appropriée aux conditions de notre intelligence. […] Or nous ignorons si en dehors de l’homme il y a d’autres êtres semblables à lui, pensant d’après les mêmes lois, ou des réalités soumises aux conditions qu’il est forcé de concevoir. […] Ce que nous appelons le mal en dehors de nous n’est qu’un moyen fatal, la condition d’un ordre qui nous dépasse infiniment.

98. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Qui verra la fin d’un genre de comédie dont les conditions seront le fond ? […] La condition donnée, il reste à la combiner avec un caractère. […] La condition y sera pour les deux tiers, le caractère pour le reste. […] La condition étant « la base » de la comédie sérieuse, toute l’intrigue doit consister à jeter le personnage dans les situations les plus incompatibles avec sa condition. […] Parlez-moi de la condition pour produire cet effet !

99. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Il avait les quatre conditions nécessaires pour donner à l’Europe ce chef-d’œuvre si longtemps inconnu : la philosophie pratique, la passion de son modèle, la connaissance du grec et la vertu antique, cette condition supérieure qui force l’homme de ressembler à ce qu’il admire. […] La nature a donc déterminé la condition spéciale de la femme et de l’esclave. […] L’abrogation d’une loi de ce genre, à Leucade, rendit la constitution complètement démocratique, parce que, dès lors, on parvint aux magistratures sans les conditions de cens autrefois exigées. […] Si les ouvriers chargés de tous les travaux appartiennent à l’État, il faut que ce soit aux conditions établies pour ceux d’Épidamne, ou pour ceux d’Athènes par Diophante. […] Voyons cependant ce que l’on doit faire quand toutes ces conditions diverses se rencontrent simultanément dans la cité.

100. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

. — Trois conditions. — Leurs éléments doivent être calqués sur les éléments des choses. — Leurs éléments doivent être le plus généraux qu’il se pourra. — Leurs éléments doivent être combinés le plus simplement possible. […] Nous allons examiner de quels éléments cet édifice mental se compose, comment il se construit par quel équilibre il se soutient, et à quelles conditions il correspond à l’édifice réel et naturel des choses. […] Oui, puisque les corps se meuvent et que leurs limites les accompagnent dans leur mouvement. — À présent, y a-t-il dans la nature des points, des lignes, des surfaces, qui en se mouvant, en se combinant, se conforment en toute rigueur aux conditions énoncées dans nos constructions ? […] Quelle que soit cette condition de mouvement, choc d’un autre corps, attraction d’un aimant, répulsion électrique, qu’elle semble résider dans le corps mû ou dans un autre, il n’importe ; on l’appelle force, sans préjuger quoi que ce soit de sa nature, et on n’entend rien de plus par ce nom qu’une condition dont la présence suffit à provoquer le mouvement, condition qui se rencontre dans une infinité de circonstances diverses et qui, dégagée, isolée par une fiction de l’esprit, devient ainsi tout à fait générale et abstraite. […] C’est ainsi que le mathématicien prépare d’avance des moules que le physicien viendra plus tard remplir. — Trois conditions sont requises pour que ces moules aient chance de convenir aux choses.

101. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre II. L’antinomie psychologique l’antinomie dans la vie intellectuelle » pp. 5-69

Durkheim s’attache à montrer l’indépendance relative des phénomènes de la pensée à l’égard des conditions cérébrales1. […] Draghicesco, c’est que le cerveau y est à la fois la condition et l’effet de la vie sociale. […] Il est peu vraisemblable que la supériorité intellectuelle de l’homme tienne uniquement aux conditions sociales dans lesquelles a évolué l’espèce humaine. […] Il faut remarquer que l’intuition transcendantaliste n’a rien à voir avec les conditions de l’œuvre d’art et du plaisir que nous cause celle-ci. […] Toute idée doit réaliser pour lui une de ces trois conditions : 1º sortir de lui ; 2º lui être utile directement ; 3º lui être utile indirectement.

102. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

La condition de l’homme de lettres, comme tant d’autres conditions dans notre société, a changé, et probablement changera de plus en plus ; elle est soumise bien autrement qu’elle ne l’a jamais été à ces grandes lois de l’égalité, de l’émulation, de la libre concurrence. […] En fait, la condition de l’homme de lettres a changé ; le nombre est de plus en plus grand de ceux qui, ne pouvant s’assujettir à ce qui fait l’objet de la plupart des ambitions, à ce qu’on appelle une place, sont prêts à se confier tout entiers, eux et les leurs, à leur plume, à leur plume seule. […] De là, des questions positives qui se mêlent aux questions morales et qui intéressent la condition future de l’homme de lettres et sa véritable indépendance. […] Mais sans aller chercher si loin nos titres de noblesse, jetons un coup d’œil rapide sur ce qu’a été jusqu’ici dans notre pays la condition des écrivains, afin de mieux comprendre ce qu’elle est, ce qu’elle doit être au xixe  siècle. […] S’ils se publient dans les conditions ordinaires, ces importants ouvrages, pressentant peu d’acheteurs, s’établiront à très haut prix, ce qui les rendra moins accessibles encore : l’effet, comme toujours, réagira sur sa cause et en doublera l’énergie.

103. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

. — A quelles conditions un être est-il sympathique. […] Quant aux lois qui ont rapport aux conditions objectives dans lesquelles se produit la vie, elles sont pour la plupart inconnues, et ne peuvent faire l’objet d’aucune science exacte. […] Toutes les règles concernant ce nouvel objet de l’art aboutissent à déterminer dans quelles conditions se produit l’émotion sympathique ou antipathique. […] La première condition pour qu’un personnage soit sympathique, c’est évidemment qu’il vive. […] La seconde condition, c’est que ce personnage soit animé de sentiments que nous puissions comprendre et soient en nous-mêmes qui puissants.

104. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

La crainte de Henri IV, en apprenant ces ouvertures faites sans lui et sans son conseil, c’était que les Hollandais ne se laissassent leurrer par l’Espagne, qu’une fois amorcés à cette idée de paix, ils ne la voulussent à tout prix et ne s’y précipitassent sans conditions suffisantes ; il y aurait perdu un allié utile qui occupait puissamment les forces de l’Espagne, en même temps que sa réputation politique en Europe eût grandement souffert d’un traité d’où il aurait été exclu. […] En un mot, et pour marquer son effort aussi brièvement que possible, je dirai qu’il travaillait à la fois sur Henri IV pour le disposer d’avance à consentir à une longue trêve dont ce monarque rejetait l’idée, et sur les Hollandais pour les contenir à n’accepter une paix que moyennant les conditions essentielles et sans y courir à bride abattue. […] Lui et ses collègues, au nom de la France, conclurent en janvier 1608 un traité de ligue et d’alliance défensive avec les États-Généraux des Provinces-Unies, traité qui avait cet avantage de ne pas faire dépendre la fortune de la république de la paix dont on allait discuter les conditions, de la mettre à même de s’en passer ou de n’y adhérer qu’à bon escient. […] Ce roi d’Espagne se soumet à des conditions qu’il rejetterait sans doutec, n’était leur considération. […] Le roi d’Espagne se soumet à des conditions qu’il rejetterait sans doute

105. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

D’un point de vue d’observation positive, sous quelles conditions une conception bovaryque est-elle bienfaisante ? […] Mais tandis que le premier changement s’opère sous des conditions purement physiques, que l’intervention des autres hommes et du milieu ne peut modifier que d’une façon insensible, la croissance intellectuelle et morale semble déterminée en grande partie par cette intervention, par l’exemple immédiat des paroles et des actes, par la notion qui est le legs des exemples et des efforts passés. […] Mais pour que cette forme nouvelle ne demeure pas le privilège d’une seule intelligence, il faut qu’un grand nombre d’esprits aimantés vers le sommet où s’ouvre cette fleur nouvelle se haussent au-dessus d’eux-mêmes et se modifient jusqu’à réaliser en eux-mêmes les conditions de cette culture. […] Or, qu’il soit inhérent à l’essence même de la vie humaine, qu’il soit une condition de son progrès, cela explique et justifie qu’il survive & sa nécessité. […] L’un et l’autre ont pour champ d’observation un être dont c’est la fonction essentielle de se concevoir dans une certaine mesure autre qu’il n’est, pour qui l’accomplissement de cette fonction est une condition vitale, au même titre que les actes de nutrition et d’assimilation sont pour les animaux des conditions de vie.

106. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

J’en voudrais simplement examiner les termes, étudiant parallèlement les conditions esthétiques du drame, du roman et de la poésie, fixant leur réciproque position au seuil du nouveau siècle, — et découvrant ainsi peut-être — les raisons, il faut l’espérer, passagères, de leur éloignement présent. […] Il représente l’art dans sa conception la plus haute, la plus pure, la plus affranchie de toutes conditions temporelles. […] Car — et j’exagère à dessein — par définition il crée son œuvre de toutes pièces, de rien, ainsi que Dieu créa le monde ; il tire de lui-même son monde : à ce point qu’on peut dire, que « à la poésie, il est une seule condition, le poète ». […] Mais on pourra déterminer ses conditions d’existence, découvrir la merveille intime d’une organisation où les parties se correspondent, se soutiennent et se renforcent, et se subordonnent enfin à une conception première, une préconception de beauté. […] Les conditions vitales de son œuvre c’est lui seul à nouveau qui les détermine.

107. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Il ne faut donc pas, en classifiant, se fier à des ressemblances d’organisation, en connexion avec les conditions du monde extérieur, de quelque importance qu’elles soient au bien-être de l’individu ou de l’espèce. […] Les ressemblances de structure que les embryons d’animaux très différents, mais de la même classe, peuvent avoir entre eux, n’ont souvent aucune relation directe avec leurs conditions d’existence. […] Aucun naturaliste ne suppose que la fourrure tigrée du Lionceau, ou les plumes tachetées des jeunes Merles, soient de quelque usage à ces animaux, ou qu’ils aient quelque rapport avec leurs conditions de vie particulières. […] Cette période d’activité peut du reste venir plus tôt ou plus tard ; mais à quelque moment qu’elle arrive, l’adaptation de la larve à ses conditions de vie est aussi parfaite et aussi admirable que chez l’animal adulte. […] Un organe utile sous de certaines conditions, peut devenir nuisible sous des conditions différentes, comme on l’a vu pour les ailes des Coléoptères qui vivent sur de petites îles exposées au vent ; et en pareil cas la sélection naturelle doit tendre lentement à résorber l’organe, jusqu’à ce qu’il cesse d’être nuisible en devenant rudimentaire.

108. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

La statuaire et l’épopée n’existent qu’à la condition d’une individualité héroïque. […] Ces conditions présentent toute la variété, toute la bizarrerie des divers tempéraments humains. […] Toute différence un peu profonde dans les conditions de la parole n’implique-t-elle pas une différence dans les conditions et jusque dans la nature de la pensée ? […] L’utilité d’un objet, loin d’être une des conditions de sa beauté, y met très souvent obstacle. […] Prose ou poésie ont toutes deux leur raison d’être dans certaines conditions sociales aussi bien que dans certaines conditions de l’âme et de la nature.

109. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

Comment donc, en ces conditions, osera-t-on parler de « Métaphysique positiviste » ou de « Positivisme métaphysique ?  […] Ils ne deviennent « scientifiques » qu’à cette condition, et ils le deviennent aussitôt qu’ils sont conçus comme tels. […] Et on a conclu de là qu’en tout cas, et bien loin d’être la condition ou la source même de toute réalité, son Inconnaissable n’était qu’une pure abstraction, une chimère, un mot vide. […] Nous ne connaissons rien que de relatif, ou en d’autres termes, nous ne connaissons rien que dans son rapport avec autre chose, et, par conséquent, sous la condition et au moyen d’autre chose. […] Il est ; mais est-il autre chose et quelque chose de plus qu’une condition de la pensée ?

110. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Réponse à M. Dubout. » pp. 305-316

La question est, exactement, de savoir si une personne est dans les conditions requises pour la confession sacramentelle dans l’instant où elle se vante d’avoir préparé un assassinat et où elle déclare, avec la plus furieuse insistance, qu’elle va l’accomplir. […] Vous m’avez invité à entendre votre pièce en qualité de critique ; par là (soyons de bonne foi), vous avez sollicité mon jugement sur elle et m’avez signifié implicitement que vous m’autorisiez à le produire, quel qu’il fût, — à la seule condition qu’il ne portât que sur votre ouvrage et qu’il demeurât purement littéraire. […] Et, pour en pouvoir exprimer votre immense dépit, non seulement par un papier public, — de quoi se fût contenté tout autre que vous, — mais dans des conditions choisies par vous, sous la même couverture où parurent les pages honnêtes qui vous ont fait saigner, et « à la même place et dans les mêmes caractères typographiques », vous avez dépensé plus d’obstination et plus d’énergie qu’il n’en faut pour faire son salut. […] Et : « Cela me fâche qu’on puisse dire que, même dans des pièces qui passent pour chefs-d’œuvre, certains effets dramatiques ont pour condition première l’inattention du public, sa facilité à être dupé, et presque sa sottise. »

111. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

. — D’après, ces principes, l’art est d’autant plus grand, selon Guyau, qu’il réalise mieux les deux conditions essentielles de cette société des sentiments. […] De là ce problème : — Sous quelles conditions un personnage est-il sympathique et a-t-il droit en quelque sorte d’entrer en société avec tous ? Guyau passe en revue ces conditions, dont la première et la plus fondamentale, est que l’être représenté par l’artiste soit vivant : « la vie, fût-ce celle d’un être inférieur, nous intéresse toujours par cela seul qu’elle est la vie ». […] En outre il est des types proprement sociaux, qui ont pour but de représenter l’homme d’une époque dans une société donnée ; or, les conditions de la société humaine sont de deux sortes : il y en a d’éternelles et il y en a de conventionnelles. […] Mais, si la vraie sociabilité des sentiments est la condition d’un naturalisme digne de ce nom, le romancier naturaliste, en voulant être d’une froideur absolue, arrive à être partial. « Il prend son point d’appui dans les natures antipathiques, au lieu de le prendre dans les natures sympathiques. » M. 

112. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre premier. Impossibilité de s’en tenir à l’étude de quelques grandes œuvres » pp. 108-111

Or, en sautant d’un grand homme à un autre, on risque de laisser des abîmes énormes entre deux d’entre eux, de faire croire qu’il y a des déserts dans la durée comme il y en a dans l’espace, de détruire le sentiment de cette continuité qui est la condition même de la vie. […] Il faut, par conséquent, se rendre compte des conditions auxquelles un homme est reconnu pour supérieur et comme sacré grand homme de son vivant. […] On connaît ce mot plaisant prêté à je ne sais plus quel chef de bandes indisciplinées : « Il faut bien que je les suive : je suis leur chef. » De même un grand homme n’est aussi reconnu pour tel qu’à condition d’aller dans le sens du courant qui l’entraîne et le porte.

113. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Lucrèce Borgia » (1833) »

C’est que ce sentiment sublime, chauffé selon certaines conditions, transformera sous vos yeux la créature dégradée ; c’est que l’être petit deviendra grand ; c’est que l’être difforme deviendra beau. […] Prenez la difformité morale la plus hideuse, la plus repoussante, la plus complète ; placez-la là où elle ressort le mieux, dans le cœur d’une femme, avec toutes les conditions de beauté physique et de la grandeur royale, qui donnent de la saillie au crime, et maintenant mêlez à toute cette difformité morale un sentiment pur, le plus pur que la femme puisse éprouver, le sentiment maternel ; dans votre monstre mettez une mère ; et le monstre intéressera, et le monstre fera pleurer, et cette créature qui faisait peur fera pitié, et cette âme difforme deviendra presque belle à vos yeux. […] Il sait bien que l’art seul, l’art pur, l’art proprement dit, n’exige pas tout cela du poète, mais il pense qu’au théâtre surtout il ne suffit pas de remplir seulement les conditions de l’art.

114. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Introduction »

Les naturalistes en réfèrent continuellement aux conditions extérieures, telles que le climat, la nourriture, etc., comme à la seule cause possible de variation. […] Il est évident qu’on ne saurait attribuer la structure de ce parasite, et ses rapports si compliqués avec plusieurs êtres organisés distincts, à l’influence des conditions extérieures, des habitudes, ou de la volonté de la plante elle-même. […] Comme il naît beaucoup plus d’individus qu’il n’en peut vivre, et comme, en conséquence, la lutte se renouvelle souvent entre eux au sujet des moyens d’existence, il s’ensuit que, si quelque être varie, si légèrement que ce puisse être, d’une manière qui lui soit personnellement utile sous des conditions de vie complexes, et quelquefois variables, il aura toute chance de survivre et sera ainsi naturellement élu ou choisi.

115. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

Qu’est-ce qu’un principe pratique qui ne peut exister qu’à condition d’être abstrait, et qui s’évanouit dès qu’on l’applique ? […] Or, comme la souveraineté, c’est-à-dire l’autorité et l’obéissance sont deux conditions, absolues aussi, de toute société grande et petite, voilà donc la preuve évidente que la souveraineté, c’est la nature. […] C’est la nature : elle seule était assez révélatrice des lois sociales pour inculquer à l’humanité cette condition de son existence ; elle seule était assez puissante pour faire obéir cette humanité, égoïste et toujours révoltée, à cette dure condition naturelle de la sociabilité qu’on nomme souveraineté. […] Le principe, c’est Dieu, qui a voulu que l’homme sociable et perfectible développât comme un magnifique spectacle devant lui ce phénomène matériel, et surtout intellectuel, et encore plus moral, de la société ; et c’est la nature, interprète de Dieu, qui a donné à l’homme dans tous ses instincts le germe de toutes ses lois et la condition absolue de cette souveraineté sans laquelle aucune société ne subsiste, parce qu’aucune loi n’est obéie. […] Mais la société politique doit-elle l’égalité des conditions et des biens à tous les hommes venant dans ce monde, rois ou sujets, nobles ou peuple, riches ou pauvres, avec l’avantage ou le désavantage de ce qu’on appelle le fait accompli ?

116. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

L’attention consciente, en réalisant ainsi une partie des conditions nécessaires à la perception, rend la perception plus facile. […] Dans le mot, l’idée cesse d’être une force, parce qu’elle ne paraît plus contenir en elle-même des conditions de changement pour d’autres états de conscience, corrélatives à des conditions de mouvement pour les molécules cérébrales. […] On a aussi raison de dire que la généralité est dans la forme de la pensée ; mais c’est à la condition qu’on se fasse une idée exacte de cette forme. […] Au reste, répétons qu’une seule expérience peut suffire pour déterminer l’antécédent véritable d’un phénomène, si l’on est certain que cet antécédent est la seule condition nouvelle qui ait été introduite dans l’ensemble des conditions préexistantes. […] Dès lors, si je recommence l’expérience dans les mêmes conditions, je suis sûr du même résultat.

117. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

La sympathie, l’aide réciproque, la véracité, le respect mutuel paraissent des conditions favorables à l’existence d’une société d’ordre élevé. […] Mais si les occasions où elle ne sert à rien sont la condition de son utilité en d’autres circonstances ? […] Et qui ne voit que la cruauté, ou tout au moins une large indifférence est la condition de toute vie ? […] Le contraire est vrai aussi, et de tout ce que nous avons, les autres profitent plus ou moins, mais il faut voir les deux faces de la réalité, et c’est la condition de l’ironie. […] L’ironie peut simplement diriger d’une main légère l’enthousiasme, lui rappeler sa condition humaine et s’effacer discrètement, sans trop s’éloigner, quand le moment en est venu.

118. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Ce sont là, en effet, les conditions désastreuses dans lesquelles une œuvre dramatique paraît sur le théâtre. […] Je ne sais si beaucoup de directeurs remplissent ces deux conditions. […] C’est la distinction qui importe et d’où se déduisent les conditions de la mise en scène. […] Je ne le crois pas : il n’y a pas de conditions dans le domaine de l’impossible. […] C’est une des conditions actuelles de la mise en scène.

119. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Il prit ses personnages en province, parce que ce fut là qu’il les trouva ; il les prit dans une condition médiocre, parce qu’elle faisait mieux ressortir la vanité de leurs prétentions. […] Il s’en trouve de toutes les conditions, hormis la pauvreté, qui n’a point de temps à perdre. […] N’y aurait-il pas eu effet de l’absurdité à choisir deux provinciales, pour attirer la risée sur deux femmes de la cour ; deux bourgeoises pour représenter le ridicule de femmes de haute naissance ; deux vieilles folles de petite condition, dont la vanité est de se faire une cour d’hommes de qualité, pour ridiculiser des femmes du premier rang, dont les hommes de la plus haute condition sont la société nécessaire, habituelle, sont les amis la famille ? […] L’habitude du travail en famille, la réunion de la mère de famille et de ses filles autour d’une taille de travail est le seul moyen d’enseigner les usages du monde où les jeunes personnes sont destinées à vivre, le seul moyen de donner à leur esprit le développement convenable, à leur langage la facilité et la mesure appropriées à leur condition. La gouvernante la plus à habile est d’une condition différente de son élève, et n’a jamais la bienséance rigoureusement nécessaire.

120. (1864) Études sur Shakespeare

Les sentiments universels, les idées naturelles, les relations simples, qui sont le fond de l’humanité et de la vie, s’énervent et s’altèrent dans une condition sociale toute d’exception et de privilège. […] Les ménestrels anglais ont traversé toute l’histoire de leur pays dans une condition plus ou moins brillante, mais toujours reconnue par la société, constatée par ses actes, déterminée par ses règlements. […] Ailleurs tout tendit à séparer les diverses conditions sociales, à isoler même les individus ; là tout concourut à les rapprocher, à les mettre en présence. […] C’est que le poëte en a saisi la condition fondamentale, qui consiste à placer le centre d’intérêt là où se trouve le centre d’action. […] Quand on embrasse la destinée humaine sous tous ses aspects et la nature humaine dans toutes les conditions de l’homme sur la terre, on entre en possession d’un trésor inépuisable.

121. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

À quelle condition, en effet, se rend-on compte ? […] À quelle condition y a-t-il intelligence pour nous ? […] À quelle condition y a-t-il mémoire ? à la condition du temps. […] À quelle condition y a-t-il Providence ?

122. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Pour peu qu’un homme de cette sorte ne soit plus placé dans les pires conditions, telles qu’il lui faille plier ou mourir, il sera plus malheureux qu’il ne changera. […] Mais rien de moins juste que cette conclusion ; elle conduirait à admettre que l’on choisit, en général, plus librement, par une nécessité intérieure moins altérée de motifs pratiques, les carrières et les conditions que les plaisirs. […] La condition d’un homme dépend, avec des variations peu étendues ou peu fréquentes, de celle des parents. La carrière est déterminée de même ou par cette condition, ou par des nécessités matérielles sur lesquelles il est inutile de s’étendre. […] Ces développements nous paraissent montrer à merveille ce qu’a d’inexact et de vague l’expression « milieu social » quand on la prend non plus au sens statique comme l’ensemble des conditions d’une société à un moment, mais au sens dynamique, comme une force assimilant certains êtres à ces conditions.

123. (1914) Boulevard et coulisses

Et nous verrons dans quelles conditions un jeune écrivain de vingt-cinq ans débutait dans ce milieu-là. Définir les conditions dans lesquelles débutent les écrivains, c’est un peu définir une société. […] La guerre de 1870 a modifié les conditions des débuts des jeunes écrivains autant qu’elle a imprimé de directions nouvelles aux mœurs françaises. […] Nous en menions une autre plus complexe et plus dure, soumise à plus de conditions. […] Alors, elle s’adapte d’une façon presque instantanée aux conditions de la scène : elle est le liquide qui prend la forme du vase.

124. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

Alors viennent les empiriques avec leur triste naïveté ; chacun d’eux a trouvé du premier coup ce qui embarrasse si fort les sages, chacun d’eux promet de pacifier toute chose, ne mettant qu’une condition au salut de la société, c’est qu’on les laisse faire. […] Il faut dire : le but de la société est la plus grande perfection possible de tous, et le bien-être matériel n’a de valeur qu’en tant qu’il est dans une certaine mesure la condition indispensable de la perfection intellectuelle. […] Ainsi, la liberté individuelle, l’émulation, la concurrence étant la condition de toute civilisation, mieux vaut l’iniquité actuelle que les travaux forcés du socialisme. […] Avec une moralité plus parfaite, des droits qui sont maintenant faux et dangereux seront incontestés ; car la condition de ces droits sera posée, et elle ne l’est pas encore 174. […] L’unité n’existe qu’à condition que des fonctions diverses concourent à une même fin ; elle suppose la hiérarchie des parties.

125. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Barbier, nous devons le dire, n’a manqué à aucune de ces deux conditions. […] La nouvelle série qu’il commence lui impose des conditions qu’il paraît ignorer. […] Sue n’a satisfait à aucune de ces conditions. […] Delavigne ne se préoccupent sérieusement des conditions littéraires du théâtre. […] Mais à quelles conditions l’histoire paraît-elle sur le théâtre ?

126. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

C’est donc qu’il n’a pas reconnu leur existence en observant de quelles conditions dépendait la chose qu’il étudie ; car alors il eût commencé par exposer les expériences d’où il a tiré cette conclusion. […] C’est la première et la plus indispensable condition de toute preuve et de toute vérification ; une théorie, en effet, ne peut être contrôlée que si l’on sait reconnaître les faits dont elle doit rendre compte. […] Les premiers correspondent aux conditions changeantes de la vie sociale, les seconds aux conditions constantes ; mais les uns ne sont pas plus artificiels que les autres. […] Dans ces conditions, en effet, la science, après les avoir signalés, n’aurait aucun moyen d’aller plus loin ; elle ne pourrait descendre plus bas dans la réalité, puisqu’il n’y aurait aucun rapport entre la surface et le fond. […] Or ceux qui se sont constitués en dehors de son action ne répondent pas à cette condition.

127. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

Comment se sont perfectionnées, par exemple, ces admirables adaptations des organes entre eux et aux conditions de vie ? […] J’ai donné le nom de sélection naturelle au principe en vertu duquel se conserve ainsi chaque variation légère, à condition qu’elle soit utile, afin de faire ressortir son analogie avec la méthode de sélection de l’homme. […] Or, puisqu’il naît un nombre d’individus supérieur à celui qui peut vivre, il doit donc exister une concurrence sérieuse, soit entre les individus de la même espèce, soit entre les individus d’espèces distinctes, soit enfin une lutte contre les conditions physiques de la vie. […] La seule explication satisfaisante de ce fait, c’est d’admettre que les conditions de vie leur ont été extrêmement favorables, qu’il y a eu conséquemment une moindre destruction des individus vieux ou jeunes, et que presque tous ces derniers ont pu se reproduire à leur tour. […] Nous aurions pu croire, au contraire, qu’une plante pouvait exister seule où les conditions de vie lui étaient assez favorables pour que beaucoup puissent exister ensemble afin de sauver ainsi l’espèce d’entière destruction.

128. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Oui, à la condition que nous y prenions notre bien propre, la vérité du cœur humain, oh il peut y avoir des découvreurs et des premiers occupants de toutes les nations. […] Bouhours voulait du vrai, à la condition d’être orné. […] Au dix-septième siècle, on le recommandait, sans y mettre la périlleuse condition de l’orner. […] Or, une fois qu’on fait des conditions au vrai, qu’on le veut d’une certains façon et non d’une autre, c’en est fait, on appartient au faux, et ce qu’on garde d’estime au vrai n’est que du respect humain.

129. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre V. L’Analyse et la Physique. »

L’expérience se fait dans des conditions toujours complexes, l’énoncé de la loi élimine ces complications. […] Mais elle peut prendre bien des formes ; car une pareille équation ne suffit pas pour déterminer la fonction inconnue, il faut y adjoindre des conditions complémentaires qu’on appelle conditions aux limites ; d’où bien des problèmes différents. […] On comprendra mieux ce paradoxe apparent, en se rappelant dans quelles conditions le nombre s’applique aux phénomènes naturels.

130. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre I : Une doctrine littéraire »

Plus on connaît de grandes œuvres dans des temps et dans des pays différents, plus il devient difficile de ramener à des principes généraux et à des lois communes tant d’écrits nés dans des conditions très-diverses et sous des inspirations opposées. […] Ce n’est pas à dire que les vérités scientifiques ne puissent entrer dans la littérature, mais c’est à la condition qu’elles se mêlent à des vérités humaines et qu’elles touchent à l’homme par quelques côtés, soit en lui exposant l’histoire de la terre, son domicile et son séjour, soit en lui décrivant le spectacle des astres, symbole et image du monde invisible dont son âme ressent l’éternel besoin, soit en lui peignant les mœurs des animaux, qui sont une image des mœurs humaines. […] L’imagination (et j’entends par là tout mouvement donné à la pensée) n’est donc pas une condition accessoire ou subordonnée dans les œuvres littéraires : elle y est essentielle, comme la couleur en peinture. […] Chacune de ces raisons cherche à apercevoir une parcelle de vérité, et, si cette somme de vérités augmente, c’est à la condition qu’il y ait de ces chercheurs que vous appelez des chimériques ou des utopistes, qui ne trouvent pas toujours ce qu’ils cherchent et trouvent ce qu’ils ne cherchent pas.

131. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Les phénomènes physiologiques ont pour condition, en effet, les phénomènes physico-chimiques. […] Mais ces phénomènes physico-chimiques ont eux-mêmes pour condition les phénomènes mécaniques. […] Enlevez-le à ces conditions, donnez-lui une aisance qui lui permette le décor de ses fantaisies. […] Penser scientifiquement, c’est établir les conditions suffisantes et nécessaires des faits. […] Ce serait aussi détruire les conditions nécessaires au développement de l’Art et de la Science.

132. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Tolérance »

Les jeunes gens doivent songer qu’ils seront probablement traités par leurs cadets comme ils traitent aujourd’hui leurs aînés : c’est presque une loi, une condition du progrès, chose oscillatoire, que les générations s’opposent entre elles en se succédant. […] Vous êtes pour cela dans des conditions excellentes : vous êtes tous nés sous la République. […] De l’extrême droite à la gauche la plus avancée, quel est l’homme qui n’affirme souhaiter toute la liberté compatible avec les conditions d’existence de la société, et la diminution de l’injustice et de la souffrance dans le monde, dût-il lui en coûter de sérieux sacrifices personnels ?

133. (1890) L’avenir de la science « XIV »

Il ne doit pas seulement laisser faire ; il doit fournir à l’homme les conditions de son perfectionnement. […] Il ne faut pas espérer que le savant puisse sortir de la condition commune et se passer du pain matériel. […] La première condition est déjà remplie.

134. (1913) Le bovarysme « Deuxième partie : Le Bovarysme de la vérité — III »

III Sous ce nouveau jour et dans ces conditions nouvelles, le pouvoir départi à l’homme de se concevoir autre qu’il n’est va reconquérir sans conteste la place que lui assigne son caractère d’universalité. […] Ainsi la loi d’une chose en mouvement et qui n’existe qu’à la condition d’être toujours divisée avec elle-même, de n’atteindre jamais à un état de repos, c’est de devenir à tout moment autre qu’elle n’est.

135. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

Aussi n’est-il aucun de nos sens qui n’ait été surpassé de beaucoup par l’organe correspondant de quelque autre espèce animale, pour laquelle une plus grande finesse de perception était une condition d’existence : nous n’avons ni l’œil de l’aigle ni l’odorat du chien. […] Il y a donc là des combinaisons de mouvements organiques qui ont comme résultat final une sensation de qualité déterminée, et les relations mathématiques n’expriment que les conditions de production. […] Nous ne pouvons déterminer les marques du rouge ou du bleu ni par la réflexion la plus profonde, ni par la recherche minutieuse des conditions dans lesquelles la sensation se produit. […] Ce fait, c’est qu’il y a des sensations dont nous ignorons les conditions et les causes, dont nous ne pouvons même discerner les éléments, mais qui cependant sont immédiatement saisies par la conscience. […] Les relations entre les éléments sensitifs de la conscience sont des conditions de la sensation générale, mais ils n’en sont pas plus les constituants que les rapports numériques, conditions d’un accord, ne constituent l’accord même.

136. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Quelle est donc la race qui n’ait pas suivi le cours régulier de naissance, de croissance, de décadence et de mort, conditions de ces collections d’hommes comme de l’homme lui-même, soumis à ces quatre phénomènes de la vie, naître, croître, vieillir et mourir ? […] Mais ce mot de progrès dans le bonheur jure avec l’immuable condition de l’homme ici-bas. […] « Est-ce que la brièveté, l’imperfection, la douleur, la mort seraient les conditions fatales de tout être créé, c’est-à-dire borné ? […] … Nous croyons plus beau et plus viril de regarder en face le malheur sacré de notre condition humaine que de le nier ou d’en assoupir en nous le sentiment avec de l’opium. […] Thierry, nous fournit une frappante et pathétique image de cette condition transitoire des civilisations humaines.

137. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Ceci ne contredit point la démocratie, cela peut l’honorer au contraire, car il y a une noblesse de sentiments et de mœurs dans toutes les conditions, et toutes les familles ont des ancêtres sous le chaume comme dans le palais. […] Ces trois conditions sont : un amour, une foi, un caractère. Nous venons de voir que la première de ces conditions, un saint amour, un amour de Béatrice ou de Laure, avait malheureusement manqué à M. de Musset. […] La troisième condition, un caractère, ne lui a pas moins manqué. […] Mais enfin pour être vrai il faut reconnaître que l’absence de ces trois conditions qui font seules la grande poésie : l’amour, la foi, le caractère, lui manquent comme elles manquèrent à un homme du dix-septième siècle avec lequel il a une lointaine ressemblance, la Fontaine.

138. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Je ne prendrai pas pour exemple, dans ce volume même, tout ce qui tient au blocus continental et à ces questions de douanes qu’il fait suffisamment comprendre, à la seule condition d’y donner tout leur développement : mais si l’on s’attache à cette expédition de Masséna en Portugal, expédition ingrate s’il en fut, pleine de mécomptes, où tout avorte, où les combats acharnés restent indécis, où personne n’a d’illusions, et où, si peu qu’on en ait, le résultat trouve encore moyen de tromper un reste d’espérance ; si l’on suit cette expédition dans l’Histoire de M.  […] Quant à ses lieutenants qui vers la fin lui font faute par excès de lassitude et se refusent à ce qu’il attendait d’eux pour une revanche possible encore, mais tardive, l’historien dit très bien ici, par une de ces pensées morales qu’il ne prodigue pas, mais qu’il sait aussi rencontrer : « Les hommes habitués au danger le bravent toutes les fois qu’il le faut, mais à condition qu’il ne soit pas sorti de leur pensée et qu’ils y aient à l’avance disposé leur âme. » Dans la relation qu’il fait des diverses opérations de guerre, l’historien ne manque jamais de noter les points faibles et sujets à la critique. […] Il veut savoir, il veut s’expliquer le mouvement des choses humaines, mais se l’expliquer d’une manière si particulière, si précise, si appropriée à chaque ordre de faits et à chaque branche d’affaires, que cette seule connaissance, pourvu qu’on y atteigne, lui paraît constituer la condition fondamentale, l’essence même de l’histoire ; il appelle cela l’intelligence. […] Il fait d’une remarque juste un semblant de système ; d’une condition essentielle qu’il nomme d’un nom nouveau, il fait la condition unique et universelle.

139. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

Nulle part peut-être, excepté à Édimbourg et en remontant à quelques années en arrière, on n’aurait trouvé réunis sur un aussi petit espace et dans des conditions de société plus favorables une aussi grande variété d’esprits, de talents et d’idées, une culture aussi diverse, aussi complète, et aussi honorablement désintéressée, de toutes les branches de l’intelligence, un ensemble aussi supérieur, aussi éclairé, aussi paisiblement animé, aussi honnête. […] Et toutefois, après qu’on a bien envié ce bonheur d’une étude libre, ornée, active et oisive, ayant à elle une belle galerie bâtie tout exprès, remplie de livres, décorée de tableaux, de statues, et en vue d’un lac magnifique, on reconnaît tout bas, à la manière même dont il a usé de ses dons et de ses avantages, qu’il y a autre chose à faire encore qu’à jouir ainsi ; que, si noble et utile qu’ait été son exemple parmi ses compatriotes et pour ceux, qui le consultaient de près, il n’a pas donné tout ce qu’il aurait pu, et qu’un peu de contrainte, un peu de nécessité ne nuit pas ; que c’est sous ces rudes conditions seulement que l’homme, moitié de bon gré, moitié à son corps défendant, tire de lui-même, de son foyer et de ses couches intérieures, tout l’art, toute l’industrie dont il est capable, et le peu d’or qu’il doit à tous. […] Il y a les éléments d’un tableau complet des lettres en Italie et de la condition des savants dans ce siècle. […] Même dans nos conditions toutes modernes, on peut observer à l’égard du dernier grand homme de cet ordre, la facilité et la propension naturelle à ce qu’il en soit ainsi : la transfiguration populaire s’opère malgré tout et à la face de l’histoire. […] J’aurais aimé à ce qu’il établît quelques-unes des conditions, essentielles qui s’appliquent à tout fait, à tout phénomène historique du même genre. — Mon Dieu !

140. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Cette condition réduisit le cœur de Jean-Jacques à ses parties jouisseuses et rêveuses. […] Rousseau a beaucoup vécu dans la condition de parasite. […] Retour à la condition première. […] Il faut qu’il soit la condition et le signe du génie. […] Mais la première condition d’un style est la convenance, la probité.

141. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

On veut dire que l’antécédent est suffisant et complet, qu’il n’y a pas besoin d’en supposer un autre que lui, qu’il contient toutes les conditions requises, que nulle autre condition n’est exigée. Succéder sans condition, voilà toute la notion d’effet et de cause. […] Laissons donc ces illusions psychologiques, et cherchons simplement, sous le nom d’effet et de cause, les phénomènes, qui forment des couples sans exception ni condition. […] L’expérience a beau faire, elle ne peut supprimer ces diversités qui la fondent. —  D’autre part, l’expérience a beau faire, elle ne peut se soustraire aux conditions dans lesquelles elle agit. […] Leur liaison est donc absolue et universelle, et nous possédons des vérités qui ne souffrent ni doute, ni limites, ni conditions, ni restrictions.

142. (1864) Le positivisme anglais. Étude sur Stuart Mill

On veut dire que l’antécédent est suffisant et complet, qu’il n’y a pas besoin d’en supposer un autre que lui, qu’il contient toutes les conditions requises, que nulle autre condition n’est exigée. Succéder sans condition, voilà toute la notion d’effet et de cause. […] Laissons donc ces illusions psychologiques, et cherchons simplement, sous le nom d’effet et de cause, les phénomènes qui forment des couples sans exception ni condition. […] D’autre part, l’expérience a beau faire, elle ne peut se soustraire aux conditions dans lesquelles elle agit. […] Leur liaison est donc absolue et universelle, et nous possédons des vérités qui ne souffrent ni doute, ni limites, ni conditions, ni restrictions.

143. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Il était comme un joueur qui jouerait à la condition d’être fusillé s’il perd une partie. […] Il ne peut être bon qu’à former un corps de notables, et encore à condition que l’élection se fasse dans une forme que nous spécifierons plus tard. […] Dans quelles conditions va se produire cette existence d’outre tombe ? […] Paris ne saurait avoir ni maire, ni conseil élu dans les conditions ordinaires, ni garde civique. […] La liberté de penser, alliée à la haute culture, loin d’affaiblir un pays, est une condition du grand développement de l’intelligence.

144. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Avant donc de chercher les conditions sociologiques du succès des idées égalitaires, il importe de prouver ce succès même, et qu’elles existent bien, dans la réalité historique, comme idées sociales. Dans deux cas en effet une étude sociologique des conditions de l’égalitarisme serait par avance inutile : non seulement si l’égalitarisme ne se montrait, de fait, dans aucune société, mais encore s’il se montrait dans toutes les sociétés. […] Ce n’est pas seulement la faculté de contribuer au gouvernement, mais celle d’être également protégés par les lois, d’accéder sous les mêmes conditions aux fonctions publiques, celle même de participer aux richesses collectives, qu’elles tentent de distribuer à tous leurs membres : elles ne veulent l’égalité politique que parce qu’elles veulent l’égalité juridique, civile, économique. […] Avant de fixer, s’il y a lieu, l’ordre de succession de leurs formes, nous voulons d’abord observer en fonction de quelles conditions ces formes varient. […] Ils sont nombreux et de toutes conditions les Romains qui philosophent et demandent à la philosophie des maximes de conduite.

145. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre I. Les travaux contemporains »

Les physiologistes positifs ont l’habitude de reprocher aux philosophes de ne pas aborder ces questions avec assez d’impartialité : ils leur reprochent de partir de certaines idées préconçues, de certaines hypothèses métaphysiques, et au nom de ces hypothèses, d’opposer une sorte de fin de non-recevoir à toutes les recherches expérimentales sur les conditions physiologiques de la pensée. […] Je veux bien que dans l’examen des faits on ne suppose rien d’avance ; mais la condition doit être égale de part et d’autre. […] Quoi qu’il en soit, allons au fait, et cherchons à résumer, je ne dirai pas notre science, mais notre ignorance sur le siège et les conditions organiques de l’intelligence humaine.

146. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 21, du choix des sujets des comedies, où il en faut mettre la scene, des comedies romaines » pp. 157-170

Les tragedies dont les moeurs et les personnages étoient romains, s’appelloient praetextatae ou praetextae, du nom de l’habit que les personnes de condition portoient à Rome. […] Les pieces du premier caractere étoient très-serieuses, et l’on y introduisoit même des personnages de condition, ce qui les fait appeller quelquefois praetextatae. […] Leur nom venoit de taberna qui signifioit proprement un lieu de rendez-vous propre à rassembler les personnes de conditions differentes qui joüoient un rolle dans ces pieces.

147. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Il suffit de considérer à quelles conditions, en France, on est écrivain, pour se convaincre que c’est une langue toute d’appropriation et de communication. […] Dans les principales conditions de notre langue — je veux bien ne pas dire privilèges, pour échapper à l’envie, — la clarté, la précision, la propriété, la liaison, qu’y a-t-il pour la commodité de l’écrivain ? […] Mais elles sont, pour ainsi dire, au hasard du génie ; quiconque les voudrait imposer comme des conditions ne serait pas souffert. […] On se garde bien de faire des conditions dures à qui est si nécessaire, ici comme amusement, là comme occupation unique. […] Là, toutes ces conditions sont des servitudes pour l’écrivain.

148. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Discerner les étapes de l’humanité, leurs conditions, leur succession, ce serait deviner un peu le rythme de l’intelligence humaine et nous mettre en garde contre le gaspillage insensé de nos vies. […] C’est un critère psychologique, à la fois précis et souple, qui coordonne les phénomènes littéraires en les rattachant aux conditions politiques et sociales d’un moment déterminé et d’un certain groupe humain. […] des conditions du sol et autres raisons physiques ? […] Le système de la féodalité se ramène à un principe de solidarité : protection des plus faibles par un plus fort, à des conditions précises. […] Dans la réalité quotidienne, il est aisé de constater des différences entre hommes de même âge, de même province, de même père et de même mère ; et d’autre part des ressemblances frappantes entre individus d’origines et de conditions fort diverses.

149. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

Cette condition de notre développement intellectuel a été vivement sentie depuis longtemps par Kepler, pour l’astronomie, et justement appréciée de nos jours par Berthollet, pour la chimie. […] Sans cette condition, il est bien difficile de sentir et impossible de juger les réflexions philosophiques dont ces sciences seront les sujets. […] Ces deux grandes conditions une fois remplies, et il est évident qu’elles peuvent l’être, la division du travail dans les sciences sera poussée, sans aucun danger, aussi loin que le développement des divers ordres de connaissances l’exigera. […] Notre mal le plus grave consiste, en effet, dans cette profonde divergence qui existe maintenant entre tous les esprits relativement à toutes les maximes fondamentales dont la fixité est la première condition d’un véritable ordre social. […] Mais cette condition n’est nullement nécessaire à sa formation systématique, non plus qu’à la réalisation des grandes et heureuses conséquences que nous l’avons vue destinée à produire.

150. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

D’Aubigné, passionné qu’il est, entêté d’une cause, chatouilleux, railleur, un peu vain, n’est pas tout à fait dans les conditions d’un curieux accompli et à qui rien ne coûte pour s’insinuer et pour apprendre. […] Ce n’est pas seulement aux nobles et aux chevaliers qu’il s’adresse : Je demande aussi à tous ceux qui savent les noms de plusieurs simples soldats que j’ai marqués comme j’ai pu, pour avoir commencé l’impulsion dans un combat, servi de guide à une brèche, ou mis le premier le genou sur les créneaux ou retranchements, qu’il leur plaise m’aider de tels noms sans avoir égard à la pauvre extraction et condition ; car ceux-là montent davantage qui commencent de plus bas lieu. […] Parlant du connétable de Montmorency, blessé à mort dans la bataille de Saint-Denis à l’âge de soixante-quatorze ans ; après quelques détails sur l’action, il dit : Il faut venir au connétable, lequel le lendemain mourut chargé de six coups, en âge, en lieu et condition honorables ; grand capitaine, bon serviteur, mauvais ami ; profitant des inventions, labeurs et pertes d’autrui, agissant par ruses, mais à leur défaut usant de sa valeur. […] Cependant d’O, à la tête de plusieurs gentilshommes catholiques, vient porter la parole et sommer en quelque sorte Henri IV, en recueillant la couronne, d’en accepter en même temps toutes les conditions : la première est de rentrer au giron de l’Église ; c’est à ce prix qu’il dépouillera du coup le roi de Navarre et ses misères pour revêtir d’emblée le bonheur et l’excellence d’un roi de France.

151. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre I : De la méthode en psychologie »

Il ne faut pas oublier que les lois de l’esprit peuvent être des lois dérivées des lois de la vie animale, et que par conséquent elles peuvent dépendre en dernière analyse des conditions physiques... […] Cela explique leur caractère d’infini, sans rien introduire de « nécessaire. » Il se peut que le temps et l’espace aient des limites, mais dans notre condition présente nous sommes totalement incapables de les concevoir. […] S’il y a du matérialisme à essayer de déterminer les conditions matérielles de nos opérations mentales, toutes les théories de l’esprit un peu compréhensives peuvent être taxées, en ce cas, de matérialisme. […] D’après cette définition, l’éthologie est la science qui correspond à l’art de l’éducation, au sens le plus large du mot, en y comprenant la formation des caractères nationaux ou collectifs aussi bien que des caractères individuels. » « L’éthologie peut être appelée la science exacte de la nature humaine », mais elle n’est exacte qu’à condition d’affirmer des tendances, non des faits.

152. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

Les conditions de l’état de santé varient d’un peuple à l’autre et ne peuvent être déterminées théoriquement ; c’est affaire de pratique, d’expérience, de tâtonnements. […] Il est inexact, en effet, que la science ne puisse instituer de lois qu’après avoir passé en revue tous les faits qu’elles expriment, ni former de genres qu’après avoir décrit, dans leur intégralité, les individus qu’ils comprennent, La vraie méthode expérimentale tend plutôt à substituer aux faits vulgaires, qui ne sont démonstratifs qu’à condition d’être très nombreux et qui, par suite, ne permettent que des conclusions toujours suspectes, des faits décisifs ou cruciaux, comme disait Bacon50, qui, par eux-mêmes et indépendamment de leur nombre, ont une valeur et un intérêt scientifiques. […] Dans ces conditions, elle ne servira pas seulement à mettre un peu d’ordre dans des connaissances toutes faites ; elle servira à en faire. […] « Nous n’avons rien de mieux à faire, dit-il, que de considérer comme une société simple celle qui forme un tout non assujetti à un autre et dont les parties coopèrent, avec ou sans centre régulateur, en vue de certaines fins d’intérêt public53. » Mais il y a nombre de peuples qui satisfont à cette condition.

153. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

Trouvez-moi donc la place, la durée, les éléments d’une humanité parfaite dans cet abrégé de brièveté, d’imperfections et de souffrances inhérentes à notre condition fatale ! […] N’est-ce pas misère que de naître à l’heure et dans les conditions qu’on n’a ni délibérées, ni choisies, pour subir tous les maux inhérents à l’organisation imparfaite et périssable de cette créature appelée l’homme ? […] N’est-ce pas misère que ces infirmités, ces maladies inévitables qui nous privent, nous vivants, d’un de ces sens si bornés dont la nature nous a si parcimonieusement doués en naissant, comme conditions nécessaires à notre existence ? […] Misères de la condition sociale, qui n’ont de remèdes pour l’un qu’en les déplaçant pour l’autre ! […] À cette condition, on donne au genre humain le patron de l’idéal.

154. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « Introduction »

Leur science n’a donc pu se constituer et se développer qu’à cette condition : laisser au début tout un ensemble de questions non résolues et abandonnées aux discussions des philosophes. […] Nous pouvons comprendre maintenant, par ce qui précède, à quelles conditions les sciences particulières encore adhérentes à la philosophie pourront s’en rendre indépendantes. […] C’est la condition absolue de leur existence comme sciences exactes et capables de progrès. […] Assurément, personne ne croit plus que nous à la nécessité de ce mode d’observation : elle est le point de départ, la condition indispensable de toute psychologie, et ceux qui l’ont nié, comme Broussais et Aug. […] En un mot, étude constante des faits et séparation d’avec la métaphysique : telles sont les conditions de l’indépendance.

155. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XVI. Le dévouement de yamadou havé »

Il proposa aux Peuhl de leur préparer un grigri qui leur assurerait la victoire malgré leur grande infériorité numérique : « Mais, ajouta-t-il, il vous faudra souscrire à la condition que je vais vous poser… » « — Parle ! […] « — Voici ma condition : vous fixerez ce grigri à la pointe d’une flèche.

156. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Il a tort, je le sais ; il est maître, après tout, d’accepter ou de rejeter la condition. […] Saint-Réal avait compris les conditions de l’histoire dans les temps modernes ; il en avait pressenti les progrès. […] » S’il est vrai que le roman de Lesage soit le tableau de la vie humaine, le héros doit être un personnage moyen, touchant par son caractère à tous les caractères, les saints et les coquins exceptés ; par sa condition à toutes les conditions ; ni bon ni méchant, quoique plus loin de la méchanceté que de la bonté, et, pour dernier trait moyen, ayant sa fortune à faire. […] Sur un fond qui reste le même, il jette les diversités des conditions et des caractères. […] » Dans le doute, il n’ira donc pas jusqu’à proposer la suppression des verges ; mais s’il consent à ce que l’usage en soit maintenu, sa bonté se dédommage par les conditions qu’il y met.

157. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Chez Henri Heine l’intelligence et la sensibilité se balançaient presque et ce qui se remarque dans son œuvre, c’est la condition particulière d’instabilité de ses sentiments. […] Il nous a paru que nous avions saisi ainsi, la condition même de cette tendance à la sur-analyse, et par suite à l’impuissance volitionnelle, qui se marque chez un grand nombre de travailleurs de l’esprit. […] En présence de ce naufrage, on peut mesurer toutes les conditions d’équilibre délicat que doivent réaliser les départements intellectuels d’un écrivain pour qu’il puisse subsister. […] James Sully comme condition du bonheur, cette forte discipline de la volonté qui conduit à réaliser les désirs possibles et à se détourner des désirs insensés. […] De bas en haut la civilisation moderne est en condition de souffrance croissante.

158. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

Involontairement, nous fixons en un point de l’espace chacun des moments que nous comptons, et c’est à cette condition seulement que les unités abstraites forment une somme. […] Si, pour compter les faits de conscience, nous devons les représenter symboliquement dans l’espace, n’est-il pas vraisemblable que cette représentation symbolique modifiera les conditions normales de la perception interne ? […] Or, précisément pour cette raison, la science n’opère sur le temps et le mouvement qu’à la condition d’en éliminer d’abord l’élément essentiel et qualitatif — du temps la durée, et du mouvement la mobilité. […] Le rêve nous place précisément dans ces conditions ; car le sommeil, en ralentissant le jeu des fonctions organiques, modifie surtout la surface de communication entre le moi et les choses extérieures. […] Pourtant cette différence échappe à l’attention de la plupart ; on ne s’en apercevra guère qu’à la condition d’en être averti, et de s’interroger alors scrupuleusement soi-même.

159. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Définition de l’Épopée ; ses trois espèces, héroïque, héroï-comique, et satirique ; énumération de ses vingt-quatre conditions. […] Il s’en faut de peu que toutes leurs conditions ne soient pareilles. […] Enfin la réunion de ces diverses conditions remplies ne produit-elle pas le complément du récit en vers d’une action héroïque et merveilleuse ? […] Nous ne parlons en ce lieu que de la condition du fait : celui de la Jérusalem délivrée me paraît un des meilleurs. […] L’importance de la condition du merveilleux dans l’épopée égale celle de la terreur et de la pitié dans la tragédie, et celle du ridicule dans la comédie : chacune de ces conditions est majeure dans le genre auquel elle s’applique.

160. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

C’est à cette condition seulement que le rang de Gabrielle à la Cour avait une excuse spécieuse, une couleur. […] Que si l’on obtenait des femmes par souhait, afin de ne me repentir point d’un si hasardeux marché, ajoute-t-il, j’en aurais une, laquelle aurait, entre autres bonnes parties, sept conditions principales, à savoir : beauté en la personne, pudicité en la vie, complaisance en l’humeur, habileté en esprit, fécondité en génération, éminence en extraction, et grands États en possession. […] Au-dedans du royaume, il cherche encore parmi les princesses ; il nomme sa nièce de Guise, sa cousine de Rohan, la fille de sa cousine de Conti ; à toutes il trouve des inconvénients encore, et conclut à la normande en disant : Mais quand elles m’agréeraient toutes, qui est-ce qui m’assurera que j’y rencontrerai conjointement les trois principales conditions que j’y désire, et sans lesquelles je ne voudrais point de femme : à savoir qu’elles me feront des fils, qu’elles seront d’humeur douce et complaisante, et d’esprit habile pour me soulager aux affaires sédentaires et pour bien régir mon État et mes enfants, s’il venait faute de moi avant qu’ils eussent âge ? […] Bref, le roi insistant toujours sur ces trois conditions dont il veut être sûr à l’avance, que la femme en question soit belle, qu’elle soit d’humeur douce et complaisante, et qu’elle lui fasse des fils, Sully, de son côté, tenant bon et se retranchant à dire qu’il n’en connaît pas avec certitude de telles, et qu’il faudrait en avoir fait l’essai au préalable pour savoir ces choses, Henri finit par livrer son mot, le mot du cœur : « Et que direz-vous si je vous en nomme une ?  […] Mais je vois bien où vous en voulez venir en faisant ainsi le niais et l’ignorant, c’est en intention de me la faire nommer, et je le ferai. » Et il nomme sa maîtresse Gabrielle comme réunissant évidemment les trois conditions : « Non que pour cela, ajoute-t-il un peu honteusement et en faisant retraite à demi, non que je veuille dire que j’aie pensé à l’épouser, mais seulement pour savoir ce que vous en diriez, si, faute d’autre, cela me venait quelque jour en fantaisie. » On voit quelle vive et vraie conversation il s’est tenu entre le roi et Sully dans ce jardin à Rennes ; il n’y a manqué pour faire une excellente scène de comédie historique que d’avoir été racontée par les secrétaires un peu plus légèrement.

161. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

M’aperçois-je jamais que je suis riche, sinon par la contrainte que ma condition m’impose ? […] » — Ces femmes parlent de notre condition avec autant d’ignorance que ceux d’une condition inférieure parlent de celle d’une duchesse ou d’une princesse. […] Bonstetten, lui, n’a rien de cette ambiguïté, de cette odieuse condition d’amphibie ; il écrit comme il parle, et il parle en même temps qu’il pense ; je laisse aux Allemands le soin de le qualifier par le côté qui leur appartient, mais en tant qu’il nous regarde et qu’il s’adresse à nous, il est, comme Grimm, un des nôtres. […] Une fois, mon salon était rempli d’hôtes de condition, d’Émigrés nouvellement arrivés qui devaient dîner avec moi ; je suis appelé pour une affaire imprévue ; en sortant du salon pour passer dans mon cabinet, je ferme étourdiment la porte à double tour, et mets la clef dans ma poche.

/ 1968